Jusqu’au 22 janvier 2017 à la Fondation Beyeler Cette exposition me fait penser à la pièce de Jean Michel Ribes, Musée Haut, Musée Bas. En effet une comédienne, en l’occurrence dans la version télévisée, c’est Muriel Robin, qui parcourait toutes les salles du musée, à la recherche des « Kandinsky ».
Il n’y avait que Kandinsky qui l’intéressait. C’est à Riehen à la Fondation Beyeler qu’il lui faut venir, car des Kandinsky, il y en a tout un choix, de toutes les tailles, des presque figuratifs, des abstraits, des cavaliers, des musicaux, en provenance de musées
prestigieux, mais aussi de collectionneurs privés.
Pourquoi ce nom de Cavalier Bleu ? Parce que Kandinsky aimait les chevaux et Mac
le bleu. aussi d’un commun accord ont-ils convenus d’appeler leur almanach : DER Blaue Reiter. Kandinsky, Der Blaue Berg 1808/9
Der Blaue Reiter : tel est le titre du légendaire almanach édité par Wassily Kandinsky(1866–1944) et Franz Marc (1880–1916), qui fut publié à Munich en 1912. Kandinsky et Marcavaient rassemblé dans ce recueil des textes et des images issus de cultures diverses, réalisés par différents artistes. Cet almanach devait être l’expression de la nécessité d’une transformation radicale des arts en ce début du XXe siècle. Il témoigne d’une nouvelle appréhension de l’art et du monde, révolutionnaire pour l’époque, qui ne s’attachait plus à reproduire la réalité visible mais à illustrer des interrogations mentales. Ce souci s’exprime avant tout par une libération de la couleur inspirée par le paysage des Pré-alpes au sud de Munich.
Wassily Kandinsky Composition VII, 1913 Huile sur toile, 200 x 300 cm Galerie d’État Tretiakov, Moscou S’y ajoute un élément particulièrement important : le rythme, qui naît de l’activité du regard au contact du tableau. Les tableaux de Kandinsky ne sont pas l’expression de gestes picturaux. Mais dans l’idéal, l’interaction entre spectateur et oeuvre engendre un rythme optique, qui trouve une analogie en musique. À partir de 1910, Franz Marc et Maria Franck vécurent ensemble à Sindelsdorf,
à 15 kilomètres de Murnau. La rencontre entre Kandinsky et Marc au début de 1911 donna l’impulsion décisive à lapublication de l’Almanach Der Blaue Reiter, que les deux hommes publièrent ensemble. Bien qu’unis par l’aspiration à un renouvellement culturel, ils se distinguaient nettement par leurs formes d’expression artistique. Cette différence apparaît clairement lorsqu’onobserve les deux tableaux que Marc et Kandinsky échangèrent pour sceller leur amitié et qui, pour la toute première fois, sont présentés ensemble l’exposition. Le tableau intitulé Traum [« Rêve »] que Marc offrit à Kandinsky et qui appartient aujourd’hui à la collection du musée Thyssen-Bornemiszarévèle par son univers chromatique homogène, constitué d’une multiplicité de formes parmi lesquelles ses emblématiques chevaux bleus, l’intérêt de l’artiste pour la représentation d’une nature expressive. Le présent de Kandinsky à Marc, l’Improvisation 12 au sous-titre caractéristique Der Reiter [« Le Cavalier »] (Bayerische Staatsgemäldesammlung, Munich), témoigne de sa volonté de traduire en image la dynamique du geste par des couleurs éclatantes et par la dissolution de la figuration. Marc ne s’attachait pas à la reproduction d’un animal mais à la représentation de son essence, expression d’une nature archaïque et intacte. Il faut replacer la fête de l’âme animale que célèbrent sestoiles dans le contexte de la naissance, peu avant la Première Guerre mondiale, du mouvement pour laprotection animale ; ce mouvement semble incarner un monde hostile au progrès technique et coïncider ainsi avec la tendance critique à l’égard du progrès, toujours présente notamment dans la société allemande. On peut voir dans cette exposition une sélection des principauxtableaux d’animaux de Marc et surtout une toile très rarement montrée de nos jours, véritable sommet de son art,Die grossen blauen Pferde [« Les grands chevaux bleus »] (Walker Art Center, Minneapolis). Plus encore que pour Marc, mort il y a un siècle, le 4 mars 1916, sur le champ de bataille de Verdun, ( à cheval) on éprouve une impression d’inachevé en contemplant l’oeuvre d’August Macke, tombé dès le début dela Première Guerre mondiale. Ses tableaux cherchent à associer composition chromatique abstraite et figuration. À la différence des autres représentants du Blaue Reiter, il décrit des scènes de la vie moderne, présentées simultanément sous plusieurs angles de vue grâce à des structures chromatiques cubistes. Une salle de l’exposition est principalement consacrée à ses toiles, et notamment à desoeuvres qui n’ont pas été exposées depuis longtemps et montrent bien le potentiel de cet artiste. Franz Marc, le renard Bleu 1911 Celui-ci a également offert une des meilleures contributions à l’Almanach Der Blaue Reiter avec son texte intitulé « Masken » [« Masques »]. Des travaux de Robert Delaunay, Heinrich Campendonk, du compositeur et peintre Arnold Schönberg et de David Burljuk complètent le choix de peintresprésentés. Une salle centrale est consacrée à l’Almanach Der Blaue Reiter qui, soucieuxde créer une nouvelle vision du monde, illustre à l’aide de nombreuses reproductions les synergies entre musique et arts visuels, constituant ainsi une forme d’oeuvre d’art totale.
Une installation particulière présente un choix de combinaisons d’images juxtaposant reproductions de l’Almanach et originaux. Le terme chronologique de cette exposition coïncide avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, qui marqua la fin de la collaboration du groupe.
La catastrophe à venir s’annonce particulièrement dans
l’oeuvre de Franz Marc. Sa toile de relativement grand format Die Wölfe (Balkankrieg) [« Les loups (guerre des Balkans ») 1913, (Buffalo, Albright-Knox-Gallery), qui fait
allusion à la situation politique des Balkans dont l’escalade
a entraîné le déclenchement de la Première
Guerre mondiale, montre des loups s’approchant,
l’échine basse, d’animaux endormis tandis que les
fleurs paraissent flétrir à leur passage : un paysage d’apocalypse. Après la Première Guerre mondiale Kandinsky ne retournera jamais à Munich ni à Murnau. Il devient l’une des personnalités majeures du Bauhaus ; en 1933, il émigre en France où il meurt en 1944. Gabriele Münter regagne Murnau en 1931 et elle y passera l’essentiel de son temps jusqu’à sa mort en 1962 . En 1956, elle fait une
donation à la Städtische Galerie im Lenbachhaus de Munich de nombreuses pièces de sa collection exceptionnelle comprenant des oeuvres personnelles mais aussi des oeuvres de Kandinsky et d’autres membres du « Blaue Reiter ».
Sa maison, restaurée dans l’état où elle était entre 1909 et 1914, a été
transformée en musée. August Macke, Grande Promenade 1914
Une exposition dense, intelligente, riche en tableaux peu montrés, comme
la Fondation Beyeler nous a habitués.
Un catalogue publié à l’occasion de cette exposition aborde ce thème à travers plusieurs contributions scientifiques. L’ensemble des oeuvres y est reproduit.
En allemand et en anglais. Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h. Programme de manifestations Journée Familles « Kandinsky, Marc & Der Blaue Reiter »
Dimanche 23 octobre 2016, 10h00–18h00 Conférence de Fabrice Hergott –
« Le Blaue Reiter: une nouvelle définition des frontières de l’art » Mercredi 2 novembre 2016, 18h30-20h00
Le conservateur français, également écrivain, historien de l’art et directeur du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris parle de l’exposition.
En collaboration avec l’ Alliance Française de Bâle et la Société d’Etudes Françaises de Bâle. La conférence aura lieu en français. La manifestation est comprise dans le prix d’entrée du musée. Il est possible de visiter l’exposition avant la conférence. Prométhée
Vendredi 4 novembre 2016, 18h30 et 19h00
Samedi 5 novembre 2016, 12h00 / 14h00 et 17h00
Une des plus grandes oeuvres modernes opérant la fusion des sens les plus divers est le poème symphonique d’Alexandre Scriabine, Prométhée. Le Poème du feu, op. 60 pour grand orchestre, piano, orgue, choeur et clavier à lumières. Leonid Sabaneïev, ami intime du compositeur, a analysé cette oeuvre qui rompt avec toutes les idées traditionnelles de la musique, dans un article publié dans l’Almanach Der Blaue Reiter. En outre, Sabaneïev a réalisé une version de l’oeuvre pour deux pianos.
Accompagnée d’une projection lumineuse en direct du duo d’artistes Sergej et Arotin, cette
composition est exécutée au musée par le légendaire spécialiste de Scriabine Mikhail Rudy. Le spectacle dure environ 25 minutes. Prix : CHF 30.- / Young Art Club, Art Club & Freunde CHF 5.-
Visite guidée publique en français
Dimanche, 15h00-16h00
25 septembre 2016
30 octobre 2016
27 novembre 2016
18 décembre 2016
Visite guidée dans l‘exposition « Kandinsky, Marc & Der Blaue Reiter » Prix: Tarif d’entrée + CHF 7.-
audio-guides
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Cette exposition est conçue autour de l’instant d’équilibre instable, un état précaire en même temps que prometteur, toujours fugace. Alexander Calder (depuis le début du XXe siècle) et Peter Fischli et David Weiss (depuis la fin du même siècle) avaient trouvé des formulations exemplaires de cet instant.
Radicalement différentes à première vue, elles apparaissent ensuite comme les deux faces d’une même médaille, le fruit de perspectives différentes sur le même thème, nées à des périodes différentes.
Cette exposition noue un dialogue ouvert et amplement déployé dans l’espace entre une sélection d’ensembles d’oeuvres de Calder et plusieurs travaux de Peter Fischli et David Weiss. Les points forts qui en dessinent le fil conducteur retracent des moments historiques déterminants de la création de Calder. Partant du travail sur le Cirque Calder des années 1920, ils font place au passage à l’abstraction et à l’invention du mobile au début des années 1930 pour aboutir au jeu souverain et grandiose avec les possibilités formelles ainsi découvertes. En contrepoint, les oeuvres de Peter Fischli et David Weiss prêtent un ton tout à fait original à cette exposition.
Dans cette association inattendue, les éléments de bricolage, d’observation et d’expérimentation prennent un poids tout à fait particulier, l’interaction entre pesanteur et apesanteur devenant ainsi perceptible sous un angle nouveau comme un processus incroyablement vivant. Légèreté et poids, exploration des limites du jeu, de l’échec et du hasard comme pratique artistique, oscillation sur la ligne ténue entre humour et poésie, le funambule devenant le prototype d’une réalité existentielle – de
nombreux points de contact permettent aux oeuvres d’Alexander Calderet à celles de Fischli/Weiss d’affirmer leur efficacité à la fois ensemble, et indépendamment.
L’ensemble de cette présentation ne ménage qu’une rencontre directe entre les travaux de Fischli/Weiss et ceux de Calder ; celle-ci ouvre l’exposition et son récit. Calder (1898-1976) est le maître de l’équilibre instable dans l’art moderne. Avec l’invention révolutionnaire du « mobile »,
il a rendu visible l’équilibre constamment changeant entre pesanteur et apesanteur. Toute son oeuvre est consacrée à cette recherche. Elle fascine par la concomitance entre un équilibre factice qui fait systématiquement l’objet d’une nouvelle quête et est généralement atteint, et
sa visualisation sous des formes diverses.
À partir de 1979, Peter Fischli (né en 1952) et David Weiss (1946-2012) ont, dans leur création commune, donné au thème de l’équilibre précaire une forme iconique très différente. Avec la même ardeur inlassable et voluptueuse, ils ont élaboré – dans des films et des sculptures, par le langage, la photographie et la peinture – un irrésistible jeu sur l’équilibre, la clarté et la vue d’ensemble, dans lequel les impondérables et les pierres d’achoppement l’emportent toutefois souvent sur l’élégance et
l’assurance des grands gestes de l’art moderne – incarnés par le mobile.
Cette exposition, dont le commissaire est Theodora Vischer, Senior Curator à la Fondation Beyeler, est conçue en étroite collaboration avec la Calder Foundation de New York et l’artiste Peter Fischli. Citations d’Alexander Calder
Que Ça bouge–à propos des sculptures mobiles Les différents objets de l’univers peuvent être constants, quelquefois, mais leurs relations réciproques varient toujours. Il y a des milieux qui paraissent rester fixes tandis que de petits évènements se produisent à grande vitesse à travers eux. Ils le paraissent seulement parce qu’on ne s’aperçoit que de la mobilité des petits évènements.
Nous remarquons le déplacement des automobiles et des êtres dans la rue, mais nous ne remarquons pas que la terre tourne. Nous croyons que les automobiles vont à une grande vitesse sur un sol fixe ; pourtant la vitesse de rotation de la surface du globe, à l’équateur, est 40000 km par 24 heures. Comme l’art vraiment sérieux doit être d’accord avec les grandes lois et non pas seulement avec les apparences, dans mes sculptures mobiles j’essaie de mettre en mouvement tous les éléments.
Il s’agit d’harmoniser ces déplacements, atteignant ainsi une possibilité neuve de beauté. Alexander Calder, “Que ça bouge–à propos des sculptures mobiles,” 1932. Manuscrit, archives de la Calder Foundation
Fischli/Weiss: Jardin, 1997/2016
Un jardin temporaire comme projet artistique, à « 70% jardin paysan, 30% jardin ouvrier ». Pour leur deuxième contribution à Skulptur Projekte Münster, une grande exposition organisée tous les dix ans dans un espace public de Münster, Peter Fischli et David Weiss ont conçu en 1997 un travail artistique que de nombreux spectateurs n’ont pas su reconnaître comme tel, en raison même de la description
citée ci-dessus. Ce jardin est formé de plusieurs plates-bandes et d’un compost. Il contient également un abri avec des sièges et une cabane à outils. Comme dans un jardin paysan ordinaire, on y a planté des fruits et des légumes, des herbes aromatiques et des fleurs de la région. La disposition et les plantations se sont faites dans le respect des principes écologiques, sans négliger pour autant des considérations esthétiques. On observe ainsi dans ce jardin un fragile équilibre entre la séduction et la production, entre l’utile et l’agréable, la croissance dirigée et le laisser-faire, l’ordre et le désordre,
l’artificiel et le naturel.
Le jardin paysan est généralement un lieu privé, dans lequel on peut ici pénétrer et dont on peut profiter. Ce microcosme temporaire ne révèle cependant pas immédiatement son rapport à l’art.
À l’occasion de l’exposition Alexander Calder & Fischli/Weiss, ce jardin a été reconstitué en 2016 moyennant certaines adaptations sur un terrain voisin, pour la durée d’un été. Les travaux ont commencé en février 2016 et ont duré jusqu’à la fin mai 2016, début de l’exposition.
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h.
Pendant la durée de l’Art Basel 2016, la Fondation Beyeler a inscrit à son programme plusieurs expositions d’art moderne et contemporain, ainsi que deux Artist Talks.
On peut ainsi voir l’exposition temporaire actuelle
«Alexander Calder & Fischli/Weiss», la première présentation du prêt de longue durée de l’Anthax Collection Marx,
le travail photographique en plusieurs parties de l’artiste américaine Roni Horn intitulé The Selected Gifts
ainsi que des œuvres de Christopher Wool provenant de la Daros Collection.
L’inauguration des « 24 Stops » de l’artiste Tobias Rehberger aura lieu le dimanche 12 juin 2016.
L’Artist Talk entre Douglas Gordon et Hans Ulrich Obrist ainsi qu’un Panel sur l’art et l’architecture avec l’artiste américain Mark Bradford en collaboration avec l’Albright-Knox Art Gallery de Buffalo complètent ce programme. Une autre bonne nouvelle : La Fondation Beyeler est passée de la 10e à la 7e place du classement du Social Media-Ranking des musées de langue allemande – grâce au développement constant au cours de ces dernières années de ses activités de réseaux sociaux par les canaux les plus divers et à la participation active de la communauté des amateurs d’art
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Un ensemble de 13 œuvres de l’Anthax Collection Marx est arrivé à la Fondation Beyeler et y restera plusieurs années dans le cadre d’un prêt de longue durée.
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00 Performances (vidéo) tous les mercredis à 15h00 et 17h00
tous les dimanches à 14h00 et 16h00 Visite guidée publique en français 28 février Dimanche 15.00 – 16.00: Conférence : 3 mars 18.30: conférence de Sophie Webel directrice de la Fondation Dubuffet Paris Manifestation comprise dans le prix d’entrée du musée.
Jusqu’au 10 janvier 2016 « Lorsque l’esprit aura perdu l’habitude de voir dans un tableau une représentation d’un morceau denature, de Vierges et de Vénus impudiques, alors seulement nous pourrons voir une oeuvre purementpicturale. » (Kasimir Malevitch)
Avec « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux », la Fondation Beyeler célèbre un moment mémorable pour l’évolution de l’art moderne et contemporain. L’exposition « 0,10 » a eu lieu en 1915 à Petrograd (nom que prit la capitale russe peu après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, pour remplacer celui de Saint-Pétersbourg, aux consonances germaniques) et allait s’affirmer comme l’une des plus marquantes du XXe siècle. Saint-Pétersbourg est ainsi devenue
le berceau de l’avant-garde russe : avec « 0,10 », et après « Venise »,« Vienne 1900 » et « Le Surréalisme à Paris »,la Fondation Beyeler poursuit sa série d’expositions consacrées à des villes qui ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’art moderne. « 0,10 » marque un véritable tournant dans l’histoire de l’art moderne et incarne le moment historique où Kasimir Malevitch a réalisé ses premières toiles non figuratives tandis que Vladimir Tatline se faisait connaître du public par ses contre-reliefs révolutionnaires. La plupart des autres participants de l’exposition originelle sont également représentés dans la version reconstituée de la Fondation Beyeler : Natan Altman, Vassili Kamenski, Ivan Klioune, Mikhaïl Menkov, Vera Pestel, Lioubov Popova, Ivan Pouni (Jean Pougny), Olga Rozanova, Nadejda Oudaltsova et Marie Vassilieff.
« À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » rend également hommage à l’oeuvre iconique de Kasimir Malevitch, « le Carré Noir » dont elle célèbre le centenaire. Cette toile monochrome relevait de la pure provocation, car elle ne montrait qu’une surface noire légèrement déformée, entourée de blanc.
Lors de l’exposition d’origine, elle était de surcroît accrochée dans ce
qu’on appelait l’angle de Dieu, où se trouvaient traditionnellement les icônes qui décoraient la maison. Malevitch, Supremus n° 50, huile sur toile, Stedelikj Museum Amsterdam
Sans compromis et énigmatiques, les oeuvres du suprématisme imposèrent un brutal changement de paradigmes sur la scène artistique.
Ces oeuvres étant par ailleurs rarement prêtées, c’est la première fois qu’on pourra voir en Suisse une aussi riche présentation d’oeuvres suprématistes. Plusieurs années de recherches et de longs échanges scientifiques avec des musées russes de renom ont précédé cette collaboration en cette année du centenaire du Carré noir. C’est ainsi qu’ont eu lieu en Russie, dès 2008, dans le cadre de collaborations de très grande qualité, de premières expositions individuelles consacrées à Alberto Giacometti et Paul Klee (2013), cette dernière sous forme d’une coopération entre la Fondation
Beyeler et le Centre Paul Klee.
Ces oeuvres et documents proviennent de musées, d’archives et de collections particulières. Outre la galerie Tretiakov de Moscou et le Musée russe de Saint-Pétersbourg, 14 musées régionaux russes ainsi que d’importants établissements internationaux comme le Centre Georges-Pompidou de Paris, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Musée Ludwig de Cologne, la Collection George Costakis de Thessalonique, l’Art Institute de Chicago et le MoMa de New York ont contribué à cette exposition en acceptant de prêter des oeuvres rares et précieuses.
Pour la première fois de l’histoire des expositions russes et occidentales, ces oeuvres remarquables sont à nouveau rassemblées dans les salles de la Fondation Beyeler, complétées par des travaux des mêmes artistes, datant de la même période, afin de redonner vie à l’atmosphère tout à fait singulière et vibrante d’énergie du renouveau artistique russe des débuts du XXe siècle.
Le commissaire invité est Matthew Drutt, qui a déjà été responsable des grandes rétrospectives Malevitch du Musée Guggenheim de New York et de la Menil Collection à Houston.
On peut voir simultanément à la Fondation Beyeler l’exposition « Black Sun ». Celle-ci présente des oeuvres de 36 artistes des XXe et XXIe siècles qui utilisent des moyens d’expression aussi divers que la peinture, la sculpture, l’installation et le film, sans oublier les interventions artistiques dans l’espace public. Conçue comme un hommage à Malevitch et Tatline, « Black Sun » explore à partir d’une perspective actuelle l’immense influence, encore sensible aujourd’hui, de ces deux représentants de
l’avant-garde russe sur la production artistique. Cette exposition a été réalisée en étroite collaboration avec certains des artistes exposés. Mikhaïl Menkov Journal, 1915 Huile sur toile, 71 x 71 cm Musée d’art régional, Oulianovsk avec le soutien du Centre d‘Etat des Musées et des Expositions ROSIZO
L’exposition d’origine « 0,10 », organisée par le couple d’artistes Ivan Pouni et Xénia Bogouslavskaïa, fut inaugurée le 19 décembre 1915 à Petrograd avec plus de 150 oeuvres de 14 artistes de l’avantgarde russe, dont la plupart étaient des partisans de Malevitch ou de Tatline. Un tiers seulement des 150 oeuvres exposées durant l’hiver 1915-1916 à Petrograd est parvenu jusqu’à nous. L’exposition se tenait dans la Galerie de Nadejda Dobytchina, considérée comme la première galeriste de Russie. Dès 1911, elle avait converti plusieurs pièces de son spacieux appartement en salles d’exposition et était très connue des milieux artistiques. Le titre « 0,10 » (zéro-dix) n’est pas une formule mathématique mais un code reposant sans doute sur une idée de Malevitch : le zéro devait symboliser la destruction de l’ancien monde – y compris celui de l’art – en même temps qu’un nouveau départ. Le chiffre dix se réfère au nombre de participants initialement prévu. Les adjectifs « dernière » et «futuriste » contiennent également un message chiffré : il s’agissait de montrer que l’on cherchait à prendre ses distances avec l’influence du futurisme italien et même à s’en libérer. Voilà qui donne la mesure de la rapidité avec laquelle les différentes orientations stylistiques se succédaient : alors qu’au début de 1915, le futurismeenthousiasmait encore, on prônait son abandon dès la fin de la même année. Des prises de position passionnées et des débats houleux avaient agité les participants avant l’exposition, dont l’organisation avait fait l’objet de modifications de dernière minute. C’est ainsi que le nombre définitif d’exposants n’était pas celui qui était annoncé dans le titre. Certains artistes firent faux bond au dernier moment, d’autres s’ajoutèrent à l’improviste. Finalement, 14 artistes exposèrent leurs travaux – 7 femmes et autant d’hommes.
Dans la Russie prérévolutionnaire, les organisateurs d’expositions tenaient en effet à la parité des sexes. Lyubov Popova, portrait of a Lady, museum Ludwig Köln
Les travaux de deux participants tranchaient sur les autres en s’engageant dans des voies d’une nouveauté et d’un radicalisme extrêmes qui allaient marquer durablement l’évolution artistique. Le premier était Kasimir Malevitch qui, dans le cadre de La Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10, explorait dans ses toiles entièrement abstraites, constituées de formes géométriques, une dimension jusqu’alors inconnue des beaux-arts. Il inventa pour désigner ses créations le terme de « suprématisme » (du latin supremus – « suprême »), exprimant ainsi sa volonté de jouer un rôle majeur dans l’art. Le second était Vladimir Tatlinequi, avec ses sculptures elles aussi abstraites créées à partir de matériaux étrangers à l’art, proposait des solutions nouvelles pour une sculpture affranchie de son socle classique. Même si l’exposition d’origine était loin d’être homogène – on y observait une
grande diversité de styles artistiques et de programmes esthétiques –, elle fit l’effet d’un véritable électrochoc, sonna le glas du cubo-futurisme en tant que tendance dominante de la peinture russe et ouvrit la voie à des expériences totalement inédites. Dès le lendemain de cette manifestation, Malevitch et Tatline s’imposèrent comme les chefs de file de l’avant-garde européenne. Nadezhda Udalstova, selfportrait galerie Tretjakow, Moscou
Le projet de la Fondation Beyeler ne peut évidemment pas prétendre proposer une reproduction fidèle de l’exposition de 1915 – un grand nombre des oeuvres exposées à cette occasion ont en effet disparu ou ont été détruites –, mais on peut y voir de nombreuses oeuvres originales de cette exposition, complétées par d’autres chefs-d’oeuvre des mêmes artistes, datant de la même période. Les visiteurs se
feront ainsi une impression très concrète de l’énergie artistique débordante de la Russie du début du XXe siècle.
Une deuxième exposition illustre l’influence que « 0,10 » exerce aujourd’hui encore sur les artistes : « Black Sun » reconstitue à l’aide d’oeuvres d’artistes contemporains le parcours de l’abstraction et du noir, mystérieuse « non couleur ».
Olafur Eliasson, Remagine, Kunstmuseum Bonn
On peut voir « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » et « Black Sun » jusqu’ au 10 janvier 2016 à la Fondation Beyeler.
L’exposition « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » a été réalisée grâce au soutien de : Presenting Partners AVC Charity Foundation Cahiers d’Art Partner Phillips est une plate-forme mondiale majeure d’achat et de vente d’art et de design des XXe et XXIe siècles. Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00,
le mercredi jusqu’à 20h00
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