Gerhard Richter à la Fondation Vuitton

Du 17 octobre 2025 au 2 mars 2026 à la FONDATION LOUIS VUITTON
Commissariat
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Suzanne Pagé
COMMISSAIRES INVITÉS
Dieter Schwarz et Nicholas Serota
COORDINATION
Ludovic Delalande
Gerhard Richter : Que peut l’Art face à l’Histoire ? (vidéo)
Avant-propos
(Extrait du catalogue de l’exposition)

L’œuvre de Richter échappe à toute catégorie : de la peinture il s’ouvre à la sculpture, au dessin, à l’aquarelle, à la photo, aux créations via les nouvelles technologies.
Il est passionnant de voir à quel point il est un explorateur de nouveaux univers, sans même quitter son atelier. Le portrait, le paysage, les abstractions, la peinture qu’il applique sur les photographies, le verre qui joue avec la lumière, tantôt par réflexion, tantôt par transparence, les compositions de natures mortes, bref tous les genres le mobilisent et l’inspirent.
Et alors, nous pouvons nous poser la question de la vérité et de la réalité, de la clairvoyance de notre propre façon de percevoir, de penser, d’exister. Richter nous invite à un autre dialogue avec
le monde.
Gerhard Richter suscite en nous tant d’interrogations, de doutes comme de certitudes, avec à chaque fois des réponses ou le silence. Une démarche unique, profonde, personnelle et universelle.
Comme une communion.

(extrait)
Bernard Arnault
Président de la Fondation Louis Vuitton

Préface

Gerhard Richter, une vie, une œuvre, où petite et grande Histoire se percutent, de Onkel Rudi et Tante Marianne à Birkenau, et où mémoire et politique croisent l’intime dans la distance ou la proximité. Gerhard Richter, une œuvre qui ne cesse de se renouveler et d’explorer les potentialités de la peinture, d’une peinture encore possible. Figuration et abstraction se succèdent sur un mode
paradoxal très personnel alternant représentation, flou et effacement.
Gerhard Richter, un peintre qui se définit comme « faiseur d’images » sur la base de sujets qu’il ne cesse de creuser au même rythme que les modalités formelles qui les expriment.
(Extrait du catalogue de l’exposition)
Suzanne Pagé
Directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton

Le Lac des 4 Cantons
L’exposition en chiffres

• 275 œuvres (peintures à l’huile, sculptures en acier et en verre, dessins au crayon et à l’encre,
aquarelles, ainsi que photographies peintes).
• 34 salles pour un parcours chronologique – chaque section de l’exposition couvrant environ une décennie et montrant l’évolution d’une vision picturale singulière, des premières peintures d’après photographies aux dernières abstractions.
• 104 prêteurs
Institutions et collections particulières partenaires et galeries

Gerhard Richter

Gerhard Richter dans son studio, à Cologne, en 2009.
© Joe Hage, London

Né à Dresde en 1932 dans l’ancienne RDA, qu’il quitte la veille de la construction du mur de Berlin en 1961, Gerhard Richter s’établit à Düsseldorf, puis à Cologne, où il vit et travaille encore aujourd’hui.
De 1951 à 1956, il étudie la peinture murale à l’École des Beaux-Arts de Dresde. En 1961, il quitte la RDA pour Düsseldorf, où, de 1961 à 1964, il suit les cours de K. O. Götz à l’Académie nationale des Beaux-Arts. Dix ans plus tard, il devient professeur de peinture à Düsseldorf, poste qu’il occupe jusqu’en 1994. À partir de 1962, alors qu’il est encore étudiant, il développe sa propre œuvre artistique, d’abord à partir de modèles photographiques. Plus tard, il étend sa peinture à une grande variété des langages abstraits. Outre ses toiles et objets, l’œuvre complexe de Richter comprend également des dessins, aquarelles, photos surpeintes, éditions et multiples.
Gerhard Richter est unanimement considéré comme l’un des artistes vivants les plus importants et influents. Ses œuvres figurent dans les plus importantes collections de musées et sont exposées dans le monde entier. Depuis 1967, l’œuvre de Richter est exposée en France par des institutions et des galeries, notamment dans le cadre de rétrospectives en 1993 au Musée d’art moderne de la ville de Paris, ou plus récemment en 2012 au Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris.

les Constellations

Parcours

L’exposition réunit la plupart des œuvres majeures de Richter. Elle couvre six décennies de sa production picturale jusqu’à 2017, année où il renonce à la peinture tout en continuant de dessiner.
Chaque section de l’exposition couvre environ une décennie et montre l’évolution d’une pratique dont l’apogée est marqué par plusieurs ensembles de peintures magistrales, exécutés entre 2000 et 2016.
Richter se considère comme un « peintre classique » dont le plus grand plaisir est de travailler à l’atelier.
Durant sa longue carrière, il a délibérément exploré les genres traditionnels en peinture – portrait, nature morte, paysage, et peinture d’histoire qui traite des grands événements et enjeux d’une époque.

Emma

La plupart des artistes ne se concentrent que sur un ou deux de ces sujets. Il est tout aussi marquant qu’en dépit du fait qu’il soit un « peintre d’atelier », Richter ne travaille jamais directement d’après modèle ni sur nature. Tout est filtré à travers un autre medium qu’il s’agisse d’une photographie ou d’un dessin à partir desquels il crée une image autonome et indépendante. Les œuvres les plus anciennes de l’exposition sont basées sur des photographies tirées de journaux ou de magazines et, comme nous le savons aujourd’hui, sur des photos de sa famille que Richter avait laissée en RDA.
La plupart des images présentent un flou caractéristique, obtenu par le glissement du pinceau sur la surface peinte encore humide. Ce procédé projette l’image dans le passé à travers la mémoire tout en propulsant l’image vers l’abstraction.

Faust 1980

Au cours des années 1970-1980, Richter explore à la fois le langage de l’abstraction et celui de la représentation. Dans ses œuvres abstraites, il utilise souvent le racloir qui lui permet de flouter de grands formats tout en introduisant un élément de hasard. Parallèlement, il peint d’exquises natures
mortes, des portraits et des paysages qui évoquent la peinture romantique classique. Parfois, et de façon extrêmement réfléchie, il prend pour sujet un moment tragique de l’Histoire, tels la Shoah, ou l’attentat contre les Tours jumelles de New York, le 11 septembre 2001.
Cette capacité à conjuguer une technique frappante et des images saisissantes a valu à Richter une grande renommée internationale tout au long de sa carrière.

Dieter Schwarz et Nicholas Serota
Commissaires invités

Nicholas Serota, cocomissaire de l’exposition « Gerhard Richter » : « Le flou est une manière de mettre les choses à distance, de les rendre plus universelles »

Richter pratique simultanément les deux registres, parfois sur le même tableau. Dès la première salle, où l’on est accueilli par son tableau originel,
Tisch (« table ») de 1962
, la représentation en noir, blanc et plein de nuances de gris – comme bon nombre de ses tableaux figuratifs – d’une photographie prélevée dans un magazine. Elle est en partie masquée par un barbouillage qui évoque la peinture gestuelle en vogue à l’époque.

Gerhard Richter, Tisch, 1962
Huile sur toile, 90,2 x 113 cm Collection particulière © Gerhard Richter 2025 (18102025)

A côté est accroché Hirsch (« cerf »), de 1963, où l’animal apparaît dans une sorte de brouillard et contraste avec les arbres qui l’entourent, lesquels sont représentés de manière très graphique. Sur l’envers de la toile, Richter a peint deux portraits d’Hitler, qu’il a ensuite recouverts de blanc – comme une figure incontournable et immontrable.

Hirsch

Galerie 2 : 1971-1975 — Questionner la représentation.

Les 48 Portraits, peints pour la Biennale de Venise de 1972, véritable tour de force, ouvrent un nouveau chapitre : application du procédé des coulures (Vermalungen), étapes progressives de la, répartition aléatoire des couleurs dans les grands Nuanciers de Couleurs, et négation de la représentation et de l’expression dans les Peintures Grises.

Gerhard Richter, Verkündigung nach Tizian, 1973
Huile sur toile, 125 x 200 cm Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, Washington, DC, Joseph H. Hirshhorn Purchase Fund, 1994 © Gerhard Richter 2025 (18102025)

Galerie 4 : 1976-1986 — Explorer l’abstraction

Durant cette décennie, Richter jette les bases de son approche spécifique de l’abstraction : il représente et agrandit des études à l’aquarelle, examine la surface d’une peinture, fait du coup de pinceau lui-même le sujet d’une œuvre (Strich). Parallèlement, il peint les premiers portraits de sa fille, Betty, et poursuit son exploration du paysage et de la nature morte.

Galerie 5 : 1987-1995 — « La décennie sombre »

Ému par une vision profondément sceptique des mutations artistiques et sociales, Richter peint la série 18 octobre 1977, exceptionnellement prêtée par le MoMA, le seul ensemble d’œuvres qui se réfère explicitement à l’histoire allemande alors récente. Il crée également certaines de ses abstractions les plus impressionnantes et les plus sombres. Reprenant ses premières peintures de famille, Richter réalise la séquence Sabine mit Kind.

Galeries 7 et 9 : 1996-2009 — Nouvelles perspectives en peinture : le hasard.

A la fin des années 1990, il entre dans une période très productive qui le mène des peintures figuratives et abstraites de la petite taille aux sévères Silikat, aux expériences avec le hasard qui aboutissent à 4900 Colors, et aux sereines peintures Cage, en hommage au grand compositeur.

Galeries 9 et 10 : 2009-2017 — Dernières peintures.

Richter surprend son public en abandonnant la peinture pendant plusieurs années et en expérimentant des œuvres sur verre ainsi que des images de Strip produites numériquement. Il revient à la peinture avec Birkenau, un groupe d’œuvres inspirées de quatre photographies prises dans un camp d’extermination nazi. La dernière salle présente ses dernières toiles abstraites magistrales, achevées en 2017, après quoi Richter s’est concentré sur les dessins exposés dans la galerie 11. 1916 à Baden Baden

Gerhard Richter, Birkenau, 2014 (photo e.i. 2016 à Baden Baden)
Quatre huiles sur toile, 260 x 200 cm chaque Neue Nationalgalerie, Stiftung Preußischer Kulturbesitz, Berlin, prêt de la Gerhard Richter Art Foundation © Gerhard Richter 2025 (18102025)

La sculpture est présente à des moments clés du parcours, et trois salles dédiées aux aquarelles, dessins et photographies sur-peintes offrent un interlude et un changement de rythme dans les années 1970 et 1990, tout en illustrant les préoccupations de l’artiste depuis qu’il a cessé de peindre en 2017.

Informations pratiques

La brochure interactive de visite

Gerard Richter Venise

Fondation Louis Vuitton
8 av. du Mahatma Gandhi
Bois de Boulogne, 75116 Paris

Métro
Ligne 1 Station Les sablons (950m)

Navette
Toutes les 20 minutes environ durant les horaires d’ouverture de la Fondation Sortie n°2 de la station Charles de Gaulle Étoile – 44 avenue de Friedland 75008 Paris

Horaires
Tous les jours de 10 à 20 h



Un dimanche sans fin-Maurizio Cattelan et la collection du Centre Pompidou

Maurizio Cattelan, Spermini, 1997
Masques en latex peints, 17,5 x9 x 10 cm (chacun)
Courtesy Maurizio Cattelan’s Archive

Au Centre Pompidou Metz, jusqu'au 1er février 2027 -
Grande Nef, Galerie 1, Forum et toits des Galeries
Commissaires : Maurizio Cattelan, Chiara Parisi, directrice du Centre
Pompidou-Metz, et l’équipe du pôle Programmation du Centre Pompidou-Metz
– Sophie Bernal, Elia Biezunski, Anne Horvath, Laureen Picaut et Zoe Stillpass, accompagnées par Marta Papini.

Un dimanche sans fin. Un temps suspendu entre loisir et révolte. Pour célébrer ses 15 ans, le Centre PompidouMetz invite le public à une plongée vertigineuse
dans l’histoire de l’art à travers Dimanche sans fin, une exposition hors normes qui investit l’ensemble du musée. Près 400 pièces issues des collections du
Centre Pompidou rencontrent le regard implacable de Maurizio Cattelan, dont 40 de ses œuvres interrogent nos mythologies modernes avec lucidité et mélancolie.

Dès l’entrée, le visiteur est confronté à une mise en scène de l’autorité
et de sa contestation. Ici, les textes de salle sont porteurs d’une parole
incarnée : celle de Maurizio Cattelan et des détenues de l’Institut de
réclusion pour femmes de la Giudecca-Venise, qui explorent ensemble
la notion de liberté sous la forme d’un abécédaire. En salle, des détenus
formés à la médiation issus du Centre pénitentiaire de Metz accompagnent
ponctuellement les groupes.

Au fil d’un parcours construit comme un abécédaire, l’exposition alterne
œuvres iconiques, pièces inattendues et dialogues transhistoriques. La
scénographie immersive de Berger&Berger transforme le musée en une
déambulation circulaire, faisant écho aux cycles du temps et à l’architecture
de Shigeru Ban et Jean de Gastines.
Loin d’un catalogue classique, le livre de l’exposition conçu par Irma Boom
pousse encore plus loin la réflexion. Maurizio Cattelan y livre un regard
singulier sur son propre travail et sur son histoire personnelle. Plus qu’un
recueil, une autobiographie.
Que signifie un dimanche sans fin ? Un jour qui s’étire entre liberté et
contrainte, mémoire et projection, errance et engagement. Avec cette
exposition, le Centre Pompidou-Metz propose un labyrinthe de récits où
l’art, en dialogue avec le réel, continue d’ouvrir des brèches dans notre
perception du monde.

Quinze après son exposition inaugurale Chefs-d’œuvre ? (2010), à l’occasion
de laquelle le Centre Pompidou-Metz questionnait notamment les acquis de
l’histoire de l’art, l’institution poursuit son exploration du regard porté sur
les œuvres et de la notion de collection. Cette réflexion trouve son point
d’orgue avec Dimanche sans fin. Maurizio Cattelan et la collection du Centre
Pompidou, une exposition d’envergure célébrant à la fois le 15e
anniversaire du Centre Pompidou-Metz et son dialogue fécond avec le Centre Pompidou, en pleine métamorphose.

Une perspective nouvelle sur une collection d’exception

Se déployant dans tout le musée, du Forum à la Grande Nef, de la Galerie 1
aux toits des Galeries transformés pour la première fois en jardin de
sculptures, l’exposition rassemble plus de 400 œuvres issues des différents
départements du Musée national d’art moderne, qui rencontrent trente
œuvres de Maurizio Cattelan. Artiste de renommée internationale et
co-commissaire invité, il pose son regard incisif sur la collection, offrant un
jeu de correspondances inattendues.

Artiste majeur de la création contemporaine, Maurizio Cattelan insuffle à
l’exposition une approche incisive et décalée, et porte par sa présence un
regard neuf sur cette prestigieuse collection. Sa pensée, mélancolique
et ironique, traverse les contradictions sociétales, déjoue les structures
d’autorité et interroge les systèmes de croyance. Son univers qui frappe
depuis les années 1990 entre subversion et engagement, révèle notre monde
en mutation.

Le dimanche : entre rituels, loisirs et révolte

Dans de nombreuses cultures anciennes, le dimanche – dies solis chez les
Romains – est associé au soleil et à son culte. En 321 après J.-C., l’empereur
Constantin en fait un jour de repos et de prière dans tout l’Empire romain.
Au fil des siècles, sa signification évolue, et du temps sacré au temps libre,
le dimanche devient au XXe siècle le jour des loisirs, du sport et plus
récemment de la consommation. C’est aussi celui où l’on flâne dans un parc,
visite un musée, paresse chez soi ou partage un repas en famille, en gardant
à l’esprit la musique en sourdine de la révolte, du soulèvement qui peut
surgir à tout moment. Traversé par cette complexité, le parcours de
l’exposition oscille entre tendresse et culpabilité, pointant les impasses de
nos époques, pour mieux spéculer sur des lendemains alternatifs.
Traditionnellement associé au repos et à la contemplation, le dimanche est
un jour paradoxal. De jour sacré à celui des loisirs et de la consommation,
il résume à lui seul les mutations de nos sociétés. L’exposition en explore
les différentes facettes à travers un parcours thématisé en forme
d’abécédaire, clin d’œil à Gilles Deleuze. Chaque section, intitulée
d’après un poème, un film, un roman (A pour « Air de famille », B pour
« Bats-toi », C pour « Conduis-moi sur la lune », etc.) autant d’invitations
à revisiter les idées associées au dimanche et à s’immerger dans
l’univers complexe et torturé de Maurizio Cattelan, qui guide le visiteur
dans une exploration transhistorique et sensorielle.

Une immersion architecturale et scénographique

Parmi les 26 lettres de l’alphabet, auxquelles s’ajoute une 27e
entrée, celle dédiée à la section « Dimanche », et qui forment autant de chapitres, les visiteurs déambulent librement dans un parcours conçu par les scénographes Berger&Berger. Une grande dérive dans l’histoire de l’art jouant
d’associations étonnantes à tous les étages du musée.


La mise en espace joue sur les formes et les cycles. En écho à l’architecture
hexagonale de Shigeru Ban et Jean de Gastines, le parcours s’organise
autour d’une circulation giratoire dans la Grande Nef et de cercles
concentriques en Galerie 1, ponctués de lignes droites qui structurent
la déambulation.
L’exposition se déploie sur plusieurs niveaux, proposant un voyage dans
l’histoire de l’art et ses ruptures. Dans le Forum, la monumentalité de
L.O.V.E., sculpture iconique de Cattelan représentant une main amputée
de ses doigts, ne laissant que le majeur tendu, instaure un face à face direct
avec le visiteur dès ses premiers pas dans le musée. Cet anti-monument

soulève des questions autour des relations de pouvoir et de croyances qui
se jouent dans l’espace public.

Dans la Grande Nef, le serpent « Uroborus », figure du cycle infini, ouvre
l’exposition et donne son rythme au parcours, où dialoguent objets rituels,
artefacts anonymes et œuvres contemporaines. Les disques Pî chinois,
parures funéraires évoquant l’infini, croisent le Vieux Serpent de Meret
Oppenheim, symbole à la fois d’origine et de dénouement. Felix de Maurizio
Cattelan, son gigantesque squelette de chat à l’échelle d’un dinosaure, remet
en question les classifications institutionnelles et les notions de fiction et
de réalité.

Il envahit la section « Dimanche » où des œuvres majeures
comme Le Bal Bullier de Sonia Delaunay nous révèlent la polysémie
du concept de cette journée. Ses couleurs vives et chaudes, comme baignées
de lumière, répondent à celle de Last Light de Felix Gonzalez-Torres, une
guirlande lumineuse de 24 ampoules correspondant aux heures de la journée
représentant le passage du temps, un cycle fragile en mémoire des victimes
du SIDA.

En Galerie 1, le dimanche devient le théâtre des tensions politiques
et artistiques : « Ils ne passeront pas » présente des œuvres révélant
les traumatismes de l’après-guerre, à l’instar de Souvenirs de la galerie
des glaces à Bruxelles d’Otto Dix, ou capturant la violence d’un combat
physique, avec Les Lutteurs de Natalia Gontcharova.


D’autres œuvres marquent l’esprit transgressif et les ruptures radicales
opérées par les avant-gardes : Le Grand Nu de Georges Braque explore
les limites de la perception cubiste, le Carré noir de Kasimir Malévitch
pousse l’abstraction jusqu’à son essence la plus pure et la Tête Dada de
Sophie Taeuber-Arp brosse le portrait de la révolution dadaïste dans un
geste résolument anti-autoritaire.

Georges Braque, Grand Nu, 1907-1908
Huile sur toile, 140 x 100 cm
Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, AM 2002-127
© Adagp, Paris, 2025
Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Georges Meguerditchian/Dist. GrandPalaisRmn

« Une petite histoire de l’art du point » Yayoi Kusama à la Fondation Beyeler

Infinity Nets et Accumulation Sculptures, Narcissus Garden (1966/2025)

Yayoi Kusama
à la Fondation Beyeler jusqu'au 25 janvier 2026Une exposition de la Fondation Beyeler, Riehen/Bâle, du Museum Ludwig, Cologne et du Stedelijk Museum, Amsterdam
Commissariat : Mouna Mekouar, Curator at Large,
Gestion de projet : Charlotte Sarrazin, Associate Curator

Cet automne, la Fondation Beyeler présente pour la première fois en Suisse une exposition personnelle consacrée à Yayoi Kusama (*1929, vit et travaille à Tokyo), l’une des artistes les plus avant-gardistes des XXe et XXIe siècles. Conçue en étroite collaboration avec l’artiste et son studio, l’exposition réunit
plus de 300 œuvres venues du Japon, de Singapour, des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Autriche, de Suède, de France et de Suisse, soulignant la portée et la résonance mondiale de son oeuvre.

L’exposition

Couvrant plus de sept décennies de carrière, l’exposition retrace l’extraordinaire parcours de Yayoi Kusama, depuis ses premières œuvres dans le Japon d’après-guerre jusqu’à la reconnaissance internationale dont elle jouit aujourd’hui.

Autoportrait 1972

L’exposition débute avec ses premières peintures et œuvres sur
papier des années 1950, réalisées dans sa ville natale de Matsumoto et rarement exposées jusqu’ici, avant de mettre en lumière son audacieux séjour à New York à la fin des années 1950, où elle occupe une place centrale dans les avant-gardes des années 1960. De retour au Japon au début des années 1970, Kusama
continue de réinventer son langage artistique, alliant une approche profondément intime à une portée politique saisissante. Aujourd’hui, elle demeure probablement l’artiste femme vivante la plus célèbre, conservant toute sa puissance créatrice et sa pertinence, et poursuivant son œuvre avec une intensité intacte.

Leftover Snow in the dream 1982

Tout au long de sa carrière exceptionnelle, qui s’étend sur plus de 70 ans, Kusama a toujours échappé à toute catégorisation. Son œuvre embrasse une remarquable diversité de médiums – peinture, dessin, sculpture, installation, performance, collage, mode,

littérature et cinéma – faisant d’elle l’une des artistes les plus polyvalentes et influentes de notre époque. L’exposition met en lumière les périodes clés d’invention radicale et trace le portrait d’une artiste en perpétuelle métamorphose (perpétuel mouvement), qui continue de transformer notre perception et compréhension de l’art.

La notion d’infini occupe une place centrale dans l’œuvre de Kusama – non seulement comme dispositif formel, mais surtout comme expérience vécue, spirituelle et psychologique. Les motifs caractéristiques de son œuvre – polka dots(pois), nets (trames), miroirs – dépassent la simple signature stylistique de l’artiste :

The Hope of the Polka Dots Buried in Infinity Will
Eternally Cover the Universe, 2019/2024
ils traduisent une méditation profonde sur les cycles de la vie et de la mort, la dissolution du soi et le désir de transcendance. De ses peintures hypnotiques, dites Infinity Nets, réalisées dans les années 1960, jusqu’à ses Infinity Mirror Rooms, produites spécialement pour cette exposition, Kusama conçoit des
univers qui invitent le public à vivre des expériences immersives. Ces environnements brouillent les frontières entre intérieur et extérieur, corps et espace, soi et cosmos, offrant un regard renouvelé sur l’existence.

Ses œuvres ne relèvent pas de la simple contemplation : elles invitent chacun à vivre pleinement une expérience sensible. Dans ses installations miroirs et ses vastes environnements immersifs, le spectateur est entraîné dans des états suspendus, à la croisée de la perception et de l’émotion. Kusama transforme
ainsi ses luttes intimes en expériences partagées, faisant de son art un espace de rencontre où la répétition résonne à la fois comme confrontation et réconfort, vulnérabilité et force, solitude et communion.

Cette exposition événement offre un panorama exceptionnel des œuvres iconiques de Yayoi Kusama, dont plus de 130 pièces jamais présentées en Europe, ainsi que des créations inédites conçues spécialement pour l’occasion. Parmi les temps forts figurent ses premières œuvres fascinantes, telles que les
célèbres Infinity Nets et Accumulation Sculptures, Narcissus Garden (1966/2025), ainsi que des installations plus récentes comme Infinity Mirrored Room – Illusion Inside the Heart (2025). L’exposition dévoile également une toute nouvelle Infinity Mirror Room, accompagnée d’un large environnement
immersif spécialement imaginé pour cette occasion.

Les visiteurs·ses ont l’opportunité de saisir l’étendue exceptionnelle de l’œuvre de Kusama, des dessins intimistes de ses débuts jusqu’aux environnements monumentaux, déployés à travers les salles de la Fondation Beyeler. Investissant dix galeries ainsi que le jardin, ses installations envoûtantes
métamorphosent la perception de l’architecture du musée et du parc qui l’entoure. L’exposition propose une expérience pleinement immersive: les emblématiques Infinity Mirror Rooms (vidéo)

IllusionHeart-2025 (vidéo)

et les sculptures de Kusama s’affranchissent des limites traditionnelles des cimaises, instaurant un continuum artistique où l’espace muséal et le paysage environnant entrent en résonance, dans une symphonie subtile et envoûtante de couleurs, de lumières et de formes.

L’exposition plonge le visiteur dans une expérience immersive, d’une richesse envoûtante, au contact d’une artiste dont le travail continue de défier nos perceptions, de stimuler notre réflexion et d’éveiller nos sens. Elle célèbre l’imagination foisonnante de Kusama et nous invite à explorer l’infini qui résonne en chacun de nous.

Un catalogue d’exposition richement illustré est publié aux éditions Hatje Cantz Verlag, Berlin. Sous la direction de Leontine Coelewij, Stephan Diederich et Mouna Mekouar, et avec une mise en page de Teo Schifferli, cette publication a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste et son studio. Elle rassemble
des essais issus de disciplines variées, reflétant la richesse et la diversité thématique de l’œuvre de Kusama – astrophysique, biologie, mode, informatique et sociologie – rédigés par Emanuele Coccia, Katie
Mack, Stefano Mancuso, Ralph McCarthy, SooJin Lee, Agata Soccini et Helen Westgeest. Le catalogue présente également des documents d’archives et des écrits de Kusama, offrant une lecture approfondie et singulière du monde tel que l’artiste le perçoit.

Informations complémentaires

Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler :
Lundi, mardi, jeudi, vendredi : 9h–18h
Mercredi : 9h–20h
Samedi et Dimanche : 10h–18h

Calendrier

Sommaire du mois de septembre 2025

30 septembre 2025 : Soulages, une autre lumière Peintures sur papier
28 septembre 2025 : GEORGES DE LA TOUR entre ombre et lumière
25 septembre 2025 : Oliver Ressler. Scenes from the Invention of Democracy
22 septembre 2025 : Fantômes – Sur les traces du surnaturel
18 septembre 2025 : Et la lumière fuse – Elisabeth Bourdon, artiste plasticienne
8  septembre 2025  : SCREAM MACHINES – le Train fantôme au musée Tinguely

Soulages, une autre lumière Peintures sur papier

Du 17 septembre 2025 au 11 janvier 2026 au Musée du Luxembourg
Exposition produite par le GrandPalaisRmn
Commissariat
Alfred Pacquement, Directeur honoraire du Musée national d’art moderne, Centre Pompidou
Chargée de recherche
Camille Morando, Responsable de la documentation des collections modernes au musée national d’art moderne, Centre Pompidou
Scénographie
Véronique Dollfus
Signalétique
Atelier JBL - Claire Boitel
Lumière
Abraxas Concepts

« C’est avec les brous de noix de 1947 que j’ai pu me
rassembler et obéir à une sorte d’impératif intérieur.
La vérité est que je me suis senti contraint par l’huile.
Je l’avais pratiquée avant-guerre et je savais ce
qu’elle imposait comme contraintes. Par impatience,
un jour, dans un mouvement d’humeur, muni de brou
de noix et de pinceaux de peintre en bâtiment, je me
suis jeté sur le papier ».
Pierre Soulages.
Cité par Pierre Encrevé, Soulages. L’œuvre complet.
Peintures. I. 1946-1959, Paris, Seuil, 1994, p. 40.

 

Pierre Soulages (vidéo) a toujours refusé d’établir une hiérarchie entre les différentes techniques qu’il utilise.
À côté des peintures sur toile, il est également l’auteur d’un ensemble considérable de peintures sur papier qu’il a mené, avec quelques interruptions tout au long de son parcours pictural, jusqu’au début des années 2000. D’une certaine façon, on peut dire que son œuvre commence sur le papier avec, dès 1946, des peintures aux traces larges et affirmées, réalisées au brou de noix, qui vont véritablement voir son œuvre se distinguer des autres démarches abstraites de l’époque.

En 1948, alors qu’il vient à peine de commencer à exposer, il est invité à une manifestation itinérante sur la peinture abstraite française dans les musées
allemands, en compagnie d’artistes beaucoup plus âgés. C’est une de ses peintures qui est choisie pour l’affiche et va contribuer à le faire connaître.
Privilégiant le brou de noix dans les premières années, Pierre Soulages reviendra souvent à cette matière qu’utilisent les ébénistes et dont il aime les
qualités de transparence et d’opacité, de luminosité également en contraste avec le blanc du papier.


Il emploiera aussi l’encre et la gouache pour des œuvres dont les formats en général restreints ne cèdent en rien à la puissance formelle et à la diversité.
L’œuvre sur papier de Pierre Soulages qui fut longtemps conservé par l’artiste, a été moins souvent montré que les peintures sur toile et rarement rassemblé dans des expositions à part entière. Il constitue pourtant un ensemble indispensable à la compréhension de sa peinture.
Cette exposition présente 130 œuvres dont plus d’une trentaine inédites.

Cette exposition a bénéficié du soutien exceptionnel
du musée Soulages, Rodez

Plan de l’exposition et scénographie

La mise en espace est sobre et fluide. Sur les murs blancs, les œuvres écrivent une partition : succession de blanches, noires, croches, rythmées par des
intervalles, des silences.
Des touches de noir et de brou de noix font écho à la tonalité des peintures.
Soulages est présent : des portraits grandeur nature et des interviews en vidéo projection éclairent son travail et ponctuent le parcours.
La scénographie est éco-responsable. Sol, cimaises et mobilier jouent le jeu du réemploi, de la durabilité et du recyclable.

Informations pratiques

Musée du Luxembourg
19 rue Vaugirard
75006 Paris
Téléphone
01 40 13 62 00
Ouverture
tous les jours de 10h30 à 19h
nocturne tous les lundis jusqu’à 22h
fermeture anticipée à 18h les 24 et 31 décembre
fermeture le 25 décembre
Accès
Métro St Sulpice ou Mabillon
RER B Luxembourg
Bus : 58 ; 84 ; 89 ; arrêt Musée du Luxembourg / Sénat
Informations et réservations
museeduluxembourg.fr
Audioguides
Adulte (français, anglais, espagnol, allemand, italien)
et enfant (français)
5 € sur place ; 3,49 € sur l’application mobile
4 € avec le pass Grand Palais+
Application mobile
Un outil indispensable pour les informations
pratiques, suivre l’actualité, préparer sa venue, vivre
pleinement les expositions et les événements du
musée. Elle offre également un parcours audioguidé
gratuit autour de 5 œuvres (en français et en anglais).
https://tinyurl.com/luxappli
Réalité virtuelle
Découvrez l’œuvre de Pierre Soulages grâce à Outrenoir, une expérience immersive en réalité virtuelle portée par la voix d’Isabelle Huppert !

GEORGES DE LA TOUR entre ombre et lumière

Georges de La Tour
Le Nouveau-Né, vers 1647-1648, huile sur toile,
Musée des Beaux-Arts de Rennes

Jusqu'au 25 janvier 2026, le Musée Jacquemart-André consacre une exposition inédite à Georges de La Tour (1593-1652), offrant un regard renouvelé sur l’œuvre rare et lumineuse de l’un des plus grands peintres français du XVIIe siècle.
COMMISSARIAT
Dr. Gail Feigenbaum est spécialiste de l’art italien et français du début de l’époque moderne
Pierre Curie est conservateur général du patrimoine.
PRODUCTION ET RÉALISATION
Emmanuelle Lussiez, Directrice des expositions de Culturespaces
Milly Passigli, Directrice déléguée de la programmation des expositions
Bernadette Roux, Responsable des expositions du Musée Jacquemart-André
Livia Lérès et Domitille Séchet pour l’iconographie au sein de Culturespaces
SCÉNOGRAPHIE
Hubert le Gall, sculpteur, designer et scénographe français

L’exposition du Musée Jacquemart-André propose une relecture de la carrière de Georges de La Tour en tentant d’éclairer les interrogations qui entourent encore son œuvre et son parcours. Malgré la rareté des originaux parvenus jusqu’à nous, l’art de Georges de La Tour a laissé une empreinte profonde dans l’histoire de l’art. Par son naturalisme subtil, l’épure formelle de ses compositions et leur intensité spirituelle, il a su créer un langage pictural d’une grande puissance émotionnelle, capable de traverser les siècles. Cette
exposition offre ainsi l’occasion de redécouvrir l’un des artistes les plus fascinants du Grand Siècle, dans toute la richesse et la complexité de son œuvre.

Georges de La Tour, La Femme à la puce,
vers 1632-1635, huile sur toile, 123,3 x 89 cm,
Nancy, Musée lorrain – Palais des ducs de Lorraine
© Palais des ducs de Lorraine – Musée Lorrain,
Nancy / photo. Thomas Clot

Né à Vic-sur-Seille, dans le duché indépendant de Lorraine, Georges de La Tour mena une brillante carrière, travaillant pour de prestigieux mécènes et collectionneurs, comme les ducs de Lorraine, le cardinal Richelieu
et en tant que peintre ordinaire du roi Louis XIII. Dans le contexte violent de la guerre de Trente Ans, sa maison et son atelier à Lunéville furent détruits en 1638, et Georges de La Tour choisit de se rapprocher de Paris et
du pouvoir : il offrit notamment au roi Louis XIII un tableau nocturne représentant Saint Sébastien (aujourd’hui perdu), que le souverain aurait tant apprécié qu’il fit retirer tous les autres tableaux de sa chambre pour ne
conserver que celui-ci.

Malgré la gloire et le succès connus de son vivant, Georges de La Tour tomba dans l’oubli après son décès en 1652. Il faut attendre les années 1910 et l’entre-deux-guerres pour que son œuvre soit redécouverte par les historiens de l’art, lui permettant près de trois siècles après sa mort de retrouver la place qui lui revient parmi les plus grands peintres français du XVIIe siècle.

Georges de La Tour, Le Souffleur à la pipe, 1646,
huile sur toile, 70,8 x 61,5 cm, Tokyo Fuji Art Museum
©Tokyo Fuji Art Museum Image Archives/DNPartcom

Rassemblant une trentaine de toiles et d’œuvres graphiques prêtées par des collections publiques et privées françaises et étrangères, l’exposition adopte une approche thématique destinée à cerner l’originalité de Georges de La Tour. Le parcours explore ses sujets de prédilection — scènes de genre, figures de saints pénitents, effets de lumière artificielle — tout en replaçant sa vie et son œuvre dans le contexte plus large du caravagisme européen, notamment celui de l’influence des caravagesques français, lorrains et hollandais. Plutôt qu’une imitation directe des leçons de Caravage, la singularité de l’œuvre de Georges de La Tour tient à son interprétation personnelle du clair-obscur, nourrie par un réalisme radical et une intense spiritualité qui donnent à ses compositions une modernité intemporelle.

L’EXPOSITION EN 5 ŒUVRES PHARES

Le Nouveau-Né illustre avec une intensité rare la manière dont Georges de La Tour transcende une scène domestique par la seule force de la lumière. S’il s’agit à première vue d’une simple scène de maternité, tout dans la composition invite à sa lecture spirituelle – à tel point que l’on ne peut s’empêcher d’y voir une représentation de la Vierge, de sainte Anne et de l’Enfant Jésus. Georges de La Tour évite tout attribut religieux explicite, à l’exception de la lumière qui
semble émaner autant du nourrisson que de la flamme elle-même, comme si la divinité s’y révélait.

Georges de La Tour
La Madeleine pénitente, vers 1635-1640, huile sur toile,
National Gallery of Art, Washington National Gallery of Art,
Ailsa Mellon Bruce Fund

Parmi les quatre versions autographes connues de ce thème, la Madeleine pénitente conservée à Washington figure parmi les plus émouvantes. Assise de profil dans une pièce dépouillée, la sainte est absorbée dans une profonde méditation. Une flamme, que l’on ne voit pas directement, éclaire la scène d’un halo doré. L’image est d’une grande sobriété formelle, mais d’une richesse
symbolique saisissante : le crâne et le miroir évoquent la vanité des biens terrestres, tandis que la lumière, immatérielle, est une métaphore de l’élévation spirituelle.
Georges de La Tour donne ici une interprétation profondément humaine de la figure de la pécheresse repentie, figure du sacrement de pénitence ancrée dans la spiritualité catholique du XVIIe siècle. Par la simplicité de la composition, l’économie des moyens et la précision des détails, La Tour atteint une forme de grâce austère où le mysticisme se conjugue à une présence presque physique de son modèle.

Georges de La Tour
Job raillé par sa femme, années 1630, huile sur toile,
Musée départemental d’art ancien et contemporain, Épinal

Le clair-obscur dramatique, la simplicité de la composition et le naturalisme austère contribuent à faire de ce tableau l’un des plus saisissants et originaux de Georges de La Tour. Représentant un vieil homme décharné assis, une femme penchée sur lui, cette scène est identifiable à un passage du Livre de Job dans la Bible, grâce à l’indice discret du tesson de poterie posé aux
pieds du vieillard. La flamme de la bougie, discrète mais centrale, structure toute la composition : elle éclaire les visages, révèle les textures et crée une atmosphère de recueillement silencieux.
À l’instar de Caravage, Georges de La Tour cultive l’ambiguïté narrative et visuelle. Il gomme volontairement certains attributs iconographiques pour mieux immerger le spectateur dans une scène intime qui interroge la foi, la souffrance, et la solitude de l’homme éprouvé – transfigurant
le quotidien pour y faire advenir le divin.

Georges de La Tour
Les Larmes de saint Pierre (dit aussi Saint Pierre repentant), 1645,
huile sur toile, 114 x 95 cm
The Cleveland Museum of Art, Gift of the Hanna Fund

Signé et daté de 1645, le tableau des Larmes de saint Pierre constitue un jalon essentiel dans l’œuvre de Georges de La Tour. Saint Pierre est ici représenté non comme le fondateur glorieux de l’Église, mais comme un homme accablé par le remords. Assis, le regard rougi par les larmes, il médite dans l’obscurité, éclairé seulement par la lueur vacillante d’une lanterne. Sa position humble, ses pieds nus chaussés de lourdes socques, l’accent mis sur son âge et sa fragilité traduisent la douleur d’un homme qui a renié le Christ. À ses côtés, un coq rappelle la prophétie de Jésus : « Avant que le coq ne chante, tu m’auras renié trois fois. »
L’économie des formes, les couleurs sourdes et la retenue de cette scène empreinte de gravité délivrent une profonde charge spirituelle. Georges de La Tour imagine une iconographie de la contrition, solitaire, humaine, poignante.

Georges de La Tour
Le Reniement de saint Pierre, 1650, Huile sur toile, 135,2 x 175,6 cm,
Nantes, Musée d’arts

C’est à partir de cette toile que l’historien de l’art Hermann Voss a identifié Georges de La Tour en 1915. Offert en étrennes au gouverneur de Lorraine, le maréchal de La Ferté, ce tableau est aussi l’un des rares à porter une date, ce qui en fait un repère important dans la chronologie de l’œuvre de Georges de La Tour. L’œuvre se distingue par la tension subtile entre sacré et profane. Dans un angle de la composition, saint Pierre et la servante se détachent dans
la pénombre. Mais l’espace principal est occupé par une scène profane : une partie de dés animée entre soldats, rendue avec un réalisme d’une grande virtuosité formelle.
Georges de La Tour continue d’explorer la lumière comme langage spirituel et dramatique. Mais il y insert une complexité narrative inédite, en confrontant la solitude intérieure du reniement à la trivialité tapageuse du monde. Dans cette œuvre tardive, la participation de l’atelier du peintre, voire de son fils Étienne, est possible, les pratiques d’atelier de Georges de La Tour dans les dernières années de sa vie restant encore assez méconnues.

Sur Arte film documentaire

INFORMATIONS PRATIQUES

Musée Jacquemart-André,
158, boulevard Haussmann – 75008 Paris
Téléphone : 01 45 62 11 59

Horaires
Le Musée Jacquemart-André est ouvert du lundi au jeudi de 10h à 18h.
Les vendredis de 10h à 22h
Les samedis de 10h à 19h
Dernière admission 30 minutes avant la fermeture du musée.

Le Nélie – Restaurant – Salon de thé est ouvert du lundi au jeudi de 9h à 18h, le vendredi de 9h à 22h et les samedis
et dimanches de 11h à 19h.
Brunch les samedis et dimanches de 11h à 14h30.
Ouverture en nocturne afterwork les vendredis jusqu’à 22h.
Dernière admission au café 30 minutes avant la fermeture.

Accès
Le Musée se situe à quelques pas des Champs-Élysées et des grands magasins.
En métro : Lignes 9 et 13, stations Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule
En bus : Lignes 22, 43, 52, 54, 28, 80, 83, 84, 93

Oliver Ressler. Scenes from the Invention of Democracy

We Are the Forest Enclosed by the Wall
Artist & involved persons: Oliver Ressler
Date of origin: 2025
Material / technique: 4K video
Copyright: © ProLitteris, Zurich
Creditline: Courtesy of the artist, àngels barcelona
Avec Scenes from the Invention of Democracy, le Musée Tinguely montre du 24 septembre 2025 au 1er mars 2026 la première exposition dans un musée suisse de l’artiste autrichien Oliver Ressler (né en 1970). 
Roland Wetzel, Direktor Museum Tinguely, Commissaire : Tabea Panizzi | Assistant : Nils Lang

Olivier Ressler évolue depuis de nombreuses années à la croisée de l’art et de l’activisme. Ses œuvres abordent les notions de démocratie, de travail, de
migration et d’écologie, autant de domaines étroitement liés et fortement impactés par les effets de la mondialisation et du capitalisme. Son regard critique porte sur les systèmes politiques, l’influence de l’économie et la manière dont nous traitons notre planète sur fond d’urgence climatique.
À Bâle sont présentés des travaux réalisés entre 2009 et 2025, comme What is Democracy? ou We Are the Forest Enclosed by the Wall.
Ils incitent à un examen critique des rapports de pouvoir existants, tout en mettant en lumière des actions possibles pour les transformer. Une programmation variée aborde les questions soulevées par son travail. Quelques protagonistes des œuvres vidéo seront invité.es au musée et replaceront ces sujets dans le contexte politique et social actuel.
Le Musée Tinguely offre à tous ses publics une plateforme de dialogue sur les défis urgents de notre époque.

Le travail

Le travail d’Oliver Ressler s’intéresse aux questions politiques, sociales et écologiques, il documente, en observateur solidaire, des actes de désobéissance civile et de protestation.
L’artiste est d’avis que nous ne sommes pas obligé.es d’accepter les injustices sociales, et qu’il existe au contraire des moyens de les combattre activement. Il invite à une réflexion sur les structures de pouvoir existantes et les possibilités de changement en politique et dans la société. L’exposition Scenes from the Invention of Democracy comprend quatre œuvres vidéo réalisées entre 2009 et 2025 qui présentent clairement la pratique artistique de Ressler. Face à la crise climatique et à la montée de l’autoritarisme dans le monde, ces œuvres, malgré la distance du temps, frappent toutes par leur gravité particulière et leur caractère hautement actuel.


L’installation vidéo huit canaux What is Democracy? (2009) s’appuie sur des entretiens avec des activistes et analystes politiques de 18 villes du monde entier. La question du titre révèle l’ambiguïté : les personnes interrogées questionnent d’une part la forme dominante de démocratie représentative parlementaire et d’autre part les possibilités de systèmes alternatifs plus démocratiques, de même que leurs structures organisationnelles. Les huit vidéos abordent de manière critique des aspects tels que la représentation, la
participation, les mécanismes d’exclusion, la transparence
et le secret. Même si, lors de la mise en place du projet, toutes les personnes interviewées vivaient dans des États considérés comme démocratiques
et partaient de la même question initiale, l’œuvre ouvre des perspectives diverses. Seize ans plus tard, le propos est plus pertinent que
jamais. À l’heure où l’on parle de plus en plus d’une « crise de la démocratie », l’installation de Ressler offre d’ailleurs une véritable matière à réflexion. 

Tant que tu ne représentes aucun danger,
tu es libre d’exprimer ton opinion.
Boris Kagarlitsky, moscou
(citation de What Is Democracy?, 2009)

Anubumin (2017), créé en collaboration avec l’artiste australienne Zanny Begg, est braqué sur la petite île de Nauru, dans le Pacifique.
Mêlant récit poétique et témoignages de lanceur.ses d’alerte, le film explore les failles dans le passé et l’avenir de Nauru. Dès 1906, le phosphate y a été extrait puis exporté en Australie comme engrais pour les colons, conduisant le pays à la débâcle et Nauru à devenir quasiment inhabitable dans les années 1980. Aujourd’hui encore, l’île abrite un camp de rétention australien offshore, critiqué depuis des années pour ses violations systématiques des droits
humains – ce que le gouvernement australien tente de dissimuler, malgré les révélations des médecins et des infirmières qui rendent compte de leur expérience dans la vidéo.

La vidéo Not Sinking, Swarming (2021) offre un aperçu rare de l’auto-organisation des groupements d’activistes pour le mouvement climatique. En octobre 2019, Ressler a accompagné une rencontre, notamment d’Extinction Rebellion et Fridays for Future, qui préparait une action de désobéissance civile à Madrid. La complexité de la démarche apparaît clairement : outre les discussions sur la communication, la formation, la restauration, la
logistique et la stratégie, des groupes de travail sont également constitués autour de l’assistance juridique, le dialogue avec la police, les revendications et les finances.

Afin d’éviter des poursuites pénales, les participant.es sont représenté.es par des silhouettes pixelisées. Par sa combinaison avec la superposition d’images vidéo de l’action en cours, où des centaines d’activistes bloquent un pont autoroutier à Madrid avec un bateau, l’œuvre prend une forme visuelle unique.

La nouvelle réalisation de Ressler, présentée pour la première fois, aborde elle aussi les manifestations. We Are the Forest Enclosed by the Wall (2025) prend pour point de départ le projet d’agrandissement du Centre technique de Nardò (NTC) par Porsche Engineering, une gigantesque piste d’essai à grande vitesse pour voitures de luxe, dans les Pouilles.

Ce projet menaçait une forêt centenaire située à l’intérieur du cercle, un écosystème d’une importance cruciale pour cette région italienne frappée par la sécheresse. Le film laisse s’exprimer les habitant.es et activités qui se sont regroupé·es sous l’appellation « Gardes du Bosco d’Arneo ». pour résister à l’expansion et à l’expropriation des terres destinées à la renaturation.
Porsche Engineering entendait compenser les conséquences du défrichement de 200 hectares de forêt. Or les perspectives de reforestation sont extrêmement ténues en raison de la salinisation des nappes phréatiques. Cette situation illustre comment des entreprises au fort pouvoir financier, et promettant la croissance économique, influencent les décisions politiques et acceptent en retour des dommages irréversibles pour l’environnement. Tout comme
dans Not Sinking, Swarming, Ressler travaille avec un langage visuel bien particulier : la superposition d’images vidéo de la forêt rend anonymes les personnes qui parlent, ce qui non seulement illustre les liens inextricables entre forêts et populations, mais montre aussi que les manifestant.es dans les systèmes démocratiques sont de plus en plus poursuivi.es en justice
pour leurs actions.

En Italie, les actes de désobéissance civile peuvent entraîner de lourdes peines de prison en raison de la « loi anti-Gandhi » sur la sécurité, entrée en vigueur en 2025.
Mais le film est aussi porteur d’espoir, car la résistance a abouti : le 27 mars 2025, Porsche a annoncé sa décision d’abandonner le projet.

Biographie

Oliver Ressler vit à Vienne et travaille sur des installations, des projets en extérieur et des films en lien avec l’économie, la démocratie, le changement climatique, les formes de désobéissance civile et les alternatives sociales. Ses 44 films ont été projetés lors de milliers d’événements organisés par des mouvements sociaux, des institutions artistiques et des festivals de cinéma. Ressler a exposé plusieurs fois au MNAC– National Museum of Contemporary
Art, Bucarest ; SALT Galata, Istanbul ; Centro Andaluz de Arte Contemporaneo, Séville ; Museo Espacio, Aguascalientes, Mexique et Belvedere 21, Vienne. Il a participé à plus de 480 expositions collectives, entre autres au Museo Reina Sofía, Madrid ; Centre Pompidou, Paris ; Yerba Buena Center for the Arts, San Francisco et à la Biennale de Prague, Séville, Moscou, Taipeh, Lyon, Gyumri, Venise, Athènes, Quebec, Helsinki, Jeju, Kiew, Göteborg, Istanbul, Stavanger et
à la Documenta 14, Kassel, 2017. De 2019 à 2023, Ressler a travaillé pour un projet de recherche sur les mouvements pour la justice climatique, Barricading the Ice Sheets, financé par le Fonds scientifique FWF et qui a donné lieu à six expositions individuelles : Camera Austria, Graz (2021); Museum of Contemporary Art, Zagreb (2021) ; Neuer Berliner Kunstverein (n.b.k.), Berlin (2022); Tallinn Art Hall, Tallinn (2022) ; LABoral Centro de Arte y Creación Industrial, Gijón (2023); The Showroom, Londres (2023)

Informations pratiques

Catalogue en ligne : pendant la durée de l’exposition, un catalogue en ligne sera publié avec des contributions d’Anthony Elms, Tabea Panizzi et Oliver Ressler.
Événements autour de l’exposition
Lecture Performance | What role can art play in political activism?
04.12.2025, 19h30
Alessandra Pomarico, curator and author, and Nikolai Oleynikov, artist, talk about artists’ engagement in the struggle against Porsche’s track expansion in Apulia. They will share insights from Free Home University, their artistic­pedagogical initiative in Salento.
Entrée gratuite, en anglais
Conférence | Démocratie et fascisme
09.12.2025, 10h15 à 12h
Musée Tinguely |
Paul Sacher-Anlage 1 |
4002 Bâle
Heures d’ouverture : mardi– dimanche 11h-18h, jeudi 11h-21h
Site Internet : www.tinguely.ch | www.ressler.at
Réseaux sociaux : @museumtinguely | #museumtinguely | @oliver.ressler | #whatisdemocracy

Accès
depuis la gare SBB tram n°2 jusqu’à Wettstein Platz
puis bus n° 38 et 31 jusqu’à l’arrêt musée Tinguely

 

Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten

 Hon – en katedral
Au Grand Palais, Galeries 3 et 4, jusqu'au 04.01.26
Exposition coproduite par le Centre Pompidou et le GrandPalaisRmn avec l’aimable participation de la Niki Charitable Art Foundation
Commissaire Conservatrice en chef des collections contemporaines
Musée national d’art moderne – Centre Pompidou
Sophie Duplaix
Commissaire associée Attachée de conservation
Musée national d’art moderne – Centre Pompidou Rita Cusimano

Niki de Saint Phalle (1930−2002) et Jean Tinguely (1925−1991) marquent les premières décennies du Centre Pompidou avec des réalisations spectaculaires, telles Le Crocrodrome de Zig & Puce (1977) dans le forum du bâtiment ou la Fontaine Stravinsky (1983), commande de la Ville de Paris, au pied de l’Ircam.

Cette exposition, fabuleuse − qui inaugure la collaboration entre le Centre Pompidou et le GrandPalaisRmn pendant la fermeture pour rénovation du site
« Beaubourg » − met en lumière des moments clés de la carrière de ce couple mythique, uni par des liens artistiques indéfectibles et une vision de l’art comme acte de rébellion contre les normes établies.

C’est par le prisme de Pontus Hulten (1924−2006), premier directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou de 1977 à 1981, que l’exposition revient sur les créations de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely. Grâce à l’impulsion donnée par cette personnalité très tôt remarquée dans le monde des musées,les deux artistes bénéficient d’une importante visibilité. Hulten, animé par l’idée rimbaldienne de « changer la vie » et porté par une approche muséale radicale et novatrice, offre un soutien inconditionnel au couple d’artistes. Il partage leurs conceptions anarchistes au service d’un art pour tous, pluridisciplinaire et participatif, qui bouscule les conventions et déplace les lignes.
Pontus Hulten favorise l’acquisition par les institutions d’œuvres
majeures de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, et organise au Centre Pompidou des rétrospectives des deux artistes, celle de Saint Phalle en 1980 et de Tinguely en 1988. Il orchestre également la réalisation de leurs projets d’installations hors normes, tant au Moderna Museet de Stockholm, la première institution qu’il dirige, avec la gigantesque sculpture pénétrable


Hon – en katedral en 1966, qu’à Paris au Centre Pompidou avec Le Crocrodrome de Zig & Puce et ses éléments de fête foraine, en 1977.
C’est aussi grâce à Pontus Hulten que Niki de Saint Phalle parachève la réalisation d’une vie de Jean Tinguely après son décès, Le Cyclop, monstre de métal visitable ponctué d’œuvres d’amis artistes et caché au cœur des bois de Milly-la Forêt, près de Paris.

L’exposition « Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten » propose un parcours à la fois historique et ludique, où s’entrelacent art, amour, amitié et engagement, tout en soulignant la part d’utopie et de provocation artistique partagée par les trois protagonistes.

La richesse de la collection du Centre Pompidou, associée à des prêts majeurs d’institutions nationales et internationales, permet de découvrir ou redécouvrir des œuvres emblématiques des deux artistes. Les machines animées, plus ou moins autodestructrices et « inutiles », de Tinguely, sont une critique acerbe de la mécanisation et du progrès technologique de la société industrielle des
Trente Glorieuses. Les Tirs de Niki de Saint Phalle, reliefs blancs renfermant des poches de couleurs sur lesquels elle tire pour « faire saigner la peinture », renversent tant les codes de l’art que de la société, en mettant en évidence le pouvoir féminin.

Ses célèbres Nanas colorées et joyeuses s’inscrivent dans la continuité de cette approche iconoclaste. L’exposition présente également des films d’archives rares et toute une correspondance de lettres-dessins autour des œuvres et des projets titanesques de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, menés en complicité avec Pontus Hulten.

Au-delà de la célébration de deux artistes majeurs du 20e siècle, portés par la vision d’un homme de musée d’exception, cette exposition interroge leur horizon de pensée selon lequel la revendication d’une autonomie de l’art, la remise en question de l’institution et l’adresse directe au public, deviennent des moteurs de la création.
2025 marque le centenaire de la naissance de Jean Tinguely

Tinguely, l’Enfer un début

Quelques vidéos de l’exposition
Le jardin des Tarots

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film très complet

vidéo

Informations pratiques

Accès
Grand Palais, Galeries 3 et 4
Entrée square Jean Perrin
17 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris
Métro ligne 1 et 13 : Champs Elysées-Clemenceau
ou ligne 9 : Franklin D. Roosevelt
Ouverture
Du mardi au dimanche
De 10h à 19h30
Nocturne le vendredi jusqu’à 22h

Art brut dans l’intimité d’une collection

Aloïse Corbaz dit Aloïse
Collier en serpent
Vers 1956
Pastel gras et mine graphite sur papier
58 x 44 cm, recto verso
ART BRUT / donation Bruno Decharme en 2021
Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne -
Centre de création industrielle
© Centre Pompidou, MNAM-CCI / Audrey Laurans / dist.
GrandPalaisRmn © Association Aloïse, Chigny

Exposition coproduite par le Grand Palais Rmn, au Grand Palais, Galeries 8
et le Centre Pompidou jusqu'au 21 septembre 2025
Commissaires : Bruno Decharme, Collectionneur et réalisateur
Barbara Safarova, Enseignante à l’école du Louvre et chercheuse
Commissariat associé :
Cristina Agostinelli, Attachée de conservation et responsable
de programmation, service des collections contemporaines, Musée national d’art moderne –Centre Pompidou

« L’art doit toujours un peu faire rire et un peu faire peur. Tout mais pas ennuyer. » Jean Dubuffet

La donation Decharme au Centre Pompidou

L’accès aux œuvres d’art brut relève souvent d’un sauvetage improbable. Sans les indispensables « passeurs » que furent médecins, infirmiers, amis, amateurs curieux, collectionneurs mais aussi marchands, ces productions issues de la marge auraient tout simplement disparu, sous l’effet de la destruction ou de l’oubli.
Cette exposition, conçue à partir d’une donation d’exception, celle de Bruno Decharme au Centre Pompidou, présente un
panorama de l’art brut riche d’environ quatre cents œuvres, qui s’étendent du XVIIe siècle jusqu’à nos jours. En 2021, il fait don de 1000 œuvres au Centre
Pompidou, contribuant à la création d’un département
d’art brut qui lui faisait défaut.

Art Brut ?

Mais qu’est-ce que l’art brut ?
« L’art brut, c’est l’art brut et tout le monde comprend ! »
C’est ce que disait Jean Dubuffet quand, au sortir de la Seconde Guerre
mondiale, il a donné ce nom aux œuvres qu’il collectait.
Tout le monde comprend surtout ce que l’art brut n’est pas : il ne fait pas partie des beaux-arts et ne se produit pas dans les lieux habituels dédiés à la création, écoles ou ateliers ; il échappe aux courants et influences stylistiques. Déconcertant, il ne se laisse enfermer dans aucune catégorie et met en échec toutes nos tentatives de définition. Il se situe « ailleurs »…
Farouchement !
Les créateurs en question ne se réclament pas de l’art. Exclus, relégués dans les marges de la société, ils se tiennent dans un tête à tête avec leur for intérieur
qu’une instance mystérieuse gouverne. Exilés dans une réalité psychique éclaboussée d’étoiles, hors sol, ils redessinent sans cesse la géographie d’un univers dont ils inventent la structure et les formes. Nourris de leur seul vécu, comme investis d’une mission secrète, ils récoltent, accumulent, remplissent, déchiffrent, noircissent, déforment, amplifient, ordonnancent, bâtissent. Prophètes solitaires, ils ne s’adressent pas à nous.
L’exposition raconte un aspect de cette histoire, à travers le prisme d’une sélection parmi les mille œuvres de la donation Decharme au Centre Pompidou
en 2021.
Débutée dès la fin des années 1970, la collection de Bruno Decharme s’inscrit dans un projet global. Au delà de sa passion de collectionneur et de son regard
personnel de cinéaste, Decharme a fondé le pôle de recherche abcd (art brut connaissance & diffusion) en 1999, dirigé par Barbara Safarova, qui vise à poser l’art brut comme une question et non comme une catégorie, à le situer par rapport à la nature et à la place des marges et dissidences dans nos sociétés
mouvantes.
L’exposition est un carnet de voyage, un kaléidoscope de questionnements. Des délires scientifiques aux connexions avec les esprits, des « bricollage » aux
langues inventées, des missions de sauvetage de l’humanité aux épopées célestes, les créateurs d’art brut interrogent l’universel au travers de leurs
préoccupations personnelles. Ce champ de l’art croise également d’autres regards, d’autres pays, d’autres cultures, au Japon, à Cuba, aux États-Unis, au Brésil…
Des capsules vidéo nourrissent par ailleurs le parcours en présentant certains artistes et leur rencontre avec Bruno Decharme et Barbara Safarova.
La donation Decharme révèle non seulement des chefs-d’œuvre devenus des classiques (Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz, Martín Ramírez, Henry Darger, Augustin Lesage, Emery Blagdon pour ne citer qu’eux), mais aussi des découvertes propres à cette collection, avec des raretés (par exemple le dernier livre de Charles A.A. Dellschau, une gouache de Georgiana Houghton, ou
des broderies d’une anonyme dont on trouve la trace dans des publications psychiatriques de référence) et une sélection importante
d’ « art brut contemporain »
– autant d’œuvres exceptionnelles qui sont désormais protégées au sein de la collection du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou. 

L’exposition

Le visiteur est accueilli dans une salle tapissée de portraits d’artistes. Les textes qui présentent l’exposition sont disséminés et peuvent être lus dans
l’ordre de son choix.
L’exposition se déroule tel un cheminement à travers des sections thématiques se fondant sur des questionnements, des obsessions, des doutes, voire
des tourments.
Ainsi, le visiteur est invité à recevoir ces œuvres d’art brut à partir de cette histoire commune et ressentir alors, par effet de contraste, la façon dont ces artistes, d’un genre particulier, perçoivent, eux, le monde et le représentent.

Bien que trop fournie, les œuvres sont rangées en chapitres, comme s’il s’agissait de botanique ou d’entomologie, ce que démontre la disparité des regroupements proposés :
des sections géographiques – Brésil, Japon, Cuba –, des thématiques – magies,
monstres, assemblage – et d’autres encore consacrées à des lieux – la « S » Grand Atelier dans les Ardennes belges ou la Haus der Künstler (« maison des artistes ») viennoise.
Bien des pièces pourraient passer d’une section à l’autre sans inconvénient.
L’exposition se déroule donc comme une suite de surprises.
Certaines ont des noms depuis longtemps célèbres et sont présentées ici
par des œuvres importantes : comme les « historiques »
Aloïse Corbaz, Guillaume Pujol, Auguste Forestier, Henry Darger,
Scottie Wilson, Adolf Wölfli, Carlo Zinelli, Melvin Way et, côté spirites,
Augustin Lesage et Fleury Joseph Crépin. 

Réparer le monde

Les artistes présentés dans cette première section semblent avoir été élus par une instance mystérieuse pour réaliser une mission impossible : sauver
l’humanité de désastres – imaginaires ou bien réels –, de catastrophes en cours et à venir, de maux en tous genres. Ils se prennent parfois pour le Messie
ou obéissent à des injonctions obscures.

Hans-Jörg Georgi, Sans titre, 2021 – 2024, carton découpé et collé,
120 x 222 x 220 cm, ART BRUT / donation Bruno Decharme en 2021,
Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne – Centre de
création industrielle © photo Axel Schneider © Hans-Jörg Georgi,
courtesy Atelier Goldstein

Pêle mêle à suivre
Vidéo

Informations pratiques

GrandPalaisRmn
254-256 rue de Bercy
75 577 Paris cedex 12
Ouverture
du mardi au dimanche de 10h à 19h30, nocturne le vendredi
jusqu’à 22h. Fermeture hebdomadaire le lundi.
Fermeture exceptionnelle à 14h les 18 et 24 juin
Accès
Entrée square Jean Perrin
17 Avenue du Général
Eisenhower 75008 Paris
Métro ligne 1 et 13 :
Champs-Élysées – Clemenceau
ou ligne 9 : Franklin D. Roosevelt
Informations et réservation
www.grandpalais.fr

Matisse et Marguerite, le regard d’un père

« Au temps de mon père, on vivait avec son drame quotidien, qui était la peinture. »
— Marguerite Duthuit-Matisse, 1970


Au Musée d’Art Moderne de Paris   du 4 avril au  24 août 2025
Commissaires
Isabelle Monod-Fontaine, conservatrice générale du patrimoine honoraire
Hélène de Talhouët, docteure en histoire de l’art contemporain, enseignante-chercheuse
Charlotte Barat-Mabille, commissaire d’exposition au Musée d’Art Moderne de Paris

Le Musée d’Art Moderne de Paris présente une exposition inédite d’Henri Matisse (1869-1954), l’un des plus grands artistes du XXème siècle. Rassemblant plus de 110 œuvres (peintures, dessins, gravures, sculptures, céramique), elle propose de montrer le regard d’artiste et de père que Matisse porte sur sa fille aînée, Marguerite Duthuit-Matisse (1894-1982), figure essentielle mais discrète de son cercle familial.
L’exposition présente de nombreux dessins rarement sinon jamais montrés au
public, ainsi que d’importants tableaux venus de collections américaines, suisses et japonaises exposés en France pour la première fois.

Marguerite Matisse, 1915/1916 autoportrait Collection particulière

Des photographies, documents d’archives et œuvres peintes par Marguerite elle-même complètent l’évocation de cette personnalité méconnue du grand public.
Depuis les premières images de l’enfance jusqu’à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, Marguerite demeure le modèle de Matisse le plus constant – le seul à
avoir habité son œuvre au cours de plusieurs décennies. Porteurs d’une franchise et d’une intensité remarquables, ses portraits trahissent une émotion rare, à la hauteur de l’affection profonde que Matisse portait à sa fille. L’artiste semblait voir en elle une sorte de miroir de lui-même, comme si, en la dépeignant, il accédait enfin à l’« identification presque complète du peintre et de son modèle » à laquelle il aspirait.
Organisée de manière chronologique, l’exposition témoigne de la force du lien qui unissait l’artiste et sa fille, et permet d’appréhender l’immense confiance et le respect qu’ils se vouaient mutuellement. Elle est aussi l’occasion de découvrir le destin fascinant d’une femme hors du commun, qui joua un rôle de premier plan dans la carrière de son père.

« Cette petite fille-là… », 1894-1905

Fille d’Henri Matisse et de Caroline Joblaud, Marguerite voit le jour en 1894. Non marié, le couple s’était rencontré à Paris, Matisse ayant quitté son Nord natal pour venir étudier la peinture dans la capitale. Il n’a alors que vingt-quatre ans.

Henri Matisse
Intérieur à la fillette (La Lecture)
Paris, quai Saint-Michel, automne-hiver 1905-1906
Huile sur toile
72,7 x 59,7 cm
New York, The Museum of Modern Art
Don de Monsieur et Madame David Rockefeller, 1991
Crédit : Digital image, The Museum of Modern Art, New York /
Scala, Florence

En 1897, le couple se sépare et Matisse reconnaît officiellement Marguerite, qui portera désormais son nom. L’année suivante, le peintre épouse Amélie Parayre, qui propose d’élever Marguerite comme sa propre enfant. Surnommée
affectueusement « Margot », la petite fille nourrit un profond attachement pour sa mère adoptive et grandit aux côtés de ses frères Jean et Pierre.
« Nous sommes comme les cinq doigts de la main », écrira-t-elle plus tard à propos de ce noyau familial très soudé.
Son enfance est marquée par la maladie : à l’âge de sept ans, suite à une diphtérie, elle subit une première trachéotomie, dont elle dissimulera longtemps la cicatrice sous des cols montants ou un ruban noir, attribut distinctif de ses portraits. Privée d’une scolarité normale en raison de sa santé fragile, elle devient une authentique « gosse d’atelier », témoin attentif du travail de Matisse. Les audaces chromatiques des tableaux de son père sont pour elle toutes naturelles : elle baigne quotidiennement dans cette intensité des couleurs qui fait scandale au Salon d’Automne de 1905, et qui prend le nom de
« fauvisme ».

Collioure, 1906-1907

À l’été 1906, Matisse, Amélie et leurs trois enfants s’installent à Collioure, modeste village de pêcheurs situé au bord de la Méditerranée. Le peintre réalise alors une première grande série d’œuvres d’après Marguerite. Âgée de douze
ans, la petite fille s’affirme comme modèle privilégié de son père, apparaissant sur tous types de supports. Ses longs cheveux ornés d’un ruban rouge se déclinent ainsi dans plusieurs tableaux et dessins, mais aussi en gravure,
sculpture et céramique.

Au sein de cet ensemble foisonnant, une œuvre se dégage et deviendra l’une des plus emblématiques de Matisse. Il s’agit de Marguerite lisant, que le peintre choisit d’exposer au Salon d’Automne dès le mois d’octobre 1906. La petite
fille apparaît absorbée dans sa lecture, la tête appuyée sur le poing. Sa pose rappelle celle du tableau fauve réalisé quelques mois plus tôt à Paris, mais la facture de l’artiste a déjà évolué. La touche vive et fragmentée a laissé place à
une approche plus calme, assagie. Une nouvelle force méditative se dégage de la toile, dont le cadrage serré accentue le sentiment d’intimité.

Henri Matisse
Marguerite lisant
Collioure, été 1906
Huile sur toile
64,5 x 80,3 cm
Musée de Grenoble
Legs Agutte-Sembat, 1923
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix

Marguerite, modèle d’avant-garde

Marguerite offre à son père un visage changeant, parfois rebelle. Très vite, la sage écolière aux yeux baissés se mue en fière adolescente au regard intense. Ces deux portraits marquent le passage de la petite à la jeune fille : les
cheveux de Marguerite y sont désormais attachés, tandis que sa posture annonce une personnalité à la fois volontaire et retenue.
Une nouvelle approche se fait jour chez Matisse, marquée par une simplification des formes et des rapports de couleurs.

Henri Matisse
Marguerite
Collioure, hiver 1906-1907 ou printemps 1907
Huile sur toile
65,1 x 54 cm
Musée national Picasso-Paris
Donation Picasso, 1978
Collection personnelle Pablo Picasso
Crédit : Grand palais RMN (musée national PicassoParis) / René-Gabriel Ojeda

Dans son portrait surtitré
« Marguerite », la fille du peintre se détache sur un fond uni et abstrait, telle une
icône. Ses pommettes rosies se retrouvent dans le magistral portrait de 1910 où elle pose avec un chat noir : la jeune fille plante son regard dans celui de son père, tandis que de vives teintes printanières rehaussent son visage éclatant.
Loin de se laisser passivement peindre ou dessiner, Marguerite tend à Matisse une sorte de miroir. L’artiste s’y reconnaît, tout comme il s’y heurte à une altérité irréductible et fascinante, scrutant le visage de sa fille avec la même
exigence inquiète qu’il s’applique à lui-même.

Portraits de guerre, 1914-1916

À la fin de l’année 1912, Marguerite part pour la Corse avec son frère Pierre ; elle espère reprendre ses études auprès de sa tante Berthe Parayre, qui dirige l’école normale d’institutrices à Ajaccio. L’expérience s’avérera difficile : en avril
1914, Marguerite renonce à son ambition de passer le brevet et retourne vivre avec ses parents. Ces derniers résident alors entre l’atelier du quai Saint-Michel, à Paris, et la vaste maison bourgeoise qu’ils ont achetée à Issy-les Moulineaux.


Henri Matisse
Tête blanche et rose
Paris, quai Saint-Michel, été 1914 – début 1915
Huile sur toile
75 x 47 cm
Paris, Centre Pompidou
Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle
Achat en 1976
Crédit : Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. GrandPalaisRmn /
Philippe Migeat

De nouveau présente quotidiennement auprès de son père, Marguerite pose pour une série de portraits qui culmine dans un tableau très géométrisé, dur et déroutant : Tête blanche et rose. En ces années sombres, marquées par le
début de la Première Guerre mondiale, Matisse développe une nouvelle manière de peindre, radicale et sans concession. Marguerite le soutient dans cette aventure, prêtant son visage à de multiples expérimentations en
peinture, dessin, gravure et sculpture.

Mademoiselle Matisse,
entre Nice et Paris, 1918-1919

Début 1918, Matisse prolonge un séjour à Nice, trouvant un nouveau départ dans la lumière de la Méditerranée. Il vit alors dans une chambre d’hôtel, puis dans un petit appartement face à la mer. Marguerite lui rend visite quelques
jours en février puis en avril. Elle pose là, sur le balcon, emmitouflée dans un spectaculaire manteau à carreaux noirs et blancs signé Paul Poiret. Les minces barreaux de la balustrade laissent apparaître un paysage réduit à l’essentiel,
tandis que l’air et la lumière de la mer circulent librement autour d’elle.


De retour à Paris à l’automne, Matisse entreprend une autre série de portraits de sa fille, cette fois assise en intérieur devant un fond neutre. Une tonalité plus mélancolique imprègne ces tableaux aux couleurs sombres. Seule fantaisie,
Marguerite arbore chaque fois un chapeau différent, qui témoigne de son intérêt pour la mode – elle tentera d’y faire carrière – comme de celui de son père pour le rendu des matières et des motifs décoratifs.
À l’été 1919, Marguerite pose pour une toile monumentale dans le jardin d’Issy-les-Moulineaux. Une page s’apprête à se tourner, alors qu’elle se voit, pour la première fois, doublée d’un autre modèle féminin.

Étretat, 1920

Au printemps 1920, Marguerite subit une ultime opération chirurgicale, qui la délivre enfin de son ruban noir. Son père l’emmène alors à Étretat, en Normandie, avec un double objectif. Pour elle, l’aider à reprendre des forces dans le climat tonique et iodé des bords de la Manche. Pour lui, travailler des motifs nouveaux, sous les cieux changeants déjà peints par Gustave Courbet et Claude Monet, entre autres.

Assise sur la plage, Marguerite apparaît comme une minuscule silhouette emmitouflée dans son manteau à carreaux noirs et blancs, protégée par une immense arcade rocheuse. Son visage s’affiche quant à lui dans des œuvres
réalisées en intérieur, devant le papier peint à motifs de sa chambre d’hôtel. Encore convalescente, Marguerite semble souvent épuisée, les cheveux dénoués comme lorsqu’elle était enfant. Un tableau la représente endormie, les
yeux clos et la gorge enfin libérée – une image délicate et précieuse qui témoigne d’une tendresse rarement exprimée par Matisse en peinture, et réservée à sa fille. Souvenirs de ce séjour normand passé en tête-à-tête, ces œuvres marquent également le retour à la vie de la jeune femme.

Avec Henriette Darricarrère,
Nice, 1921-1922

À l’automne 1920, Matisse s’installe à Nice, où il passera désormais la majeure partie de l’année. En janvier 1921, Marguerite le rejoint pour quelques mois à l’hôtel de la Méditerranée. Elle le retrouve à nouveau en septembre, cette
fois dans l’appartement loué par le peintre place Charles-Félix.
Quelque chose a basculé : dans les tableaux de son père, Marguerite ne figure plus seule mais accompagnée d’Henriette Darricarrère, une jeune modèle professionnelle. Ces toiles ne sont plus à proprement parler des
portraits : vu de plus loin, son visage y est à peine précisé, parfois même détourné. La jeune femme se trouve ramenée à un simple rôle de figurante. Débarrassée de son ruban, elle se reconnaît principalement à sa chevelure,
plus claire que celle d’Henriette. Complices, les deux jeunes femmes apparaissent souvent déguisées, dans des décors riches en étoffes et en couleurs.


En 1923, Marguerite épouse l’écrivain et critique d’art Georges Duthuit. Elle disparaît des tableaux de son père et devient son agente à Paris, jouant un rôle primordial dans sa carrière. Confidente et critique exigeante de son travail,
elle n’hésite pas à le bousculer :   
« Il me semble que papa a usé la lumière de Nice, écrit-elle. Je ne veux pas dire que je n’aime pas ces toiles – non – mais je crois qu’une certaine sorte d’émotion profonde se réalise plus facilement si on n’est pas noyé de lumière. »

Marguerite au travail

Ancienne « gosse d’atelier », Marguerite, devenue adulte, s’essaie elle-même à la peinture. Celle qui a grandi dans la peinture de Matisse peint alors des natures mortes, des paysages ou encore des autoportraits saisissants d’intensité.

À plusieurs reprises, elle expose ses tableaux aux côtés de ceux de son père et autres contemporains. En 1926, tandis qu’elle participe à une
« Exposition d’un groupe de femmes peintres françaises », un critique salue son œuvre
« aux directives fortes et personnelles qui lui permettent de supporter avec succès le plus lourd des héritages ».
Mais Marguerite paraît manquer de confiance. Renonçant à la peinture, elle se passionne pour la couture, ambitionnant de travailler dans la mode. En 1935, elle présente une collection d’une vingtaine de modèles en
Angleterre. Si les premiers retours sont encourageants, ses efforts en ce domaine resteront sans suite.


Henriette Darricarrère
Séance de pose à Nice pour le tableau Conversation
sous les oliviers (Marguerite et Henri Matisse)
1921
Photographie
Archives Henri Matisse
Crédit : Archives Henri Matisse

La gestion des affaires paternelles l’accapare. Redoutablement précise et exigeante, elle supervise le tirage des gravures et ouvrages illustrés de Matisse, et devient « l’œil de son père », ayant seule sa confiance. Elle accroche des
expositions Matisse à Berlin comme à Londres et, plus tard, aura la charge du catalogue raisonné de son œuvre, tâche laissée inachevée.

Le Visage du retour, 1945

Après une interruption de vingt ans, Matisse dessine à nouveau le visage de sa fille, en 1945, quelques mois avant que ne s’achève la Seconde Guerre mondiale. Les circonstances sont dramatiques : âgée de cinquante ans, Marguerite
vient de survivre à de terribles épreuves et d’échapper de justesse à la déportation en tant que prisonnière politique.
Engagée dans la Résistance au péril de sa vie, elle est devenue agent de liaison pour les Francs-tireurs et partisans (FTP) en janvier 1944, estimant qu’
« on ne peut ni ne doit se désintéresser de l’époque dans laquelle on vit – de ceux qui souffrent, qui meurent ».
Dénoncée, elle est arrêtée et torturée par la Gestapo, avant d’être incarcérée à Rennes, puis déportée en direction de l’Allemagne à la veille de la libération de la ville par les Alliés. Par miracle, elle est libérée à Belfort, avant le passage de la frontière, le 26 août.
Replié à Vence et gravement affaibli, Matisse ignorait tout des activités clandestines de sa fille. Après des mois de silence, père et fille se retrouvent finalement en janvier 1945. Bouleversé par son récit, Matisse dessine deux portraits de sa fille. Avec les lithographies réalisées quelques mois plus tard, c’est la toute dernière fois que Marguerite apparaît dans l’œuvre de son père.

Informations pratiques

MUSÉE D’ART MODERNE DE PARIS
11, avenue du Président Wilson, 75116 Paris
Tél. 01 53 67 40 00
www.mam.paris.fr
Transports
Métro : Alma-Marceau ou Iéna (ligne 9)
Bus : 32/42/63/72/80/92
Station Vélib’ : 4 rue de Longchamp ; 4 avenue Marceau ; place de la reine Astrid ; 45 avenue Marceau
ou 3 avenue Bosquet
Vélo : Emplacements pour le stationnement des vélos disponibles devant l’entrée du musée.
RER C : Pont de l’Alma (ligne C)
Horaires d’ouverture
Mardi au dimanche de 10h à 18h
(fermeture des caisses à 17h15)
Fermeture le lundi et certains jours fériés
Ouverture prolongée : les jeudis jusqu’à 21h30 et les samedis jusqu’à 20h

Henri Matisse, Marguerite et Antoinette Arnoud la chienne Lili