Se faire plaisir

Commissariat : 
Mireille Blanc, Marianne Marić et Sandrine Wymann.
A la Kunsthalle de Mulhouse jusqu'au 27 avril 2025
Introduction

Se faire plaisir (vidéo) est une exposition qui se fait l’écho d’un plaisir passant par le partage ou le jeu, un plaisir qui se ressent par le corps, s’acquiert par les sens et parle à nos émotions.

Conçue comme une exposition de rencontres permettant des expériences partagées, Se faire plaisir est le lieu d’un triple rapprochement et d’un triple plaisir. Celui des artistes qui croisent leurs pratiques, sous l’œil amusé des commissaires d’exposition qui la mettent en scène dans l’intention de prendre soin des visiteurs.


Lieu d’enivrement et d’alliance, l’espace d’exposition est transformé en paysages intimes, espaces intérieurs, où les objets, le décor demeurent étranges et insaisissables, et où les plaisirs s’associent pour se démultiplier et distiller d’intenses sensations.
Se faire plaisir est imaginée comme un défi, celui de glisser de la générosité dans nos vies quotidiennes.

Avec la participation de We Are The Painters, Caroline Achaintre, Victor Alarçon & Nitsa Meletopoulos, Mireille Blanc, Clément Bouteille, Stéphanie Cherpin, Afra Eisma, Camille Fischer, Marianne Marić, Cassidy Toner.

Informations pratiques

La Kunsthalle Mulhouse 
Centre d’art contemporain
La Fonderie, 2ème étage,
entrée par le parvis 
+ 33 (0)3 69 77 66 47
kunsthalle@mulhouse.fr

Horaires d’ouverture 
mercredi, jeudi, vendredi 12h-18h
samedi, dimanche 14h-18h
Entrée libre et gratuite

VISITES COMMENTÉES
Entrée libre et gratuite
22.02 → 16h
26.04 → 16h


KUNSTKIDS
Atelier à la semaine pour les 6-12 ans.
Gratuit sur inscription.
Semaine du 17.02 au 21.02
de 14h à 16h avec Kiki DeGonzag
Semaine du 07.04 au 11.04
de 14h à 16h avec Candice Chemel
KUNSTBABIES
Découverte de l’exposition pour les tous petits
jusqu’à 6 ans, accompagnés d’un adulte
Gratuit sur inscription
15.02 de 11h à 12h
08.03 de 11h à 12h
RDV FAMILLE
Visite/atelier proposée aux enfants dès 6 ans,
accompagnés de leurs parents
en compagnie d’un artiste intervenant.
Gratuit sur inscription.
23.03 de 15h à 17h avec Kiki DeGonzag
13.04 de 15h à 17h avec Candice Chemel

KUNSTAPÉRO
Visite commentée de l’exposition
suivie d’une dégustation de vins.
Sur inscription (places limitées), 5€/personne
06.03 de 18h30 à 20h30
03.04 de 18h30 à 20h30

APRÈS-MIDIS BIEN-ÊTRE
DANS L’EXPOSITION

Massage de la tête, entrée libre (env. 20mn)
+ Onglerie Arty, sur inscription (places limitées)
+ Visite commentée en continu
08.03 de 14h à 18h
29.03 de 14h à 18h

KUNSTDÉJEUNER
Visite commentée suivie d’un déjeuner.
13.03 de 12h15 à 13h45
24.04 de 12h15 à 13h45


FINISSAGE
Découverte du métier de nez professionnel,
par Isabelle Prin du Lys (Maison Serena Galini)
suivie d’une conversation avec les commissaires
de l’exposition sur la création des parfums
de l’exposition

26.04 de 14h à 16h
(possibilité de suivre la visite commentée
de l’exposition de 16h)
Entrée libre et gratuite

La Clef des songes

Chefs-d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint

Joan Miró
Femme, 1934
Pastel sur papier velours, 106,5 x 70,5 cm
Collection Hersaint
© 2025 Successió Miró / ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich
A La Fondation Beyeler  du  16 février jusqu'au – 4 mai 2025
Commissariat de
Raphaël Bouvier, Senior Curator de la Fondation Beyeler.

L'Ange du Foyer avec Raphaël Bouvier curator, Evangéline Hersaint photo Domminique Bannwarth

Après la labyrinthique exposition parisienne sur le surréalisme, la Fondation Beyeler fait découvrir en première mondiale, une sélection représentative de chefs d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint. L’exposition présente une cinquantaine d’oeuvres clés d’artistes tels que Salvador Dalí, Max Ernst, René Magritte, Joan Miró, Pablo Picasso, Man Ray,
Dorothea Tanning, Toyen, mais aussi Balthus, Jean Dubuffet, Wifredo Lam et bien d’autres.

Dorothea Tanning
Valse bleue, 1954
Huile sur toile, 130 x 97 cm
Collection Hersaint
© 2025 ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Elle s’attache à divers thèmes majeurs du surréalisme comme la nuit, le rêve, l’inconscient, la métamorphose ou la forêt, en tant que lieu d’énigmes. Les peintures de la Collection Hersaint dialogueront avec certaines pièces maîtresses de la Fondation Beyeler.

La Collection Hersaint

« La Clef des songes » : ce titre d’une toile cardinale de René Magritte appartenant à la Collection Hersaint incarne l’orientation fondamentalement surréaliste et tresse les divers liens qu’elle noue avec l’univers mystérieux, à la fois familier et inquiétant, des (mauvais) rêves et de l’inconscient. La collection a été fondée par Claude Hersaint (1904, São Paulo – 1993, Crans-Montana), l’un des premiers et des plus importants collectionneurs du surréalisme. Après avoir grandi au Brésil, Claude Hersaint s’installe à Paris, où il acquiert à l’âge de dix-sept ans sa première oeuvre de Max Ernst. En naîtra une passion pour l’art qui l’animera toute sa vie et le conduira à réunir l’une des collections de peinture surréaliste les plus remarquables au monde. La Collection Hersaint rassemble aujourd’hui quelque 150 pièces, elle conserve notamment un ensemble d’oeuvres de Max Ernst parmi les plus considérables entre des mains privées.
Claude Hersaint a entretenu pendant sa vie entière des liens d’amitié avec un grand nombre d’artistes. Son enthousiasme et son engagement en faveur de l’art ont été repris par son épouse Françoise Hersaint et
leur fille Evangéline Hersaint.

Les chefs-d’oeuvre de la Collection

Parmi les nombreux chefs-d’oeuvre de la Collection, il faut mentionner L’Ange du foyer (Le Triomphe du surréalisme) que Max Ernst a peint en 1937 et qui est devenu l’icône par excellence du surréalisme.


L’énigmatique et insondable Le Jeu lugubre (1929) incarne la quintessence de l’art de Salvador Dalí, que hantent les tabous érotiques et psychologiques. Quant au Passage du Commerce-Saint-André (1952–1954), ce chef-d’oeuvre monumental de Balthus est en prêt à long terme à la Fondation Beyeler depuis
plusieurs années. L’exposition fera voir en outre, de Dorothea Tanning et de Toyen – deux importantes artistes féminines du surréalisme –, un ensemble d’oeuvres caractéristiques qui n’ont pratiquement jamais été montrées jusqu’ici au public.

Salvador Dalí, Le Jeu lugubre, 1929
Huile et collage sur carton, 44,4 x 30,3 cm
Collection Hersaint
© 2025 Fundació Gala-Salvador Dalí /
ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Une longue amitié

Une longue amitié a lié Claude, Françoise et Evangéline Hersaint aux époux Ernst et Hildy Beyeler.
Affichant à la fois des similitudes et des différences, la Collection Beyeler et la Collection Hersaint se complètent idéalement. Ainsi le dialogue avec la Collection Hersaint met-il en évidence les rapports que la Collection Beyeler entretient avec l’art surréaliste, de même que les mille échos féconds que se renvoient les deux ensembles en révèlent les infinies potentialités. C’est dans cet esprit que la présente exposition fait donc entrer les chefs-d’oeuvre de la Collection Hersaint en conversation avec certains joyaux de notre musée, qu’ils soient signés Louise Bourgeois, Jean Dubuffet, Max Ernst, Alberto Giacometti, Joan Miró, Pablo Picasso ou Henri Rousseau.

Claude Hersaint

Claude Hersaint est né en 1904 à São Paulo, au Brésil, où sa famille originaire d’Alsace-Lorraine avait émigré au milieu du 19e siècle. Il grandit dans le milieu traditionnel de la haute bourgeoisie intellectuelle et s’installe dès son adolescence à Paris, où il suit les cours de « Sciences Po » et étudie le droit. Claude Hersaint fait ensuite profession de banquier, un métier qu’il exercera toute sa vie. À Paris, il noue des liens d’étroite amitié avec des artistes surréalistes comme Max Ernst, Victor Brauner, Óscar Domínguez, mais
aussi Balthus et Jean Dubuffet. Il fréquente également des écrivains, des intellectuels et des collectionneurs de renom tels que Jacques Lacan, Georges Bataille, Jean Paulhan et Marie-Laure de Noailles. En 1938, il épouse sa première femme, Hélène Anavi, une fascinante personnalité mondaine de
son temps. En raison de la Seconde Guerre mondiale et des persécutions nazies, Claude Hersaint et Hélène Anavi quittent précipitamment Paris au début de 1941, et se réfugient d’abord à Rio de Janeiro avant d’émigrer à New York, où ils se lient d’amitié avec Robert Oppenheimer, Claude Lévi-Strauss, Leo Castelli, Pierre Matisse, Man Ray, Dorothea Tanning et de nombreux autres artistes qui ont pris comme eux le chemin de l’exil.

Max Ernst
Oedipus Rex, 1922
Huile sur toile, 93 x 102 cm
Collection Hersaint
© 2025 ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schälchli, Zurich

Après la guerre, Claude Hersaint revient à Paris, où il fait la connaissance de sa seconde épouse, Françoise Moutier. À partir de 1948, Claude puis Françoise Hersaint vivent à Paris et Montreux, avant de s’installer définitivement à Crans-Montana, dans le Valais. Après la mort de son mari en 1993, Françoise
s’est engagée avec détermination pour que la Collection Hersaint ne soit pas dispersée. C’est leur fille Evangéline Hersaint qui est aujourd’hui à sa tête et qui la rend pour la première fois accessible au grand public à travers la présente exposition.

Le catalogue

Édité par Raphaël Bouvier pour la Fondation Beyeler, un catalogue richement illustré de 152 pages paraît en allemand et en français aux Éditions Hatje Cantz à Berlin, dans une réalisation graphique d’Uwe Koch et Silke Fahnert. Il contient un texte d’introduction et un grand entretien avec Evangéline Hersaint.

L’exposition « La Clef des songes. Chefs-d’oeuvre surréalistes de la Collection Hersaint » a vu le jour grâce au généreux soutien d’Evangéline et Laetitia Hersaint-Lair.

Informations pratiques

Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG,
Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen/Bâle, Suisse

Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler :
tous les jours 10h00–18h00,
le mercredi jusqu’à 20h00

Accès (conseillé)
Depuis la gare SBB prendre le tram n° 2 jusqu’à Messeplatz
puis le tram n° 6 arrêt Fondation Beyeler

Suzanne Valadon

Le Centre Pompidou consacre une monographie à Suzanne Valadon (1865-1938), artiste emblématique et audacieuse, l’une des plus importantes de sa génération. Jusqu'au  26 mai 2025
Commissariat
Nathalie Ernoult, attachée de conservation au Musée national d'art moderne ; Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz ;
Xavier Rey, directeur du Musée national d'art moderne

L’exposition « Suzanne Valadon » au Centre Pompidou est reprise et adaptée de l’exposition « Suzanne Valadon. Un monde à soi » conçue par le Centre Pompidou-Metz.
À la marge des courants dominants de son époque – le cubisme et l’art abstrait sont en germe alors qu’elle défend avec ardeur la nécessité de peindre le réel – elle place le nu, féminin comme masculin, au centre de son œuvre, représentant les corps sans artifice ni voyeurisme.
Suzanne Valadon n’a pas bénéficié de monographie, à Paris depuis celle que le Musée national d’art moderne lui avait consacré en 1967. Présenté au Centre Pompidou-Metz, en 2023 (« Suzanne Valadon. Un monde à soi »), puis au Musée des Beaux-arts de Nantes (2024) et au Museu Nacional d’Art de Catalunya (2024), l’hommage à cette artiste ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps, se poursuit donc au Centre Pompidou, en 2025 avec une version enrichie de nouveaux prêts et augmentée d’archives inédites.

« J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts » Suzanne Valadon

Cette exposition met en lumière cette figure exceptionnelle et souligne son rôle précurseur, souvent sous-estimé, dans la naissance de la modernité artistique. Elle révèle la grande liberté de cette artiste qui n’adhère véritablement à aucun courant, si ce n’est peut-être le sien. Le parcours de près de 200 œuvres s’appuie sur la richesse des collections nationales notamment celle du Centre Pompidou, la plus importante, mais aussi du musée d’Orsay et de l’Orangerie. Des prêts exceptionnels du Metropolitan Museum of Modern Art de New York ou encore de la Fondation de l’Hermitage et d’importantes collections privées le complètent. Il se concentre sur les deux médiums de prédilection de l’artiste, le dessin et la peinture. Particulièrement mise à l’honneur ici, son œuvre graphique fait l’objet d’une analyse approfondie, grâce à la présentation d’un grand nombre de dessins jusqu’alors rarement montrés.

L’exposition « Valadon » retrace cet itinéraire unique, depuis ses débuts de modèle favorite du tout-Montmartre, jusqu’à sa reconnaissance artistique, intervenue très tôt, par ses pairs et la critique. Véritable « passeuse » d’un siècle à l’autre, Suzanne Valadon embrasse la ferveur parisienne
du tournant-de-siècle, ses cafés, bals musettes et cabarets et ses multiples révolutions artistiques, intellectuelles et sociétales. Elle met en évidence le caractère résolument moderne de l’œuvre de Valadon, première femme à peindre en grand format un nu masculin de face. Cette plongée inédite dans son œuvre dévoile aussi bien ses relations amicales et artistiques avec les peintres de la bohème que son influence incontestable sur la scène artistique parisienne grâce au soutien actif de ses amis artistes et galeristes.

vidéo de l’exposition 2
Podcast

Parcours de l’exposition

Introduction

Modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprend à dessiner en observant à l’œuvre les artistes pour qui elle posait. Remarqués par Edgar Degas, ses premiers dessins à la ligne « dure et souple » puisent leurs sujets dans les scènes de la vie quotidienne, celles des femmes de son entourage et de son fils. Dans les autoportraits, qu’elle peint tout au long de sa vie, Valadon s’affiche avec une sévérité assumée :

« Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face. »

En 1892, elle se lance dans la peinture et réalise des portraits sans concession de sa famille, sa mère, son fils, son mari, sa sœur et sa nièce. Puis la notoriété venant dans les années 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l’art. Après avoir posé nue, c’est à son tour de peindre des nus masculins et féminins, thème longtemps réservé aux hommes, dans lesquels elle impose une vision en rupture avec les conventions de son époque. C’est probablement la première artiste femme à peindre un nu masculin de face, le sexe apparent.
                                                 Marie Laurencin
Tout au long du parcours, des tableaux d’artistes qui lui sont contemporaines et parfois amies viennent dialoguer avec l’œuvre de Valadon. Cette dernière exposition dans la Galerie 2 du Centre Pompidou avant sa fermeture pour travaux et sa réouverture en 2030, souligne l’étendue et la richesse du parcours de cette véritable « passeuse » d’un siècle à l’autre.

Apprendre par l’observation

Modèle dès l’âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins, Valadon pose pour des peintres reconnus comme l’académique Gustave Wertheimer, les symbolistes Jean-Jacques Henner et Pierre Puvis de Chavannes, l’impressionniste Auguste Renoir, le sculpteur Paul-Albert Bartholomé mais aussi pour le jeune peintre Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammée. C’est ce dernier qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards. Lors de ces séances de poses, Valadon observe, écoute et apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture en regardant peindre les maîtres. À la demande de Bartholomé, elle montre ses dessins à Edgar Degas.Impressionné par son talent, il lui déclare « Vous êtes des nôtres ! » Valadon ne posera jamais pour Degas mais ce dernier lui ouvrira les portes de son atelier, lui apprendra la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achètera de nombreux dessins.

Portraits de famille

L’œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l’exécution de portraits de ses proches. N’ayant pas les moyens d’avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. En 1912, elle réalise le Portrait de famille, unique tableau où elle apparaît entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo. Elle trône au centre de la composition, le regard droit, s’affirmant comme la véritable cheffe de famille.

Les portraits familiaux de Valadon n’ont rien de complaisants. Elle peint les personnes qu’elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. En 1909, son fils apparaît tourmenté, le visage émacié, l’air abattu et le regard vide. Lorsqu’elle peint la famille d’Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils. Valadon s’exprime avec plus de fraicheur lorsqu’elle peint ses lieux de vie comme le Jardin de la rue Cortot, 1928 et le Château de Saint-Bernard, 1930, que la famille acquiert en 1923 près de Villefranche-sur-Saône.

Portraits de famille. Dessins

C’est avec la pratique du dessin que la
carrière artistique de Valadon a débuté, notamment en 1894 lorsqu’elle présente pour la première fois ses œuvres au public lors du Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Sous la plume des critiques qui remarquent très vite ses dessins, les mots « âpreté » et « dureté » sont les termes les plus récurrents pour les décrire. Edgar Degas, qui la soutient dans cette voie, loue ses « dessins méchants et souples ». Le trait bien appuyé, qui cerne les corps et les objets, est la véritable « signature » de Valadon et influence très fortement sa peinture.

Je peins les gens pour apprendre à les connaître

Forte d’une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute société » : Nora Kars, femme du peintre Georges Kars, avec qui elle noue une solide amitié jusqu’à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère.
Ou encore, celui de Mme Lévy, femme d’affaires, qu’elle considère comme « le mieux peint de tous ses tableaux ». Les portraits d’hommes, s’ils sont plus rares, ne sont pas totalement absents  et représentent des personnages qui ont compté dans sa vie : le Dr Robert Le Masle qui sera auprès d’elle jusqu’à ses derniers jours, le collectionneur Charles Wakefield-Mori, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Bœuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits où elle affirme sa place d’artiste, suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets.

La vraie théorie, c’est la nature qui l’impose.

« La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l’eau et les êtres, me charment »
écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l’associent à l’esthétique de Paul Gauguin ou d’Émile Bernard, ancien locataire de son atelier rue Cortot. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Certains motifs sont récurrents comme ce tissu brodé appelé « suzani » présent dans la Nature morte, 1920 et La Boîte à violon, 1923.

Parfois, on aperçoit en arrière-plan un de ses tableaux entreposé dans l’atelier. Dans les années 1930, lors de séjours au château de Saint-Bernard, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans, canards, perdrix, rapportés de la chasse par André Utter. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.

Le nu : un regard féminin

Valadon s’est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Ève, l’une des premières œuvres de l’histoire de l’art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l’iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amoureuse avec André Utter. La position frontale des nus offrant au regard les parties génitales de la femme et de l’homme est particulièrement audacieuse. L’audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d’Utter d’une feuille de vigne, sans doute pour pouvoir présenter le tableau au Salon des Indépendants en 1920


Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. Ces dernières, loin d’être idéalisées, sont peintes pour elles-mêmes et non pour le désir d’un spectateur voyeur. Libérée des carcans sociaux et artistiques, Valadon investit le domaine de la sexualité en peinture, longtemps cantonné à l’antagonisme « artiste mâle / modèle femme nue».

Le nu : un regard féminin. Dessins


Le nu, en particulier féminin, est le sujet central de l’œuvre graphique de Valadon. Dans ses dessins au fusain, à la mine graphite ou à la sanguine ou encore dans ses estampes, ces femmes nues sont la plupart du temps figurées actives, vaquant à des scènes de la vie quotidienne (toilette, bain, ménage…).Ces corps, au travail, fatigués ou contorsionnés, sont traités sans complaisance et cernés d’un trait incisif. Malgré leur apparente spontanéité, ces œuvres sont le fruit d’une lente élaboration, comme le montre son utilisation régulière du papier-calque. Cette technique, apprise auprès de Degas, lui permet de dupliquer et transférer ses personnages d’un support à un autre. C’est également grâce à Degas que Valadon s’initie à la technique du vernis mou, un type de gravure qui donne à l’estampe un aspect très proche d’un dessin au crayon.

A voir et à revoir

Informations Pratiques

Centre Pompidou Paris
Galerie 2, niveau 6
Place Georges-Pompidou
75004 Paris

Métro :
Rambuteau Métro ligne 11
Hôtel de Ville Métro ligne 1 Métro ligne 11

Châtelet Métro ligne 1 Métro ligne 4 Métro ligne 7 Métro ligne 11 Métro ligne 14
RER :
Châtelet Les Halles RER A, Paris - picto RER B, Paris - picto RER D, Paris - picto
Bus :

Bus ligne 29 Bus ligne 38 Bus ligne 47 Bus ligne 75

 

Le Boléro de Ravel

Œuvre-monument incarnant tous les aspects de la production et de la personnalité de Ravel, le Boléro se dévoile et se raconte.
A la Philharmonie de Paris jusqu'au 15 juin 2025
Commissaire
Pierre Korzilius
Conseillère musicale
Lucie Kayas

Le Boléro incarne presque toutes les caractéristiques de la production et de la personnalité de Ravel. Sous la forme d’une exposition dédiée à l’étude rayonnante de cette œuvre, la Philharmonie de Paris célèbre le 150e anniversaire de la naissance du compositeur et livre un portrait de l’artiste en forme de kaléidoscope. Le parcours propose une expérience audiovisuelle saisissante, en même temps qu’il réunit des objets patrimoniaux issus des collections françaises les plus prestigieuses, notamment de la maison-musée Ravel à Montfort-l’Amaury, où fut composé le Boléro.

Hymne à la danse

Monument de l’histoire de la musique, le Boléro est une composition paradoxale, tant pour Ravel que pour le public.

« Mon chef-d’œuvre ? Le Boléro, bien sûr ! Malheureusement, il est vide de musique », écrivait le musicien en 1928.

 Cette remarque à la fois provocante et espiègle masque un coup de génie : avec une économie extrême de moyens, un ostinato rythmique, deux motifs mélodiques, un crescendo orchestral et une modulation inattendue, Ravel crée un chef-d’œuvre universel, fruit d’une réflexion musicale radicale. Commande de la danseuse et chorégraphe Ida Rubinstein, le Boléro est d’abord pensé pour la danse.

Son rythme hypnotique évoquant les castagnettes saisit l’auditeur dès les premières secondes pour ne plus le lâcher. Maquettes de décors et dessins de costumes font revivre différentes productions du Boléro tout en évoquant d’autres partitions chorégraphiques de Ravel : Pavane pour une infante défunte, Daphnis et Chloé, La Valse.

Musique en images

Le visiteur éprouve dès la première salle l’expérience physique de ce crescendo orchestral envoûtant, grâce à un dispositif cinématographique unique dédié à l’interprétation du Boléro par l’Orchestre de Paris et son directeur musical Klaus Mäkelä. Plus loin, les multiples réinterprétations musicales et chorégraphiques de l’œuvre – dont celles de Maurice Béjart, d’Aurél Milloss ou de Thierry Malandain – se déploient en une partition audiovisuelle qui montre que, depuis 1928, le Boléro n’a cessé de fasciner les interprètes.

L’Espagne revisitée

Le Boléro – d’abord intitulé Fandango – s’inscrit dans toute une lignée d’œuvres ravéliennes inspirées par l’Espagne, de la Habanera de sa jeunesse à sa toute dernière pièce, Don Quichotte à Dulcinée, en passant par l’opéra L’Heure espagnole. Né à Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz, Ravel hérite de sa mère le goût de la musique espagnole et s’empare d’un imaginaire fait de sensualité et de rêve qu’il partage avec ses contemporains musiciens. Plusieurs œuvres d’art, comme Lola de Valence de Manet, apportent un écho pictural à ce goût pour une Espagne haute en couleur.

Une mécanique de précision

À la manière d’un enfant, Ravel se passionne pour toutes sortes de mécanismes, comme ceux des jouets et casse-têtes qui peuplent sa maison du Belvédère à Montfort-l’Amaury. Dans une lettre de 1928, le compositeur parle du Boléro comme d’une « machine ». Fils d’un ingénieur-inventeur, soucieux du moindre détail d’écriture et d’orchestration, Ravel excelle dans la production d’œuvres ciselées au mécanisme à la fois implacable et subtil, comme le Boléro. Il partage cette fascination avec de nombreux artistes de son temps, comme František Kupka ou Fernand Léger.

Podcast France musique

Informations pratiques

Cité de la musique – Philharmonie de Paris
221, avenue Jean-Jaurès
75019 Paris

Accès

Métro

Ligne 5 : station Porte de Pantin / Voir le plan du métro
Direct depuis la Gare du Nord (5 stations) et depuis la Gare de l’Est (6 stations).

Tramway

T3b : station Porte de Pantin / Voir le trajet

Bus

Ligne 75 : Panthéon – Porte de Pantin / Voir le trajet

Ligne 151 : Bondy-Jouhaux-Blum – Porte de Pantin / Voir le trajet

RER

Ligne E : station Pantin, puis empruntez le bus 151 pour rejoindre en quelques arrêts la Philharmonie de Paris / Voir le trajet

Revoir Cimabue

Cimabue détail
Pour la première fois,le musée du Louvre consacre une exposition à Cimabue, l’un des artistes les plus importants du 13e siècle. Elle est le fruit de deux actualités « cimabuesques » de grande importance pour le musée : la restauration de la Maestà et l’acquisition d’un panneau inédit de Cimabue redécouvert en France en 2019 et classé Trésor national, La Dérision du Christ.
Jusqu'au  12 mai 2025
AILE DENON, 1ER ÉTAGE, SALLE ROSA (717)

Commissaire :
Thomas Bohl, conservateur au département des Peintures, musée du Louvre

Aux origines de la peinture italienne

Les années 1280-1290 furent le témoin d’un moment fondamental, révolutionnaire même, dans l’histoire de la peinture occidentale : pour la première fois, un peintre cherche à représenter dans ses oeuvres le monde, les objets et les corps qui l’entourent tels qu’ils existent. Cet artiste visionnaire, dont nous ne savons presque rien et dont seule une quinzaine d’oeuvres nous sont parvenues, c’est Cimabue (Florence, vers 1240 – Pise ?, 1301/ 1302).
La première exposition à lui être consacrée est le fruit de deux actualités de grande importance pour le musée du Louvre : la restauration de la Maestà,

Cenni di Pepo, dit Cimabue, La Vierge et l’Enfant en
majesté entourés de six anges (Maestà), 1280-1290, tempera
sur fond d’or sur bois (peuplier)

souvent qualifée « d’acte de naissance de la peinture occidentale » et l’acquisition en 2023 de La Dérision du Christ, un panneau inédit de Cimabue redécouvert en France chez des particuliers en 2019 et classé Trésor National.


Ces deux tableaux, dont la restauration s’est achevée en 2024, constituent le point de départ de cette exposition, qui, en réunissant une quarantaine d’oeuvres, ambitionne de mettre en lumière l’extraordinaire nouveauté de sa manière et l’incroyable invention par laquelle il renouvela la peinture.
Elle écrit ainsi le récit passionnant d’un commencement.
Cimabue a ouvert la voie du naturalisme dans la peinture occidentale.

Avec lui, les conventions de représentation héritées de l’art oriental, en particulier des icônes byzantines, si prisées jusqu’alors, cèdent la place à une peinture inventive, cherchant à suggérer un espace tridimensionnel, des corps en volumes et modelés par de subtils dégradés, des membres articulés, des
gestes naturels et des émotions humaines. Il développe également une verve narrative que l’on pensait jusqu’à présent initiée par ses flamboyants successeurs, Giotto et Duccio.
Le parcours se poursuit avec la section construite autour du diptyque de Cimabue, dont le Louvre réunit pour la première fois les trois seuls panneaux connus à ce jour. La verve narrative et la liberté déployées par Cimabue dans cette oeuvre aux coloris chatoyants, et en particulier dans La Dérision du Christ, en font un précédent important et insoupçonné jusqu’alors à la Maestà de Duccio, chef-d’oeuvre de la peinture siennoise du Trecento.
Cimabue se relève dans ce petit panneau d’une inventivité prodigieuse,
en ancrant la composition dans le quotidien de son temps, en osant habiller les personnages de vêtements de son époque. Il fait ainsi écho aux préoccupations des Franciscains, promoteurs d’une spiritualité plus intériorisée et immédiate.

Duccio di Buoninsegna, La Vierge et l’Enfant avec trois franciscains,
dite Madone des Franciscains. Vers 1285-1288, tempera sur bois.
H. 24 ; l. 17 cm. Sienne, Pinacoteca nazionale. Su concessione del
Ministero della Cultura, Musei Nazionali di Siena

L’exposition se conclut par la présentation du grand Saint François d’Assise recevant les stigmates de Giotto, destiné au même emplacement que la Maestà du Louvre, le tramezzo (la cloison qui sépare la nef du choeur) de San Francesco de Pise, et peint quelques années après par le jeune et talentueux disciple de
Cimabue.

A l’aube du XIVe siècle, Duccio et Giotto, tous deux profondément marqués par l’art du grand Cimabue qui s’éteint en 1302, incarnent désormais les voies du renouveau de la peinture.

INFORMATIONS PRATIQUES

Horaires d’ouverture
de 9 h à 18 h, sauf le mardi,
Jusqu’à 21h le mercredi et le vendredi.
Réservation d’un créneau horaire recommandée
en ligne sur louvre.fr
y compris pour les bénéficiaires de la gratuité.

« Arte Povera »

Emma Lavigne, conservatrice générale et directrice générale de la Collection PinaultCommissariat : Carolyn Christov-Bakargiev, spécialiste internationalement reconnue du mouvement italien.
L’exposition « Arte Povera » à la Bourse de Commerce — Pinault Collection
vise à retracer la naissance italienne, le développement et l’héritage international du mouvement. Jusqu'au 20 janvier 2025




La commissaire Carolyn Christov-Bakargiev réunit dans l’ensemble du musée plus de 250 oeuvres des treize principaux protagonistes de l’Arte Povera — Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz, Marisa Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini et Gilberto Zorio — auxquelles s’ajoutent de nouvelles commandes, confiées à la fois à des artistes de ce groupe historique et à des artistes internationaux issus des générations suivantes, dont la création résonne étroitement avec la pensée et la pratique de l’Arte Povera.

La Bourse de Commerce — Pinault Collection présente une exposition d’envergure dédiée à l’Arte Povera. Le commissariat est confié à
Carolyn Christov-Bakargiev,
Celle-ci s’appuie sur l’important fonds d’Arte Povera de la Collection Pinault, mis en résonnance avec ceux des Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea (Turin), Fondazione per l’Arte Moderna e Contemporanea CRT (Turin), Kunstmuseum Liechtenstein — Vaduz, Museo e Real Bosco di Capodimonte (Naples), Galleria d’Arte Moderna (Turin), Centre Pompidou (Paris), Tate (Londres). La commissaire ouvre un dialogue inédit avec des oeuvres anciennes et contemporaines, ancrant l’Arte Povera dans une perspective temporelle élarg

PLUS DE 250 OEUVRES EN DIALOGUE

Outre le noyau d’oeuvres des treize artistes associés à l’Arte Povera, l’exposition comprend des pièces et des documents qui retracent les étapes clés de ce que l’on peut considérer comme les prémices du courant. Ces épisodes trouvent leurs racines dans la culture du bassin méditerranéen — des présocratiques à la pensée lucrétienne — et informent du rapport particulier entre modernité et ruralité qui a caractérisé l’Italie jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, en suivant une trajectoire, d’ascendance franciscaine, qui
traduit une volonté d’appauvrir l’oeuvre. Dans l’exposition, chacun des treize artistes est associé à une personnalité, un mouvement, une époque ou un matériau qu’il estime comme une profonde influence, à l’image de Giorgio De Chirico pour Paolini et une peinture d’icône de Sano di Pietro pour Marisa Merz.

SALON

Dans le Salon, l’artiste Pier Paolo Calzolari expose Senza titolo (Materassi)
(1970), une série de six matelas couverts de tubes réfrigérants. L’artiste transforme les objets les plus simples et les plus quotidiens en éléments de composition d’un tableau vivant.
Chacun pourvu de son propre motif fait de tubes, se couvrant progressivement de givre, les matelas deviennent comme des êtres vivants. La mise en évidence de l’énergie qui les parcourt, la blancheur spectrale, le bruit des moteurs autant que la froideur de l’ensemble font de cette installation une expérience totale, où la vue, l’ouïe et le toucher du spectateur sont sollicités.

ROTONDE

Les treize artistes y sont présents, se faisant écho les uns aux autres, recréant l’intense magma collégial et expérimental des premières années de l’Arte Povera. Le premier arbre sculpté de Giuseppe Penone y côtoie le premier
igloo de Mario Merz,

tandis que la première sculpture réfrigérée de Pier Paolo Calzolari dialogue avec la première Direzione (1967) de Giovanni Anselmo, rendant sensible l’essentielle continuité entre l’humain, le végétal et le monde minéral. L’espace de la Rotonde figure aussi un espace extérieur abolissant l’idée même de musée avec la fontaine fumante d’Alighiero Boetti, Autoritratto (Mi Fuma Il Cervello) (1993-1994).

PASSAGE

Pour cette exposition, les 24 vitrines du Passage réactivent la pensée de
Walter Benjamin et des passages parisiens comme une lecture du 19e siècle se transformant en autant de jalons temporels et contextuels, et rappelant le terreau d’où émerge l’Arte Povera. Y figurent les artistes de l’avant-garde italienne de l’après-guerre, tels que Lucio Fontana, dont les toiles trouées donnent aux artistes l’exemple d’un art qui s’affranchit de
l’espace du tableau, ou Piero Manzoni, par la dimension libre et provocatrice de son usage des matériaux. D’autres vitrines exposent la dimension plus internationale des influences de l’Arte Povera, qu’il s’agisse de l’Internationale situationniste ou du groupe japonais Gutai.

Une constellation de protagonistes y apparaît, des artistes aux galeristes, des critiques aux figures de théâtre, tel que le metteur en scène polonais Jerzy Grotowski qui ont participé à l’élargissement de la définition de l’art, l’ouvrant aux nouveaux médias, à la performance, à l’expérimentation.

GALERIES / FOYER / STUDIO

Dédiant à chaque artiste fondateur de l’Arte Povera un espace spécifique,
l’exposition offre un généreux aperçu de leur oeuvre, en mettant l’accent sur des pièces majeures de l’histoire du courant, issues de la Collection Pinault ou prêtées par des institutions de renommée internationale. En correspondance avec chacun d’eux, la commissaire a associé leur pratique à une influence sous-jacente — un matériau, un artiste, un mouvement ou une époque.

Galerie 2 : Jannis Kounellis / Marisa Merz / Mario Mer

Jannis Kounellis, Marisa Merz et Mario Merz ont fortement contribué à
révolutionner le rapport au matériau. Tous les trois peintres de formation, ils se sont progressivement détachés du cadre de la peinture pour embrasser l’immensité des possibilités permise par le monde contemporain, sans jamais céder aux sirènes du progrès technologique :
Mario Merz « troue » des objets communs par des néons pour célébrer la continuité entre naturel et artificiel tandis que Kounellis

se tourne vers le charbon, la laine et le feu pour revenir à une forme de réalité archaïque. Marisa Merz tisse de manière visionnaire aussi bien des souliers que des formes géométriques au moyen de fils de nylon et de cuivre.

Galerie 3 : Michelangelo Pistoletto

Retraçant les différentes dimensions de la pratique de Pistoletto, l’espace
est ici habité par les « objets en moins » et les « tableaux miroirs » de l’artiste, pour lesquels il insère des figures, humaines, objectales ou architecturales, en papier peint et, plus tard, en sérigraphie, sur des surfaces réfléchissantes. Le miroir englobe le spectateur, permet de créer un tableau infini, où les visiteurs deviennent des éléments de composition. Animé par l’idée d’une forme d’utopie collective, Pistoletto conçoit sa pratique comme un engagement
social total, à l’image de Pace (1962-2007) réalisé lors des manifestations contre la guerre en Irak.

Galerie 4 : Alighierio Boetti

Alighiero Boetti pensait l’art comme une activité participative, un jeu basé
sur l’ordre et le désordre. Son attention s’est portée sur les matériaux les plus simples, « pauvres », au travers de manipulations élémentaires : accumulations, répétitions, mises en relation, actions à la portée de chacun. Souhaitant se défaire de l’imagerie de l’artiste vu comme un génie solitaire, Boetti orchestra sa propre disparition au sein d’un duo fictif,

« Alighiero e Boetti », se tournant également vers des formes de créations collectives, à l’image des Mappa et des techniques de tissage. Les multiples itérations de ses planisphères rendent également compte des évolutions géopolitiques.

Galerie 5 : Giuseppe Penone

Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985),
alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone,
l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.

Il me faudrait encore citer Galerie 6 : Pier Paolo Calzolari / Giovanni Anselmo,


Galerie 7 : Giulio Paolini / Pino Pascali / Luciano Fabro, Foyer : Gilberto Zorio,
Studio : Emilio Prini

C’est une vaste exposition qui demande quelques visites

Informations pratiques

Bourse de Commerce — Pinault Collection
2, rue de Viarmes
75 001 Paris (France)
Tel +33 (0)1 55 04 60 60
www.boursedecommerce.fr
Ouverture tous les jours (sauf le mardi), de 11h à 19h et en nocturne
le vendredi, jusqu’à 21h

Caillebotte Peindre les hommes

Gustave Caillebotte
Partie de bateau vers 1877-1878 huile sur toile
sans cadre H. 89,5 ; L. 116,7 cm avec cadre H. 122 ; L. 149 ; EP. 11,5 cm
Achat grâce au mécénat exclusif de LVMH, Grand Mécène de l’établissement, 2022
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
 

Au musée d’Orsay jusqu’au 19 janvier 2025

L’exposition présentée au musée d’Orsay à l’automne 2024 prend pour sujet la prédilection de Gustave Caillebotte (1848-1894) pour les figures masculines et les portraits d’hommes, et ambitionne d’interroger la modernité si radicale des chefs-d’œuvre de l’artiste au prisme du nouveau regard que l’histoire de l’art porte sur les masculinités du XIXe siècle.

Retrouvez ici la vidéo de la visite de l’exposition par le Scribe accroupi

Dans sa volonté de produire un art vrai et neuf, Caillebotte prend pour sujet son environnement immédiat (le Paris d’Haussmann, les villégiatures des environs de la capitale), les hommes de son entourage (ses frères, les ouvriers travaillant pour sa famille, ses amis régatiers, etc.) et en fin de compte sa propre existence. Répondant au programme « réaliste », il fait entrer dans la peinture des figures nouvelles comme l’ouvrier urbain, l’homme au balcon, le sportif ou encore l’homme nu dans l’intimité de sa toilette.

À l’époque du triomphe de la virilité et de la fraternité républicaine, mais aussi de première crise de la masculinité traditionnelle, la nouveauté et la puissance de ces images  questionnent aussi bien l’ordre social que sexuel. Au-delà de sa propre identité, celle de jeune et riche célibataire parisien, Caillebotte porte au cœur de l’impressionnisme et de la modernité une profonde interrogation sur la condition masculine.

Ce projet est motivé par l’acquisition récente de deux peintures majeures de Caillebotte par le J. Paul Getty Museum (Jeune homme à sa fenêtre) et le musée d’Orsay (Partie de bateau), et s’appuie sur la présence du chef-d’œuvre de l’artiste, Rue de Paris, temps de pluie, prêté par l’Art Institute of Chicago. L’exposition, composée d’environ 70 œuvres, réunit les plus importants tableaux de figures de Caillebotte mais aussi de pastels, dessins, photographies et documents.

Cet évènement est organisé l’année du 130e anniversaire de la mort de l’artiste (1894), qui correspond également à la date du legs de son incroyable collection de peintures impressionnistes à l’État.

Pour célébrer cet évènement, l’ensemble des œuvres du legs est présenté temporairement dans une des salles du parcours permanent du musée, faisant revivre l’ouverture de la « salle Caillebotte » au musée du Luxembourg en 1897. (Pour des raisons de conservation, les pastels de Degas et les dessins de Millet qui font partie du legs Caillebotte ne sont pas présentés).


Cet évènement s’inscrit dans la continuité des nombreuses expositions qui, depuis la grande rétrospective de 1994-1995 (Paris, Chicago), ont permis de redécouvrir la figure Gustave Caillebotte (1848-1894) et de mettre en lumière certaines facettes de son œuvre : la période de Yerres, les liens entre sa peinture et la photographie, sa passion pour l’art des jardins, etc.


Cette exposition sera présentée au J. Paul Getty Museum, Los Angeles du 25 février au 25 mai 2025 et à l’Art Institute of Chicago du 29 juin au 5 octobre 2025.

Informations pratiques
Musée d’Orsay
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing 
75007 Paris

  • Métro : ligne 12, station Solférino
  • RER : ligne C, station Musée d’Orsay
  • Bus : 63, 68, 69, 73, 83, 84, 87, 94
    • Mardi au dimanche 9h30 – 18h. Dernier accès au musée à 17h, dernier accès aux expositions à 17h15, fermeture des salles à partir de 17h30.
    • Nocturne le jeudi jusqu’à 21h45. Dernier accès au musée et aux expositions à 21h, fermeture des salles à partir de 21h15.
    • Fermé tous les lundis, les 1er mai et 25 décembre.

Fresh Window Art & vitrines

Lèche Vitrines (video still)
Artist & involved persons: Martina Morger
Date of origin: 2020
Material / technique: HD Video, 16:9, 17 min.
Copyright: © Martina Morger, video still: Lukas Zerbst
Creditline: Courtesy the artist
 Au Musée Tinguely jusqu'au 11 mai 2025
Commissaires :
Adrian Dannatt, Tabea Panizzi et Andres Pardey
Avec des oeuvres de : Berenice Abbott, Marina Abramović, Atelier E.B. (Beca Lipscombe & Lucy McKenzie), Eugène Atget, Peter Blake, Christo, Gregory Crewdson, Vlasta Delimar, Sari Dienes, Marcel Duchamp, Elmgreen & Dragset, Richard Estes, Anna Franceschini, Kit Galloway & Sherrie Rabinowitz, R.I.P. Germain, Sayre Gomez, Ion Grigorescu, Nigel Henderson, Lynn Hershman Leeson, María Teresa Hincapié, Jasper Johns, John Kasmin, François-Xavier Lalanne, Bertrand Lavier, Martina Morger, Robert Rauschenberg, Martha Rosler, Giorgio Sadotti, Tschabalala Self, Johnnie Shand Kydd, Sarah Staton, Iren Stehli, Pascale Marthine Tayou, Jean Tinguely, Goran Trbul-jak, Andy Warhol, Jiajia Zhang.

Installation view: Installation view Fresh Window at Museum
Tinguely, Basel, 2024
Title: Daily Life
Artist & involved persons: Pascale Marthine Tayou
Date of origin: 2019–24
Material / technique: Neon and LED signs
Copyright: © 2024 ProLitteris, Zürich
Creditline: Courtesy of the artist and Galleria Continua
Photo Credit: Pati Grabowicz

Vitrines et art visuel

L’histoire de la décoration de vitrines et celle de l’art visuel sont étroitement liées. Outre Jean Tinguely, de nombreux.ses artistes ont donné une impulsion à la conception de vitrines. Par ailleurs, la vitrine constitue un motif récurrent d’oeuvres d’art et sert de scène à des performances et des actions. De même, les changements politiques et sociaux se lisent dans les vitrines qui marquent l’image de la ville occidentale depuis la fin du 19e siècle et constituent un miroir de l’évolution des rapports sociaux et de l’utilisation fluctuante de l’espace public. Première exposition muséale consacrée aux croisements entre l’art et la conception de vitrines, Fresh Window. Art & vitrines s’étend de l’ascension du grand magasin au tournant du siècle jusqu’aux boutiques de luxe haut de gamme d’aujourd’hui. Du 4 décembre 2024 au 11 mai 2025, le Musée Tinguely présente le caractère pluridimensionnel de cette thématique à travers des contributions de quelque 40 artistes des 20 e et 21e siècles, et permet de découvrir des artistes tels que Jean Tinguely, Sari Dienes, Robert Rauschenberg, Jasper Johns ainsi qu’Andy Warhol sous un angle peu connu. Du 14 janvier au 2 mars 2025, des étudiant.es de l’Institut Kunst Gender Natur, Hochschule für Gestal-tung und Kunst Basel FHNW étendront le projet hors les murs du musée jusqu’à l’espace urbain avec des interventions artistiques dans des vitrines bâloises

La vitrine, lieu d’expérimentation artistique

La confrontation complexe et ludique avec ce thème s’exprime dès le titre Fresh Window qui renvoie au travail Fresh Widow (1920) de Marcel Duchamp. Cette oeuvre est représentative d’un chapitre important de l’exposition qui aborde la fonction de la vitrine comme une membrane qui relie, unit et sépare, qui attire ou rejette le voyeurisme et le désir s’y rattachant. Espace architectural fonctionnel, la vitrine crée également une passerelle avec les formes de présentation muséales – du cadre d’un tableau à la scène destinée aux performances et à l’art-action.
Les artistes abordent également la vitrine comme un miroir social. Celle-ci permet de questionner les rapports sociaux et les relations de genre, la gentrification et la culture consumériste occidentale ainsi que la critique du capitalisme. Les artistes s’y intéressent également en tant que scène où se jouent des transformations politiques, sociales et urbaines. La vitrine est un lieu d’interaction, d’échanges et de rencontre. La conception de vitrines a non seulement permis à de nombreux.ses artistes de gagner leur vie, mais elle a aussi constitué un champ d’expérimentation pour inventer de nouveaux liens entre l’art et le public. Le thème de la vitrine revêt par ailleurs une importance particulière dans nos sociétés actuelles, les centres-villes étant de plus en plus confrontés à l’abandon de leurs commerces en raison de la numérisation croissante et de l’essor du commerce en ligne.

La vitrine : la rencontre de l’art et du commerce

Lorsqu’à la fin du 19e siècle la vitrine devient un élément central de la culture consumériste moderne, des artistes s’intéressent bientôt à ce nouveau phénomène. Après avoir réduit à l’absurde la fonction et la sémantique de la fenêtre avec son oeuvre Fresh Widow en 1920, Marcel Duchamp décore pour la première fois une vitrine à New York en 1945, à l’occasion de la publication d’un livre d’André Breton. À cette époque, Jean Tinguely termine son apprentissage à la la Kunstgewerbeschule et travaille déjà comme décorateur professionnel à Bâle. Sa signature artistique ultérieure transparaît déjà dans ses décorations souvent réalisées à l’aide de fil de fer.

Window display by Jean Tinguely, optician «M. Ramstein Iberg Co.», Basel
Date of origin: Approx. May 1949
Copyright: © Staatsarchiv Basel-Stadt, BSL 1022 KA 1601 D
Creditline: Museum Tinguely, Basel
Photo Credit: Peter Moeschlin

Dans le New York des années 1950, Gene Moore, directeur artistique du grand magasin Bonwit Teller et de la bijouterie Tiffany & Co., joue un rôle important en apportant son soutien à de jeunes artistes talentueux encore inconnu.es. Il sélectionne par exemple des oeuvres de Sari Dienes ou Susan Weil pour ses vitrines et charge Robert Rauschenberg, Jasper Johns et Andy Warhol de créer des décorations recherchées avant qu’ils ne s’établissent dans le monde de l’art. Dans l’exposition, des photographies témoignent de certaines de ces vitrines qui, pour quelques-unes, sont reconstituées à l’identique et peuvent être redécouvertes pour la première fois depuis près de 70 ans.


Andy Warhol, Bonwit’s Loves Mistigri, wooden
panels, IA2021.1.1a-h.
Date of origin: 1955, Reproduktion 2021
Copyright: © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts,
Inc. / 2024/2025 ProLitteris, Zürich
Creditline: The Andy Warhol Museum, Pittsburgh

À l’inverse, la vitrine est reprise comme motif par des artistes dans de nombreuses peintures, installations, sculptures, oeuvres vidéo et séries photographiques. Dans les années 1960 et 1970, Richard Estes, Peter Blake et Ion Grigorescu ont exploré le monde coloré et luxuriant du capitalisme. La fonction séduisante des vitrines apparaît clairement dans la performance Lèche Vitrines (2020) de Martina Morger qui propose une traduction littérale du terme français.

Purple Store Front
Artist & involved persons: Christo
Date of origin: 1964
Material / technique: Wood, enamel paint, acrylic glas, fabric,
acrylic paint, paper, wire mesh, door handle and lock, screws,
nails, LED light
Dimensions: 235,3 x 220,3 x 34,9 cm
Copyright: © 2024/2025 ProLitteris, Zürich
Creditline: Christo and Jeanne-Claude Foundation
Photo Credit: Wolfgang Volz

Avec les devantures couvertes de ses Store Fronts (1964-1968), Christo joue avec les aspects du voyeurisme et les propriétés sculpturales de la vitrine. La maîtrise scénographique de l’artisanat décoratif traditionnel est reprise dans les Street Vitrines (2020) de l’Atelier E.B alias Beca Lipscombe et Lucy McKenzie ou dans le travail vidéo Did you know you have a broken glass in the window? (2020) d’Anna Franceschini.

Installation view: Installation view Fresh Window at Museum
Tinguely, Basel, 2024
Title: Hole In Space
Artist & involved persons: Kit Galloway, Sherrie Rabinowitz
Date of origin: 1980
Material / technique: Two-channel video installation, SD, B/W,
with soundtrack (English language), 44 min.
Copyright: © Sherrie Rabinowitz and Kit Galloway Archives
Creditline: Courtesy the artist and Kit Galloway Archives
Photo Credit: Pati Grabowic

Informations pratiques Musée Tinguely :

Musée Tinguely |
Paul Sacher-Anlage 1 | 4002 Bâle

Heures d’ouverture 
mardi– dimanche 11h-18h, jeudi 11h-21h

Site Internet : www.tinguely.ch
Réseaux sociaux :
@museumtinguely | #museumtinguely | #freshwindow

Sommaire du mois de novembre 2024

25 novembre 2024 : RIBERA (1591-1652)
24 novembre 2024 : Bruno Liljefors
21 novembre 2024 : Jeux de Ficelle / String Figures
19 novembre 2024 : Olga de Amaral
17 novembre 2024 : Talents Contemporains 12 « Territoires Mouvants » Fondation François Schneider
16 novembre 2024 : Chefs-d’oeuvre de la GALERIE BORGHESE
11 novembre 2024 : « mode d’emploi- suivre les instructions de l’artiste »

Chefs-d’oeuvre de la GALERIE BORGHESE

Pour son exposition de réouverture après plus d’un an de travaux entrepris sous la conduite de l’Institut de France, propriétaire du musée, le Musée Jacquemart-André présente une quarantaine de chefs-d’oeuvre de la célèbre Galerie Borghèse à Rome. Jusqu'au 6/1/25
COMMISSARIAT :
Dr. Francesca Cappelletti e
st Directrice de la Galerie Borghèse à Rome. Spécialiste du baroque italien
Pierre Curie
est Conservateur général du patrimoine. Spécialiste
de peinture italienne et espagnole du XVIIe siècle
PRODUCTION ET RÉALISATION
Emmanuelle Lussiez,
Directrice des expositions de Culturespaces
Milly Passigli,
Directrice déléguée de la programmation des expositions
Léa Duval,
Régisseuse des expositions du Musée Jacquemart-André
Bernadette Roux,
Chargée des expositions du musée Jacquemart-André
Livia Lérès et Domitille Séchet
pour l’iconographie au sein de Culturespaces
SCÉNOGRAPHIE
Hubert le Gall,
sculpteur, designer et scénographe français.
L’EXPOSITION EN 6 OEUVRES PHARES

Caravage, Garçon à la corbeille de fruits, vers 1596, huile sur toile, 70 x 67 cm
Ce portrait d’un jeune homme tenant un panier rempli de fruits et de feuillages automnaux a été peint par Caravage peu après son arrivée à Rome, où il était employé comme peintre de fleurs et de fruits dans l’atelier du Cavalier d’Arpin. Le jeune peintre lombard fait déjà montre ici de l’étendue de son talent de peintre réaliste, jusqu’à figurer les imperfections des feuilles sèches et ternies de la nature morte. L’oeuvre est l’une des premières acquisitions du cardinal Scipion Borghèse en 1607, elle fait partie de la célèbre expropriation du Cavalier d’Arpin, qui la conservait plusieurs années après que Caravage ait quitté son atelier. Accusé d’agression et de détention d’armes, l’artiste fut forcé de céder sa collection de peintures au pape Paul V, qui en fit don à son neveu, le commanditaire présumé de cette saisie.

Caravage, Garçon à la corbeille de fruits,

huile sur toile appliquée sur bois, 67 x 56 cm
Ce portrait d’une jeune fille habillée à la mode florentine du début du XVIe siècle paraît s’inspirer de La Joconde, peinte quelques années auparavant. Il s’agit très probablement d’un tableau commandé comme cadeau de
mariage, ainsi que le suggèrent les références aux vertus conjugales, comme la licorne et la perle blanche, symboles de virginité. Lourdement repeint à la fin du XVIIe siècle pour être transformé en sainte Catherine d’Alexandrie, le tableau a bénéficié d’une restauration en 1935, permettant de retrouver le sujet original et confirmer l’attribution à Raphaël.

Raphaël, La Dame à la licorne, vers 1506

Scipion Borghèse fait l’acquisition de cette oeuvre directement auprès du peintre en 1617. La jeune femme représentée en demi-figure est une sibylle, reconnaissable à son turban. Les douze sibylles de la mythologie
grecque sont des prêtresses d’Apollon ayant le don de divination. Si ce sujet était très courant au XVIIe siècle, l’insertion d’un instrument de musique et d’une partition est inhabituelle et semble faire référence au goût du cardinal pour la musique autant qu’à la proximité du Dominiquin, lui-même musicien amateur, avec le monde de la musique. D’autres détails – le laurier et la vigne – mêlent symboles sacrés et profanes. La popularité de cette toile au XVIIe siècle est attestée par de nombreuses copies et répliques. Peintre de l’école de Bologne, le Dominiquin était très apprécié par le cardinal qui n’hésita pas à le faire emprisonner pour le contraindre à travailler pour lui.

Dominiquin, Sibylle, 1617, huile sur toile, 123 x 89 cm

Bernin aurait réalisé plus de cent cinquante peintures entre les années 1620 et 1640, mais seule une douzaine nous est parvenue. L’Autoportrait à l’âge mûr est un remarquable témoignage de son activité de peintre, ainsi que de son intérêt pour la physionomie, que l’on retrouve dans ses portraits sculptés recherchés par les élites de toute l’Europe. L’artiste s’est concentré sur la représentation de son propre visage à l’expression sérieuse, au regard profond et de ses traits montrant des signes de vieillissement. L’arrière-plan – un mur uni – et ses vêtements sont rapidement esquissés de quelques coups de pinceau qui donnent à la peinture un aspect inachevé. L’oeuvre est entrée dans la collection de la Galerie Borghèse en 1911 grâce à la donation d’un mécène allemand, le baron Otto Messinger. Dans les années 1980, l’Autoportrait de Bernin acquiert une notoriété certaine grâce à son insertion sur les billets de cinquante mille lires italiennes.

Bernin, Autoportrait à l’âge mûr, vers 1638-1640 huile sur toile, 53 x 43 cm

Ce rare panneau signé et daté de l’artiste représente une
« sainte conversation », la Vierge et l’Enfant entourés de saints, ici l’évêque martyr saint Ignace d’Antioche, au vêtement richement orné contrastant avec
la nudité et l’apparence négligée de saint Onuphre, ermite légendaire du IVe siècle. La présence de ce dernier est liée aux idées réformistes circulant en Europe au début du XVIe siècle. Cette oeuvre est caractéristique du ton antihéroïque et humaniste de Lorenzo Lotto, par lequel son style se distingue de celui des autres peintres vénitiens de son époque. La palette de couleurs froides et brillantes, les contours durs s’inspirent de la peinture d’Albrecht Dürer, actif à Venise en 1506

Lorenzo Lotto, Vierge à l’Enfant avec les saints Ignace d’Antioche (?) et Onuphre
1508, huile sur panneau, 53 x 67 cm

Cette scène d’interprétation difficile date de la période de maturité de Titien, caractérisée par une palette de couleurs chaudes et veloutées produisant de vibrants effets lumineux. Ce riche usage de la couleur typique des maîtres vénitiens était fortement admiré à Rome à l’époque de Scipion Borghèse. Le cardinal-neveu fait l’acquisition de cette pièce maîtresse dans les premières années de la constitution de sa collection en 1608, probablement grâce à un don du cardinal Paolo Emilio Sfondrati. Le sujet est le plus souvent interprété
comme Vénus bandant les yeux de son fils Cupidon, tandis que ses compagnes lui tendent son arc et son carquois, afin que l’Amour frappe aveuglément les hommes de ses flèches. D’autres spécialistes y voient aussi une représentation des Trois Grâces avec des amours, un thème s’inspirant de sources littéraires
antiques.

Titien, Vénus bandant les yeux de l’Amour, vers 1565, huile sur toile, 116 x 184 cm

Durant le pontificat de Paul V, le paysage artistique romain est en pleine transformation en raison de la multiplication des nouvelles églises et chapelles bâties dans l’esprit de la Contre-Réforme catholique, exalté par la multiplication des congrégations religieuses et un renouveau spirituel et artistique. Les lieux de culte sont érigés et décorés dans un style grandiose et grandiloquent, de manière à impressionner les fidèles. Les chantiers, dont beaucoup sont financés par le gouvernement pontifical, attirent à Rome de
nombreux architectes, peintres et sculpteurs en quête d’opportunités. Mais l’art sacré n’orne pas seulement les murs des églises. Les collectionneurs comme Scipion Borghèse font sortir les tableaux religieux des lieux consacrés pour les mêler à d’autres sujets dans leurs intérieurs sécularisés. Chez les particuliers, les peintures religieuses ne sont plus seulement appréciées dans le cadre de pratiques spirituelles, mais avant tout pour leur valeur d’art intrinsèque, leurs qualités esthétiques et stylistiques.

Informations pratiques

Adresse
Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France
158, bd Haussmann – 75008 Paris
Téléphone : 01 45 62 11 59
Accès
Le musée se situe à 400m de la place Charles de Gaulle-Étoile.
Métro : lignes 9 et 13 (Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule)
RER : RER A (Charles de Gaulle-Étoile)
Bus : 22, 43, 52, 54, 28, 80, 83, 84, 93.
Parc de stationnement : Haussmann-Berri, au pied du musée, ouvert 24h/24.