Tout sur le 7e art

Un nouveau venu dans la blogosphère, mais qui n’est pas un inconnu pour la plupart d’entre nous. Pierre Louis Cereja continue de nous tenir en haleine, sur son blog nouveau-né : Extérieur jour – Le blog de Pierre-Louis Cereja , comme il le faisait dans les pages du quotidien régional l’Alsace, du meilleur, comme du pire, du festival de Cannes d’abord, période oblige, puis de toute l’actualité cinématographique des salles obscures, au fil des jours.
Retenez bien ce nom, ce titre et son  blog : http://plcereja.blog.lemonde.fr
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bon vent au nouveau blogueur  😎 que vous pouvez retrouver
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Le trésor de Naples

Jusqu’au 20 JUILLET 2014 au musée Maillol
C’est une des plus grandes collections de joaillerie du monde, comparable aux Joyaux de la Couronne de France ou d’Angleterre, mais qui n’appartient ni aux anciennes dynasties régnantes, ni à l’État, ni à l’Église, mais au peuple, aux Napolitains eux-mêmes.
Les Joyaux de San Gennaro (visite guidée par Dominique Fernandez)
Vésuve
San Gennaro, saint Janvier, mort en martyr des persécutions de Dioclétien, est le grand saint patron de la ville de Naples. Son sang, recueilli dans deux ampoules, se liquéfie trois fois par an, aux mêmes dates depuis des siècles, un phénomène que même aujourd’hui la science ne peut expliquer. Entre 1526 et 1527 la ville subit deux fléaux : la guerre et la peste. Face à ces événements tragiques les Napolitains implorent la protection de San Gennaro.
Le 13 janvier 1527 un contrat insolite est établi devant notaire entre le saint, mort depuis plus de mille deux cents ans, qui s’engage à protéger la ville de la peste et des éruptions du Vésuve, et le peuple de Naples qui s’engage à travers la Députation à lui constituer un trésor et à lui construire une nouvelle chapelle au sein de la cathédrale.
La Députation, gardienne de la chapelle, est une institution laïque créée en 1601, une des plus anciennes et singulières organisations encore actives en Italie. Constituée de dix représentants de la noblesse et de deux du peuple, elle garantit depuis quatre siècles l’intangibilité des ampoules du sang et des saintes reliques, l’administration et la tutelle du culte et du trésor de San Gennaro. La Députation a permis de sauvegarder jusqu’à aujourd’hui la tradition, l’histoire et l’extraordinaire patrimoine artistique liés au culte de San Gennaro.
Les plus importants chefs-d’oeuvre de l’immense trésor de San Gennaro, réalisés et accumulés au cours des siècles sont montrés dans l’exposition.

Michele Dato COLLIER DE SAN GENNARO, 1679-1933 or, argent, pierres précieuses H.58 ; L.45 cm Naples, Museo del Tesoro
Michele Dato
COLLIER DE SAN GENNARO, 1679-1933
or, argent, pierres précieuses
H.58 ; L.45 cm
Naples, Museo del Tesoro

LE COLLIER DE SAN GENNARO, spectaculaire assemblage de bijoux réalisé entre le XVIIe et le XIXe siècle, rassemble les dons d’illustres souverains comme Charles V de Bourbon, Joseph Bonaparte, Marie-Caroline de Habsbourg, sœur de Marie-Antoinette, ou encore la reine Marie-Amélie de Saxe, auxquels ont été ajoutés ceux de Napolitains anonymes, mettant ainsi à égalité peuple et souverains.
Matteo Treglia MITRE, 1713 argent doré, 3 326 diamants, 198 émeraudes, 168 rubis H.66 ; L.40 cm Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Matteo D’Eletto
Matteo Treglia
MITRE, 1713
argent doré, 3 326 diamants, 198 émeraudes, 168 rubis
H.66 ; L.40 cm
Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro
© Matteo D’Eletto

LA MITRE DU SAINT, réalisée en 1713 par Matteo Treglia, est recouverte de 3 326 diamants, 168 rubis, 198 émeraudes. Parmi ces pierres exceptionnelles, figure la plus belle et la plus importante collection d’émeraudes colombiennes au monde, et un rubis d’une couleur si intense qu’il a été surnommé “la lave du Vésuve”.
Orfèvre napolitain BUSTE DE SAINT PIERRE MARTYR XVIIe Siècle argent, dorure à l’amalgame H.105 ; L.70 ; P.64 cm Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Dialma
Orfèvre napolitain
BUSTE DE SAINT PIERRE MARTYR XVIIe Siècle
argent, dorure à l’amalgame
H.105 ; L.70 ; P.64 cm
Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro
© Dialma

QUINZE BUSTES COLOSSAUX et deux statues d’argent massif réalisés par les plus grands sculpteurs et orfèvres de l’âge baroque, comme la statue grandeur nature de Tobie et l’Ange, collaboration entre le fameux sculpteur Sammartino et l’orfèvre Giuseppe Del Giudice en 1797, le buste de saint Eufebio par le sculpteur Cosimo Fanzago et l’orfèvre Aniello Treglia de 1672, ou le sublime buste de Carlo Schisano représentant sainte Irène protégeant Naples du Vésuve en 1733.
LE RELIQUAIRE du sang du martyr en vermeil du XIVe siècle par des orfèvres angevins et des objets liturgiques somptueux, d’or et d’argent ornés de pierreries et de corail. La plupart de ces pièces ne sont qu’exceptionnellement visibles, elles sont conservées dans les coffres du Banco di Napoli.
Enfin des peintures de Luca Giordano, du Dominiquin, de Micco Spadaro, de Solimena, représentant saint Janvier et ses miracles et deux toiles de Volaire représentant les éruptions du Vésuve, permettront de montrer cette collection dans son extraordinaire contexte.
Luca Giordano SAN GENNARO DEVANT L’AMPHITHÉÂTRE DE POZZUOLI, 1675 huile sur toile H.210 ; L.155 cm Naples, Église dei Girolamini © Archivio Garofalo, Naples
Luca Giordano
SAN GENNARO DEVANT L’AMPHITHÉÂTRE
DE POZZUOLI, 1675
huile sur toile
H.210 ; L.155 cm
Naples, Église dei Girolamini
© Archivio Garofalo, Naples

L’exposition ne se limite pas à la mitre et au collier. Tableaux, documents et objets liturgiques – crucifix et calices -, candélabres en or et argent, également sertis de pierres précieuses, démontrent l’habileté des orfèvres napolitains, longtemps en avance sur leur temps. Les techniques employées pour le collier de San Gennaro représentent une étape fondamentale vers la joaillerie contemporaine. Une série de bustes de saints et de statues en argent, pour la plupart réceptacles de reliques, introduit au baroque napolitain qui se retrouve dans les édifices sacrés de la capitale parthénopéenne.
Dévotion San Gennaro
Enfin, l’exposition parcourt le destin de San Gennaro, encore objet d’une fantastique dévotion populaire. Selon la légende, l’évêque de Bénévent sortit vivant du bûcher auquel l’avaient condamné les Romains en 305 après J.-C., et les fauves refusèrent de le dévorer dans l’arène de Pouzzoles. Finalement, on le décapita, et son sang fut recueilli par des fidèles. La première liquéfaction miraculeuse de son sang aurait eu lieu au début du IVe siècle. Mais il faut attendre 1526 pour que son culte se développe et conduise à la constitution du trésor.
Les Napolitains affrontent alors trois fléaux : l’invasion des Espagnols, le choléra qui a fait 250 000 victimes et le Vésuve qui provoque une trentaine de tremblements de terre par jour. Les familles aristocratiques de la ville décident alors de construire une chapelle dédiée à San Gennaro pour obtenir son intercession auprès de Dieu. Dieu les entendit et mit fin leurs tourments. Depuis, le culte de San Gennaro n’a cessé de se développer, et le miracle de la liquéfaction se reproduit deux fois par an… ou presque. Et chaque échec est un funeste présage qu’aucun Napolitain ne prend à la légère.
Au Musée Maillol, avec le trésor de San Gennaro, c’est une ville qui a grandi sur le magma d’un volcan en activité, qui flirte avec la mort depuis l’antiquité, capable du pire comme du meilleur, qui est exposée. C’est Naples toute entière, ville pluri-millénaire, une des capitales de l’art européen qui raconte ici son histoire.
photos courtoisie du musée Maillol

Musée Maillol : 59-61 rue de Grenelle. 75007 Paris.
Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h.
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30.

 

Ilya Kabakov, La cuisine communautaire

La Cuisine communautaire 1991
Installation Paris, musée Maillol, fondation Dina Verny
jusqu’au 20 juillet 2014
En écho à Monumenta 2014, (jusqu’au 22 juin) , le musée Maillol ouvre au public une des installations les plus abouties de Kabakov.
Dina Vierny
 
Parmi les nombreux voyages qu’accomplit Dina Vierny, ses origines russes l’amènent vers la fin des années 60, à se rendre en Union Soviétique. Elle y est soucieuse d’y connaître la condition des artistes sous ce régime totalitaire. Après de nombreuses visites à Moscou et Saint-Pétersbourg, elle fait la connaissance d’une poignée de peintres qui refusent le dogmatisme du réalisme-socialiste et travaillent dans des conditions inimaginables. Ce sont les années de plomb du régime Brejnev qui fustige toute tentative picturale qui puisse se révéler critique face au pouvoir soviétique.
Oscar Rabine, Vladimir Yankilevski, Erik Boulatov et Ilya Kabakov représentent l’art non officiel ou non conformiste à cette époque.
Kabakov (né en1933) est l’un des premiers artistes à avoir utilisé les installations comme vocabulaire plastique. L’installation est à ses yeux une forme d’art totale qui réunit la peinture, le théâtre et la littérature.

kabakovIlya Kabakov, APARTMENT WAR

 

En 1992, Ilya Kabakov réalise pour Dina Vierny « la cuisine communautaire », une sorte de lieu de recueillement à l’envers. Construite comme une chapelle, cette installation est un vaste espace qui évoque l’expérience douloureuse que furent ces cuisines collectives où quantité de familles en Union Soviétique se déchiraient quotidiennement pendant 70 ans. Reprenant l’idée des ready-made, Kabakov place les ustensiles de cuisine au centre des tableaux accrochés aux parois et associés à des dialogues à la fois écrits et récités par des voix qui reprennent les litanies d’insultes que s’échangent sans cesse les usagers.

KabakovIlya Kabakov. (1980) Schedule of  Slop Pail Dumping. [Moscow, private
apartment]. Photo: Barbara Gladstone  Gallery, New York.

Tout de suite après la Révolution, pour différentes raisons : les déménagements de la campagne vers la ville, de la banlieue vers le centre, des sous-sols vers les étages supérieurs, les appartements appartenant aux anciens habitants, ont été occupés par de nouveaux, chaque nouvelle famille ayant, selon la loi, le droit à une seule chambre. C’est ainsi que les anciens appartements ont été transformés en appartements dit communs ou « communautaires » où vivaient côte à côte cinq, six, voire dix familles, la « population » totale atteignant parfois vingt-cinq ou trente personnes. Une sonnette par famille, c’est l’ habitat principal de presque toute la population urbaine de la Russie soviétique, depuis la révolution d’Octobre, et presque jusqu’à la fin de la période soviétique. En fait, dans les conditions d’une crise immobilière permanente dans le pays, les nouvelles générations naissaient et mouraient dans la même pièce, où avaient vécu leurs ancêtres, n’ayant pas la possibilité ni d’obtenir un nouveau logement, ni de l’échanger.
Serrés les uns contre les autres le long des murs, une ou deux cuisinières et un évier avec de l’eau froide, dans cet appartement communautaire, surpeuplé, il y avait pour tout le monde, une seule salle de bains, un seul W.C., et bien sûr, une seule cuisine communautaire.

Ilya_KabakovIlya Kabakov, L’homme qui s’envola dans l’espace

La cuisine est la pièce la plus importante, et souvent la plus grande, de l’appartement communautaire. Elle renvoie comme un miroir toutes les facettes de la vie. Ici se retrouvent maladies, problèmes et espoirs, mais aussi petitesse et grandeur, banalité et romantisme, amour et haine. Personne ne peut se tenir en dehors de son théâtre. Chaque famille a sa table et toutes les tables doivent avoir la même taille. Au-dessus de chaque table, une étagère sert à ranger la vaisselle familiale.
Au musée Maillol, on pénètre dans cette installation en empruntant un long escalier qui mène à une cave profonde. S’ouvre alors une sorte de chapelle souterraine, haute de deux étages avec d’étroites fenêtres sous le plafond. Seules deux ampoules distribuent une lumière sinistre dans la semi-obscurité.
Ilya kabakov, la cuisine communautaire
Lorsque sont apparus les réfrigérateurs, ils ont en général été placés dans les chambres, d’une part parce qu’il n’y avait plus de place dans la cuisine, d’autre part pour éviter les disputes dues à des larcins dans le frigo du voisin. Il y avait rarement de l’eau chaude et on faisait chauffer de l’eau dans de grandes bassines dont l’écume se déversait parfois sur les casseroles des familles faisant cuire leur plat. L’air est rempli d’odeur de graillon. La conscience de pouvoir être dénoncé à tout moment tend l’atmosphère. Il s’ensuivait des conflits, engendrés par les frictions inhérentes aux relations tendues dans un microcosme. C’était de surcroît l’endroit où on étendait le linge, qui séchait au-dessus des têtes des locataires, de sorte qu’il gouttait parfois dans leur assiette.
Kabakov, la cuisine communaitaire 1
Les innombrables bagarres dues à cette situation de promiscuité forcée sont restituées dans trois niveaux de l’installation : spatial, textuel et sonore. Du plafond pendent des étiquettes portant chacune une réplique ou une interjection que profèrent les habitants l’un à l’encontre de l’autre.
Deux voix masculines et deux voix féminines font entendre leur querelle qui oscille du marmonnement aux cris. Ces apparitions vocales donnent l’impression d’une présence d’êtres invisibles, comme si la cuisine était peuplée d’esprits qui se seraient logés sous le plafond, sans arriver à le quitter.
Au-dessous des étroites fenêtres sont accrochées trente-deux peintures, chacune accompagnée d’un dialogue entre deux locataires du genre :
Anna Petrovna Zoueva : « Qui n’a pas jeté ce bout de bois ? »
Oleg Trofimovitch Karpov : « Je ne sais pas. »
Plus bas, une multitude de casseroles et de poêles, telles des mouches noires, sont immobilisées sur les murs. En bas, sur tout le pourtour de la « chapelle » se trouve un paravent, sur lequel, au milieu de photos de l’appartement communautaire, sont placées les répliques de ses locataires. C’est une sorte d’encyclopédie, un concentré de tous les problèmes (psychologiques, familiaux, sociaux) dont était remplie la vie infernale de ces gens, étrangers les uns aux autres, condamnés à cohabiter éternellement. / Ilya Kabakov
photos courtoisie musée Maillol sauf la 1
Vladimir Yankilevsky (né en 1938)
Après des études d’art et de graphisme, Yankilevsky participe dès le début des années 60 activement au mouvement des non conformistes russes aux côtés d’Ilya Kabakov. Yankilevsky émigre à Paris dans les années 80 où il vit et travaille encore à ce jour. Il réalise dans l’esprit des ready-made une oeuvre présentant un placard-appartement, La Porte, qui est aussi l’allégorie de la vie de ses parents, contraints de se dissimuler aux yeux du monde.

Vladimir Yankilewski
OSCAR RABINE (né en 1928) est l’auteur du fameux Passeport (1972) et se considère comme un peintre du pop art russe. Il est à l’origine de la fameuse exposition tenue dans un terrain vague de Moscou au début des années 1970, sauvagement réprimée par la milice. Cette exposition dite “des Bulldozers”fera un immense scandale à l’Ouest. Elle révélera au monde entier la situation de l’art en Union soviétique. Rabine sera chassé de son pays et contraint à l’exil. À partir de 1964, Rabine a peint des objets gigantesques avec des marques de Vodka dont les étiquettes rutilantes se détachent sur fond sombre, des journaux en trompe-l’oeil…
 
OSCAR RABINE Stolitchnaïa, 1964 Huile sur toile - H.109 ; L.81 cm © Adagp
photos 5/6/7/8 courtoisie musée Maillol
Musée Maillol
– 59/61 rue de Grenelle
– 75007 PARIS Tél. : 01.42.22.59.58
 
 
 
 
 

Musée Maillol – Fondation Dina-Vierny

61, rue de Grenelle 75007 Paris

 Rue du Bac – Ligne 12
  63 , 68 , 83 , 84

En savoir plus sur http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/la-cuisine-communautaire-de-kabakov,158113.php#pI6qSyfxKgMKtVhG.99

L'Etrange Cité d'Ilya et Emilia Kabakov

du 10 mai – 22 juin 2014 Monumenta  dans la Nef du Grand Palais,
venez vous perdre et rêver dans une nouvelle Shambalha
  : L’étrange cité.
Pour la sixième édition, Ilya et Emilia Kabakov, (vidéo) artistes d’origine russe, proposent au public de se perdre dans le dédale d’une ville utopique entre 19e s et 20e , L’étrange cité, dialogue entre une architecture et une œuvre.

Ilya et Emilia Kabakov, l'Etrange Cité
Ilya et Emilia Kabakov, l’Etrange Cité

Emilia Kabakov la présente en ces termes :
« Il y a plusieurs années, quelqu’un nous a demandé si nous pensions que l’art pouvait influencer la politique. Nous avons répondu que non, nous ne le pensions pas. Nous avons toujours la même opinion, mais durant toutes ces années, nous avons travaillé avec des idées, autour de l’imaginaire et de l’utopie. Et nous croyons vraiment que l’art, qui tient une grande place dans notre culture, peut changer la façon dont nous pensons, rêvons, agissons, réfléchissons. Il peut changer notre façon de vivre. Cette fois nous voudrions construire plus qu’une installation, nous souhaitons réaliser quelque chose de différent : ériger L’étrange cité, c’est insister sur l’expérience plutôt que sur la forme du projet, en vous demandant de ralentir votre course dans la vie réelle, et de faire appel à vos émotions, vos sens, vos souvenirs. Nous vous invitons à venir au Grand Palais pour entrer dans L’étrange cité, un espace onirique issu de l’imaginaire collectif, à penser et à réfléchir sur l’art, la culture, la vie quotidienne, notre présent et notre futur »

Ilya et Emilia Kabakov, l'Etrange Cité
Ilya et Emilia Kabakov, l’Etrange Cité

Conçue pour la Nef du Grand Palais elle puise ses références dans la Renaissance, le romantisme et la science moderne. Elle se compose de huit grandes constructions. En déambulant au détour de ces édifices à l’atmosphère recueillie, le visiteur appréhende de façon sensible et concrète autant de mondes singuliers.
Kabakov, la coupole
Dans la partie nord de la Nef, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers une entrée que le public doit d’abord franchir. Elle répond ainsi à la coupole du Grand Palais, avec ses éclats intenses, selon l’intensité de la lumière extérieure.
Il atteint alors un espace labyrinthique, entouré d’une double enceinte circulaire, où l’on se sent un peu confiné. À l’intérieur apparaissent cinq édifices distincts aux noms mystérieux :
Kabakov, l'entrée
Kabakov, l’entrée

 
« Le Musée vide », « Manas », « Le Centre de l’énergie cosmique », « Comment rencontrer un ange ? » et « Les Portails ».
À l’extérieur se dressent encore deux constructions. « La Chapelle blanche » alterne les tableaux avec de grandes surfaces blanches et lumineuses, laissant la place à l’imaginaire, tandis que la « La Chapelle sombre » révèle de gigantesques peintures sur fond noir, mêlant références baroques et souvenirs personnels.
Dans cette étrange cité sont installées des oeuvres des Kabakov, peintures, objets et maquettes insolites. Ils offrent un panorama des sujets essentiels abordés dans leur création.
Jean-Hubert Martin, commissaire de la manifestation, explique :
« Avec ses ambiances spectaculaires et mystérieuses, le parcours initiatique de L’étrange cité crée un grand récit humaniste proche de l’épopée. La cité utopique dans laquelle nous sommes conviés traite des aspirations de l’homme, de sa quête d’un au-delà, d’une métaphysique. Cette métaphore de la vie et de son mystère se transmet par les sens et non par le langage. »
  A l’intérieur de L’étrange cité
1. La Coupole
Dans la partie nord de la Nef du Grand Palais, une vaste coupole projette ses variations de couleurs et de lumières vers L’entrée dans la cité que le public doit d’abord franchir.
2. Le Musée vide
se présente comme un musée classique. Pourtant, à la place de tableaux, le visiteur découvre des tâches de lumière sur les murs bordeaux, sur un fond musical de Passacaille de Bach. La pénombre, les dorures, les sièges confortables forment un ensemble étrange et majestueux, comme un temple.
Kabakov, l'Etrange Cité, le Musée Vide
Kabakov, l’Etrange Cité, le Musée Vide

3. Manas présente une grande maquette de Manas, une ville merveilleuse qui fonctionne sur deux niveaux, « céleste » en haut et « terrestre » en bas.
Kabakov, Manas
Kabakov, l'étrange cité, la terre d'en haut
4. Le Centre de l’énergie cosmique est une tentative utopique d’extraire l’énergie cosmique et d’établir une communication avec la noosphère. Conservatoire de toutes les découvertes de l’esprit humain, elle pourrait, selon le chercheur russe D. Vernadski, servir de source permanente à toute créativité.
Ilya et Emilia Kabakov Etude pour Le Centre de l’énergie cosmique dessin Monumenta 2014 © Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014
Ilya et Emilia Kabakov
Etude pour Le Centre de l’énergie cosmique
dessin
Monumenta 2014
© Ilya et Emilia Kabakov / ADAGP, Paris 2014

5. Comment rencontrer un ange ?
propose un moyen spectaculaire de rencontrer un ange et pose la question de savoir dans quelles circonstances il peut venir à notre secours.
Kabakov, Comment rencontrer un ange
Kabakov, Comment rencontrer un ange

kabakov, texte comment rencontrer un ange
6. Les Portails dévoilent un projet mystérieux. Douze tableaux et une structure déclinent sous différentes versions l’image de portails se trouvant à l’horizon et analysent le passage symbolique d’ici à l’au-delà.
Kabakov, le Portail
7. La Chapelle blanche est un grand espace blanc, dont les murs sont entièrement recouverts de 79 toiles. Ces fragments donnent l’impression d’une réalité qui se dissout dans une lumière blanche et, en même temps, de silence et d’apaisement. La chapelle fait partie de « l’espace de l’artiste » et s’inscrit dans la lignée des chapelles de Giotto et Rothko.
kabakob, Chapelle Blanche
Kabakov
8. La Chapelle sombre (vidéo) laisse passer la lumière par son plafond. Six grands tableaux sont accrochés aux murs. Ilya et Emilya Kabakov évoquent ces grandes visions du progrès, de la science et de l’évolution de l’homme, qui ont pu conduire au désastre. À travers des installations spectaculaires, imprégnées d’humour et de poésie, ils ont dressé au fil des années une sorte de catalogue des idéaux, où l’on voit l’être humain s’affairer avec compétence et ténacité à des réalisations plus ou moins vaines.
À l’image de ce personnage qui, ayant construit un gigantesque amoncellement d’échelles pour s’approcher d’un ange et se jeter dans ses bras, l’oeuvre des Kabakov montre l’homme dans son acharnement à se dépasser.
Kabakov, Comment rencontrer un ange
Figure majeure de la scène artistique mondiale, Ilya Kabakov, est né en 1933 à Dnipropetrovsk (ex URSS). Au début des années 1980, il entame un travail d’installations qui évoquent la vie quotidienne en Russie. La réception de cette oeuvre trouvera une forte résonance avec la fin de l’ère soviétique. Depuis, les installations, sculptures et peintures de Kabakov ont été exposées dans le monde entier. En 2004, le gouvernement russe a honoré Ilya et son épouse et collaboratrice Emilia en organisant leur première exposition officielle au musée de l’Ermitage. Née elle aussi à Dnipropetrovsk, en 1945, Emilia Kabakov est diplômée de la Faculté de Musique en tant que pianiste classique et a étudié la littérature espagnole à l’Université de Moscou. Elle a émigré en Israël en 1973 et vit à New York depuis 38 ans. Ilya et Emilia Kabakov travaillent ensemble depuis 1989. Ils vivent tous deux à Long Island, New York.
Commissaires Réunion des musées nationaux – Grand Palais :
Jean-Hubert Martin, directeur honoraire du Musée national d’art moderne, Paris
Multimedia Art Museum de Moscou : Olga Sviblova, directrice du MAMM
architecte : Sylvie Jodar
Autres monuments et  installations en France
Monument au régiment Normandie-Niemen
1991
Monument à Orly, Avenue des Martyrs-de-Châteaubriant
Installation
Les Toilettes à la rivière
1995
Exposée au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière, Beaumont-du-Lac (France)
Concerto pour mouche Arrangements musicaux de Vladimir Tarasov 1993 Installation France, Château d’Oiron, Centre des monuments nationaux Lors d’une visite au château d’Oiron en vue d’une commande
La Maison aux personnages
2009
Installation publique
Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon Composée de sept installations
une autre installation du couple Kabakov, fera l’objet d’un nouveau billet
La Cuisine communautaire
1991
Installation
Paris, musée Maillol, fondation Dina Verny
tous les renseignements, manifestations et réservations sur : www.grandpalais.fr


Monumenta Kabakov, L’étrange cité, le guide : l’application mobile application gratuite pour smartphones sur AppStore et Google Play en français et en anglais Un city guide mobile, outil ludique et participatif de découverte de l’exposition utilisant la géolocalisation pour permettre à l’utilisateur de se repérer dans L’Étrange cité, d’être informé sur ce qu’il voit et de partager ses impressions et ses photos. Des points de repère seront proposés dans le parcours, enrichis de textes explicatifs et de propositions d’expérience participative à l’oeuvre. Les photographies et commentaires pourront être partagés sur les réseaux sociaux et les écrans répartis in situ avec #monumenta..
 

Le goût de Diderot

Greuze, Chardin, Falconet, David…
Jusqu’au 1er juin 2014
Jean Siméon Chardin
Dans le cadre des célébrations du tricentenaire de la naissance de Denis Diderot (1713-1784), la Fondation de l’Hermitage propose une exposition consacrée au célèbre philosophe français, et en particulier à sa relation à l’art. Cette présentation d’envergure réunit une sélection exceptionnelle de peintures, sculptures, dessins et gravures, que Diderot a pu admirer au Louvre à l’occasion des Salons–expositions temporaires organisées par l’Académie royale de peinture et de sculpture –et qu’il a commentés dans ses comptes rendus rédigés entre 1759 et 1781. Ces textes, d’une liberté de ton remarquable, marquent l’émergence de la critique d’art telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ils témoignent de la culture artistique de Diderot, mais aussi et surtout de l’évolution de son goût, de son regard et de son esthétique, à mesure que le philosophe fréquente les œuvres de son temps. L’exposition met également en lumière l’impact de ses écrits sur le monde de l’art.
Articulée autour d’ensembles thématiques, le parcours développe trois idées qui structurent le goût et l’esthétique du philosophe: la question de la vérité, la poésie en peinture et la magie de l’art.
En plus de décrire la grande aventure des Salons, l’exposition déploie une section dédiée à la culture visuelle de Diderot. A travers la présentation d’œuvres admirées ou décriées par Diderot, la sélection met à l’honneur certains des plus grands artistes français du XVIIIe siècle : Chardin, Boucher, Vernet, Falconet, Greuze, Robert, Houdon, David... Cette manifestation a été élaborée en partenariat avec le musée Fabre de Montpellier, qui possède l’une des plus belles collections de peinture et sculpture françaises du XVIIIe siècle. Cette collaboration rappelle l’importance des relations entre les grands esprits de la France et de la Suisse au siècle des Lumières. Parmi les prêteurs figurent de prestigieuses collections publiques françaises (Musée du Louvre, Château de Versailles, Palais des Beaux-Arts de Lille…), européennes (Alte Pinakothek de Munich, Musée Boijmans-Van Beuningen de Rotterdam, Walker Art Gallery de Liverpool, Musée national de l’Ermitage de Saint-Petersbourg…), mais également américaines (County Museum of Art et Getty Museum de Los Angeles, Musée des Beaux-Arts du Canada d’Ottawa…).
Le commissariat général de l’exposition est assuré par Michel Hilaire, Conservateur général du patrimoine, Directeur du musée Fabre, Sylvie Wuhrmann, Directrice de la Fondation de l’Hermitage et Olivier Zeder, Conservateur en chef du patrimoine, chargé des collections anciennes au musée Fabre.
 
Le pari de la vérité
Passionné par les sciences, Diderot est épris de vérité. Il s’attend donc à trouver cette dernière dans la peinture et la sculpture : vérité physique, vérité morale et vérité sociale dans le sujet représenté. Il pense aussi que l’art doit enseigner la vertu et que l’artiste, pour ce faire, doit être lui-même vertueux. Cette vérité est celle du portrait : l’artiste doit saisir la vérité physique du modèle, avec les détails significatifs (rides, défauts…), sa vérité sociale et son impact sur sa personnalité, mais aussi ce qui fait son individualité. Il est
ainsi admiratif de Greuze qui offre une nouvelle voie avec ses scènes réalistes de la vie quotidienne à signification moralisante et des sculpteurs Allegrain et Lemoine qui se jouent des contraintes de la matière pour approcher la vérité des corps.

Dmitri - Grigorievitch Levitski Portrait de Denis Diderot , 1773 huile sur toile, 58 x 83 cm Musées d’art et d’histoire, Genève © Musées d’art et d’histoire, Ville de Genève / Yves Siza
Dmitri

Grigorievitch Levitski
Portrait de Denis Diderot
, 1773
huile sur toile, 58 x 83 cm
Musées d’art et d’histoire, Genève
© Musées d’art et d’histoire, Ville de Genève / Yves Siza


« Ut pictura poesis»
, la théorie traditionnelle des arts conçoit le tableau comme un poème. La culture littéraire de Diderot le prédispose à accepter ce principe et à juger de la peinture suivant les critères de la poésie. Il jugera donc la manière de raconter l’histoire choisie par le peintre. Il faut que l’artiste soit poète pour exprimer avec force et précision la signification des sujets religieux, mythologiques ou historiques qu’il représente. Deux voies s’offrent à lui : l’exagération épique comme chez Deshays et Doyen, ou la simplicité sublime que choisissent Vien et David. En homme de théâtre et écrivain, Diderot juge aussi tout naturellement la sculpture comme il le ferait d’un poème épique ou lyrique: l’idée doit être la préoccupation première de l’artiste. À l’exagération expressionniste du corps, comme dans le Prométhéed’Adam, il préfère le réalisme noble de Houdon qui annonce le néoclassicisme.
Hubert Robert
La magie de l’art
La magie est un terme souvent employé dans les écrits sur la peinture au XVIIIe siècle, en particulier par Diderot. Pour lui, la magie est le talent de trouver, d’assembler et de poser les couleurs sur la toile pour qu’elles produisent l’effet harmonieux équivalent au coloris naturel. Dès 1763, Diderot réalise que la poésie et la vérité ne suffisent pas sans la magie, qui fait partie de la technique et de la pratique de l’artiste. Diderot admire ainsi Chardin comme un grand magicien qui transfigure la réalité banale de ses natures mortes et Vernet qui arrive à rendre la sensation physique de la nature. Les ruines monumentales et théâtrales d’Hubert Robert, animées de pénombres fraîches et de clartés mouvantes, inspirent quant à elles à Diderot, en 1767, sa poétique des ruines, mélancolie face au temps qui passe.
Jean-Baptiste SiméonChardin , Le panier des pêches, raisin blanc et noir,  rafraîchissoir et verre à  pied, 1759 huile sur toile, 38,5 x 47 cm Musée des Beaux-Arts, Rennes ©RMN - Grand Palais (musée des Beaux-Arts de Rennes) / Patrick Merret
Jean-Baptiste Siméon Chardin, Le panier des pêches, raisin blanc et noir, rafraîchissoir et verre à pied, 1759  huile sur toile, 38,5 x 47 cm Musée des Beaux-Arts, Rennes ©RMN
– Grand Palais (musée des Beaux-Arts de Rennes) / Patrick Merret

C’est par la volonté de Louis XIV que se mettent en place les expositions publiques des artistes de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648. L’Académie et ses membres assurent le rayonnement de la France à travers l’Europe culturelle et politique, à partir de la fin du XVIIe siècle et pendant tout le siècle suivant. Dès 1725, l’exposition se tient dans le Salon carré du palais du Louvre, d’où l’appellation de
« Salon ». A partir de 1751, elle a lieu tous les deux ans. Placé sous le patronage du roi, le Salon dure six semaines. Sous la direction d’un académicien appelé le « tapissier », les peintures sont accrochées à «touche-touche» du sol au plafond.

Pietro Antonio Martini Exposition au Salon du Louvre en 1787 Eau-forte et burin, 142,5  x 163 cm Musées d’art et d’histoire, Genève © Bibliothèque nationale de France
Pietro Antonio Martini
Exposition au Salon du Louvre en 1787
Eau-forte et burin, 142,5 x 163 cm
Musées d’art et d’histoire, Genève
© Bibliothèque nationale de France

Les sculptures sont disposées sur des tables, les plus volumineuses à l’extérieur. Les œuvres sont simplement numérotées, ce qui rend indispensable l’achat d’un livret descriptif, imprimé et vendu par l’Académie. Au fil des éditions, les Salons rencontrent un succès grandissant auprès d’un public de plus en plus large, qui ne se limite plus aux riches commanditaires et collectionneurs traditionnels issus de l’Eglise, de l’aristocratie ou de la finance :
entre 1750 et 1789, le nombre de visiteurs passe d’environ 15’000 à 60’000 personnes.
Ce succès s’accompagne d’une floraison de comptes rendus, dont les plus connus sont ceux de Diderot, qui marquent ainsi la naissance d’un nouveau genre littéraire : la critique d’art. En 1759, Melchior Grimm propose à Diderot de rédiger un commentaire de chaque Salon pour sa Correspondance littéraire, périodique manuscrit consacré à la vie culturelle parisienne et diffusé auprès d’un petit nombre d’abonnés de haut rang, parmi lesquels l’impératrice Catherine II de Russie, le roi Stanislas Poniatowski de Pologne ou encore le roi Frédéric II de Prusse.
Diderot écrit neuf Salons entre1759 et 1781. Il s’interrompt en 1773 en raison de son voyage en Russie, puis en 1777 et 1779, lassé de l’exercice. Ainsi, les Salons du début et de la fin sont brefs, tandis que ceux de 1765 et 1767 ont une ampleur qui témoigne de l’approfondissement de sa connaissance et de sa pensée.

Diderot et la sculpture

Etienne Maurice Falconet, Milon de Crotone (détail), 1754 marbre, 68,8,5 x 64,9 x 51,2 cm  Musée du Louvre, Paris  © RMN - Grand Palais (musée du Louvre) /  Pierre Philibert
Etienne Maurice Falconet, Milon de Crotone
(détail), 1754
marbre, 68,8,5 x 64,9 x 51,2 cm
Musée du Louvre, Paris
© RMN

Grand Palais (musée du Louvre) /
Pierre Philibert

Même si la sculpture tient moins d e place que la peinture dans les écrits de Diderot, certains de ses commentaires à son égard sont très inspirés. Les sculpteurs Falconet et Pigalle figurent parmi ses meilleurs amis, et leurs conseils lui permettent d’approfondir considérablement ses connaissances, auparavant limitées à la sculpture antique. Falconet devient très vite une référence pour Diderot. Le philosophe se montre dithyrambique sur son Pygmalion , présenté dans l’exposition. : « O la chose précieuse que ce petit groupe de Falconet ! Voilà le morceau que j’aurais dans mon cabinet, si je me piquais d’avoir un cabinet.» De même, il ne cache pas son enthousiasme à propos du marbre, « cette matière, cet art qui est si grave, si sévère, qui demande tant de caractère et de noblesse.»

Le catalogue reproduit en couleur toutes les œuvres exposées. Il réunit les contributions de quelques uns des meilleurs spécialistes du XVIIIesiècle, dont Jérôme Farigoule, Directeur du Musée de la Vie romantique à Paris, Guillaume Faroult, Conservateur du patrimoine au département des peintures du musée du Louvre, Stéphane Lojkine, Professeur de littérature française du XVIIe siècle à l’Université de Provence, Aix-Marseille, Christian Michel, professeur d’histoire de l’art, période moderne, Université de Lausanne , Guilhem Scherf, Conservateur en chef du patrimoine au département des sculptures du musée du Louvre et Olivier Zeder, Conservateur en chef du patrimoine, chargé des collections anciennes au musée Fabre.

Fondation de l’Hermitage
2, route du Signal
CH –1000 Lausanne 8 Bellevaux
tél. +41 (0)21 320 50 01
www.fondation-hermitage.ch
info@fondation-hermitage.ch
Direction : Sylvie Wuhrmann

Visite commentée avec extraits musicaux
di 25 mai à 11h

Conférence
jeudi 8 mai à 18h30
Les dégoûts de Diderot
par Christian Michel, professeur d’histoire de l’art, période moderne,
Université de Lausanne
Prix des conférences : CHF 12.-/ CHF 10. -tarif réduit / gratuit pour les Amis de l’Hermitage
Sur réservation au +41 (0)21 320 50 01
 

Sommaire avril 2014

Robert Mapplethorpe ADA
Robert Mapplethorpe ADA

01 avril 2014 : le jour du poisson
02  avril 2014 : The Night of the Great Season
03 avril 2014 : Daros Latinamarica à la Fondation Beyeler
05 avril 2014 : Fabrizio Plessi à la Fondation François Schneider
23 avril 2014 : Robert Mapplethorpe 2 expositions à Paris
25 avril 2014:
Lee Bae à la Fondation Fernet Branca
26 avril 2014 : Giacometti, Marini, Richier, La figure tourmentée
27 avril 2014 : Le Parc Jean-Jacques Rousseau

Le Parc Jean-Jacques Rousseau

Une belle découverte

Parc Jean Jacques Rousseau
Le Parc Jean-Jacques Rousseau est l’un des premiers jardins paysagers et des plus beaux exemples de parc à fabriques du XVIIIe siècle en France. Jardin idéologique par excellence, il a été conçu comme lieu de déambulation du corps et de l’esprit, rendant hommage à toutes les formes d’art comme à la philosophie, et incluant des préoccupations philanthropiques dans un cadre exceptionnel, de jardins sauvages à l’anglaise.
Parc Jean Jacques Rousseau
C’est le Marquis René-Louis de Girardin qui composa autour de son château, des jardins d’un nouveau genre, qu’il se plaisait à nommer des jardins philosophiques.
Admirateur de Rousseau, il s’inspire de la Nouvelle Héloïse, pour y recréer des tableaux issus de l’imaginaire de son auteur. Il y convia Jean Jacques Rousseau.
Malheureusement Rousseau n’y passa  que les  six dernières semaines de sa vie (1778), il y décéda et y fut enterré.
Parc JJ Rouseau l'Ile aux Peupliers
Son séjour marqua profondément le paysage. Son corps est inhumé sur l’île des peupliers, puis malgré le transfert des cendres, 16 ans plus tard au Panthéon, les jardins d’Ermenonville sont devenus au 18e s, un lieu de pèlerinage romantique et littéraire.
Les têtes couronnées d’Europe, n’avaient pas attendu la mort du philosophe, pour admirer les jardins du marquis. Après sa mort rousseauphiles et révolutionnaires y affluèrent.
Le choix du Département de l’Oise de valoriser ce patrimoine l’a engagé à mener une campagne de restauration importante des fabriques et des cheminements, mais aussi à proposer un projet de développement culturel qui lui a valu de voir le parc labellisé Centre culturel de rencontre en 2012.
Parc JJ Rousseau
C’est ainsi que vous pouvez flâner sur le sentier des écrivains, celui des philosophes, explorer la grotte des Naïades, le Dolmen, philosopher devant l’Autel à la Rêverie,
contempler le Temple de la philosophie volontairement inachevé, vous recueillir sur la Tombe du jeune inconnu, vous asseoir sur le Banc de la Reine,  admirer le Jeu d’Arc, et ainsi découvrir les messages livrés par les fabriques. 60 hectares de bonheur champêtre, de réflexion, de sérénité, d’élévation de l’esprit et de l’âme. Des plantes rares poussent et fleurissent dans le parc, surveillées attentivement par le jardinier-paysagiste Vincent Lahache, formé à l’école de Versailles.

Parc JJ Rousseau, la Fritillaria meleagris ou fritillaire pintade
Parc JJ Rousseau, la Fritillaria meleagris ou fritillaire pintade

Ce projet artistique et culturel poursuit l’objectif de rendre lisible l’héritage considérable de ce parc conçu dans l’esprit des Lumières, tant au point de vue patrimonial que pour l’écho qu’il établit dans la vie contemporaine et d’en rendre ainsi lisible les différentes dimensions, à la croisée des arts, de la philosophie et de la nature. Avant de pouvoir déployer pleinement ce projet à l’horizon 2015, le Parc propose un programme culturel qui préfigure ses activités futures, avec un agenda de manifestations et l’association d’artistes de toutes disciplines à ses activités par des résidences et des productions d’œuvres.
Parc JJ Rousseau tombe du jeune inconnu
Jardin pittoresque, livrant à la vue une succession de tableaux paysagers et à la lecture une succession d’extraits poétiques et philosophiques, le parc Jean-Jacques Rousseau est aussi conçu dès le 18ème siècle pour accueillir des spectacles comme des manifestations, tout en valorisant les progrès prônés par les Lumières. La promenade se veut autant celle des sens que celle de l’esprit, en stimulant sensibilité, connaissance, et imaginaire. Avec une vocation nouvelle d’allier création contemporaine à l’héritage historique, le parc propose plusieurs manifestations dans l’année liées aux arts contemporains dans toute leur diversité et leur développement les plus récents. Les résidences d’écrivains et d’artistes viennent enrichir le programme par des productions d’oeuvres inédites qui donnent à lire le jardin sous des angles toujours renouvelés.
Parc JJ RousseauTemple de la Philosophie Moderne
Parc JJ Rousseau Temple de la Philosophie Moderne

Un programme culturel pour la saison artistique 2014 est à consulter sur le site.
www.parc-rousseau.fr/

C’est en « poète et en peintre » que le Marquis de Girardin a conçu les jardins d’Ermenonville au XVIIIème siècle, donnant à lire une conception entièrement renouvelée du paysage. Partisan des idées des Lumières, avec le soutien d’artistes et l’inspiration rousseauiste, le marquis fait l’éloge dans sa création d’une société moderne en parsemant son jardin de fabriques et de citations, faisant du lieu le témoin privilégié de l’engouement du siècle pour tous les domaines de la connaissance. Dédiés à la sensibilité, l’imagination et la connaissance, pleinement connectés à leur environnement, ces jardins offrent, au-delà de la promenade du corps, celle des yeux et de l’esprit. A l’époque contemporaine, le jardin continue d’offrir fidèlement à l’esprit de son créateur, un riche programme ouvert à toutes et tous, consacré aux arts, à la philosophie et aux arts du paysage, et matière à sentir, penser, et réinventer notre monde.
Parc JJ Rousseau, le Tir à l'Arc
Parc JJ Rousseau, le Tir à l’Arc

Pour la saison artistique deux artistes en résidence
Jean-Charles Massera
Célia Houdart

Les activités à ciel ouvert
Le festival des Fabriques
La nuit des étoiles
Informations & réservations
Parc Jean-Jacques Rousseau
1 rue René de Girardin
60950 Ermenonville
Tél. + 33 3 44 10 45 75
Mél. info@parc-rousseau.fr<
Direction : Corinne Charpentier
www.parc-rousseau.fr/
Venir au parc depuis…
• Paris (47 km) > en voiture par l’A1, sortie n°7 (Saint- Witz, Ermenonville, La mer de sable), puis N330, direction Ermenonville, centre. > par le train au départ de la Gare du Nord – arrivée gare du Plessis-Belleville (à 7 km du parc)
• Lille (182 km) > en voiture par l’A1, sortie n°8 (Ermenonville, Senlis, Chantilly, Meaux), puis N330, direction Ermenonville, centre.
• Senlis (14 km) > en voiture par la D1324, puis la N330 au
Tarifs
• Plein tarif : 5 €
• Tarif réduit : 3 € (étudiants, militaire, seniors, demandeurs d’emplois ) • Gratuité : enfants (-18 ans) et personnes handicapées • Groupes : tarif réduit à partir de 15 personnes
• Tarifs billet jumelé : Parc Rousseau + musée abbaye de Chaalis : 10€
• Adhésion annuelle au parc : 20€
Horaires d’ouverture
Du 1er avril au 30 septembre
Tous les jours de 10h à 19h
Du 1er octobre au 31 mars
Tous les jours de 11h à 17h30
(Clôture de la billetterie 45 mn avant la fermeture du Parc)

Giacometti, Marini, Richier, La figure tourmentée

Il ne reste que 2 jours
Jusqu’au 27 avril 2014 au
MUSÉE CANTONAL DES BEAUX-ARTS DE LAUSANNE

Commissaire de l’exposition :
Camille Lévêque-Claudet, conservateur

BA Lausanne

Alors qu’ils prennent leurs distances avec la représentation académique du corps et avec la tradition figurative illusionniste, Giacometti, (1901 Borgonovo -1966 Coire ) Marini (1901, Pistoia -1980, Viareggio)  et Richier (1902, Grans FR – 1959, Montpellier) réfléchissent à des modes nouveaux de figuration, pour exprimer et rendre leur vision de l’être humain.
Le Suisse Alberto Giacometti, l’Italien Marino Marini et la Française Germaine Richier débutent leur cursus académique dans leur pays respectif avant d’être attirés – comme de nombreux artistes – par Paris qui, dans l’entre-deux-guerres, conserve encore son statut de capitale intellectuelle et artistique mondiale. De leurs années d’apprentissage jusqu’à celles de leurs dernières créations, aussi bien dans le domaine de la sculpture que dans ceux des arts graphiques et de la peinture, la figure demeure l’objet principal de leurs recherches. Modeler têtes et corps est pour eux source de préoccupations et de difficultés. Pourtant, dans un contexte dominé par l’abstraction – dont ils auraient pu emprunter la voie –, Giacometti, Marini et Richier vont persister dans leur refus de renoncer à la figuration.

L’exposition souhaite montrer, à partir d’exemples choisis dans la production sculptée de chacun des artistes, comment Giacometti, Marini et Richier, confrontés à l’impossibilité de persévérer dans une représentation traditionnelle de la figure, proposent de
«nouvelles images de l’homme».

Alberto Giacometti, La Cage (première version), 1949-1950, bronze, 90,6 × 37,6 × 34,3 cm. Riehen/Basel, Fondation Beyeler. Épreuve Fondation Ernst Beyeler. © Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich Photo: Robert Bayer, Basel
Alberto Giacometti, La Cage (première version), 1949-1950, bronze,
90,6 × 37,6 × 34,3 cm. Riehen/Basel, Fondation Beyeler.
Épreuve Fondation Ernst Beyeler.
© Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich
Photo: Robert Bayer, Basel

Pour restituer l’espace créé entre son oeil et ce qu’il voit, Alberto Giacometti positionne ses têtes et ses figures sur des socles surdimensionnés ou superposés, puis sur des plateaux ou dans des cages. L’artiste associe ici figure et tête dans un rapport d’échelle nouveau, faisant fi de la perspective traditionnelle. S’il fait coexister les personnages dans un même espace, ceux-ci semblent cependant s’ignorer, spatiale interrogation du rapport entre les êtres.

Ces images, ils les modèlent dans la terre ou dans le plâtre, à partir des formes et des genres classiques de la tête, du buste, de la figure en pied et, dans le cas de Marini, du portrait équestre. De l’Homme qui chavire d’Alberto Giacometti au Cri de Marino Marini, en passant par l’Orage de Germaine Richier, l’exposition présente les réponses que les trois artistes ont pu proposer aux questions de la perception du corps, de l’expression de l’échelle, de la traduction du mouvement, ou encore du rapport entre les figures et l’espace.

 

À une époque où domine l’esthétique du lisse, l’emploi de formes arrondies, et parfois transparentes, cette exposition invite à réévaluer leurs propositions plastiques et à faire expérience du combat qu’ils mènent avec la matière, une matière repoussée ou arrachée, qui conserve l’empreinte du doigt ou de l’outil.
Giacometti, Marini, Richier. La figure tourmentée est l’occasion de voir réunies à Lausanne 70 sculptures et oeuvres graphiques de ces trois artistes d’importance internationale, en provenance de prestigieuses collections publiques et privées, suisses et européennes.
Giacometti, Marini et Richier ne peuvent plus représenter l’homme comme le firent leurs prédécesseurs. L’enseignement de Bourdelle, les recherches des avant-gardes auxquelles il s’est essayé, ne permettent pas à Giacometti de restituer dans la matière ce qu’il voit.
Les certitudes de Marini et de Richier sont ébranlées par l’anéantissement de l’image de l’homme après le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale. Comment, dorénavant, représenter l’homme «que je vois» ?
Telle est la question posée par ces trois artistes à travers leurs oeuvres où se lisent tâtonnements, recherches et expérimentations, rarement en abandonnant la figuration et presque toujours à partir des formes traditionnelles de la sculpture. L’abstraction ne pouvait être pour eux la solution.
Giacometti en avait fait l’expérience et en avait perçu les limites. Marini et Richier ont mené quelques tentatives de géométrisation des formes frôlant l’abstraction, mais ils ne s’aventurent pas dans une voie aussi radicale. Pour la première, le modèle est trop important pour qu’elle puisse y renoncer; quant au second, concevant son art comme lié au monde contemporain, il ne peut se passer des corps et des têtes dans lequel celui-ci se reflète. La quête de Giacometti est plastique: sa figure naît du rapport entre son oeil, sa main et l’espace dans lequel elle lui apparaît.

Alberto Giacometti, Femme de Venise V, 1956, bronze, 110 × 13,5 × 31 cm. Wuppertal, Von der Heydt-Museum. Épreuve 6/6. © Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Von der Heydt-Museum Wuppertal
Alberto Giacometti, Femme de Venise V, 1956, bronze,
110 × 13,5 × 31 cm. Wuppertal, Von der Heydt-Museum.
Épreuve 6/6.
© Succession Alberto Giacometti / 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Von der Heydt-Museum Wuppertal

À l’occasion de la XVIIIe Biennale de Venise, Alberto Giacometti crée une série de figures féminines élancées et frontales, selon un prototype mis en place dans la seconde moitié des années 1940. À la fois épaisses vues de face et fines vues de profil, poussées vers l’avant par leurs pieds triangulaires et aussi tirées vers le haut, dans un équilibre précaire, elles semblent le jouet de forces contraires.

Celle de Marini et Richier est philosophique: ils fouillent la matière pour trouver l’essence de l’homme.
Que voit notre oeil de spectateur ? Un être hybride, une tête minuscule, une figure élancée, un corps tourmenté, des traits déchirés: un homme dont l’essence, l’identité, la matérialité, la taille et la place dans l’espace sont repensés.

Germaine Richier, La Fourmi, 1953, bronze, 99 × 88 × 66 cm. Musée de Grenoble. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Musée de Grenoble
Germaine Richier, La Fourmi, 1953, bronze, 99 × 88 × 66 cm.
Musée de Grenoble.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Musée de Grenoble

Pour donner vie et réalité à l’espace compris entre les extrémités et les articulations de certaines de ses sculptures, Germaine Richer a imaginé un système de fils qui les relient. Ces fils soulignent le mouvement et le retiennent tout à la fois. Surtout, ils invitent le spectateur à prendre conscience de l’espace qu’ils balisent.

Pendant leur formation académique et auprès du maître à l’atelier, les trois artistes copient et modèlent le corps humain d’après nature. Germaine Richier introduit dans son travail des notes discordantes, notamment par un traitement irrégulier des surfaces dans des oeuvres plus proches des nus sculptés d’Edgar Degas que des corps lisses et froids d’Aristide Maillol. Alberto Giacometti multiplie les aller-retour entre travail de mémoire et d’après modèle tout en mettant les courants d’avant-garde au service de sa quête: représenter l’homme tel qu’il le voit. L’expression du mouvement est très importante dans les oeuvres de Germaine Richier, notamment dans ses figures hybrides où le mouvement est matérialisé par un savant et original système de fils métalliques. Dans l’oeuvre d’Alberto Giacometti L’homme traversant une place par un matin de soleil, la figure est en mouvement, avançant dans l’espace. Déstabilisé, renversé ou perdant l’équilibre, l’Homme qui chavire est interrompu dans sa marche par la chute. Alors que dans les années 1930 les figures équestres de Marino Marini avancent dans un mouvement sûr et régulier, dans les années de l’après-guerre cavaliers et montures sont inexorablement déstabilisés par le poids des évènements. Alberto Giacometti, Marino Marini et Germaine Richier abandonnent très vite les surfaces lisses et les formes cernées. La belle matière est mise à mal. Comme leurs contemporains Fautrier ou Dubuffet, ils se confrontent physiquement avec les matériaux. Les trois artistes fragmentent le corps.

Germaine Richier, La Mante, 1946, bronze, 158 × 56 × 78 cm. Genève, Galerie Jacques de la Béraudière. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Droits réservés
Germaine Richier, La Mante, 1946, bronze, 158 × 56 × 78 cm.
Genève, Galerie Jacques de la Béraudière.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Droits réservés

Des épaules, un torse et des hanches féminines auxquels s’accrochent des membres terminés par des pattes crochues: l’association et la combinaison des ces éléments fonctionnent d’autant mieux – ou dérangent d’autant plus – qu’individuellement ils existent dans la nature. Dans une situation d’attente, son mouvement retenu, La Mante s’apprête à attaquer.

Alors que chez Richier la fragmentation se fait mutilation violente, chez Marini il s’agit d’une approche plus esthétique, reflet de son intérêt pour les restes archéologiques. Avec le fragment, Giacometti s’engage dans une nouvelle étape de sa quête, lui qui, lorsqu’il est confronté à la vision d’une figure proche, ne peut plus voir simultanément toutes les parties du corps et n’en perçoit plus que les détails. Contrairement aux groupes équestres de Marino Marini et à l’Homme qui chavire d’Alberto Giacometti, L’Orage et L’Ouragane de Germaine Richier sont solidement ancrés dans le socle.

Germaine Richier, L’Orage, 1947-1948, bronze, 190 × 77 × 55 cm. Humlebæk, Louisiana Museum of Modern Art, don de la famille Richier. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Droits réservés
Germaine Richier, L’Orage, 1947-1948, bronze, 190 × 77 × 55 cm.
Humlebæk, Louisiana Museum of Modern Art, don de la famille
Richier.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Droits réservés

Germaine Richier propose ici d’emprunter au rayon des phénomènes météorologiques. La face brute, le visage fendu, le corps écorché, la figure revient-elle, tâtonnante, de toutes les catastrophes naturelles ou sort-elle de la terre dont, de la paume de ses mains, elle puise les forces ?

Toutefois, les jambes des deux êtres semblent bien minces pour supporter des corps aussi massifs, déportés vers l’arrière. Leur équilibre paraît précaire, comme celui des Femme de Venise de Giacometti, figures élancées transperçant l’espace, poussées vers l’avant par leurs pieds triangulaires. Le Jongleur de Marini est, lui, dans une position encore plus instable: son corps, en partie désarticulé, n’est plus retenu que par la pointe de ses pieds. Combien de temps va-t-il encore parvenir à tenir cet équilibre ?
Cette question constitue le fil conducteur entre ces oeuvres.
Pendant la guerre, Germaine Richier est à Zurich, où elle a installé son atelier. Elle continue à travailler sur l’irrégularité de la matière et crée ses premières oeuvres hybrides. Marino Marini ne se réfugie dans le Tessin qu’à la toute fin de l’année 1942, après le bombardement de Milan. En Suisse, le sculpteur multiplie les Pomone en plâtre, qu’il exposera à Bâle en 1944 et à Berne en 1945. C’est très certainement à son ami Marini que Richier emprunte le motif de ses Pomone. Dans les années 1950, Alberto Giacometti dessinera un corps féminin par-dessus une reproduction de l’une des Pomone de l’artiste italien, une figure comme il les voit, fine, élancée, les pieds rapprochés.

En décembre 1941, Alberto Giacometti quitte Paris pour Genève, où il restera jusqu’en septembre 1945. Dans sa chambre-atelier de l’Hôtel de Rive, il travaille à de toutes petites sculptures. Depuis plusieurs années, l’artiste avait tendance à diminuer toujours plus la taille de ses têtes et de ses figures pour retrouver et restituer la distance avec laquelle il les avait observées, une démarche indissociable de sa quête: rendre la réalité de sa vision. Pour voir une figure dans sa totalité, Giacometti ne parvient plus à faire autre chose que se tenir au loin. Trop proche, il ne voit que les détails. Lorsqu’il travaille à un portrait, Alberto Giacometti s’attache à rendre son modèle tel qu’il lui apparaît. Saisir les caractéristiques physiques et psychologiques s’avère un objectif très vite abandonné, car impossible à atteindre.

Marino Marini, Cavaliere [Cavalier], 1953, bronze, 137,5 × 83 × 101 cm. Florence, Museo Marino Marini. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Mauro Magliani
Marino Marini, Cavaliere [Cavalier], 1953, bronze,
137,5 × 83 × 101 cm. Florence, Museo Marino Marini.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Mauro Magliani
Fasciné lors d’un voyage en Allemagne en 1934 par le Cavalier de la cathédrale de Bamberg, Marino Marini fait de la figure équestre l’un de ses thèmes de prédilection. Après la Seconde Guerre mondiale, l’artiste charge cavaliers et montures d’une tension exacerbée jusqu’au déséquilibre et à la chute. Ces images sont l’expression toute personnelle de l’expérience du chaos de la guerre, et de l’absence de foi envers l’avenir.
Marino Marini traque lui aussi la qualité de présence du modèle, et non son apparence extérieure. Toutefois, contrairement à Giacometti, sa démarche s’accompagne de la volonté de pénétrer la psychologie de l’individu. Alors que pour Marini le portrait témoigne de son époque, Giacometti dégage ses modèles de toute temporalité. À la différence de Giacometti qui, à force de les sculpter, finit par ne plus reconnaître ses proches, Richier parvient, elle, à rendre le caractère et les traits de son modèle. Pour restituer l’espace entre son oeil et ce qu’il voit, Alberto Giacometti positionne ses sculptures sur des socles imposants, puis sur des plateaux ou dans des cages. Giacometti utilise de telles structures afin de contenir ses formes dans des espaces clairement définis. Au contraire, lorsqu’il supprime ces structures, il laisse la figure s’imposer dans l’espace du spectateur. Chez Germaine Richier, les fonds peints créent un nouvel espace, avec lequel la sculpture interagit de manière différente. C’est une autre proposition faite par l’artiste pour matérialiser l’espace, tout comme l’utilisation de fils métalliques tendus entre les extrémités des membres de ses figures.
Marino Marini, Il Grido [Le Cri], 1962, bronze, 76,8 × 125,3 × 66,5 cm. Pistoia, Fondazione Marino Marini. © 2013, ProLitteris, Zurich Photo : Mauro Magliani
Marino Marini, Il Grido [Le Cri], 1962, bronze, 76,8 × 125,3 × 66,5 cm.
Pistoia, Fondazione Marino Marini.
© 2013, ProLitteris, Zurich
Photo : Mauro Magliani
Avec Il Grido, Marino Marini pousse au plus loin la tension entre
l’homme et le cheval. Les corps ne se fondent plus, les formes se
brisent. De ces décombres surgit une figure hybride, un nouveau
centaure, construction précaire de plaques de métal qui viennent
s’entrechoquer.
Les figures équestres de Marino Marini transpercent elles aussi l’espace, créant des lignes dynamiques, métaphores des tensions entre l’homme et la monture. En 1950, Giacometti réunit plusieurs figures sur des plateaux. Elles semblent pouvoir être déplacées comme les pièces d’un jeu d’échec pour créer de nouvelles interactions entre elles et avec l’espace. Richier provoque cette même dynamique interactive quand elle dispose ses formes sur l’espace virtuel d’une table figée dans le bronze. Marino Marini disloque les formes et traite le bronze comme des plaques de métal grossièrement découpées, dont les angles viennent s’entrechoquer. La géométrisation des formes ne relève pas ici d’une simplification esthétisante. Elle traduit la vision cauchemardesque d’un passé dévasté par le conflit, et d’un avenir dans lequel il est devenu difficile pour l’artiste d’avoir foi. Alberto Giacometti dissout quant à lui la forme dans la matière. Il établit un continuum entre une masse de glaise et le visage qui en émerge.
Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne
Palais de Rumine, place de la Riponne 6
CH-1014 Lausanne
Tél.: +41 (0)21 316 34 45 Fax.: +41 (0)21 316 34 46
info.beaux-arts@vd.ch
www.mcba.ch
Horaires
ma-me: 11h-18h je: 11h-20h ve-di: 11h-17h
Vendredi saint: 11h-17h
Lundi de Pâques: 11h-17h
Tarifs
adultes: CHF 10.-
retraités, étudiants, apprentis: CHF 8.-
jeunes jusqu’à 16 ans:
gratuit premier samedi du mois: gratuit
 
 

Robert Mapplethorpe 2 expositions à Paris

« En fait je suis obsédé par la beauté, je veux que tout soit parfait. »
Robert Mapplethorpe

Robert Mapplethorpe, Self-portrait (Autoportrait), 1988, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014
Robert Mapplethorpe, Self-portrait (Autoportrait), 1988, © Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

La RNM et le musée Rodin, nous propose deux expositions complémentaires sur un artiste hors du commun : Robert Mapplethorpe
Si vous aimez le Caravage, Rodin, Michel Ange, le clair obscur, les reliefs, et les fleurs, ces événements sont pour vous.
Je me suis laissée guider par le livre de Patti Smith « Just Kids » et ceux de Judith Benhamou-Huet,
«  Dans la vie noire et blanche de Robert Mapplethorpe » et Mapplethorpe, vivant – réponses à des questions.
Quelques podcasts sur les antennes de diverses radios, où Jérôme Neutres commissaire de l’exposition du Grand Palais, raconte ses recherches pour le montage de l’exposition, puis  les autres commissaires : Joree Adilman, directrice de la fondation Robert Mapplethorpe, Hélène Pinet, conservatrice au Musée Rodin, Judith Benhamou-Huet, journaliste.(vidéo)

Ma première rencontre avec les photos de RM a été avec celle de l’homme au
costume en polyester, « Man In Polyester Suit » (dont je vous laisse découvrir la description faite par Monique Younes, en compagnie de Judith Benhamou-Huet , sur RTL ), dans un cours d’histoire de l’art.
Le modèle, dont on ne voit pas la tête est Milton Moore, il a été un body friend important de RM.
Selon Edmund White, écrivain, il purgeait une peine de prison pour meurtre au moment du décès de RM.

Robert Mapplethorpe - Ken Moogy-Robert Sherman, 1984

Ken Moody et Robert Sherman

Au Grand Palais l’exposition est chronologiquement décroissante, d’emblée le ton est donné avec le self portrait de fin de vie, RM, le visage creusé, brandit sa canne tête de mort. On est loin, du visage angélique, de la jeunesse, aux boucles folles, sensuelles, proche de l’amour victorieux du Caravage ou encore de son Bachus. Mapplethorpe, avant d’être photographe, est artiste. Ses images viennent d’une culture picturale où l’on retrouve Titien (Le Supplice de Marsyas / Dominick et Elliot), David, Dali, et même et d’abord les grands de la Renaissance italienne, Michel-Ange, Piero della Francesca, Le Bernin…
Robert Mappelthorpe, Plaroïd Patti Smith et Judy Linn 1973
La sélection couvre toute la carrière de photographe de Mapplethorpe, des polaroids du début des années 1970 aux portraits de la fin des années 1980, en passant par les nus sculpturaux, les natures mortes, le sadomasochisme… L’exposition s’attache à révéler toutes les facettes de cette oeuvre au-delà des clichés dans lesquels elle a longtemps été enfermée. Par exemple, un focus autour de ses deux muses Patti Smith et Lisa Lyon permet d’aborder le thème de la femme et de la féminité et de voir un aspect moins connu de l’oeuvre du photographe. L’enjeu de cette exposition est de montrer que Mapplethorpe est un grand artiste classique, avec une problématique de plasticien, qui a utilisé le medium de la photographie comme il aurait pu utiliser la sculpture.
Robert Mapplethorpe Lisa Lyon Rodin
Pour apprécier l’art de Mapplethorpe, il faut aussi le replacer dans le contexte socio- culturel du New York arty des années 70 et 80, d’une part, et de la culture de l’underground gay de ce même espace-temps. Deux univers perméables et aussi radicaux l’un que l’autre.
Pour mesurer l’explosion libertaire de cette époque il faut visionner Flesh, le film de Warhol avec Joe Dalessandro, qui narre 24 heures de la vie d’un jeune prostitué newyorkais ; Midnight cowboy, véritable « chef d’oeuvre » aux yeux de Mapplethorpe. Pour comprendre la violence et la passion de la sexualité gay pour les jeunes newyorkais d’une époque répressive qui combattent pour leur libération, il faut lire The Beautiful Room is Empty, d’Edmund White (en français : La Tendresse sur la peau), itinéraire d’un jeune gay dans les années d’émeutes et de manifestations, mais aussi d’émancipation extrême ; Dancer from the dance de Andrew Holleran (1978), pour se transporter dans les explorations sexuelles du Fire island des années 70.
L’exposition vise à montrer au plus large nombre le travail exceptionnel de cet artiste, reconnu par les amateurs comme l’un des plus grands photographes.
Robert Mapplethorpe, Thomas et Dovanna, 1986, poièce unique
Les photos sont d’une beauté saisissantes, le noir appelle le blanc, les corps sont sublimés, les contrastes, les ombres sont merveilles comme dans une toile classique ou dans une sculpture. RM est peintre et sculpteur, perfectionniste.
C’est le défilé de ses amants-modèles, de ses amies, de ses muses, Patti Smith, Lisa Lyon, de la génération Mapplethorpe.
RM est un magicien de la photo. Quand on se replace dans l’époque de sa production,
les appareils sophistiqués n’existaient pas, la minutie, le regard inouï de l’artiste subjugue.
Le travail de RM est à l’image de sa vie en noir et blanc.
Robert Mapplethorpe selfportrait
J’ai tenté d’identifier les personnages photographiés, qui ont traversé la vie brève et
sulfureuse de RM (1946/1989). Patti Smith, sa compagne des débuts est très présente en photos et vidéo. Ses compagnons les plus importants comme David Croland, premier compagnon, avec lequel se révèle son homosexualité, Sam Wagstaff, mécène et compagnon le plus célèbre, conservateur de musée, collectionneur de photographies sous l’influence de RM.
RM hérita de sa fortune après son décès.
Mapplethorpe - Sam Wagstaff 1973
John McKendry, ami qui lui permet de connaître le fond de photographies anciennes du Moma. C’est ainsi qu’il étudie l’art de la photo, et cela explique en partie, la minutie avec laquelle, il photographia ses modèles. John McKendry lui a offert son premier appareil photo  polaroïd, et avait négocié avec la firme Polaroïd afin qu’il bénéficie de pellicules gratuites.
Sa déclaration «  si j’étais né il y a cent ou deux cents ans, j’aurais été sans doute sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de regarder, de créer une sculpture »
Ses natures mortes, ses fleurs sont superbes, quoique présentées de manière glacée.
Pour Les fleurs, images sexuelles magiques, en couleur, il faut faire abstraction du mur hétéroclite qui lui fait face. Sur ce mur, l’ensemble demande à être regardé individuellement.

RMN
RMN

En effet le visiteur passe rapidement sans même la voir, devant la boîte, « Madonna » une des premières créations de RM, pour le Noël du jeune couple, composée d’un mouton trouvé dans une poubelle par Patti Smith, et d’un dessin de RM qui en tapisse le fond.
Au dessus de la boîte un crucifix, en tapis blanc, « White Carpet cross » une photo  de Lisa Lyon nue avec un crucifix posé entre les seins, un autoportrait de RM montrant un bras, l’aisselle et, l’épaule et une partie du visage, puis une photo de fleur.  Sur le même mur, un Christ crucifié, la tête couronnée d’épines de Jack Walls dernier compagnon de RM, un crâne, un compotier garni de pommes.
RMN
RMN

Sur un grand mur sont réunies les photos des personnes que RM a photographié soit par amitié, soit sur commande, autour de celle d’Andy Warhol en majesté.
RMN
RMN

« Le sexe est magique. Si vous le canalisez bien, il y a plus d’énergie dans le sexe que dans l’art … »
Robert Mapplethorpe Embrace
Cela résume vers quoi tendait RM, le sexe et la perfection de son art.
La chapelle Sixtine de Mapplethorpe est le corps : le cou, la gorge, le nombril, l’aisselle… font autant partie de son vocabulaire photographique que les têtes, les jambes ou les sexes qu’il montre sans gêne comme un élément physionomique et architectural comme les autres, à un détail près.
Dans un lieu en retrait, où est apposée une mise en garde pour les visiteurs âgés de moins de 18 ans, se trouvent les photos dites proprement sexuelles. On y voit des collages, des sexes masculins en érection, des scènes de sadomasochisme, de bondage, un autoportrait de RM assez cocasse, où il nous toise tout en s’introduisant un fouet dans l’orifice de son postérieur. Tout ceci parait tellement posé, étudié, clean, au point que cela ne soulève aucune émotion, ou pulsion. Les géométries et les pièces uniques apportent davantage d’admiration devant la perfection des images et des compositions telles que
« Thomas and Dovanna, 1986 » ci-dessus.
À la fin de l’exposition, sont exposés les polaroïds de ses débuts, où le classicisme est
déjà apparent, montrant ses amis dont certains ont disparus comme lui, fauchés par la même maladie.
« Je vois les choses comme des sculptures, comme des formes qui occupent un espace ». Robert Mapplethorpe
Le temps d’une exposition, le musée Rodin confronte deux formes d’expression – Sculpture et Photo-graphie – à travers l’oeuvre de deux artistes majeurs :
Robert Mapplethorpe et Auguste Rodin.
Bénéficiant de prêts exceptionnels de la Robert Mapplethorpe Foundation, cette exposition présente 50 sculptures de Rodin et un ensemble de 102 photographies dont l’audacieux dialogue révèle la permanence des thèmes et sujets chers à ces deux grands créateurs. Tout semble opposer ces deux personnalités même si Mapplethorpe n’a eu de cesse de sculpter les corps à travers son objectif et que la photographie a accompagné Rodin tout au long de sa carrière. Robert Mapplethorpe est à la recherche de la forme parfaite, Rodin tente de saisir le mouvement dans la matière. Rien n’est spontané, tout est construit chez Mapplethorpe, alors que Rodin conserve les traces de l’élaboration de l’oeuvre et cultive celles de l’accident. L’un fut attiré par les hommes, l’autre par les femmes et tous deux jusqu’à l’obsession.
Mapplethorpe Orchid, 1985 - Rodin, Iris messagère avant 1894
Cela n’a pas empêché Mapplethorpe de photographier des nus féminins et Rodin de modeler de nombreux corps masculins. Pourtant la confrontation entre ces deux artistes se transforme instantanément en un dialogue inattendu.
Sept thèmes ont été retenus par les commissaires, servant de fil rouge aux rapprochements qui sont à la fois formels, thématiques et esthétiques.
Mouvement et Tension, Noir et Blanc/Ombre et Lumière, Erotisme et Damnation sont quelques-unes de ces grandes problématiques traversant l’oeuvre des deux artistes. Cette exposition est une invitation à questionner le dialogue établi par les commissaires et à faire sien les rapprochements. Cette vision
« sculpture et photographie » est inédite au musée Rodin car jamais un tel face à face n’avait été réalisé, renouvelant le regard sur la photographie comme sur la sculpture.
Mapplethorpe, Lucinda Childs - Rodin mains n° 2 plâtre
Deux carrières sans rapport entre elles, deux hommes que tout oppose, deux techniques dissemblables. Pour surprenant a priori que puisse paraître le rapprochement entre Mapplethorpe (1946-1989) et Rodin (1840-1917), il laissera pourtant à chaque détour le spectateur interloqué. Pour deux raisons. La première est une apparente banalité : tous deux, par des moyens différents, appréhendent le corps humain et en font le medium quasi-unique de leur expression. Mais au-delà de cette évidence, au-delà des aspects provocateurs ou érotiques des images, du caractère parfois ténébreux de leurs poétiques ou de leurs obsessions, c’est paradoxalement une approche ardue et radicale qui s’impose chez l’un comme chez l’autre : compositions toujours impérieuses par le refus du superflu comme par la puissance formelle, aux limites de l’abstraction. Non seulement rien de trop, mais uniquement le nécessaire. Science des lignes, nuance des valeurs, plénitude des volumes. C’est pourquoi sans doute, entre Mapplethorpe le perfectionniste et Rodin le passionné, les effets d’écho stupéfiant émergent, comme entre White Gauze (1984) et le Torse de l’Âge d’airain drapé (vers 1895-1896).
White Gauze (1984) et le Torse de l’Âge d’airain drapé (vers 1895-1896).Derrière la manière de contenir la sensualité chez l’un, ou de lui donner un exutoire chez l’autre, affleurent deux sensibilités à fleur de peau, peau du grain photographique ou peau de l’épiderme de plâtre, qui vibrent dans une tension extrême, aux limites de la rupture ou de l’éclatement. La deuxième nous introduit à la véritable dimension de leur création : l’un comme l’autre débordent les frontières des domaines par lesquels ils s’expriment, des techniques qu’ils utilisent : la photographie se fait sculpture, la sculpture devient le moyen de révéler des images, au point que, dans les face-à-face présentés dans le catalogue, on confondra volontiers photographie et sculpture. Certains duos semblent presque des dominos conçus comme tels pour se répondre, comme un effet de négatif / positif entre L’Homme qui marche (1907) et Michael Reed (1987). Dans les deux cas, le vrai medium est la lumière, le vrai enjeu, de la sculpter, de la mettre en espace, dans une quête paradoxale de l’immatériel.
Photographies et sculptures fonctionnent finalement – c’est ce qui crée leur communauté d’esprit – comme des pièges à lumière. Impeccable ou morcelée, contrastée ou impalpable, brutale ou douce, celle-ci décline d’infinies variations de la manière d’habiter l’espace du corps, des formes, du monde.
extrait de Catherine Chevillot Conservateur général du patrimoine Directrice du musée Rodin ÉDITORIAL
Les commissaires et Dimitri Levas
Ces expositions sont réalisées par la RMN – GP, avec la coopération de la Fondation Robert Mapplethorpe, New YorkCommissaire général : Jérôme Neutres, conseiller du président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais / Commissaires associées : Joree Adilman, conservateur de la fondation Robert Mapplethorpe, Hélène Pinet, conservatrice au Musée Rodin et Judith Benhamou-Huet, journaliste critique d’art
Deux catalogues :
Catalogues
« Mapplethorpe Rodin »
Auteurs : Hélène Pinet, Hélène Marraud, Jonathan Nelson, Judith Benhamou-Huet
Éditions du musée Rodin / Actes Sud. 256 p., 250 ill. 40 €.
Catalogue officiel de l’exposition Robert Mapplethorpe, Grand Palais, Champs Elysées, du 26 mars 2014 au 13 juillet 2014.

Auteur : Jérôme Neutres, Conseiller du président de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, commissaire général de l’exposition

MUSEE RODIN jusqu’au 21 septembre 2014

Fabrizio Plessi à la Fondation François Schneider

La Fondation François Schneider de Wattwiller
invite à découvrir jusqu’au 1er juin, l’un des chefs de file de l’art contemporain:
Fabrizio Plessi
.

Niki de St Phalle Star Fountain
C’est l’un des artistes contemporains les plus connus au monde.
De Venise à Berlin, de New York à Madrid, de Paris à Pékin, en passant par New Dehli, Londres, Budapest, Hong Kong ou Moscou, du Centre Pompidou au Guggenheim, les plus grandes villes et les plus grands musées ont célébré les forces de la nature qu’il met en scène, le bouillonnement de ses torrents, le murmure de ses forêts et toujours l’originalité de ses créations.
En effet j’ai rencontré ses œuvres à la biennale de Venise 2011, à la Fondation Peggy Guggenheim de Venise, plus récemment à Art Karlsruhe.
Sur l’autoroute du Brenner, un important musée porte son nom et lui est intégralement dédié. Fabrizio Plessi fait partie des rares artistes qui de leur vivant se voient ainsi consacrés.
L’exposition présente plusieurs oeuvres articulées autour du thème de l’eau de l’artiste italien Fabrizio Plessi, né en 1940.
voir ici la vidéo de TV Doller
Fabrizio Plessi, Foresta Sospesa, 1999
Foresta Sospesa, 1999
Six troncs d’arbres évidés, de 6 m de haut, qui sont accrochés aux poutres de la charpente du centre d’art, offrant le spectacle d’une forêt suspendue. Sous les troncs, des animations visuelles et sonores nous plongent dans l’atmosphère d’une forêt sous la pluie. Chaque tronc pèse 250 kg, l’installation est particulièrement spectaculaire à la tombée de la nuit. Il fait penser à son compatriote Giuseppe Penone. L’artiste par cette installation, juxtapose la technologie et la nature, l’ancestral et la modernité, le temps éternel et le temps suspendu (Bill Viola au Grand Palais et Robert Cahen  au MAMCS)
• Videoland, 1987
Quatre structures en fer rouillé, utilisées comme des puits magiques.
A l’intérieur est projetée en boucle la vidéo d’un cercle d’eau bleue où tombent des pierres. Les sons se font écho d’un cône à l’autre en une sorte de concerto.
.Water Wind, 1984
Cette structure en Corten de 4 mètres de long intègre à ses extrémités un souffle de vent et d’autre part un écran vidéo. Le vent anime l’eau qui se trouve en mouvement sur la vidéo.
Fabrizio Plessi
. Water Circles, 1981
Deux cercles de fer, comme 2 soleils primitifs, nous dit Fabrizio Plessi. Deux serpents venus du fons des âges qui se mordent la queue. Deux formes géométriques qui s’effleurent à peine. L’eau de des cercles, toujours la même, dans un mouvement à contresens, nous la rend multiple et changeante, pour faire disparaitre cette notion de mouvement de notre perception.
• Water Trees, 1984
8 dessins de Videoland, 1987
Fabrizio Plessi Violand
Digital stones, 2006
Fabrizio Plessi
dans la salle au sous-sol est projetée une vidéo de Fabrizio Plessi
 
LE JARDIN DES SCULPTURES
En plus de l’exposition temporaire, la Fondation dispose d’une collection dans laquelle se trouvent en particulier une fontaine de Pol Bury et une « Nana » porteuse d’eau de Niki de Saint-Phalle.
Ces oeuvres sont exposées au public de manière permanente.
• Lorella Abenavoli, née en 1966 : Défaut originaire, 1999 (première version 1996)
• Clément Borderie, né en 1960 : Wall Piercing, 2008-2013
• Pol Bury, (1922 – 2005) :17 sphères dans une sphère, 1985
• Ilana Isehayek, née en 1956 : Toupies d’eau, 1998
• Sylvie de Meurville, née en 1956 : Le Mont d’ici, 2010 •
Niki de Saint-Phalle (1930 – 2002) : Star Fountain, 1999 1940,
voir ma Vidéo du Jardin des sculptures

Fabrizio Plessi, qui se consacrait depuis 1962 à la peinture, explore à partir de 1968 de nouveaux moyens d’expression (performances, installations, photographies, films, bandes vidéo); simultanément l’eau devient le thème central de son travail.
Partout présente dans la ville de Venise où il a étudié puis s’est installé, I’eau sera envisagée par Plessi dans toutes les dimensions, manifestations et fonctions qui la définissent, et sera le motif essentiel d’un dialogue poétique entre nature et technique, artifice et réalité.
En 1977, Acquabiografico rassemble 250 projets relatifs à l’eau; les Water works series (1975 -1977) en compileront mille autres sous diverses formes graphiques. Les projets et actions des années soixante-dix (scier un lac, couper un filet d’eau avec des ciseaux, percer des trous à la surface de l’eau, repasser les vagues, réguler les variations du niveau de la mer dans la lagune vénitienne grâce à d’énormes éponges…) constituent des tentatives ludiques et dérisoires de transformer et maîtriser cet élément insaisissable par essence, à la fois vital et menaçant, qu’est l’eau. L’environnement Geometria Liquida (Kiel, 1977) consiste ainsi à « découper » la surface de la mer selon d’énormes gabarits de forme géométrique, à filmer l’action, et à projeter simultanément sur un écran les « formes de l’eau » obtenues. Les années soixante-dix et quatre-vingts voient Plessi multiplier les expériences perceptives sur les états et mouvements de l’eau, sur la physique des fluides (Acqua communicante, Il mare Yerticale, 1975), les notions de contenant et de contenu, et les caractères optiques de l’élément liquide (couleur bleue, scintillements, réflexion…). Le thème du reflet inspire de nombreuses œuvres telle Reflecting Water, réalisée à Duisbourg en 1979 (monumentale installation où le mot WATER composé de très hautes lettres en néon bleu se réfléchit sur les eaux troublées d’un lac) ou Liquid Movie, un film présenté lors de la Mostra de Venise en 1981. L’affinité entre l’eau et la lumière détermine Plessi à utiliser le médium vidéo et l’image électronique, bleue, vibrante et fluide. Water Art ou Water (1981-1984) proposent des reflett aquatiques artificiels, tandis que d’autres œuvres opèrent la transmutation des éléments (dans Water Fire une flamme traitée en couleur froide et renversée apparaît aussi fluide que son antithèse) ou simulent des relations entre des composantes naturelles et artificielles (les deux moniteurs semblables à des hublots à demi-immergés de Mare Orizzontale (1976 -1984); la mer électronique des cent moniteurs de Mare di Marmo, 1985). Dans les sculptures-vidéo des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, Plessi prolonge sa réflexion sur la relation de l’homme à son environnement, en intégrant des images d’eau dans des constructions plus « terrestres » de pierre et de bois. Parallèlement aux installations, il poursuit une activité picturale et graphique, jamais abandonnée, et conçoit des scénographies électroniques pour des ballets et des opéras.
Fondation François Schneiderr
Informations
Tarifs
Tarif normal : 7€ Tarif réduit : 5€ (enfants de 12 à 18 ans, étudiants,
séniors, public handicapé, carte CEZAM, groupe de plus de 10 personnes)
Gratuité : Museums-PASS-Musées et enfants de moins de 12 ans
Horaires d’ouverture
Du mercredi au dimanche et jours fériés : 10h – 18h
Fermeture le 1er mai 2014
A venir
Exposition des « Talents Contemporains » Du 11 Septembre au 22 décembre 2014
Photos et vidéos de l’auteur