Bernard Fischbach

Ancien journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace,
c’était un fidèle des salons du livre de la région
Bernard Fischbach a été directeur de la collection des
Polars Régionaux aux éditions du Bastberg pendant des années.
sa passion était l’écriture  de polars.
Il a tourné sa dernière page en ce mois de mars 2020. +

Sa moustache de gaulois faisait penser à un sosie de l’écrivain Jacques Lanzmann
Son regard clair et vif irradiait de malice.
En pantalons de velours et vestes en tweed,  il avait une allure  de gentleman farmer.
Son humour incisif et caustique se retrouvait dans ses écrits.
Il nous a quitté en ce début de mars 2020.

Polars, livres enquêtes, et romans historiques

Journaliste, Bernard Fischbach avait fait toute sa carrière aux Dernières Nouvelles d’Alsace de Mulhouse qu’il avait quittées il y a une vingtaine d’années, pour se consacrer pleinement à  l’écriture de livres. Romans policiers d’abord, il en a écrit pas moins de neuf chez plusieurs éditeurs, à commencer par le Bastberg où il avait, en 2000, fondé et dirigé la collection des polars régionaux, permettant à de nouveaux auteurs d’émerger dans les rayonnages des librairies alsaciennes.

Le Grand Est était son espace de prédilection
La Mort À Sens Unique une tueuse alsacienne !
Il y avait également publié  « Monsieur crime parfait ». Son univers romanesque était souvent imprégné de drames intimes et cruels que vivaient ses personnages, des gens ordinaires, comme dans
« Le Venin du mort », paru dans la collection des Enquêtes rhénanes du Verger éditeur. L’Odeur du crime,  
l’histoire d’Elisa, c’est tout le domaine voisin du Rhin, sur lequel elle habite, qui semble être le théâtre de drôles d’affaires où se nouent et se dénouent de sombres histoires de main-d’œuvre clandestine.

Bernard Fischbach appréciait aussi les polars plus truculents, parfois librement tirés de faits divers, rubrique qu’il avait jadis fréquentée…
en tout bien tout honneur pour les DNA.
Son « In vino veritas » , inspiré d’une affaire réelle de vengeance dans le vignoble, vaut son pesant de pépins de raisin.  Il faisait s’entrecroiser crimes passionnels et grand banditisme dans une Alsace de fiction.

Une prédilection pour la psyché humaine, une autre pour l’Histoire qu’il a déclinée au travers de trois romans (« Les révoltés d’Ottendorf », « La vengeance de Gutenberg », « Le glaive et la serpe ») et de livres-enquêtes consacrés à des pages sombres de l’histoire régionale : « Les loups noirs, autonomisme et terrorisme en Alsace », « Oradour, l’extermination »,
« Crimes sans coupable », « Rad, malgré eux ».
« Le passe-muraille du Mont-Saint-Odile », qui retrace l’enquête de gendarmerie ayant conduit à arrêter le bibliophile qui pillait la bibliothèque du monastère, s’inscrit aussi dans cette veine. On lui doit encore plusieurs livres imagés d’histoire locale.

Bernard Fischbach avait aussi donné avec bonheur dans la biographie en ressuscitant le compositeur d’origine alsacienne Émile Waldteufel (1837-1915), le Strauss français, auteur de la célèbre
« Valse des patineurs ».
Le livre qui était assorti d’un disque de la Valse du coeur, était préfacé par la  ministre de la culture et porte parole du gouvernement de l’époque (1997) Catherine Trautmann.
Dès parution d’un nouveau roman, il ne manquait jamais de me l’adresser avec une belle dédicace.

La fiancée du vent – Oscar Kokoschka – Vienne 1900

Oskar Kokoschka
La Fiancée du vent 1913

 

Kokoschka, Oskar – Die Windsbraut, 1913
au Kunstmuseum Basel, dans la collection permanente

Télégramme de Kokoschka

« Chère Alma, nous sommes éternellement unis dans ma fiancée du vent »

Chaque fois que je passe devant cette toile, je ne peux m’empêcher d’y rester plantée un bon moment, et de rêver à la vie incroyable d’Alma Mahler. Si je suis accompagnée, je n’ai de cesse d’évoquer les péripéties incroyables qui ont parsemé son existence. De gré ou de force, je les oblige à emmagasiner par bribes cet incroyable récit.


Fille de l’artiste Emil Jakob Schindler et de sa femme Anna von Bergen, Alma grandit dans un milieu privilégié à Vienne .
Son entourage s’appelle Klimt , avec qui elle eut un amourette, la légende dit que c’est lui qui lui donna son premier baiser d’amoureux, il l’a déçue, parce qu’infidèle et volage. Friedrich Nietzsche était de ses amis. Alexander von Zemlinsky f ut son professeur de piano et son fiancé secret. Redoutable sirène, c’est elle qui a le pouvoir sur les hommes, musique, peinture, architecture, littérature, formidable carré d’as, elle prend ces illustres hommes dans ses filets.
Les fées s’étaient penchées sur son berceau, belle, intelligente. Elle renonça à toute ambition personnelle, abandonna son talent de compositeur, pour se consacrer à Gustave Mahler qu’elle épousa. Walter Gropius rencontré lors d’une cure, tomba amoureux fou d’elle. Il alla demander sa main, à son mari Gustave Mahler ! Mahler trop exigeant lui vole sa vie, elle devient cruelle. Devenue veuve elle épouse Walter Gropius , l’architecte fondateur du Bauhaus.
La toile ci-dessus est un hymne de Kokoschka en l’honneur d’Alma, de leurs brèves et violentes amours. Un homme gît au centre du tableau, entraîné par un tourbillon, scrutant d’un regard incertain le lointain, la femme la peau nacrée, se blottit pleine de confiance sur la poitrine de l’homme. Témoignage aussi de ce que la jeunesse de cette époque voit venir les catastrophes menaçantes.
Hermine Moos a fabriqué pour Kokoschka une poupée grandeur nature, effigie d’Alma, que celui-ci exhiba partout en réprimande de son abandon, jamais résigné à l’avoir perdue.
Elle épousa l’écrivain Franz Werfel , mais sa dernière liaison fut un théologien, à la perspective de futur cardinal. Il avait 37 ans, elle en avait 53. Elle envoûta si bien son confesseur Johannes Hollensteiner, qu’il se défroqua.
Devenue veuve une nouvelle fois, Platon dans une poche, de la Bénédictine dans l’autre, citoyenne américaine, elle vient à Londres pour rendre visite à sa fille préférée Manon. Elle s’en va à Vienne, horrifiée, qu’elle voit dévastée, elle retourne aux US, ne voulant plus retourner en Europe. Elle meurt à l’âge de 85 ans, d’une pneumonie, atteinte d’un diabète qu’elle ne veut pas soigner.

Amuse-bouche. Le Goût de l’art, au musée Tinguely

Amuse-bouche. Le Goût de l’art.

Au Musée Tinguely de Bâle jusqu’au 20 juillet 2020 
Commissaire de l’exposition : Annja Müller-Alsbach
Une exposition ludique, qui vous engage à participer.

Elizabeth Willing, vue d’installation de l’œuvre interactive Goosebump, en continu, pain d’épices et sucre glacé, mesures variables (c) Courtesy of the artist and Tolarno Galleries Melbourne © Elizabeth Willing and Tolarno Galleries Melbourne; photo: Elizabeth Willing

L’art a-t-il un goût sucré, salé, acide, amer ou umami ?
Quel rôle joue le sens du goût comme matériau artistique et dans les relations sociales ? Le Musée Tinguely poursuit le cycle consacré aux cinq sens à travers les arts. Après les expositions thématiques « Belle Haleine » (2015) et « Prière de toucher » (2016), l’exposition collective « Amusebouche. Le goût de l’art » présente, du 19 février au 17 mai 2020, des œuvres d’art d’environ quarante-cinq artistes internationaux du baroque jusqu’à l’époque contemporaine qui envisagent le sens gustatif comme une possibilité de perception esthétique. L’exposition rompt avec la pratique muséale habituelle qui sollicite avant tout la vue du public et lui propose une série de rencontres en histoire de l’art et en phénoménologie autour du sens du goût. Dans le cadre de visites interactives, de performances et d’ateliers, les visiteurs et visiteuses peuvent, en outre, se joindre à une expérience participative spéciale où il est possible de goûter à certains travaux.

Les différentes saveurs, de sucré à amer

Janine Antoni, Mortar and Pestle, 1999

Dans l’enseignement traditionnel des saveurs, la perception du goût est déterminée par le contact physique direct. Nous percevons immédiatement le monde qui nous entoure grâce à notre corps, à travers l’expérience gustative à l’aide de notre bouche et de notre langue. Le concept ainsi que le parcours de l’exposition « Amuse-bouche » s’orientent selon les saveurs courantes que nous percevons grâce à nos récepteurs gustatifs : sucré, salé, acide, amer et umami – saveur découverte en 1908 par le scientifique japonais Kikunae Ikeda que l’on peut définir en français comme
« savoureux épicé » et « goûteux ».
L’exposition au Musée Tinguely soulève de nombreuses questions autour de nos expériences gustatives : Comment percevons-nous l’art à partir d’aliments et de leurs saveurs spécifiques ? Que se passe-t-il lorsque l’expérience de l’art passe principalement par notre bouche ou notre langue ? Des œuvres d’art peuvent-elles aussi s’adresser au sens du goût de l’observateur en l’absence de contact physique direct ? Est-il possible de décrire et de traduire des expériences gustatives en images ? Les arômes peuvent-ils servir de médium à l’expression artistique et à la créativité ?

« Amuse-bouche. Le goût de l’art » donne à voir des représentations allégoriques du sens du goût remontant à l’époque baroque, des œuvres d’artistes appartenant à l’avant-garde du début du XXe siècle ainsi que des pièces des années 1960 et 1970. Toutefois, l’exposition met avant tout l’accent sur une sélection d’images, de photographies, de sculptures, de travaux vidéo et d’installations des trente dernières années qui explorent différentes manières d’ingérer et de goûter des aliments grâce à la bouche et à la langue. Dans les œuvres présentées, les artistes utilisent des aliments et des matériaux naturels comme vecteurs de goût sous différentes formes.

Marisa Benjamim, Hortus Deliciarum

À certaines dates, il est ainsi possible de goûter des plantes comestibles dans le cadre du projet Hortus Deliciarum, une installation performative de l’artiste portugaise Marisa Benjamim, ou bien les essences végétales du projet Tastescape de la Suissesse Claudia Vogel.

Goosebump, œuvre monumentale de l’artiste australienne Elizabeth Willing composée de pains d’épices, figure également à la dégustation. L’installation réalisée par Slavs and Tatars, collectif d’artistes installé à Berlin, comprend du jus de choucroute estampillé

Slavs and Tatars, Brine and Punishment

« Brine and Punishment ». Cette boisson énergétique à la saveur aigre constitue une expérience sensorielle au sein d’une étude intellectuelle et philosophique menée par les artistes sur la langue ainsi que sur la polysémie et la pluri-interprétation du mot fermentation et de l’expression « tourner au vinaigre ». D’autres œuvres abordent des sujets de société épineux en gravitant autour de contextes et de niveaux de signification complexes du « Goût de la nature » ou du
« Goût de l’étranger ». Des œuvres ou concepts artistiques-performatifs à l’instar de Contained Measures of a Kolanut d’Otobong Nkanga 
présentent un univers d’arômes oubliés ou à redécouvrir. Ils s’accompagnent souvent d’identités et de préférences gustatives marquées très différemment selon la subjectivité et la culture.

Contained Measures of a Kolanut d’Otobong Nkanga

Tel est aussi le cas de Sufferhead Original, projet en cours développé par Emeka Ogboh, artiste nigérian vivant à Berlin. Dans la dernière édition conçue pour Bâle à partir de sa marque de bière stout, la Sufferhead, dont le goût ne cesse d’évoluer, il demande, non sans provocation :
« Qui a peur du noir ? ».

Emeka Ogboh, Sufferhead

Par ailleurs, l’exposition présente des œuvres d’art à travers différents médiums se contentant d’évoquer des expériences gustatives dans l’imagination du visiteur et de la visiteuse.

Du plaisir au dégoût
Les œuvres et les concepts artistiques de l’exposition proposent un éventail d’évocations allant du plaisir au dégoût. De nombreuses expressions langagières réfèrent de manière métaphorique au goût : « être tout miel » ou « tourner au vinaigre ». Le parcours de l’exposition aborde également d’autres niveaux de signification autour du goût, en insistant sur les arômes au sens large comme médium servant à l’expression artistique et à la créativité. Plusieurs œuvres d’art exposées sont « sans goût » et induisent en erreur notre perception sensorielle. Un arôme particulier peut être à notre goût bien qu’extrêmement sucré, ou à l’inverse nous écœurer et faire naître des images de dégoût et de décomposition. Dans le langage courant,
« goûter » englobe un large spectre de codes de signification.

Opavivarà Aquardente 2016

Il existe des liens intéressants entre la perception sensorielle de certaines saveurs et des images linguistiques et métaphoriques valables également lorsqu’on fait l’expérience de l’art. Souvent, le recours aux stimuli gustatifs dans l’art ne se fait pas sans subversion, ni sans briser de nombreux tabous. Les artistes en profitent pour se confronter aux grandes questions sociétales de notre temps. Tout en tenant compte que les expériences gustatives éveillent des souvenirs et des associations également soumis aux bouleversements historiques. Comme dans l’existence, la section « sucrée » de l’exposition nous propose de rencontrer des changements gustatifs à la fois subtils et radicaux, perçus de manière totalement différente selon les individus. Des œuvres réalisées à partir de sucre cristallisé ou de glaçage peuvent également entraîner un glissement de sens gustatif de « sucré », goût plutôt agréable, à « doux-amer », plutôt désagréable. Citons, à titre d’exemple, les travaux minimalistes de Mladen Stilinović, artiste conceptuel yougoslave, qui utilisa le sucre comme médium artistique pour leur conception. Dans un premier temps, un sentiment de douceur enveloppante submerge spontanément l’observateur.
Mais pour l’artiste qui réalisa ces œuvres au début des années 1990 pendant la guerre de Croatie, le monochrome blanc symbolise le vide, la perte et la douleur.

Meret Oppenheim, Bon appétit, Marcel ! (Die weisse Königin), 1966–1978

Le chapitre thématique « amer » réunit des pièces qui – réalisées à partir des objets représentés ou à travers les matériaux périssables utilisés – traitent de processus de dégradation et suscitent le dégoût. Extrême gravité et poison renvoient ici à la mort.

Leurre gustatif
En nous promenant à travers l’exposition, nous rencontrons également des « leurres gustatifs ». Les artistes des avant-gardes du début du XXe siècle, à l’instar des futuristes italiens et des surréalistes, portent déjà un intérêt à tromper notre sens gustatif.
Une salle de l’exposition « Amuse-bouche » est consacrée à Daniel Spoerri, fondateur du Eat Art dans les années 1960 et du Nouveau Réalisme avec Jean Tinguely et Niki de St Phalle.

Daniel Spoerri

Jusqu’à aujourd’hui, celui-ci traque volontairement ce qui est singulier, renversé et anormal pour jouer avec notre vision habituelle sur les choses et les questionner. Ici, c’est le palais qui affronte l’œil. Dans sa nouvelle expérimentation intitulée Nur Geschmack anstatt Essen – un menu en quatre plats composés de dés en gelée de la même couleur – il s’attache également à déstabiliser nos sens (à découvrir les 27.3. | 28.3. | 25.4. | 25.4. | 26.4. | 16.5. | 17.5.2020).

Un art multisensoriel et gustatif basé sur l’action depuis les années 1960 Depuis les années 1960 en particulier, de nombreux artistes se sont intéressés au soi corporel et aux possibilités d’un art multisensoriel et gustatif basé sur l’action. Les extensions multimédias d’expérimentations menées autour du goût suscitent l’intérêt. Certaines œuvres exposées mettent en évidence des questions relatives à la société multiculturelle et à la recherche de nouveaux modes d’alimentation ainsi qu’à l’écart considérable entre le naturel et l’artificiel. Il s’agit de montrer qu’une perception plus sensible de l’environnement et de ses fragiles ressources au moyen du sens du goût est plus actuelle que jamais au XXIe siècle.

Farah Al Qasimi, Lunch, 2018

Un programme riche et varié accompagne l’exposition « Amuse-Bouche. Le goût de l’art » de manière discursive et performative. Outre les visites guidées, des événements exceptionnels sont proposés : performances d’artistes, dimanches en famille, discussions, ateliers, dégustations,
« une journée consacrée à la saucisse » avec Stefan Wiesner, chef étoilé suisse, dans le parc de la Solitude, etc.

L’exposition présente des œuvres des artistes suivant.e.s : Sonja Alhäuser, Farah Al Qasimi, Janine Antoni, Marisa Benjamim, Joseph Beuys, George Brecht, Pol Bury, Costantino Ciervo, Jan Davidsz. de Heem, Bea de Visser, Marcel Duchamp, Hans-Peter Feldmann, Urs Fischer, Fischli/Weiss, Karl Gerstner, Damien Hirst, Roelof Louw, Sarah Lucas, Opavivará!, Filippo Tommaso Marinetti, Cildo Meireles, Alexandra Meyer, Antonio Miralda-Dorothée Selz, Nicolas Momein, Anca Munteanu Rimnic, Otobong Nkanga, Emeka Ogboh, Dennis Oppenheim, Meret Oppenheim, Tobias Rehberger, Torbjørn Rødland, Dieter Roth, Roman Signer, Cindy Sherman, Shimabuku, Slavs and Tatars, Daniel Spoerri, Mladen Stilinović, Sam Taylor-Johnson, André Thomkins, Jorinde Voigt, Claudia Vogel, Andy Warhol, Tom Wesselmann, Elizabeth Willing, Erwin Wurm, Rémy Zaugg. 

Musée Tinguely | Paul Sacher-Anlage 1 | 4002 Bâle

Karin Kneffel au musée Frieder Burda

Jusqu’au 8 mars 2020
« J’aimerais que l’espace et le temps, le présent et le passé fusionnent dans mes tableaux. Que sont la réalité, la fiction, où commence la réalité picturale ? » Karin Kneffel


Karin Kneffel, (*1957), élève de Gerhard Richter en fin d’études (Meisterschülerin), compte parmi les plus importantes artistes allemandes de notre temps. Travail réalisé en coopération avec la Kunsthalle de Brême, la rétrospective qui lui est consacrée au Musée Frieder Burda a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste. Les quelque 140 œuvres exposées retracent un parcours de trois décennies, partant des tableaux surdimensionnés de fruits qui assurèrent à Karin Kneffel sa renommée internationale au début des années 1990, pour arriver à la construction d’intérieurs picturaux complexes dans lesquels se fondent les niveaux temporel et pictural, l’art, l’architecture et le septième art.


Karin Kneffel examine le pouvoir que possède la peinture à agir sur le spectateur, elle exploite jusqu’à l’extrême les possibilités de la représentation réaliste. Ses tableaux de fruits, fleurs et animaux
« débordent » hors de la toile – se jetant littéralement sur le spectateur :
il semble que l’on pourrait saisir les pommes, pêches et raisins aux opulentes rondeurs baroques. Les fleurs se présentent comme autant de présents et provoquent par une sorte de synesthésie des réactions visuelles et olfactives, tandis que les yeux des animaux cherchent directement le regard du spectateur, créant une émotion ignorant le format de la toile et les limites du tableau. Quant au feu qui crépite, il menace de sortir du cadre. Pourtant, quelle que soit l’intensité de sa chaleur, la perfection de la composition tempère comme par magie l’effet produit.

Le pouvoir pictural peut aussi s’exercer sous une autre forme : dans ses tableaux plus tardifs d’intérieurs extrêmement complexes, Karin Kneffel crée au contraire un effet d’aspiration vers le tableau : le regard traverse ou passe à côté de gouttes d’eau, artistiquement déposées, pour pénétrer dans des pièces mystérieuses remplies d’assemblages de personnages aux multiples références, assemblages qui montrent souvent une cohabitation dans l’espace dénuée de toute hiérarchie : une femme de ménage est agenouillée à côté d’une sculpture de Lehmbruck. Un rideau se soulève sur le décor théâtral d’un bâtiment moderniste. Il n’est pas rare alors que la sculpture formalisée remplace l’être vivant.

Souvent, des effets de brouillage ou des miroirs accompagnés de leurs reflets ajoutent encore a la complexité de l’espace pictural et entraînent le regard du spectateur dans une interaction ironique entre la réalité et l’illusion ; il n’est pas rare que le tableau dans le tableau fasse découvrir des univers picturaux remontant plus loin encore dans le temps comme dans l’espace, mondes nourris de fragments de souvenirs personnels, de séquences cinématographiques marquantes ou de visites de musée dont l’écho a perduré. C’est précisément à ce croisement – entre la réalité et l’illusion, le monde intérieur et extérieur, leurs effets d’attraction tout comme de rejet – que se trouve la surface du tableau, la toile sur laquelle Karin Kneffel projette des heures durant avec une précision obsessive et saisissante à la fois, le maximum de ce qu’elle puisse obtenir du pinceau et de la couleur.

« C’est tout de même très compliqué, ces fenêtres qui s’ouvrent dans le tableau, les gouttes, les plans rapprochés et éloignés, les disques plats et en même temps la profondeur spatiale. Il n’existe nulle part de photo d’une telle scène. Je dois penser la lumière, les reflets ou la buée. Je passe beaucoup de temps à travailler sur la conception, également devant l’ordinateur. Puis je dessine, je continue à faire des essais. C’est un processus effectivement assez long. Il y a des tableaux sur lesquels je réfléchis pendant des mois », déclare l’artiste évoquant sa méthode de travail. L’élève de Gerhard Richter peint en tenant tête à une modernité dominée par les hommes, à la manière dont elle est entrée dans les musées – en oubliant plus souvent qu’à son tour la contribution des femmes.

Si la peinture de Richter avait recours aux effets de flou et « d’essuyé » comme autant de moyens picturaux pour affronter sa propre biographie, le passé de l’Allemagne et l’histoire de l’art, Karin Kneffel utilise elle les fondus et les reflets. Elle crée une peinture hallucinogène capable d’adopter la forme de divers états de la matière. L’exposition entièrement élaborée et pensée en collaboration avec l’artiste permet au magnétisme de ses tableaux d’agir sans retenue sur le spectateur. Les champs thématiques qui s’y déroulent tels les portraits d’animaux, les représentations de fruits ou les intérieurs, voient leur effet multiplié par leur densité dans l’espace – tandis que pourtant les salles ouvertes permettent de s’approcher du cosmos artistique de Karin Kneffel dans toute sa multiplicité, et même de se livrer à lui pour vivre une expérience esthétique d’une grande intensité.

Photos courtoisie Museum Frieder Burda

Museum Frieder Burda
Lichtentaler Allee 8b · 76530
Baden-Baden Telefon +49 (0)7221 39898-0 ·
www.museum-frieder-burda.de

Horaires

Mar-Dim, 10h – 18h
Fermé le lundi, excepté jour férié.

Jane Evelyn Atwood à la Filature

 

Activiste, militante, engagée, Jane Evelyn Atwood présente ses photographies de la période 1976 – 2010 à la Galerie de la Filature
de Mulhouse
, jusqu’au 8 avril 2020.

communiqué de la Filature :
malheureusement nous ne sommes pas en mesure d’ouvrir notre Galerie dès cette semaine comme nous l’escomptions. En effet l’autorisation d’ouverture des galeries d’exposition exclut dans l’immédiat la catégorie administrative dans laquelle est classée La Filature. Nous restons en attente d’une nouvelle étape du déconfinement, annoncée pour le 22 juin prochain, et ne manquerons pas de vous tenir informés de la réouverture dès qu’elle sera possible, afin de (re)découvrir l’exposition de la photographe Jane Evelyn Atwood.

Commissaire : Emmanuelle Walter

Jane Evelyn Atwood

L’exposition consacrée à la photographe américaine Jane Evelyn Atwood rend compte de 35 ans de travail. Organisée autour de séries majeures
( Les prostituées, Les aveugles, Les femmes en prison, Jean-Louis ) et d’une vingtaine de photographies inédites sur différents sujets, les nombreux tirages de l’exposition retracent le parcours d’une photographe sans concession, sensible aux destins de ceux qui ont été rejetés à la périphérie, loin des regards de la société, de par leur condition et
drames de la vie.
« À travers ses choix personnels, Jane Evelyn Atwood va toujours, semble-t-il, vers la difficulté, comme un défi, se plaçant souvent, au regard des autres, de nous, spectateurs, à la frontière de l’interdit… Toujours une histoire d’enfermement et de frontière, de gens à part, et, à chaque fois, la photographe s’immerge dans son sujet, s’y engage corps et âme, à ses risques et périls, avec un désir de témoigner ou de changer certaines idées reçues sur ces mondes clos et les drames qu’elle rencontre, en révélant à la fois la beauté et la cruauté, la mélancolie et l’ambiguïté. Complice et compatissante, curieuse et concentrée sur ses sujets, saisissant d’instinct le moment qui s’imprime, l’émotion qui s’exprime. Un regard généreux qui transforme la vie en art, le résultat d’un long parcours. »
eDuarDo manet
Extrait de sa préface pour le livre Photo Poche Extérieur Nuit
(Centre national de la photographie, 1998)

Jane Evelyn Atwood est née à New York et vit en France depuis 1971. Son œuvre traduit la profonde intimité qu’elle entretient avec ses sujets pendant de longues périodes. Fascinée par les gens et par la notion de l’exclusion, elle a réussi à pénétrer des mondes que la plupart d’entre nous ignorent ou choisissent d’ignorer. Elle décrit elle-même sa méthode de travail comme obsessionnelle. Elle continue un sujet jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle l’a complètement compris ainsi que sa relation à celui-ci.

Jane Evelyn Atwood, rue des Lombards Paris

En 1976, elle achète son premier appareil et commence à photographier les prostituées de la rue des Lombards à Paris. Ce travail qui durera un an, toutes les nuits, deviendra son premier livre. En 1980, elle est récompensée par le premier prix W. Eugene Smith pour réaliser un sujet en profondeur sur les enfants aveugles. Dans les années qui suivent, elle s’engage dans plusieurs projets photographiques au long cours.
En 1983, elle réalise un reportage sur la Légion étrangère et suit des soldats à Beyrouth, au Liban et au Tchad durant 18 mois.

Jane Evelyn Atwood Jean Louis
En 1987, elle photographie Jean-Louis qu’elle suit durant les quatre mois qui précèdent son décès. C’est la première personne atteinte du sida en Europe qui ait accepté que son histoire soit publiée dans la presse. Malgré les milliers de morts causés par cette maladie, le sida n’avait eu auparavant aucun visage.

Jane Evelyn Atwood,
le premier convoi de femmes enchaînées, Maricopa County Jall  Arizona EU 1977

En 1989, elle se lance dans un vaste projet sur les femmes incarcérées dans plusieurs pays du monde. Elle parvient à avoir accès aux établissements pénitenciers les plus difficiles, y compris au couloir de la mort aux États-Unis. Ce travail monumental qui reste une référence, dure dix ans et révèle les conditions de détention féminine dans quarante prisons de neuf pays d’Europe, d’Europe de l’Est et des États-Unis.
Exposé internationalement, il est publié dans le livre Trop de Peines, Femmes en Prison
(Albin Michel, Paris ; Too much time , Phaidon, Londres ; 2000).

Durant quatre ans à partir de l’an 2000, elle documente les victimes des mines antipersonnel au Cambodge, en Angola, au Kosovo, au Mozambique et en Afghanistan. Puis elle passe trois ans à Haïti où elle réalise des photographies de vie quotidienne, une approche en couleur de « street photography », en rupture avec sa pratique habituelle.

Histoires De prostitution, paris 1976-1979 rue des lombards (1976-1977) pigalle people (1978-1979)
Cela a commencé comme cela, en 1976, sans expérience et sans idée préconçue. Elle avait cette envie de savoir qui étaient ces hommes, ces femmes et ces transsexuelles qui vendaient leurs corps et qu’elle côtoyait sur les trottoirs de la capitale. Cela faisait quelques années à peine que Jane Evelyn Atwood, pas encore photographe, s’était installée à Paris. Elle a alors acheté son premier vrai appareil et a rencontré Blondine

Bondine Jane Evelyn Atwood 1976 197

et les autres prostituées de la rue des Lombards, dans le quartier du futur Beaubourg. Puis plus tard, ce furent Barbara, Miranda, Nouja ou Ingrid, tout ce peuple de travestis et de transsexuelles de Pigalle. Sans le savoir, Jane Evelyn Atwood signait ses premiers reportages et débutait une œuvre poignante et magistrale guidée par la rencontre et la nécessité d’intimité avec l’autre. Histoires de prostitution
rassemble les séries Rue des Lombards (réalisée entre 1976 et 1977) et Pigalle People (produite entre 1978 et 1979).

Jean -Louis – Vivre et mourir du sida (Prix World Press Photo, 1987) est emblématique de la démarche de Jane Evelyn Atwood voulant comprendre par elle-même la réalité de cette maladie nouvelle et, plus encore, donner un visage aux malades. Elle a accompagné et photographié jusqu’à sa mort Jean-Louis, première victime de la pandémie en Europe ayant accepté d’être médiatisée.  La série, cette fois en couleur, est parue dans Paris Match en 1987.

Extérieur Nuit (1988)
Sur une période de dix ans, Jane Evelyn Atwood est entrée dans les écoles d’aveugles de France, d’Australie, d’Israël, du Japon et des États-Unis. La photographe, fascinée par le visuel, s’est passionnée pour ces jeunes aveugles qui ne peuvent pas voir et a souhaité restituer leur évolution dans un monde de voyants. Elle a su créer des portraits poignants, en noir et blanc, de ces aveugles rencontrés tout autour du monde.

Jane Evelyn Atwood Université Tsukuba de Tokyo pour aveugles

Jane Evelyn Atwood a reçu le W. Eugene Smith Award pour ce projet initié dans les années 70 et poursuivi pendant une dizaine d’années.

Trop De peines, femmes en prison (1989-2000) Dès 1989,
Jane Evelyn Atwood photographie les femmes incarcérées ; sur une période de près de dix ans, elle est parvenue à obtenir l’accès aux pires prisons du monde, y compris le quartier des condamnés à mort.

                                                       Auto-mutilations
Pour ce travail, la photographe s’est rendue dans quarante prisons situées dans neuf pays d’Europe et aux États-Unis où le nombre de femmes incarcérées a décuplé depuis les années 80. Cette plongée dans le monde carcéral féminin nous amène à poser un regard neuf sur les femmes, le crime et l’incarcération.
Divers Sélection de photographies sur divers sujets qui retracent le parcours de la photographe.

Horaires De la galerie pour cette exposition (entrée libre)
du mardi au samedi 14h-18h30 + dimanche 14h-18h +
les soirs de spectacles
la Filature scène nationale Mulhouse
20 allée nathan katz 68100 mulhouse
03 89 36 28 28
www.lafilature.org

5 RenDez-vous en entrée libre
projection en avant-première mardi 3 mars 18h
Fragments d’un Parcours : Jane Evelyn Atwood / Autour de Pigalle de Thomas Goupille suivie d’une rencontre avec Jane Evelyn Atwood

club sanDwich jeudi 5 mars 12h30 visite guidée de l’expo + pique-nique
tiré du sac
sur inscription 03 89 36 28 28
Week-enD De l’art contemporain
GranD Est du vendredi 13 au dimanche 15 mars
programme sur www.versantest.org
apéro photo mercredi 18 mars 19h15
visite guidée de l’expo + apéritif offert
sur inscription 03 89 36 28 28

Sommaire du mois de février 2020

Autoportrait dans l’ascenseur de la Kunsthalle
en quête de nouveautés et de savoirs.

29 janvier 2020 je déroge à mes habitudes, je me montre

01 février 2020 :  Ernest Pignon-Ernest – Ecce Homo
06 février 2020 : De mains et d’yeux au musée Unterlinden
08 février 2020 : Peindre la lumière du soleil – Edward Hopper à la Fondation Beyeler
11 février  2020  : Sarah Jérôme, à la Santé du Serpent
15 février 2020  : Hans Hartung, La Fabrique Du Geste
22 février 2020 : Picasso, Chagall, Jawlensky Chefs-D’œuvre De La Collection Im Obersteg
26 février 2020 : Algotaylorism à la Kunsthalle de Mulhouse

Algotaylorism à la Kunsthalle de Mulhouse

Jusqu’au 26 avril 2020 à la Kunsthalle labellisée
« Centre d’art contemporain d’intérêt national »

Commissaire : Aude Launay

Suis-je une travailleuse du clic malgré moi, pour mon plaisir de retraitée ?
Et voilà que certaines de mes interrogations trouvent un début de réponse.
A commencer par mon premier GPS, qui m’amusait par ses facéties. En fait malgré sa voix synthétique, ce sont des petites mains qui s’activent derrière.
Je m’étais à peine trompée, lorsqu’en plaisantant je disais que  :

« Juliette tourne les pages du bottin » car lorsque que je ne suivais pas la direction indiquée par elle, que j’en prenais une autre, elle avait un temps de réaction assez lent, qui me semblait incompatible avec un appareil
à la pointe de la technologie. Ou encore mon étonnement lorsque je me promenais outre Rhin, elle prenait l’accent allemand, cela me faisait bien rire, du coup j’en avais rédigé une chronique.
Quelle surprise aussi, Il y a quelques jours :
j’essaie de publier des photos sur un réseau social, avant d’avoir écrit, le texte pour justifier la publication, dès que le visage de la personne dont je souhaitais parler, apparait, son nom s’affiche !!!
Reconnaissance faciale en flagrant délit.

Aussi l’exposition de la Kunsthalle de Mulhouse, retient toute mon attention et excite ma curiosité.
Sous la houlette de Aude Launay les artistes,
Emanuele Braga & Maddalena Fragnito (MACAO) (IT), Simon Denny (NZ), Elisa Giardina-Papa (IT), Sam Lavigne (US), Silvio Lorusso (IT), Jonas Lund (SE), Michael Mandiberg (US), Eva & Franco Mattes (IT),Lauren McCarthy (US), Julien Prévieux (FR), RYBN.ORG (FR), Sebastian Schmieg (DE), Telekommunisten (CA/DE)… opèrent à la jonction humain-machine et ont pris cette interaction comme sujet de recherche et comme outil de production.
L’instant M (documentaire)

Lauren McCarthy Waking Agents (2019)

L’exposition s’attache à la question du taylorisme algorithmique qui est cette division du travail poussée à l’extrême chez ceux que l’on nomme les
« travailleurs du clic » et qui préfigure peut-être la fin du salariat comme organisation dominante du travail.
Libellée sous forme de quatre chapitres, les artistes tentent de répondre à ces hypothèses : Travaille-t-on à notre insu ? / A-t-on un algorithme pour supérieur ? / Fait-on office d’intelligence artificielle ? / Pense-t-on une société non centrée sur le travail ?

Sebastian Schmieg

Alors que de plus en plus de capacités que l’on pensait propres à l’humain sont désormais applicables à des machines, comment penser le travail qui a justement longtemps caractérisé l’humain ? Qu’est-ce que le travail à l’ère numérique mondialisée ? D’un côté, un taylorisme algorithmique grandissant — la division du travail poussée à l’extrême chez les travailleurs du clic —, d’un autre, une illusion machinique persistante — nombre de tâches que l’on pense effectuées par des ordinateurs le sont en fait par des êtres humains de manière plus ou moins dissimulée. À l’heure du management algorithmique, qu’en est-il de la mesure de la performance et des instruments d’optimisation des travailleurs ? Et puis, dans ce que l’on nomme à présent « économie de l’attention », il n’y a pas que les travailleurs qui travaillent : toute activité en ligne est susceptible d’ajouter à l’accumulation de capital des géants du net par sa marchandisation. Toute donnée est monétisable. Tout internaute est générateur de profit. Être en ligne = travailler ?

Chapitre 1
Travaille-t-on à notre insu ?
Si l’exposition Algotaylorism s’ouvre sur cette vidéo de Julien prévieux, c’est que cette dernière en introduit parfaitement le propos. Chaque seconde que nous passons en ligne fait de nous un producteur de ces données dont se repaissent tant et tant d’entreprises et, bien souvent, un travailleur à notre insu. De nombreux logiciels et applications sont conçus pour extraire de la valeur de leur utilisateur quand c’est justement celui-ci qui croit les utiliser à son escient

Julien Prévieux, Anomalie construites, 2011

Chapitre 2
A-t-on un algorithme pour supérieur ?

À l’automne 2018, à l’occasion de la publication d’un article des chercheurs Kate Crawford et Vladan Joler1, le monde apprenait, éberlué, le dépôt par Amazon, deux ans plus tôt, d’un brevet décrivant « une cage métallique destinée au travailleur, équipée de différents accessoires cybernétiques, qui peut être déplacée dans un entrepôt par le même système motorisé qui déplace les étagères remplies de marchandises ».

Simon Denny, Amazon worker cage
Gegenwarthskuntsmuseum Basel

Ces cages étaient destinées à introduire des travailleurs humains dans la zone d’exclusion humaine de ses entrepôts. Car, si l’entreprise la plus puissante au monde2 utilise une main d’œuvre abondamment robotique, notamment pour le traitement de ses expéditions, elle continue de faire appel à des êtres humains pour certaines tâches, bien que ces derniers ne soient pas corvéables à merci comme ses betty bots qui, hormis pour recharger leur batterie, ne s’arrêtent jamais de travailler. Dans les entrepôts, c’est l’organisation algorithmique qui prévaut, les objets étant classés et agencés selon un ordre destiné à optimiser les allées et venues des robots qui vont et viennent chargés d’étagères emplies de marchandises. La cage, de dimensions équivalentes à celles d’une étagère, aurait été transportée de la même manière, soulevée puis acheminée par ces infatigables travailleurs mécaniques, en un paroxysme de la soumission du travailleur humain à la régie algorithmique. Simon Denny en présente ici le brevet, sculpté à l’imprimante 3D pour en faire ressortir les éléments saillants, au sens propre comme figuré.

Chapitre 3
Fait-on office d’intelligence artificielle ?
Cleaning Emotional Data
est la troisième d’une série d’œuvres d’
Elisa Giardina-papa explorant la manière dont le travail et le soin sont restructurés par les économies numériques et l’automatisation. Après Technologies of Care (2016) et Labor of Sleep (2017), cette nouvelle installation vidéo se concentre sur l’infrastructure mondiale des micro-travailleurs qui étiquettent, catégorisent, annotent et valident de grandes quantités de données visuelles utilisées pour former les algorithmes de reconnaissance des émotions. Au cours de l’hiver 2019, alors qu’elle faisait des recherches sur les systèmes d’informatique affective depuis palerme, Giardina-papa a travaillé à distance pour plusieurs entreprises nord-américaines qui disent mettre « l’humain dans la boucle ». parmi les tâches qu’elle a exécutées, on peut citer la taxinomie d’émotions, l’annotation d’expressions faciales et l’enregistrement de son propre visage pour animer des personnages en trois dimensions.

Elisa Giardina-papa, Cleaning Emotional Data

Certaines des vidéos dans lesquelles elle a enregistré ses expressions émotionnelles ont été rejetées car ses expressions faciales ne correspondaient pas parfaitement aux catégories affectives
« standardisées ». il lui a été impossible de savoir si ce rejet provenait d’un algorithme ou d’un autre travailleur à distance qui aurait pu interpréter ses expressions différemment en raison de son propre contexte culturel. Cleaning Emotional Data documente ces micro-tâches tout en retraçant l’histoire des méthodes et des théories psychologiques qui sous-tendent
la schématisation des expressions faciales.

Chapitre 4
Pense-t-on une société non centrée sur le travail ?
MACAo, centre d’arts, de culture et de recherche, a vu le jour à Milan lors d’un soulèvement national qui a mené à l’occupation d’espaces publics dans une lutte pour une meilleure accessibilité de la culture. L’espace, auto-géré, a agrégé en son sein une vaste communauté d’artistes et de techniciens du monde de l’art dans une réflexion sur le rôle social de ce type de travail. Fin 2016 est née CommonCoin, sa monnaie locale intégrant un revenu de base pour les membres de la communauté. Le schéma économique de MACAo, privilégiant la collaboration à la compétition, diffère du schéma traditionnel : vous ne gagnerez pas plus en travaillant plus. en témoignant de l’expérience de mise en commun des richesses conduite par MACAo,

Emmanuele Braga Values

VALEUR/S expose l’argent, littéralement et conceptuellement. Au sein de MACAo, c’est la valeur sociale de l’activité qui est repensée, le montant de rémunération de chaque tâche étant discuté lors des assemblées dans un processus d’attribution non conventionnelle de valeur aux actions. ici, les mentions sur les liasses de billets réfèrent aux tâches effectuées par les membres de la communauté. Mais, même si l’argent occupe une place centrale dans cette pièce ainsi que dans nos vies divisées en milliers de tâches, pour Maddalena Fragnito et emanuele braga, la question est de savoir s’il est possible de donner d’autres significations au travail dans le cadre de pratiques collectives durables visant à « défaire le capitalisme ».

Document relief, Amazon Worker Cage patent 2019

 

wEEK-EnD DE L’ARt COntEMPORAIn gRAnD ESt
vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars
LA KunSthALLE Vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars R 14:00 – 18:00 ATELIER BRODER LA MACHINE 
entrée libre
Dans la continuité des ateliers publics menés en 2019, l’artiste
tanja boukal vous invite à broder dans la convivialité une série de canevas aux motifs de machines textiles imprimés à partir d’images d’archives. néophytes, amateurs ou brodeurs aguerris, vous êtes les bienvenus pour participer à cet atelier qui est à la fois un lieu de rencontre et de travail, ouvert à tous !
En partenariat avec les Archives Municipales de la Ville de Mulhouse et la société DMC. L’atelier sera déployé jusqu’à mi-avril à Mulhouse :
Au fil de la Mercerie, Musée electropolis, bar Le Greffier, Archives Municipales , Restaurant Universitaire de la Fonderie …
Samedi 14 mars VISITE GUIDÉE DE L’EXPOSITION R 14:00
Entrée libre RENCONTRE DANS L’ESPACE D’EXPOSITION R 16:00
Avec RYbn.oRG et Aude Launay, curatrice Entrée libre
Dimanche 15 mars VISITE GUIDÉE DE L’EXPOSITION  14:30
Entrée libre
REVUE M U S C L E R 16:00 présentation de la revue de poésie de
Laura Vazquez, auteure et éditrice Entrée libre

UN APRÈS-MIDI « CRYPTO » À LA KUNSTHALLE
Dimanche 19 avril CONFÉRENCE  14:00
Les contes de la crypto, initiation aux blockchains et à leurs usages artistiques par Aude Launay, curatrice de l’exposition entrée libre
entre le marché de l’art qui s’en empare pour marchandiser ce qui jusque-là lui échappait, un artiste qui permet à ses collectionneurs d’acheter des parts d’influence sur lui et un centre d’art sans juridiction d’origine, les blockchains se dévoilent comme un outil artistique aussi subversif que nécessaire. Mais de quoi s’agit-il au fond ?

La Kunsthalle Mulhouse Centre d’art contemporain La Fonderie

Picasso, Chagall, Jawlensky Chefs-d’œuvre de la Collection Im Obersteg

Une vue de l’intérieur de Karl Im Obersteg

 C’est au Kunstmuseum Basel | Neubau
Jusqu’au – 24 mai 2020, prolongée jusqu’au 21 juin 2020
Commissaire : Henriette Mentha

 

Vous avez dit chefs d’oeuvre ?
Plongez-vous dans la nouvelle exposition du Kunstmuseum de Bâle,
Vous ne serez pas déçu. Beaucoup de noms prestigieux connus vous y attendent.

La troisième exposition d’ensemble de la Collection Im Obersteg au Kunstmuseum Basel pose un regard au-delà du cadre restreint de cette importante collection privée bâloise en explorant des thématiques et des liens transcendant la collection : la réception de l’œuvre de jeunesse de Marc Chagall à Bâle, la découverte de Chaïm Soutine à Paris ou encore le rôle joué par Karl Im Obersteg lors des années d’infortune d’Alexej von Jawlensky durant la Seconde Guerre mondiale. Les liens qu’entretenait
Karl Im Obersteg avec la Kunsthalle et le Kunstmuseum Basel ainsi que leurs répercussions sur les deux collections sont également abordés.

Bernard Buffet, portrait de Karl Im Obersteg

L’exposition présente la Collection Im Obersteg à l’aide de travaux longtemps restés à l’abri des regards et à travers un dialogue avec des œuvres de la collection publique bâloise – la Öffentliche Kunstsammlung Basel.
Une sélection de prêts d’œuvres met l’accent sur les thèmes principaux. Arlequin assis (1923), portrait monumental de Picasso, fut de longues années durant la pièce maîtresse de la Collection Im Obersteg jusqu’à sa vente après le décès de Karl Im Obersteg en 1969. Pour la première fois depuis cinquante ans, ce chef-d’œuvre appartenant à une collection privée est à nouveau visible, lors de l’exposition dans le contexte de la Collection Im Obersteg, en compagnie de son frère jumeau, l’Arlequin assis de Bâle.

Picasso Alequin assis 1923 CP anciennement Karl Im Obersteg
Picasso Alequin assis 1923 Kunstmuseum Basel


La collection comme expression d’une histoire individuelle
témoigne de l’évolution d’un enthousiasme, d’une passion et d’inclinations esthétiques. Le collectionneur privé ne forme pas une collection selon des critères reconnus. Contrairement à l’expert académique, il est en droit de s’égarer dans l’éclectisme.

Chagall La Prise

La stratégie de Karl Im Obersteg consistait à s’entourer d’œuvres d’art qui suscitaient son enthousiasme et constituaient un défi. Il n’avait pas l’intention de décorer joliment ses murs, mais il était fasciné par le pouvoir transformateur de l’art, par son expression résultant de l’acte spontané de créer. Ce transporteur de métier consacra une grande partie de sa vie à étudier l’art. Fort bien documenté, il était par conséquent pleinement informé du potentiel élevé d’œuvres dont il fit très tôt l’acquisition. Avide de découvertes, il allait par ailleurs à la rencontre d’artistes à la marge, peu connus à l’époque, à l’instar de Chaïm Soutine. Cette confrontation de plus de cinquante ans avec l’art a donné naissance à une collection mêlant goûts personnels et renommée internationale.

Chaim Soutine la Jeune Anglaise

L’exposition propose également un aperçu des engagements de Karl Im Obersteg durant les deux guerres mondiales et l’entre-deux-guerres, notamment en faveur de la Croix-Rouge internationale et des Alliés dont il se sentait proche en tant qu’anglophile et francophile. En raison de son vaste réseau relationnel dans le milieu de l’art, au sein de la société et dans le monde politique, c’était une personne très demandée dans le monde entier qui savait mener les affaires avec habileté.

 

Kunstmuseum Basel
St. Alban-Graben 8, Case postale CH–4010 Basel
Tel. +41 61 206 62 62 Direct +41 61 206 62 80
 www.kunstmuseumbasel.ch
De nombreuses visotes guidées à voir sous ce lien

23 Février visite guidée en français
Depuis la gare SBB prendre l tram n° 2 direction Eglisee descendre à
Bankverein et continuer à pieds (l’arrêt Kunstmuseum est en travaux)

Hans Hartung, La fabrique du geste

Hans Hartung dans son atelier près d’Antibes.

Hans Hartung : « Je déguste la nature et la vie comme chacun, ça n’a rien à faire avec ma position picturale »

À l’occasion de sa réouverture après une année de travaux de rénovation,
le Musée d’Art Moderne de Paris présente Hans Hartung,
La fabrique du geste.

L’exposition se termine le 1er mars 2020.
La dernière rétrospective dans un musée français datant de 1969, il était important de redonner à Hans Hartung (1904-1989) toute la visibilité qu’il mérite. L’exposition porte un nouveau regard sur l’ensemble de l’œuvre de cet artiste majeur du XXe siècle et sur son rôle essentiel dans l’histoire de l’art. Hans Hartung fut un précurseur de l’une des inventions artistiques les plus marquantes de son temps :
l’abstraction.
Acteur d’un siècle de peinture, qu’il traverse avec une soif de liberté à la mesure des phénomènes qui viennent l’entraver – de la montée du fascisme dans son pays d’origine l’Allemagne à la précarité de l’après-guerre en France et à ses conséquences physiques et morales
– jamais, il ne cessera de peindre.
Le parcours de la rétrospective comprend une sélection resserrée d’environ trois cent œuvres, provenant de collections publiques et particulières françaises et internationales et pour une grande part de la Fondation Hartung-Bergman.

Cet hommage fait suite à l’acquisition du musée en 2017
d’un ensemble de quatre œuvres de l’artiste.
L’exposition donne à voir la grande diversité des supports,
la richesse des innovations techniques et la panoplie d’outils
utilisés durant six décennies de production. Hans Hartung, qui place l’expérimentation au cœur de son travail, incarne aussi une modernité
sans compromis, à la dimension conceptuelle.

Les essais sur la couleur et le format érigés en méthode rigoureuse
d’atelier, le cadrage, la photographie, l’agrandissement, la répétition, et plus surprenant encore, la reproduction à l’identique de nombre de ses œuvres, sont autant de recherches menées sur l’original et l’authentique, qui résonnent aujourd’hui dans toute leur contemporanéité.
Hans Hartung a ouvert la voie à certains de ses congénères, à l’instar de Pierre Soulages qui a toujours admis cette filiation.

L’exposition est construite comme une succession de séquences chronologiques sous la forme de quatre sections principales.
Composée non seulement de peintures, elle comprend également des photographies, témoignant de cette pratique qui a accompagné l’ensemble de sa recherche artistique. Des ensembles d’œuvres graphiques, des éditions limitées illustrées, des expérimentations sur céramique, ainsi qu’une sélection de galets peints complètent la présentation et retracent son itinéraire singulier.
Afin de mettre en relief le parcours d’Hans Hartung, en même temps que son rapport à l’histoire de son temps, cette exposition propose des documents d’archives, livres, correspondances, carnets, esquisses, journal de jeunesse, catalogues, cartons d’invitations, affiches, photographies, films documentaires, etc.
Figure incontournable de l’abstraction au XXe siècle, Hans Hartung ne se laisse pas pour autant circonscrire dans ce rôle de précurseur historique, car sa vision d’un art tourné vers l’avenir, vers le progrès humain et technologique, vient nous questionner aujourd’hui encore. Le parcours met en tension et en dialogue ces deux aspects complémentaires qui constituent le fil rouge de cette exposition.


Un catalogue comprenant une quinzaine d’essais et une anthologie de textes est publié aux Éditions Paris Musées.
podcast France culture

Informations pratiques
Musée d’Art Moderne de Paris
11 Avenue du Président Wilson
75116 Paris Tél. 01 53 67 40 00
www.mam.paris.fr
Ouvert du mardi au dimanche De 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h

Sarah Jérôme, à la Santé du Serpent

Sarah Jérome, Fugue

Jusqu’au 15 mars 2020 à l’Espace d’Art Contemporain
André Malraux de Colmar.

(vidéo à visionner)
Entre rêve et cauchemar l’artiste Sarah Jérôme, ancienne danseuse a exposé aux quatre coins du monde, de Paris à Bali en passant par la Suisse…
Avec à la Santé du Serpent, elle investit l‘espace d’art contemporain André Malraux.


« Ce titre est d’abord un texte de René Char, mais aussi le nom d’une nouvelle d’Andrée Jérôme, ma mère. Une loi veut qu’un serpent se glisse au cœur de toute chose, écrit-elle. Il y a dans ses mots comme une résonance, un effet miroir entre son verbe et mes images », révèle Sarah Jérôme.

Entre l’âge de sept ans et vingt ans, Sarah Jérôme exerce la danse quotidiennement. Au fil des étirements, des enchaînements et des efforts, elle parvient à sculpter et à modeler son corps. La danse classique appelle à un dressage du corps, une discipline que l’artiste a peu à peu refusée et abandonnée. En 2008, elle décide de se plonger dans le dessin, la peinture et la sculpture. Le corps constitue la colonne vertébrale de sa réflexion plastique. Des ramifications s’opèrent vers d’autres territoires comme le temps, la mémoire, le paysage et la matière. Ses œuvres génèrent des impressions contradictoires. Si la danse représente une source de jouissance et de beauté, elle renferme aussi la douleur, la privation et la soumission. La grâce y est synonyme de torture.

À travers différentes séries de dessins, de peintures et de sculptures, l’artiste tente d’exprimer ce cheminement, elle montre les corps – sa thématique fétiche – ainsi que les rapports dualistes entre hommes et femmes dans de poreuses frontières entre le bien et le mal. Souvent, ses œuvres génèrent des impressions contradictoires, tout comme la danse représente à la fois une source de beauté et une source de douleurs, entre la séduction et la répulsion.
Elle met en exergue, les paradoxes, les contradictions, les clichés et même les incompréhensions humaines, les conflits nés de problèmes d’interprétation.  La santé du serpent, qu’en est-il de la pomme croquée, du ver dans la pomme et du prétendu paradis et de cette manière  d’y échapper et rester prisonnier ? Quelle est la signification de l’Éden, quel est le sens du bien et du mal, est-ce que c’est binaire, est-ce que c’est manichéen ? Cette exposition est organisée comme différents mondes.

Au rez-de-chaussée le monde du dessous, l’installation Champ de Pensées, présente comme des têtes germées en grès noir, qui auraient été découvertes après une fouille archéologique, une civilisation oubliée, têtes recouvertes d’excroissances, la nature ayant repris ses droits. Derrière il y a un triptyque « Fossile » ou Dream d’après la fiche technique, qui vient étayer la notion de corps paysage, en fragments, une peinture à l’huile sur papier calque, technique personnelle de l’artiste qui lui donne la possibilité de travailler la chair dans la transparence et la fragilité, de manière à pouvoir voir les éléments en transparence sous la peau.
Dans la 2e partie du bas, c’est le monde de la mise en scène, on entre dans l’univers de Pina Bausch avec des images  tirées de deux pièces , Kontakthof et les oeillets.

A l’étage, telle une chambre, pour la sphère privée, un volet qui serait plutôt celui de l’intériorité. Un Livre en porcelaine plein de stigmates de temps ouvert raconte le corps intime, ses blessures et ses mutations.

Infos pratiques :
Espace d’art contemporain André Malraux
4, rue Rapp — 68000 Colmar
03 89 20 67 59 — 03 89 24 28 73
Horaires : du mardi au dimanche de 14h à 18h
sauf le jeudi de 12h à 17h — Entrée libre
Site internet
Un concert-performance avec Sarah Jérôme et la chanteuse-scénographe Ruppert Pupkin sera proposé le 5 mars à 19 h au Grillen à Colmar.
Entrée : 5 €.