Musée Pouchkine de Moscou – de Courbet à Picasso

paul-gauguin-matamoe.1248968000.jpgLa Fondation Pierre Gianadda de Martigny présente les œuvres collectionnées par  Serguei Chtchoukine et Yvan Morozov prêtées par le musée Pouchkine de Moscou. Ces oeuvres taxées d’art bourgeois, par la Russie soviétique, ont été confisquées par le gouvernement par la suite. Ces deux collectionneurs ont fait preuve d’un goût sûr en s’intéressant aux impressionnistes, mais aussi pour Gauguin, Matisse et Picasso, . En moins de 25 ans Chtchoukine avait formé une collection de 259 peintures, aujourd’hui dispersées entre le musée de l’Ermitage à St Petersbourg et le musée d’état des beaux Arts Pouchkine à Moscou.
De son côté Morozov, acquiert  des œuvres de peintres russes, avant de se tourner vers la peinture contemporaine française.
C’est ainsi qu’il acquiert plus d’une dizaine de Gauguin dans la galerie parisienne , dont Matamoe (la mort) du marchand d’art Vollard. Gauguin rassemble dans la même image plusieurs symboles forts, le paon, la hache, le feu, dans un Eden verdoyant, un homme débite un arbre mort pour alimenter le feu, élément renvoyant à la vie, en présence du paon  (qui n’existe pas à l’origine en Polynésie) allusion aux vanités du monde. Gauguin tire le motif de l’homme à la hache d’un modèle antique, d’un détail de la frise du Parthénon.
Une autre toile qui n’est absolument pas mise en valeur, dans la présentation de ce lieu sombre aux murs écrasants, vincent-van-gogh-la-ronde-des-prisonniers-1890.1248968181.jpgen acquiert encore plus de gravité. C’est la « Ronde des prisonniers de Vincent van Gogh » acquise auprès  du marchand d’art Druet en 1909. Cette ronde est tirée d’une gravure de Gustave Doré,( au MAMCS) « Le Bagne » Le cercle de la ronde des prisonniers s’inscrit dans la géométrie très stricte des murs, que l’absence de ciel, comme à la Fondation, rend encore plus oppressant . Le pavement rappelle les briques des murs, contribuant ainsi l’enfermement complet des prisonniers. La gamme chromatique est réduite à des verts, des
bleus, des gris, sans aucune touche de couleur vive, l’ombre  bleus des silhouettes accentuent la géométrie du cercle. Les prisonniers sont d’anonymes silhouettes, seul un visage est apparent, tourné vers nous, rongé de tristesse, ne nous regardant pas, reflète l’inhumanité du lieu, autoportrait de Vincent, aux cheveux blonds- roux, ? Lui seul pourrait le dire. Seuls 2 papillons qui volètent contre le mur du fond offrent une touche d’espoir et de liberté.
N’est-ce pas aussi l’expression de son tourment de sa maladie, qu’il ressasse et représente ici.
J’aurai bien aimé y voir la Vigne Rouge
Jusqu’au 22 novembre.
rene-kung-roue-2005.1248968433.JPGDans le parc une nouvelle sculpture  a fait son apparition, une Roue en granit de René Küng – 2005, bizarrement abandonnée sur le gazon suisse, fraîchement tondu, enlevant tout charme de jardin un peu sauvage, la folle de Richier, la fontaine de Pol Burri, l’homme de Marino Marini avaient tous l’air un peu nu et sans défense, trop propre sur eux.
Le pavillon à côté de la fondation, s’est enrichi d’une mosaïque de Sam Szafran, auteur du mur en céramique aux Philodendrons, « Escalier, Variation I, »  dont on peut voir la déclinaison des dessins, aquarelles sur soie, empruntées aux peintres chinois, sujet qui avec les philodendrons font partie de son univers halluciné. D’autres photos, dont l’une d’Henri Cartier Bresson dont il a été le professeur de dessin, ornent les murs du passage. Sam Szafran au parcours chaotique, dormant dans le métro, passant ses journées au Louvre avec son fusain et son pastel, fréquentant St germain des Prés, galérant, jusqu’au jour où sa rencontre avec le galériste Claude Bernard met un terme à sa vie de misère.

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Titus Carmel – suite Grünewald

Une autre découverte au collège des Bernardins
(merci à Gérard, merci à Malou, merci à mon sympathique guide)
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Le retable d’Issenheim, chef-d’œuvre du peintre allemand Matthias Grünewald, créé de 1512 à 1516 pour l’église du couvent des Antonins d’Issenheim, est présenté au musée d’Unterlinden de Colmar. (Alsace)
Il s’agit d’un polyptyque à transformations formé de quatre panneaux peints représentant neufs tableaux de la vie de saint Antoine, de la Vierge et du Christ, encadrant une caisse et une prédelle sculptées par Nicolas de Haguenau, actif à Strasbourg autour de 1500.
Titus Carmel en parle :
Sa découverte suscite un choc émotionnel lié à la qualité picturale de l’oeuvre, mais aussi à sa forte expressivité et à sa monumentalité (3m30x5m90).
Contrairement à ses contemporains Dürer, Holbein et Lucas Cranach, dont on connaît les vies et l’oeuvre, le mystère qui entoure l’identité et la vie de Grünewald  ne fait qu’accentuer cet aspect pour le visiteur d’aujourd’hui.
Cette oeuvre a fasciné Huysmans, Picasso, Bacon et tant d’autres!
La peinture, de dimensions proches du panneau central de l’original, a été réalisée en même temps que les dessins, ceux-ci reprenant dans le détail tel ou tel fragment de la scène de la crucifixion, en en isolant les acteurs, tout en les situant titus-camel-dapres-le-retable-dissenheim-3.1247852158.JPGdans l’économie générale de la composition dont l’artiste met à nu, dirait-on, les lignes de force qui les commandent : il se livre à une véritable entreprise de déconstruction de la dramaturgie du tableau en en traitant les séquences à l’aide de toutes les techniques du dessin : fusain, mine de plomb, craies, pastel, encre, aquarelle. Il a aussi recours à la peinture acrylique et, très souvent, au papier collé. Certaines de ces feuilles sont d’ailleurs exclusivement consacrées au collage, spéculant sur les rehauts, les chevauchements, les transparences. Cette âpre descente vers toujours plus de gravité semble même, à certains moments, connaître une sorte de paix par la libération des formes et des gestes, et du dispositif formel qui les rassemble. L’ombre se trouve ici réinvestie par une lumière spécifique qui l’envahit toute et finit par la gagner.
 La crucifixion est à la fois abstraite et figurative, les visages ne sont pas esquissés, mais tout y est, par les pigments et par le trait. D’abord Marie Madeleine, titus-camel-dapres-le-retable-dissenheim-4.1247851737.JPGun  travail remaquarble sur  les mains, fait de collages de craie bistre, de rehauts de pierre noire sur lavis d’acrylique, Marie et Jean, on peut se reférer au magnifique ouvrage de Pantxika de Paepe, « Grünewald et le retable, regards sur un chef d’oeuvre », St Jean Baptiste avec son doigt pointé comme chez Léonard de Vinci.
Titus-Carmel propose une suite qui s’offre comme une longue méditation, marquant l’arrêt sur chacun des détails et des personnages de la Crucifixion de Grünewald. La Suite Grünewald devient ainsi, au terme de ce long travail de peinture et de dessin, une interrogation sur les enjeux mêmes de la représentation.
P. N.-D. : Pourquoi ce travail sur le retable d’Issenheim?
Gérard Titus-Carmel :
 – Depuis bien longtemps, comme beaucoup, je connaissais ce retable par des reproductions lorsque
m’a été donnée l’occasion de le contempler en réalité, seul,
souvent et longuement, à une époque où je lisais justement le très intéressant texte de Huysmans,
Trois Primitifs, qui s’attardent particulièrement sur le chef-d’oeuvre de Grünewald. La peinture, pour moi, marque dans son histoire quelques forts repères, et le retable en est un– et non des moindres –, somptueux dans sa violence comme dans sa composition, et terrible
dans la fixité de sa dramaturgie. De plus, le retable d’Issenheim s’offre à la vue par séquences, les scènes se découvrent lorsque les volets pivotent en occultant d’autres : c’est comme
feuilleter un grand livre ou comme démonter un corps en « écorché »titus-camel-dapres-le-retable-dissenheim.1247851855.jPG pour le comprendre dans sa totalité. Le panneau central, celui de la crucifixion, apparaît comme un opéra glaçant et pourtant plein de compassion. L’ensemble est d’une grande économie de couleurs– on dira essentiellement
blanc, rouge et noir –, ce qui lui confère une force et une puissance à la fois calme et solennelle.
Bien sûr, c’est le corps d’un crucifié qui est représenté là ; bien sûr, c’est la douleur et
l’imploration ; bien sûr aussi, c’est le Livre qui y est mis en scène, il n’y a pas lieu d’évacuer
le sujet. Mais bien plus qu’une terrifiante image pieuse, c’est avant tout un chef-d’oeuvre de la peinture. Et c’est en tant que peintre que je me suis interrogé sur cette oeuvre, m’intéressant avant tout à la géométrie interne qui la gouverne, à l’organisation
de l’espace et des formes, à la situation des personnages
– c’est-à-dire à l’ensemble du dispositif formel qui la commande, toutes ces exigences
rassemblées au seul service de la peinture. En tout cas,pour moi , de la haute idée que
je me fais de la peinture.
Ainsi les dessins sont devenus de plus en plus abstraits, chacun s’attachant à faire apparaître les lignes et les forces qui les faisaient si instamment participer au tableau.titus-camel-dapres-le-retable-dissenheim-2.1247851978.JPG
Et cela jusqu’au 159e où, presque à mon corps défendant– et à ma grande surprise –, je me suis vu refaire le geste du bras de saint Jean-Baptiste désignant le Christ, comme s’il récapitulait tous les autres dessins qui le précèdent,
en les pointant du doigt.Comme l’injonction d’un retour.Et pourmoi, comme une fin.
titus-camel-dapres-le-retable-dissenheim-1.1247851531.JPG
Jusqu’au 9 août au Collège des Bernardins
Photos de l’auteur

Robert Cahen – Sanaa



Robert Cahen a été primé pour sa vidéo Sanaa, passages en noir, 2007
Production : Boulevard des Productions Strasbourg, montage effets speciaux Thierry Maury
reçoit  le prix du  » documentaire le plus innovatif  » du Festival  SOLE LUNA , Festival  International du documentaire sur la Méditerranée et sur  l’Islam. Palerme, Italie
Sanaa, capitale du Yemen, où 2 femmes  voilées, silhouettes noires, passent, se fondent, croisent un personnage indifférent, sur fonds d’un extrait de la passion selon St Jean, de Jean Sebastien Bach. La vidéo n’est pas sans évoquer, chose très rare à l’heure actuelle, des religieuses de nos régions se rendant à l’office. Ceci pour mettre en exergue le commandement de la charia qui oblige les femmes à se couvrir.
En cliquant sur son nom vous pouvez écouter son explication.
La vidéo de Robert Cahen, a été projetée à la Filature de Mulhouse pendant le Festival Transes.
vidéo courtoisie de Robert Cahen

Elsa Grether, virtuose du violon

elsa-grether-1.1248295267.jpgIl semble bien que, de tout temps, l’Alsace ait été terre de musique.
Du compositeur Léon Boëllmann, né à Ensisheim, au Strasbourgeois Émile Waldteufel.
D’Albert Schweitzer
, excellent organiste, au clarinettiste mulhousien Paul Meyer ou au guitariste manouche Biréli Lagrène, natif de Soufflenheim.
Elsa Grether est de cette lignée. Et de cette autre, où s’engouffre la jeune génération des interprètes actuels. Ardents. Fougueux. Pétris de talent. Et passeurs d’émotions absolues, quand ils en arrivent à
« s’oublier jusqu’à « devenir » la musique «  qu’ils jouent, comme dit
Elsa, qui cite aussi volontiers Georges Braque :
 « Il n’est en art qu’une chose qui vaille : celle qu’on ne peut pas expliquer ».
Sur la page d’accueil de son blog, la violoniste de 29 ans a donc convié Jankélévitch et mis en exergue cette belle phrase du philosophe et musicologue russe : « Seule la musique peut exprimer l’inexprimable : elle est le logos du silence. » Une formule dont Elsa Grether a fait son viatique et qui lui va comme un gant. Ou plutôt comme une sonate de Bach ou de Szymanowski, deux de ses compositeurs de prédilection. Ou mieux encore, comme la 3e de Martinu, « une de mes pièces préférées ». Car, interroge-t-elle,
 « à quoi sert la musique, si ce n’est à extérioriser des émotions qui sont communes à tout le monde et qui ont traversé les siècles ? Paradoxalement, la musique est très
proche du silence. L’une et l’autre nous assortissent à quelque chose qui nous dépasse totalement et qui nous fait entrer en vibration avec l’essentiel.»

Belle, souriante, épanouie, toute dévouée à sa carrière et à son Landolfi de 1746, le violon italien pour lequel elle a eu le coup de foudre il y a deux ans « parce qu’il a du chien », Elsa Grether,  est une authentique fille d’Alsace et de son patrimoine musical, ouvert et inventif.

Une province qui l’a vue naître en juin 1980. Dont elle aime ce qu’elle appelle la « Gemütlichkeit » et où elle joue à chaque occasion qui se présente. La dernière fois, c’était en mars 2009, pour une
tournée de neuf concerts en compagnie de la pianiste Éliane Reyes et de la violoncelliste Béatrice Reibel, ses deux amies du trio Agapè, qu’elles ont créé il y a un an.
Une partie de sa jeune vie d’artiste est ainsi déjà gravée dans le grès des Vosges : le Concerto pour violon de Joseph Haydn en mai dernier à Sélestat, en solo et à la direction d’orchestre avec la Follia ; le Concerto en sol mineur de Max Bruch à Mulhouse, en 2008, et celui de Johannes Brahms à Strasbourg, la même année. En attendant Musica, le festival de musique contemporaine de Strasbourg, où elle interprétera le 29 septembre prochain, avec l’ensemble In Extremis, une oeuvre d’un jeune compositeur strasbourgeois de sa génération, Christophe Bertrand, à peine 28 ans.
Elle dont un des premiers maîtres, le violoniste Ruggiero Ricci, au Mozarteum de Salzbourg, avait apprécié
« le feu en elle », a fini 2008 avec une quarantaine de récitals, où la musique musique contemporaine était de plus en plus souvent présente, et poursuit 2009 avec une palanquée de rêves. Dans le désordre : rester free lance, « parce que c’est la liberté, celle, notamment, de jouer avec les gens que j’aime, comme les pianistes Delphine Bardin ou Feren Vizi », mais trouver un « bon agent ». Enseigner à mi-temps. Se lancer dans des récitals de violon seul.
Rencontrer Gidon Kremer, qu’elle « admire ». Interpréter le Concerto pour violon de Benjamin Britten, réputé injouable. Ou encore former un duo avec la joueuse de pipa (une cithare chinoise) Liu Fang.
Un autre de ses projets n’est déjà plus un rêve puisqu’il va se concrétiser en 2010, l’année de ses 30 ans : ce sera l’enregistrement de ses deux premiers disques, l’un de sonates russes, l’autre d’oeuvres d’Europe centrale, pour lesquels elle « cherche encore quelques fonds », mais apprécie le sponsoring de la Fondation Alliance à Mulhouse.
Bientôt trentenaire, donc, et un long parcours d’excellence derrière elle. Découverte sitôt passionnée du violon à l’âge de 5 ans à Mulhouse. Études musicales à Paris. Sept ans et demi à l’étranger, dont deux en Autriche et cinq aux États-Unis, qui lui apprennent à décliner ad libitum la maxime de son mentor salzbourgeois :
 « La musique, c’est comme un ascenseur, ça monte et ça descend. Rien n’est jamais acquis. »

Une formule qu’elle décline à son tour sous d’autres formes, comme
« Il faut se remettre en question constamment », ou « Savoir qu’on apprend tous les jours », en faisant référence à « l’idée de la perfectibilité de l’homme » chère à Tocqueville.
« Tout ce qui me reste de mes cours de philo », sourit-elle.
extrait du journal l’Alsace
Texte Lucien Naegelen

Photo Jean-François Frey 

La Cavalier Bleu au Frieder Burda de Baden Baden


Une belle suite à l’exposition Kandinsky du Grand Palais, si l’on peut parler ainsi de ce qui précède sa pédiode abstraite.
Jusqu’au 11 octobre 2009, environ 80 chefs-d’œuvre de la célèbre collection du Lenbachhaus à Munich sont présentés au Musée Frieder Burda. Parmi les travaux exposés se retrouvent des tableaux connus comme le « Cheval bleu I » (1911) de Franz Marc,franz-marc-le-cheval-rbleu.1248094684.jpg
« Méditation » (1918) d’Alexej von Jawlensky, « Jawlensky et Werefkin » (1909)
 de Gabriele Münter ou « Promenade » (1913) d’August Macke.

« Nous n’avons jamais prêté autant d’œuvres du mouvement Der Blaue Reiter, » souligne Helmut Friedel, directeur de la Galerie Municipale du Lenbachhaus, qui sera fermée en raison d’importants travaux de rénovation pendant les trois années à venir, Le musée Frieder Burda sera le seul lieu d’exposition en Allemagne pendant la période de rénovation.
jawlensky-meditation.1248094786.jpgLes œuvres du mouvement Der Blaue Reiter retrouvent dans ce musée entouré de nature, ouvert en plusieurs endroits sur le jardin environnant, un lieu qui reflète à merveille le caractère des tableaux, souvent peints face à la nature. Le portrait d’Alexandre Sakharoff » d’Alexej von Jawlensky est prêté pour la première fois, bien qu’il soit extrêmement fragile.  Il porte les trâces d’’un séchage trop rapide, d’une toile non finie, le danseur, ayant rendu visite à Jawlensky dans son atelier, avant une représentation, en tenue de scène, grimé de blanc, lèvres rouges, les yeux charbonneux, au physique androgyne l’emporta aussitôt peint. Helmut Friedel, qui est aussi commissaire de l’exposition  le souligne, et fait remarquer que le tableau ne sera plus jamais prêté ultérieurement.jawlensky-alexej-sacharof.1248095292.jpg Cela est aussi valable pour la toile « Das Blaue Pferd (le Cheval Bleu) » de Franz Marc, un des joyaux de la collection du Lenbachhaus.
En outre, l’exposition comprend beaucoup de portraits d’artiste que les membres du mouvement ont peint l’un de l’autre dans de différentes situations de leur vie  ( je vous la recommande) et qui traduisent leur relation intime.kandinsky-peingant-gabriele-munter-a-murnau.1248096141.jpg Ainsi, ils permettent au spectateur de connaître les artistes non seulement en tant que peintre mais aussi en tant qu’homme privé.
Le caractère intime de l’exposition est renforcé par la présentation simultanée de 64 photographies de Gabriele Münter, évoquant la vie à Murnau et les multiples rencontres amicales des artistes.  Bien qu’il s’agisse de photos à caractère plutôt privé, elles ont une valeur artistique en soi. Aucun autre mouvement d’artistes ne fut aussi bien documenté en photos que le Blaue Reiter. Elles témoignent sans pareil de l’histoire et du développement du mouvement « Der Blaue Reiter » ainsi que de la relation amoureuse de Gabriele Münter avec Kandinsky entre 1902 et 1914.

Mouvement dans lequel ils développent la conception d’art du mouvement : l’absence de toute restriction stylistique, l’inclusion de toute sorte de manisfestations créatrices – des dernières réalisations de l’Avant-garde internationale à l’art folklorique, des arts ethniques aux dessins d’enfants ou d’amateurs. Même la musique de l’époque jouait un rôle central.
On y apprend aussi que le premier cavalier a été dessiné par Gabriele Munter, représentant l’image iconographique de St Georges terrassant le dragon, il sera la couverture de l’almanach du Cavalier bleu, mais aussi très présent dans les toiles de Kandinsky.
Une exposition à voir absolument.

Cellula au collège des Bernardins

cellula-brevet-rochette-bernardins.1247406048.jpgDans le collège des Bernardins, édifice exceptionnel du XIIIe siècle, restauré depuis 2008 sont organisés quatre axes complémentaires : l’art, les rencontres débats, la formation, le pôle de recherche. C’est un lieu vivant où il est bon de faire une étape, voire une pause.
Nathalie Brevet et Hugues Rochette y travaillent ensemble depuis 2001.
Ils produisent une œuvre intéressante multiple, en utilisant différents supports, des objets en les détournant de leur sens premier pour en obtenir un langage visuel qui leur est propre.
Les artistes se réapproprient cet espace en s’inspirant de son histoire et de son architecture. Cellula est imprégné à la fois des strates des différentes transformations du bâtiment, et interrogent la polysémie du mot « cellule » grâce à un vocabulaire plastique riche d’interprétations diverses.
Nathalie Brevet et Hughes Rochette réinvestissent ainsi l’ancienne sacristie en y installant un « sur-sol » éphémère qui crée un cadre modifiant la perception du lieu. Le visiteur est amené à expérimenter physiquement l’espace recomposé par un dessus-dessous et où s’instaure un dialogue entre extérieur et intérieur. L’absence de mouvement comme le déplacement dans l’espace intervient aussi dans la relation que le visiteur tisse avec le lieu. Le visiteur doit affronter d’abord, les presque ténèbres du dessous de la sacristie envahit par un échafaudage , où se trouve une pierre tombale,
Si la curiosité le pousse, il gravit l’escalier, pour arriver au « sur-sol » où il est accueilli par la luminosité du lieu, où tout contribue à l’élévation, de manière physique et symbolique, les fils électriques s’élevant vers la voûte gothique,  la vue de la rue depuis les hautes fenêtres de la sacristie,  les chapiteaux avec des anges, tout est à votre portée, chose impossible en tant normal.cellula-brevet-rochette.1247406393.JPG
Une installation électrique qui s’éteint dès que vous vous déplacez, inversion de l’application classique, vous invite à la perception de l’espace, du mécanisme lumineux, inversion du néon »18″ qui en change la lecture. Des lustres installés pendant la rénovation du bâtiment, seuls 18 câbles restent suspendus dans l’espace.  Invitation à rester immobile, à la réflexion, au calme, à la contemplation, au recueillement, comme dans  la cellule d’un moine, première destination du lieu, ou encore à l’isolement comme dans le milieu carcéral, référence faite à l’ancien usage du collège pendant la révolution. La structure lumineuse est visible de jour comme de nuit, mais entre en action seulement en l’absence de mouvement. A l’extérieur du bâtiment, sur la facade, une forme en néon rouge représente le 18. Ce numéro est à consonance géographique et historiquee l’ancienne sacristie, il s’agit du numéro de la rue et fait référence à ce qui fut l’une des occupations du bâtiment quipendant 150 ans accueillit une caserne de pompiers. Basculé à 90 ° sur le côté, ce chiffre composé de petits cercles ou plutôt de deux petites cellules prend un autre sens en laissant cellula-de-nuit-bernardins.1247408334.jpgapparaître la forme d’un infini où la couleur rouge s’entremêle avec l’idée d’urgence.
Une étudiante, si vous le souhaitez, vous accompagne pour vous rappeler les différentes déclinaisons de la cellule qui est le mot clé des 2 artistes , et l’application évidente qui en est faite dans ce lieu.
· en biologie, la cellule est l’unité vivante de base de tous les êtres, principal sujet d’étude de la biologie cellulaire ;
· une case dans une feuille de calcul d’un tableur ;
· en entomologie, une partie des ailes d’un insecte ;
· en avionique, l’habitacle est l’endroit à l’intérieur duquel les pilotes dirigent l’avion ;
· dans certains partis et mouvements politiques, une cellule est un petit groupe de militants (exemple : cellule terroriste) ; · en optique, une cellule photoélectrique est un dispositif composé d’un capteur photosensible ;
· en électricité (haute tension), armoire contenant un appareil de coupure ;
· en automatisme pneumatique, petit élément permettant d’effectuer une fonction logique.
· en géométrie et en topologie, polyèdre tridimensionnel jouant le rôle de « face » pour un objet quadridimensionnel ou plus (voir cellule (géométrie));
· dans le ciel, cumulo-nimbus (structure orageuse, pour les chasseurs d’orage).
  Déclinaison de l’humain, de l’intelect, de manière  très imaginative.

Robert Cahen – Françoise en mémoire (2007)

Le musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg le MAMCS
a acquis en 2008, Françoise en mémoire, (2007)
 une installation vidéo de Robert Cahen.
 

Cette installation est née d’une rencontre entre l’artiste et le scientifique Paul Pevet, dont les investigations portent sur le système nerveux, la mémoire, et les maladies neuro-végétatives comme la maladie d’Alzheimer. L’artiste propose ici de laisser la porte entrouverte à l’imagination de ce que peut être la perte de mémoire. Le visage serein et  parcheminé de Françoise est projeté en gros plan sur un écran suspendu, qui ajoute à cette notion de suspension dans le temps. Au sol, les mots défilent, comme scintillant sur l’eau, arrivent, se tournent, comme les mots qui tombent autre vidéo de Robert Cahen, mais verticale.
Ces mots : arbre, lecture, passage, disparaissent, pour revenir, passage du temps, de la vie à la mort,  silence, silence de la mémoire qui s’est tue,  silence de la mort. Les mots servent l’image, Robert raconte des histoires de vie, du temps qui passe, par l’image.  Après le travail sur son père, ses enfants, sa famille, Robert Cahen évoque avec tendresse et malice sa sœur Françoise.
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Robert Cahen photographié par Georges Senga a Kipuchi près de Lubumbashi dans le soleil et le désert petit et artificiel car due aux eaux acides des mines de cuivre du coin! Le Katanga!
Robert Cahen raconte :
J’ai choisi de faire fonctionner ce qu’il y avait en moi, de le mettre à jour, de le dépasser. En dehors du côté esthétique, ce qui m’intéressait, c’était le côté émotionnel, le savoir, comprendre ce qui, par l’image et le son, provoque des émotions, apprendre à les restituer. Avec la musique concrète j’avais découvert le pouvoir de l’écoute. Une écoute particulière, celle des sons dé-contextés de leur causalité. Ceci m’avait ouvert un nouveau point de vue sur le monde élargissant considérablement mon champ lié à la création. La musique concrète porte en soi quelque chose de novateur au même titre que la manipulation de l’image électronique ouvre sur un monde où la narration peut se décliner autrement.
Le cinéma, je le désirais : formé par lui, je rêvais d’en faire. Mais je n’arrivais pas à raconter des histoires de la façon traditionnelle, avec un début, un milieu, une fin.
Artiste vidéo, réalisateur, compositeur de formation, Robert Cahen est issu des frontières entre les arts. Diplômé du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1971 (classe de Pierre Schaeffer), il a su apporter à la vidéo les expérimentations techniques et linguistiques de l’école de la musique concrète. Chercheur à l’ORTF, Robert Cahen est un pionnier dans l’utilisation des instruments électroniques. Il traite les images comme les sons, les organise, les transforme, en offrant un exemple de la possibilité d’échange entre les modèles, les paramètres de l’image et ceux de la musique. Considéré comme l’une des figures les plus significatives dans le domaine de la création vidéo, son travail est reconnaissable à sa manière de traiter les ralentis et à sa façon d’explorer le son en relation avec l’image pour construire son univers poétique. On retrouve dans les œuvres de Robert Cahen une permanence des éléments fondamentaux traités par l’artiste : juxtapositions d’éléments fixes liés à des éléments en mouvement mis bout à bout, oscillation, multiplicité des points de vue… jusqu’à l’expérimentation physique de l’œuvre dans sa mise en espace . Dès sa première video en 1973, L’Invitation au Voyage, il manipule l’image et la rend maléable. Il réalise en 1983″ Juste le Temps » fiction vidéo de treize minutes, considerée comme une oeuvre charnière pour la vidéo des années 80. Le trait caractéristique de ce travail est le ralenti, qui rend visible un « temps retenu, bon » . Une partie de sa création s’inspire du travail d’autres artistes : tels ses vidéos sur l’art (1986 : Parti sans laisser d’adresse sur la peinture de Bernard Latuner), sur la musique (REPONS de Pierre Boulez en 1985), sur la danse ( 1984 La danse de l’Epervier de Hideyuki YANO,en 1987 Parcelle de ciel de Susan Buirge, en 1988 SOLO de Bernardo Montet) ou sur la photographie(1988 Dernier Adieu sur le photographe J.M.TINGAUD,enfin une adaptation littéraire d’un roman de Sôseki,Oreiller d’herbes avec « Corps flottants ” en 1997. L’étreinte 2003. Son oeuvre 7 visions fugitives a remporté le Grand prix du Videokunstpreis du ZKM et de la SDR en 1995 était exposée à la chapelle St Jean de Mulhouse en 2007.
Lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs en 1992 .
Françoise en mémoire au MAMCS au 2e étage.
A voir aussi Silence de Marin Karmitz, (jusqu’au 23 août – toute l’exposition est en plusieurs vidéos) avec laquelle la vidéo de Robert Cahen est en totale résonance.
Vidéo courtoisie de Robert Cahen

Kandinsky – La saga d’Improvisation 10

Je ne vous parlerai pas de l’exposition au Centre Pompidou d’autres sites le font ici et
Je regrette juste que lors de ma visite au musée Guggenheim de New York, toutes les toiles de Kandinsky prêtées à Beaubourg étaient absentes, je n’ai vu que des choses sans intérêt dans le fonds du musée, présentées en mars 2009.
En voici  le récit lu dans le livre d’Ernst Beyeler, propriétaire de la Fondation qui porte son nom, si chère à mon coeur, extrait de : La passion de l’art
Ernst Beyeler  raconte :
kandinsky-improvisation-10.1247609988.jpgJ’ai acheté cette toile à Cologne auprès du marchand Ferdinand Moeller, qui m’avait assuré la tenir du musée de Hanovre, lequel avait dû ou voulu l’abandonner en tant qu’ « art dégénéré » Elle faisait partie d’un lot de toiles que Moeller avait sorties de leur cadre et sauvées en les roulant dans des boîtes en fer et en les enterrant dans son jardin. Il les avait emportées de Berlin à Cologne à cause des Russes qui s’approchaient de la ville. On savait que ça finirait mal. A Cologne donc, Ferdinand Moeller me la présenta parmi d’autres toiles. J’eus un vrai choc et lui dis vouloir immédiatement l’acheter, mais lui demandais de patienter un mois, pour le règlement. Je parvins dans ce délai à réunir les 18 000 frcs exigés. J’ignorais alors que cette toile, avant d’être reprise par FM, avait fait partie d’une collection privée.
Des années plus tard, Jen Lissitzky, le fils de l’ancienne propriétaire, m’a accusé et accablé. Selon lui, j’avais profité de la situation en pleine connaissance de cause. Il s’est adjoint les services d’un détective privé, pour retrouver cette toile, la récupérer et l’emporter aux Etats Unis, où il avait apparemment fait une promesse de vente. Des cabinets d’avocats m’ont menacé. Or Lissitzky n’était pas le seul héritier à pouvoir revendiquer un éventuel retour de la toile à son lieu d’origine. J’ai donc rencontré tous les héritiers. Je me suis mis à leur place et leur ai proposé un dédommagement auquel je n’étais pas contraint. Mais je ne pouvais pas me séparer de ce tableau qui constitue un des piliers de ma collection. Je me suis défendu en arguant de ma bonne foi, expliquant comment je l’avais acquis. Ce tableau aurait pu être détruit par les nazis. Il a été sauvé par Moeller, puis acheté et conservé par mes soins. Finalement j’ai pu garder cette œuvre importante.
Je n’en ai d’abord pas saisi l’importance historique, mais j’ai été sensible à son rythme fort. Sur la droite, vous voyez des lignes et trois coupoles, probablement une évocation du Kremlin. Lorsque vous regardez Improvisation 9,kandinsky-improvisation-9.1247610251.jpg qui est maintenant au musée de Stuttgart vous voyez quelque chose d’analogue, mais de très figuratif encore, avec le château et le cavalier sur les collines. Ici, ce ne sont que des formes, qui s’inscrivent autour de ce triangle jaune, dynamique qui s’ouvre. D’après une esquisse, il s’agirait d’une Résurrection de la Pâque russe. A gauche, les trois courbes peuvent être les femmes au tombeau. Tout s’organise autour du tombeau ouvert, comme éclaté. Il est très beau de fragmenter ainsi les éléments pour trouver une chemin propre singulier. Oui, cette action de résurrection probable donne toute sa force à ce tableau, l’un des premiers tableaux abstraits de l’histoire de l’art. Quand je l’ai reçu à la galerie, je l’ai tout de suite accroché.
Puis un jour arriva celle qu’il appelle la repasseuse de Winterthur.
Un dame assez simple, sans âge, regardait les toiles, parcourait les salles, au cours d’une exposition d’été et s’exclama devant le Kandinsky : « Oh, quel beau tableau ! » Je la rejoignis.
Elle me demanda combien il coûrait. Je répondis « Vingt-huit mille francs »
– je souhaite l’acheter. De qui est-il ?
–  Kandinsky
– Qui est-ce etc …

– 
Ah c’est bien, et cette aquarelle combien ? et ce tableau là combien ?
Elle avait été repasseuse à Winterthur, avait fait un héritage, et n’avait besoin de rien, voulait faire quelque chose de son argent. Elle partit avec les 3 tableaux.
Quelques années plus tard, elle est revenue à la galerie pour me proposer de reprendre les trois tableaux.  Je me suis étonnée : « Comment ils ne vous plaisent plus ?
– Oh si !  »
Mais elle avait besoin d’argent, car elle avait continué ses achats et s’était considérablement endettée.
La morale de cette histoire dit Ernst Beyeler :
 il y en a deux. La première dans l’achat de l’art il faut se fier à son instinct. La seconde : il faut garder une exigence de qualité. L’épisode marqua pour moi le retour définitif d’Improvisation 10 dans ma collection.
Je le sortis de la galerie et l’accrochai dans mon salon.

Guiseppe Penone – la Matrice de sève

penone-matrice-de-seve-1.1247353519.JPGA l’école des Beaux Arts de Paris où il enseigne, Giuseppe Penone, a installé dans la cour vitrée couverte du Palais des études, le tronc d’un sapin coupé dans la vallée des Merveilles. Cette vallée se situe, comme lui, à la frontière franco-italienne. Penone a choisi cet arbre, dans ce parc naturel qui est à la fois musée et monument historique. Les 40 000 représentations symboliques gravées découvertes en ces lieux, qu’étudie depuis trente ans le professeur Lumley, en font le plus beau sanctuaire à ciel ouvert de la protohistoire, à plus de 2000 mètres d’altitude, au col de Tende.
L’arbre, long de 23 m a été coupé en son milieu, dans le sens de la longueur. Ses branches sont devenues support à ce que Penone appelle « une longue table, un autel » A l’intérieur, il a évidé le bois. Il a créé ce qu ‘il appelle « des interruptions » en sciant l’arbre. Le tronc devient ainsi comme un moule. Les ramifications évidées, ressemblent à des évents qui permettent, dans le four du fondeur, de laisser s’échapper le métal en fusion. penone-matrice-de-seve.1247353091.JPGPenone  voit ce moule naturel comme une « matrice » et pense la sculpture, simultanément, en volume et en creux.
Dans le bois à l’intérieur de cette cavité, coule une résine rouge. Le fond de cour lui aussi est rouge sang en harmonie avec la résine.penone-matrice-de-seve2.1247353295.jpg La lumière zénithale, baigne l’arbre de Penone. Nous convie-t’il à sa table, à communier à son autel, pour une réflexion, sur le temps, l’histoire, la genèse, aux noms illustres évoqués, en lien étroit avec la nature ?
En comptant dans le bois les cercles de croissance, il armorce une remontée vers la source, l’origine. Une histoire de l’art. En effet des milliers d’artistes ont œuvré dans ses lieux, sur les murs des noms d’artistes sont inscrits. penone-matrice-de-seve-cour-vitree3.1247353994.jpgOn est capté par l’ambiance de ce sanctuaire saturé de références qui renvoie à une autre captation du temps, au silence, au repos. Tout près dans le cabinet Jean Bonna, une vingtaine de dessins nous permettent de suivre la genèse de l’œuvre.

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« Am Anfang », Symbolique et démesure.

Une voix dit « Crie », et je dis : « Que crierai-je ? »

« Toute chair est de l’herbe »

et toute sa grâce est comme la fleur des champs.

l’herbe se dessèche, la fleur se fane,

quand le souffle de Yavé passe sur elles :

oui, le peuple, c’est de l’herbe,

l’herbe se dessèche, la fleur se fane,

mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais.

Isaïe. 40. 6-6

 

am-anfang-anselm-kiefer.1247266527.jpg« Am Anfang » est né sous le sceau d’un double moment marquant dans la vie de l’Opéra Bastille. Départ d’un directeur emblématique, Gérard Mortier et célébration du 20ème anniversaire de l’institution, elle-même inaugurée pour le bicentenaire de la révolution.  Un symbolisme proche de la démesure. Dans pareil contexte, confier au plasticien allemand Anselm Kiefer, connu pour ses peintures et installations, la responsabilité d’une création mondiale relevait  de la gageure, le mot est faible.     Cela  dit, on en attendait pas moins de Gérard Mortier,  qui a brillé à la tête de l’Opéra par son sens du panache et de la provocation. « Am Anfang » est l’histoire de la destruction et du recommencement éternels, un sujet idéal pour une  fin d’époque. Il met en scène un peuple errant, incarnation du peuple juif vivant dans des décombres et tentant de vainement de reconstruire ce qui sera détruit, puis renaitra, enfin. Au milieu de ce cloaque,am-anfang-lilith.1247267909.JPG Lilith, rôle muet et cheveux roux, symbole du mal et de la destruction.  De la démesure, « Am Anfang » en est bourré, ce qui n’étonne pas lorsque l’on connaît le travail de Kiefer :  utilisation de la totalité de la scène de Bastille qui confèrent à des tours vouées à tomber tôt ou tard un air apocalyptique et lunaire ; démesure dans le rigorisme de la pièce dont les deux seules voix sont celles de Denis Podalydès et de la tragédienne Geneviève Boivin, contre lesquels vient se cogner le mutisme obstiné de femmes bâtissant un mur de pierream-anfang-le.1247267802.JPG. Si Kiefer est certes plus un artiste, voire un performer qu’un metteur en scène, la beauté plastique de son travail est stupéfiante et vient à l’aide de la récitation, ainsi que le fait l’esthétisme des personnages muets trainant dans le sable et les ruines. La musique est  de Jörg Widmann, compositeur allemand et clarinettiste de formation qui en profite pour exécuter deux solos, c’est suffisamment rare pour le signaler. Elle revêt un caractère aérien, mais inquiétant, dans lequel on reconnait le travail de l’instrumentiste à vent. On regrette qu’elle ne soit pas plus présente tout au long de la pièce.  Impressionnant pour les yeux, intrigant pour les oreilles, allez voir « Am Anfang », pour découvrir une autre facette de Kiefer, artiste adoré chez nous.
Claire S.

Am Anfang, mise en scène Anselm Kiefer, musique Jörg Widmann  jusqu’au 14 juillet à l’Opéra Bastille, entrée gratuite le 14.