Ernst Beyeler

Ernst Beyeler (* 16. juillet 1921 – † 25. février 2010)
Ernst Beyeler, le fondateur de la Fondation Beyeler, est mort le 25 février 2010 au soir.
C’est un grand homme qui nous quitte au terme d’une longue vie, heureuse et bien remplie.
La Fondation Beyeler, Bâle, sa ville natale et le monde international de l’art lui doivent énormément. Depuis quelques temps sa haute silhouette se faisait de plus en plus rare dans son musée.
Il a rejoint au paradis des amoureux de l’art son épouse Hildy décédée en 2008.
Se rendre à la Fondation Beyeler, c’est comme aller à un rendez-vous d’amour, le cœur palpite, cheminant dans le sentier arrière de la Fondation, comme pour un pèlerinage, pressé de pénétrer dans le lieu, savourant à l’avance le plaisir que l’on sait trouver dans l’endroit. En revenir par le même sentier, rempli de l’émotion de la visite, se remémorant l’exposition, prolongeant indéfiniment le plaisir.
A force d’y aller, je crois que les œuvres m’appartiennent, je m’y sens comme chez moi.
Lorsqu’une œuvre de l’immense collection est absente pour un moment, je m’inquiète : aurait-elle été vendue ?
Dans ma naïveté et mon attachement je me suis enquis, à Art Basel, en voyant les oeuves phare exposées, auprès d’Ernst Beyeler, fondateur d’Art Basel, si elles étaient en vente. Jamais me répondit-il,
« c’est juste pour le plaisir des yeux« .
C’est aussi la Galerie Beyeler, au 9 de la Baumleingasse, de Bâle, avec ses expositions thématiques temporaires, qui fut vendue par la volonté d’Ernest Beyeler, après son décès.
Merci à lui de nous avoir permis d’accéder à son immense collection, choisie avec tant de discernement, de ne pas l’avoir enfermée égoïstement dans un coffre ou dans la zone franche de Genève. Merci de tout cœur.
Sa dernière apparition parue dans la presse régionale a été à l’occasion de la visite de Frédéric Mitterrand.
L’histoire. Parallèlement à leur importante activité de galeristes, les collectionneurs Hildy et Ernst Beyeler ont rassemblé au cours d’une cinquantaine d’années des œuvres particulièrement représentatives de l’art moderne. En 1982, la collection fut transférée en fondation et présentée au public pour la première fois dans son ensemble, en 1989, au Centro de Arte Reina Sofía à Madrid. La collection comprend aujourd’hui environ 200 tableaux et sculptures, témoignant d’un regard à la fois personnel et connaisseur sur les grands classiques de l’art moderne.
L’édifice a été conçu par l’architecte italien Renzo Piano. Outre des œuvres de Cézanne, Picasso, Rousseau, Mondrian, Klee, Ernst, Matisse, Newman, Bacon, Dubuffet, Baselitz et autres, la collection comprend vingt-cinq pièces représentant les arts d’Afrique, d’Alaska et d’Océanie et entretenant un dialogue étroit avec les peintures et sculptures de l’art moderne.
Jean Planque fut le collaborateur d’ Ernst Beyeler, lui servant d’intermédiaire pour accéder à Picasso entre autres a réuni une belle collection. (voir le billet)
Le musée n’entend pas seulement abriter ses précieux chefs-d’œuvre, il se veut lieu public d’innovation. Un tiers des 3800 m2 de la superficie totale est donc réservé aux deux à trois expositions temporaires qui se tiennent chaque année. Le but de ces expositions est d’élargir la collection et d’en repousser les limites temporelles en instaurant un dialogue vivant avec le présent.

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

13 réflexions sur « Ernst Beyeler »

  1. La mort d’Ernst Beyeler, «œil absolu»
    disparition . Grand collectionneur il organisa dans sa galerie puis sa fondation, à Bâle, 300 expositions.
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    Par VINCENT NOCE
    L’exposition Giacometti à la Fondation Beyeler, en 2009. Le collectionneur possédait notamment, comme pièces historiques, « L’Homme qui marche » et « Improvisation 10 » de Kandinsky. (REUTERS)
    Mort dans son sommeil d’une pneumonie, chez lui, à Riehen, dans la campagne bâloise, il vivait dans cette maison modeste près de sa fondation abritant la collection privée la plus riche du monde. On pouvait à l’occasion le croiser, en chaise roulante, à la cafétéria, regard absent. En 2007 encore, il était présent au 10e anniversaire du lumineux édifice de Renzo Piano. Il ne s’était pas remis de la disparition en 2008 d’Hildy, son «indispensable compagne». Sa mise sous tutelle en mai émut en Suisse en raison de son patrimoine. Sa disparition ne devrait pas affecter la Fondation Beyeler, dirigée notamment par Samuel Keller, où sa succession est déjà établie. Il avait aussi cédé sa place à la foire de Bâle, née il y a trente ans sous son impulsion : «Il a fait de cette ville un centre de l’art moderne dans le monde», résume un de ses pairs, Marc Blondeau.
    Pied-de-nez. Le magazine économique Bilanz a évalué sa collection à plus d’1,2 milliard d’euros, en réalité personne ne sait combien pourraient atteindre des pièces historiques, telles qu’Improvisation 10 de Kandinsky, fondatrice de l’abstraction, ou l’Homme qui marche de Giacometti. Beau pied-de-nez d’un amoureux qui ne s’est jamais laissé prendre aux délires du marché de l’art.
    Autodidacte. Né le 16 juillet 1921 d’un employé des chemins de fer, il commence par vendre des livres à la galerie d’Oskar Schloss, reprise en 1945 grâce à un prêt d’ami d’aviron. «Jusqu’à 65 ans, il n’a jamais eu d’argent. Il a formé sa collection sur des découverts», écrit Christophe Mory (1). Autodidacte, il suit les conférences du conservateur du musée de Bâle, Georg Schmidt. Il adhère au goût du moderne, façonné depuis les années 30 par Alfred Barr au MoMA de New York. Il aime Kandinsky, Klee, Miro, Mondrian, les cubistes, qu’il achète dans les années 50 à prix modiques. «Il a aiguisé son œil jusqu’à en faire un œil absolu», poursuit Mory.
    En soixante ans, 16 000 œuvres lui sont passées entre les mains, dont l’exposition «Die andere Sammlung» (l’autre collection) avait permis d’admirer une sélection. Manquaient quand même le Docteur Gachet de Van Gogh ou les Pollock achetés par l’épouse du shah, enfermés à Téhéran. Son plus gros coup fut l’achat de la collection d’un magnat de l’acier de Pittsburgh, David Thompson. Une centaine de Klee, 80 Giacometti, des Léger, Miro… Achetés sur caution bancaire. Dont personne ne voulut. «C’est alors qu’il décida de faire venir le monde à Bâle», rappelle Christophe Mory. Prenant un soin décuplé de ses expositions.
    Au milieu des années 60, un Picasso impressionné le fit venir dans son atelier. Le marchand repartant avec une soixantaine de toiles, Picasso trouva que cela faisait beaucoup, et lui en laissa 42. Beyeler avait aussi été le premier à faire venir en Europe les grands formats américains, de Rauschenberg, Sam Francis ou Lichtenstein. Il avait été très atteint quand une famille juive avait revendiqué un Kandinsky qu’il avait acheté juste après la guerre, qui provenait d’une spoliation dans l’Allemagne nazie. Il avait passé un accord avec elle, mais en avait eu sa première atteinte de santé, un zona à l’œil.
    Mont Blanc. De sa galerie de la Bäumleingasse à sa fondation, il a organisé 300 expositions. Devant une maquette du bâtiment, il collait des timbres figurant les tableaux, passionné comme un enfant devant un train électrique. Puis il accrochait, décrochait, raccrochait. La lumière zénithale était fondamentale pour lui, de même que la verdure du parc. Terriblement séducteur, grand sportif, il partait tous les étés marcher autour du mont Blanc. Il avait créé une fondation pour la sauvegarde de la forêt tropicale. Dans son âme, art et nature étaient indissociables.
    (1) La Passion de l’art, Gallimard

  2. le 27/02/2010 à 02h31
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    La mort d’Ernst Beyeler, grand marchand et immense collectionneur
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    Ernst Beyeler (ici lors de la foire Art Basel, en 2005, dont il fut l’un des fondateurs) aura vendu au total16 000 œuvres dans sa galerie. Archives Christine Hart
    Il aimait Picasso et l’aviron, Kandinsky et la nature, Bâle, les classiques modernes. Et sa magnifique fondation. Ernst Beyeler est mort, jeudi, à l’âge de 88 ans.
    On l’avait vu, dans un fauteuil roulant, l’autre jour à Riehen, près de Bâle (où il était né le 16 juillet 1921), accueillant Frédéric Mitterrand, le ministre français de la Culture, pour l’ouverture de l’exposition consacrée au Douanier Rousseau. Ernst Beyeler était apparu très fatigué et malade.
    Il s’est éteint jeudi, deux ans seulement après sa femme, Hildy. Celle-là même qui, voilà longtemps, lui lança alors qu’il venait de débourser une somme très rondelette : « Mais avec cet argent, on pourrait acheter une ferme et 500 vaches ! » A quoi le grand Ernst rétorqua : « Et pourquoi pas de l’huile sur une toile ? » Cependant, c’est aussi cette même Hildy qui lui ordonna, le voyant caresser son rêve de fondation : « Réalise ce musée ! » La chose fut faite. Et les amateurs d’art du monde viennent y fréquenter, dans un cadre admirable (lire ci-dessous), la quintessence des classiques modernes.
    Il voulait faire venir le monde à lui
    S’il était viscéralement attaché à sa ville natale — son objectif était de faire venir le monde à lui, plutôt que d’aller dans le monde — Ernst Beyeler appartient pourtant à la petite famille des galeristes d’importance mondiale que furent Kahnweiler, Durand-Ruel ou Gertrud Stein.
    Ernst Beyeler aimait à venir s’asseoir, incognito, dans un fauteuil de sa fondation, pour lire son courrier et certainement observer « ses » visiteurs… L’homme au profil d’empereur romain se souvenait-il alors de ses jeunes années ?
    Enfant, Ernst n’avait pas un goût très prononcé pour le dessin ou la peinture. À la maison, son père, employé des chemins de fer, n’a pas le temps de penser aux choses de l’art, occupé qu’il est à gagner de quoi nourrir ses cinq enfants. Pourtant, à l’adolescence, dans les livres, Ernst Beyeler découvre, fasciné, Rodin, Cézanne ou Van Gogh. Il poursuit cependant ses études commerciales tout en se demandant si c’est bien sa voie. D’autant qu’il file, chaque fois qu’il peut, visiter le Kunstmuseum ou la Kunsthalle à Bâle…
    Et puis vient la rencontre déterminante avec Oskar Schloss. Réfugié juif, fuyant le nazisme, Schloss a ouvert, dans la Bäumleingasse, au cœur de Bâle, là où existe toujours la galerie Beyeler, une petite librairie doublée d’une boutique d’antiquités. Ernst Beyeler commence à y travailler. En 1945, à la mort soudaine de Schloss, il reprend l’affaire. Une formidable aventure peut commencer.
    « J’ai senti que c’était le bon chemin »
    En 1947, il couvre les étagères de la librairie de toile de jute et monte sa première exposition. Avec des estampes japonaises. Quelque 300 expositions — de plus en plus prestigieuses — suivront. Il montre des lithographies de Toulouse-Lautrec, des dessins impressionnistes, mais il sent qu’il doit se spécialiser : « Je voulais m’occuper d’art dont je pouvais avoir le contrôle. » Par goût, mais aussi parce qu’il voulait être sûr de ce qu’il allait vendre, Beyeler se tourne vers ceux qui deviendront les classiques modernes. À l’époque, Klee, Picasso, Mondrian sont loin de faire l’unanimité. « Mais, glisse Beyeler, j’ai senti que c’était le bon chemin… »
    Peintre lui-même — « mais seulement par nécessité quasi-thérapeutique » —, Beyeler va connaître des rencontres majeures qui feront du Bâlois l’une des plus grandes figures du marché de l’art mondial. Ainsi, au début des années 70, il achètera une centaine d’œuvres de Kandinsky à Nina, sa veuve. Picasso, lui, l’avait laissé choisir librement, dans son atelier, 26 tableaux et 90 dessins. Aucun autre marchand n’avait jamais eu ce privilège…
    Beyeler disait : « Les gens n’éprouvent pas la nécessité absolue d’acheter de l’art. » Le marchand aguerri qu’il était, savait mettre en œuvre les stratégies nécessaires pour acheter et vendre. Avec un flair pour les opportunités du moment, il savait jouer des engouements et des faiblesses des possibles acheteurs. Mais il disait aussi : « On peut se tromper sur un prix mais pas sur la qualité. »
    Mais surtout, Beyeler avait la passion de l’art. Il l’avait d’ailleurs racontée, en 2003, à Christophe Mory dans le livre éponyme paru chez Gallimard. Et cette passion s’est concrétisée le 18 octobre 1997, avec l’inauguration de la fondation de Riehen.
    Des stocks d’invendus à la splendide collection
    Tout au long de sa carrière de marchand d’art, sans même penser à une collection ou à une fondation, Beyeler a mis des tableaux de côté. Les ventes à Bâle sont moins rapides qu’ailleurs et la galerie accumule des stocks. Lorsqu’arrivent les années 80 et l’explosion du marché de l’art, les prix flambent. Beyeler fait de belles affaires, règle ses dettes, pourrait tout vendre. Mais il sait bien qu’il a des pièces qui ne reviendraient plus. Il renonce à vendre les Nymphéas de Monet ou les grands papiers collés de Matisse… La collection prend forme.
    D’Espagne, de Hollande, des États-Unis, d’Allemagne, des invitations arrivent. On propose à Beyeler de montrer, donc d’exporter sa collection. Mais le Bâlois ne songe pas à partir. Il aime trop faire du vélo dans la campagne bâloise ou aller ramer sur le Rhin.
    Et voilà pourquoi, grâce à la passion magnifique d’Ernst Beyeler, on peut à Riehen s’abîmer dans la contemplation de Picasso et de Léger, de Klee et de Dubuffet, de Giacometti et de Cézanne, de Bacon et de Rothko, réunis dans l’un des plus beaux musées du monde…
    Textes : Pierre-Louis Cereja
    Lire sur le même sujet : Une des plus riches fondations du monde à Bâle

  3. Tu as écrit avec beaucoup de sensibilité tout ce que l’on doit à Ernst Beyeler : tous ces moments de découvertes, d’émotions, de beauté, de partage.Revenir à la Fondation c’est retrouver un petit Eden, c’est revoir « ses » tableaux, c’est se ressourcer.
    Merci à ce généreux donateur qui nous a tant donné.

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