La Fondation Pierre Gianadda de Martigny présente les œuvres collectionnées par Serguei Chtchoukine et Yvan Morozov prêtées par le musée Pouchkine de Moscou. Ces oeuvres taxées d’art bourgeois, par la Russie soviétique, ont été confisquées par le gouvernement par la suite. Ces deux collectionneurs ont fait preuve d’un goût sûr en s’intéressant aux impressionnistes, mais aussi pour Gauguin, Matisse et Picasso, . En moins de 25 ans Chtchoukine avait formé une collection de 259 peintures, aujourd’hui dispersées entre le musée de l’Ermitage à St Petersbourg et le musée d’état des beaux Arts Pouchkine à Moscou.
De son côté Morozov, acquiert des œuvres de peintres russes, avant de se tourner vers la peinture contemporaine française.
C’est ainsi qu’il acquiert plus d’une dizaine de Gauguin dans la galerie parisienne , dont Matamoe (la mort) du marchand d’art Vollard. Gauguin rassemble dans la même image plusieurs symboles forts, le paon, la hache, le feu, dans un Eden verdoyant, un homme débite un arbre mort pour alimenter le feu, élément renvoyant à la vie, en présence du paon (qui n’existe pas à l’origine en Polynésie) allusion aux vanités du monde. Gauguin tire le motif de l’homme à la hache d’un modèle antique, d’un détail de la frise du Parthénon.
Une autre toile qui n’est absolument pas mise en valeur, dans la présentation de ce lieu sombre aux murs écrasants, en acquiert encore plus de gravité. C’est la « Ronde des prisonniers de Vincent van Gogh » acquise auprès du marchand d’art Druet en 1909. Cette ronde est tirée d’une gravure de Gustave Doré,( au MAMCS) « Le Bagne » Le cercle de la ronde des prisonniers s’inscrit dans la géométrie très stricte des murs, que l’absence de ciel, comme à la Fondation, rend encore plus oppressant . Le pavement rappelle les briques des murs, contribuant ainsi l’enfermement complet des prisonniers. La gamme chromatique est réduite à des verts, des
bleus, des gris, sans aucune touche de couleur vive, l’ombre bleus des silhouettes accentuent la géométrie du cercle. Les prisonniers sont d’anonymes silhouettes, seul un visage est apparent, tourné vers nous, rongé de tristesse, ne nous regardant pas, reflète l’inhumanité du lieu, autoportrait de Vincent, aux cheveux blonds- roux, ? Lui seul pourrait le dire. Seuls 2 papillons qui volètent contre le mur du fond offrent une touche d’espoir et de liberté.
N’est-ce pas aussi l’expression de son tourment de sa maladie, qu’il ressasse et représente ici.
J’aurai bien aimé y voir la Vigne Rouge
Jusqu’au 22 novembre.
Dans le parc une nouvelle sculpture a fait son apparition, une Roue en granit de René Küng – 2005, bizarrement abandonnée sur le gazon suisse, fraîchement tondu, enlevant tout charme de jardin un peu sauvage, la folle de Richier, la fontaine de Pol Burri, l’homme de Marino Marini avaient tous l’air un peu nu et sans défense, trop propre sur eux.
Le pavillon à côté de la fondation, s’est enrichi d’une mosaïque de Sam Szafran, auteur du mur en céramique aux Philodendrons, « Escalier, Variation I, » dont on peut voir la déclinaison des dessins, aquarelles sur soie, empruntées aux peintres chinois, sujet qui avec les philodendrons font partie de son univers halluciné. D’autres photos, dont l’une d’Henri Cartier Bresson dont il a été le professeur de dessin, ornent les murs du passage. Sam Szafran au parcours chaotique, dormant dans le métro, passant ses journées au Louvre avec son fusain et son pastel, fréquentant St germain des Prés, galérant, jusqu’au jour où sa rencontre avec le galériste Claude Bernard met un terme à sa vie de misère.
Partager la publication "Musée Pouchkine de Moscou – de Courbet à Picasso"
« La Ronde » existe aussi au Van Gogh Museum d’Amsterdam, dans le couloir qui présente les premiers tableaux, peints au début.
Pas vraiment un tableau qui vaille la peine de le faire voyager.
Bon si Philippe Dagen parle de cette expo, elle a peut-être des qualités. Je fais confiance à Philippe Dagen, mais aussi négativement à la Fondation Giannada.
Bonne Année Elisabeth!
Les débuts de l’art moderne en 50 toiles d’exception
De Courbet à Monet, Gauguin et Picasso, les collections de deux mécènes russes éclairés, Chtchoukine et Morozov
Martigny (Suisse) Envoyé spécial
ARTS
Au début du XXe siècle, deux des principaux collectionneurs de l’art contemporain montré alors à Paris étaient des industriels russes, Sergueï Chtchoukine (1854-1936) et Ivan Morozov (1871-1921). Les autres étaient américains, allemands ou danois – les Français se distinguant par leur absence. Peu d’entre eux avaient la puissance d’acquisition des deux Moscovites, qui accumulèrent en une vingtaine d’années des ensembles incomparables de Gauguin, Cézanne, Monet, Matisse et Picasso. Ils achetaient par dizaines. Les vues de leurs hôtels particuliers de Moscou montrent des salons kitsch néo-rococo, tapissés de toiles accrochées sur deux rangées parallèles, au-dessus des fauteuils et jusqu’aux moulures.
Ces peintures, saisies en 1917, sont aujourd’hui la propriété du Musée Pouchkine, à Moscou. La préface du catalogue, rédigée par deux historiens de l’art russe, s’efforce de faire passer ces opérations pour des preuves de l’intérêt que le » nouveau pouvoir » – les mots communiste et soviétique semblent passés de mode – accordait à l’art. » La galerie de Chtchoukine est l’objet d’un décret spécial signé par Lénine qui, pour la première fois dans l’histoire, reconnaît au niveau gouvernemental l’importance de l’art moderne. »
C’est une manière de présenter les faits. Une autre serait de préciser un peu plus longuement que le catalogue ne s’y attarde que parce que Chtchoukine fut contraint de fuir l’URSS et que Morozov mourut en exil lui aussi, peu de temps après avoir été privé de ses biens. Les héritiers des deux mécènes spoliés réclament aujourd’hui encore restitution de ce qu’ils considèrent comme leur héritage.
L’hôtel particulier de Chtchoukine devint le premier Musée d’art moderne occidental, qui fut déplacé ensuite dans l’hôtel de Morozov. En 1948, les collections furent partagées entre le Musée de l’Ermitage de Leningrad (Saint-Pétersbourg) et le Musée Pouchkine de Moscou. C’est ce dernier qui prête à la Fondation Gianadda un ensemble d’une cinquantaine de toiles, de Corot et Courbet à Picasso et Léger, exposées à Martigny, en Suisse, jusqu’au 22 novembre. Il n’y manque aucun des noms illustres de l’impressionnisme, du postimpressionnisme et des premières avant-gardes du XXe siècle, certains représentés par une oeuvre unique, d’autres par des séries de deux ou trois. Dans ce second cas, la série n’est pas nécessairement composée de toiles provenant du même collectionneur, si bien qu’il est impossible au visiteur de chercher à comprendre ce qu’aurait été le goût de Chtchoukine et celui de Morozov, qui étaient cependant différents.
Des deux Picasso, L’Arlequin et sa compagne (1901), symboliste, vient de Morozov, La Reine Isabeau (1909), géométrisée, de Chtchoukine, mais rien ne l’indique sur les cartels. Rien ne signale non plus que les trois Matisse étaient chez Chtchoukine et qu’ils sont emblématiques de la passion sans réserve de ce dernier pour le peintre fauve. La même remarque pourrait être faite devant chaque toile.
On peut considérer que cette absence de toute précision prive le visiteur des éléments nécessaires à l’analyse historique de ce qu’il a devant lui. On peut aussi bien défendre que son jugement subjectif ne s’en exerce que plus librement. C’est assurément le cas, puisqu’il nous a été donné d’entendre devant les trois paysages de Cézanne une phrase que l’on aurait crue imprononçable depuis un siècle : » Cézanne, c’est vraiment nul. » Ces toiles confirment cependant, à notre sens, que Cézanne a été le plus grand paysagiste de toute l’histoire de la peinture européenne, et les comparaisons avec Monet, Sisley ou Pissarro que l’accrochage propose ne font que le confirmer, en dépit de la grande qualité des Monet.
Une autre comparaison met en présence Degas, Renoir, Forain, Raffaelli et Dagnan-Bouveret sur le motif de la vie moderne dans les villes. Les moins célèbres s’en sortent à leur avantage, parce que Degas n’a ici qu’une unique oeuvre, mais aussi parce le Bal à l’Opéra de Paris de Forain est l’une de ses observations sociales les plus cyniques. Deux Gauguin de premier ordre, le Cheval attaqué par un jaguar (1910) du Douanier Rousseau, et, du même, La Muse inspirant le poète, double portait de Marie Laurencin et de Guillaume Apollinaire qui vexa violemment les deux modèles, de bons Derain d’avant 1914, un Vallotton étrange, à mi-chemin entre Seurat et Mondrian, un Vuillard de pure volupté chromatique : autant de plaisirs qu’il serait regrettable de ne pas s’accorder.
,
Philippe Dagen
» De Courbet à Picasso »
Fondation Pierre Gianadda