Cinq portraits (Stockholm, Thielska Galleriet), une toile monumentale qu’il considère comme son oeuvre maîtresse
Jusqu’au 22 juillet 2019 au Musée Jacquemart-André et Culturespaces organisent une exposition consacrée au grand maître de la peinture danoise, Vilhelm Hammershøi (1864-1916).
Pour la première fois depuis 20 ans, des œuvres mystérieuses et poétiques du peintre sont réunies à Paris.
“Rendre une visite à l’artiste chez lui, c’est comme pénétrer à l’intérieur de l’un de ses tableaux”, rapporte un article de 1911 à propos de Vilhelm Hammershøi (1864 – 1916).
Le peintre a en effet choisi comme sujet de la plupart de ses oeuvres son environnement quotidien et les membres de son cercle intime.
De tempérament taciturne, il représente dans ses toiles un monde à son image, baigné d’un étrange silence. Hammershøi joue avec ses intérieurs pour les dépouiller et refuse toute interaction avec son modèle que le spectateur surprend dans une infinie rêverie solitaire.
C’est à la découverte de cet univers mystérieux que vous invite
l’exposition, en illustrant ces liens de l’artiste avec sa famille et ses amis, artistes eux aussi, elle éclaire l’oeuvre de Hammershøi d’un jour nouveau. Hammershøi fascine par ses peintures représentant, dans des gammes de gris et de blanc, des intérieurs vides et subtils où figure parfois la silhouette d’une femme de dos.
Les tableaux exposés, évoquent l’ensemble de l’oeuvre de Hammershøi et son atmosphère profonde et mystérieuse.
Hammershøi a passé sa vie entière dans un cercle restreint qu’il n’a eu de cesse de représenter : ses modèles sont sa mère, sa soeur, son frère, son beau-frère et quelques amis proches. Ses oeuvres représentent également Ida, son épouse, que l’on retrouve dans nombre des intérieurs qui l’ont rendu célèbre.
En 1890, Hammershøi fait le portrait de sa fiancée Ida, soeur de son ami Peter Ilsted
La jeune femme semble absente, comme si l’artiste refusait d’attribuer toute psychologie à son modèle. L’apparente simplicité de ce portrait, qui se découpe sur un fond neutre, dénote une radicalité qui tranche avec le
goût de l’époque pour les compositions détaillées.
SECTION 1. HAMMERSHØI ET LES SIENS
En 1895, Hammershøi représente son épouse Ida entourée de ses deux belles-soeurs, à gauche Ingeborg Ilsted, femme de Peter Ilsted, et à droite Anna Hammershøi. Ces Trois jeunes femmes (Ribe Kunstmuseum) ne sont réunies les unes aux autres que par la position de leurs genoux, comme si elles formaient un motif décoratif sans autre forme d’interaction.
Bien que représentées dans le même espace, elles semblent isolées, chacune absorbée dans ses pensées, vivant sa propre existence dans un monde de silence.
SECTION 2. PREMIERS INTÉRIEURS, UNE EMPREINTE PERSONNELLE
La précoce vocation artistique de Vilhelm Hammershøi a été encouragée par sa mère, Frederikke, qui, jusqu’à sa mort en 1914, a conservé toutes les coupures de presse le concernant.
Elle tient une place importante dans la vie de son fils qui, très jeune, réalise deux portraits d’elle. Peint en 1886, le premier (collection particulière) reprend la composition du célèbre portrait de la mère de James McNeill Whistler conservé au musée d’Orsay, preuve tangible de l’admiration que Hammershøi portera toute sa vie à l’artiste américain. Trois ans plus tard, il représente sa mère de trois-quarts sur un canapé, en train de tricoter (Stockholm, Nationalmuseum).
SECTION 3. ENTRE RÊVE ET RÉALITÉ, LE PAYSAGE
Lors de la première moitié du XIXe siècle, les peintres de l’âge d’or danois ont particulièrement excellé dans l’art du paysage. Hammershøi s’inscrit dans cette tradition, tout en lui donnant un sens et une atmosphère bien différents. Le paysage qu’il peint à seize ans où s’étire en diagonale une file d’arbres dans la campagne (Ambassador John L. Loeb Jr. Danish Art Collection), est dans la lignée de ses illustres prédécesseurs, mais les tableaux suivants ne présenteront pas la même connexion avec la nature. L’artiste y introduit une nette distanciation, les transformant en paysages intérieurs.
SECTION 4. PAYSAGES CITADINS, LE TEMPS SUSPENDU
Dans ses tableaux représentant des architectures, Hammershøi procède avec la même radicalité. Il dissout les détails dans une sorte de brume, comme le montre la comparaison inédite de deux vues de l’église Saint-Pierre de Copenhague, l’un des plus anciens monuments du centre de la ville. Hammershøi n’y représente ni les maisons adjacentes de ce quartier très peuplé, ni la moindre figure humaine dans la rue. Seule l’église occupe la scène, avec son clocher et un arbre aux branches dénudées.
SECTION 5. UN NOUVEAU REGARD SUR LE NU
Le thème du nu, marginal dans la production de Hammershøi, constitue sans doute la facette la moins connue de son œuvre. Comme les autres thèmes abordés par l’artiste, il s’inscrit dans la tradition des peintres de l’âge d’or danois. Comme il en a l’habitude, Hammershøi détourne les modèles anciens pour projeter sur la toile une vision toute personnelle du sujet, dans une palette restreinte dominée par des tons de gris.
SECTION 6. L’ART DE L’ÉPURE
Les appartements que Hammershøi va successivement occuper avec son épouse Ida, et plus particulièrement celui situé au 30, Strandgade où ils vivent de 1898 à 1909, sont pour l’artiste une source inépuisable d’inspiration.
C’est en effet dans ses pièces qu’il a peint l’extraordinaire série d’intérieurs qui a fait sa célébrité. Les demeures des familles danoises aisées sont alors richement meublées et décorées, comme on peut le voir sur les photographies d’époque. Le goût de Vilhelm et Ida Hammershøi est plus sobre : leur mobilier est disposé avec parcimonie et ils choisissent avec attention les tableaux, objets et livres qui viennent agrémenter leur logement. L’appartement de Hammershøi est pour lui plus qu’un cadre de vie, c’est un véritable atelier.
Les pièces qu’il habite deviennent tout à la fois le cadre et le sujet de nombreuses compositions où les lignes jouent un rôle fondamental, comme la lumière.
SECTION 7. SILHOUETTES DU QUOTIDIEN, ATMOSPHÈRES ÉTRANGES
Parmi les jeunes artistes de l’avant-garde danoise, c’est Carl Holsøe qui, le premier, expose publiquement un intérieur, faisant connaître ce genre dans lequel son ami Vilhelm Hammershøi va rapidement s’imposer. Alors que les œuvres de Holsøe distillent une certaine idée du bonheur domestique (ARoS Aarhus Kunstmuseum), il émane des intérieurs de Hammershøi, pourtant habités par des silhouettes familières, une certaine étrangeté.
Y figure presque exclusivement la femme de l’artiste, que l’on aperçoit le plus souvent de dos, comme dans l’Intérieur avec une femme debout.
SECTION 8. POÉSIE DU VIDE ET DE LA LUMIÈRE
Hammershøi peint La Porte blanche, son premier intérieur vide en 1888 dans l’appartement de son ami Karl Madsen.
Le contraste avec la pièce plongée dans l’obscurité est plus tranché que dans les compositions plus tardives où les jeux de lumière gagneront en subtilité et en minutie.
Hammershøi réalise ses tableaux lentement, par petites touches, ce qui lui permet de transcrire sur sa toile les infimes variations de la lumière. Qu’il s’intéresse à son éclat sur des surfaces mates, comme une nappe ou une porte (Intérieur, Strandgade 30, Paris, musée d’Orsay), ou à ses reflets à travers une fenêtre, il s’attache à en décrire toutes les vibrations.
Podcast France Culture l’Art est la matière
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COMMISSARIAT
Jean-Loup Champion est historien de l’art et commissaire d’expositions
SCÉNOGRAPHIE
Hubert le Gall, designer français
Le Musée Jacquemart-André est ouvert tous les jours y compris les jours fériés de 10h à 18h. Nocturnes les lundis jusqu’à 20h30 en période d’exposition.
Dernière admission 30 minutes avant la fermeture du musée.
158 boulevard Haussmann 75008 Paris
Tél. : 01 45 62 11 59 • message@musee-jacquemart-andre.com
Le Musée se situe à quelques pas des Champs-Elysées et des grands magasins.
En métro : Lignes 9 et 13, stations Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule
En RER : Ligne A, station Charles de Gaulle-Étoile
En bus : Lignes 22, 43, 52, 54, 28, 80, 83, 84, 93
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