jusqu’au 24 avril 2017 au centre Pompidou
Roland Barthes et Cy Twombly :
le « champ allusif de l’écriture »
« […] le “gauche” (ou le “gaucher”) est une sorte d’aveugle :
il ne voit pas bien la direction, la portée de ses gestes ;
sa main seule le guide, le désir de sa main, non son aptitude
instrumentale ; l’œil, c’est la raison, l’évidence, l’empirisme,
la vraisemblance, tout ce qui sert à contrôler, à coordonner,
à imiter, et comme art exclusif de la vision, toute notre peinture
passée s’est trouvée assujettie à une rationalité répressive.
D’une certaine façon, Twombly libère la peinture de la vision,
car le “gauche” (le “gaucher”) défait le lien de la main et de l’œil :
il dessine sans lumière (ainsi faisait Twombly, à l’armée) ».
(NM, 9)
C’est ce texte de Roland Barthes qui me vient à l’esprit en
parcourant l’exposition du centre Pompidou. Même si cela
ne convient pas au défunt artiste, (1928-2011) cela tient du graffiti.
Cy Twomblyn’affectionnait pas le terme « graffiti » dont la critique
les affuble. Le chef-d’oeuvre de la décennie est sans
conteste la série de peintures blanches réalisées en 1959
à Lexington, que Leo Castelli refuse pourtant d’exposer
La rétrospective complète de l’oeuvre de l’artiste
américain Cy Twombly, exposition d’une ampleur inédite
sera uniquement présentée à Paris. Elle rassemble des prêts
exceptionnels, venant de collections publiques et privées
du monde entier, les oeuvres emblématiques de l’artiste.
Construite autour de trois grands cycles :
« Fin 1963, alors que John F. Kennedy est assassiné à Dallas,
Cy Twombly consacre un cycle de neuf peintures à l’empereur
romain Commode (161-192), décrit comme cruel et sanguinaire.
L’artiste traduit le climat de violence du règne de l’héritier
de Marc Aurèle, marqué par la terreur et les exécutions,
Exposé à la galerie Leo Castelli à New York au printemps 1964,
le cycle reçoit un accueil extrêmement défavorable de la part
de la critique. Le public new-yorkais, qui s’enthousiasme alors
pour le minimalisme naissant, comprend mal le génie pictural
de Cy Twombly et sa capacité à transcrire sur la toile les phases
psychologiques complexes qui marquèrent la vie et la mort de
l’empereur romain. À l’issue de l’exposition,
Cy Twombly récupère les oeuvres du cycle « Commodus »
qui fut vendu à un industriel italien, puis acquis
en 2007 par le musée Guggenheim de Bilbao. »
Nine Discourses on Commodus (1963), Fifty Days at Iliam
(1978) et Coronation of Sesostris (2000),
cette rétrospective retrace l’ensemble de la carrière
de l’artiste à travers un parcours chronologique de
cent quarante peintures, sculptures, dessins
et photographies permettant d’appréhender toute la richesse
d’une oeuvre, à la fois savante et sensuelle.
Né en 1928 à Lexington, Virginie, Cy Twombly est décédé en 2011,
à l’âge de quatre-vingt-trois ans, à Rome où il a passé une
grande partie de sa vie. Unanimement salué comme l’un des plus
grands peintres de la seconde moitié du 20e siècle, Twombly
qui, depuis la fin des années 1950, partageait sa vie entre l’Italie
et les États-Unis, « syncrétise » l’héritage de l’expressionisme
abstrait américain et les origines de la culture méditerranéenne.
Empire of Flora en est un exemple éloquent. Des fragments de
corps épars, féminins comme masculins, parsèment les toiles
qui semblent conserver la mémoire sensuelle des chaudes nuits romaines.
De ses premiers travaux du début des années 1950, marqués
par les arts dits primitifs, le graffiti et l’écriture, jusqu’à ses
dernières peintures aux couleurs exubérantes, en passant par
ses compositions très charnelles
du début des années 1960 et sa réponse à l’art minimal
et conceptuel dans les années 1970,
cette rétrospective souligne l’importance que Cy Twombly
accorde aux cycles et aux séries dans lesquels il réinvente
la grande peinture d’Histoire.
La présentation des sculptures surprend,
dans l’angle vitré du musée, avec la vue sur Montmartre.
Constituées d’éléments disparates, les sculptures
de Cy Twombly peuvent être qualifiées
d’« assemblages » et d’« hybridations ».
Élaborées à partir d’objets trouvés (morceaux de bois, fiches
électriques, cartons, fragments de métal, fleurs séchées
ou artificielles), ces combinaisons de formes
brutes sont unifiées par un mince revêtement
de plâtre. Le blanc dont elles sont badigeonnées fait naître
à leur surface de subtiles nuances, accroche la lumière
et leur octroie une apparence spectrale.
En ce sens, l’artiste, dans un entretien avec le critique
d’art David Sylvester, soulignait :
« La peinture blanche est mon marbre ».
Cy Twombly avait l’esprit délicieusement mal tourné,
lorsqu’il le voulait. Pourtant il s’irrita le jour où Kirk Varnedoe
découvrit les quatre lettres du mot « FUCK » écrit au bas de
la peinture Academy (1955). On peut d’ailleurs lire
le même mot devant l’inscription « Olympia » dans la peinture
éponyme – ce qui change drôlement la donne !
Dans le même ordre d’idées, Paul Winkler, ancien directeur
de la Menil Collection à Houston, rappelle ce que Twombly lui dit
un jour qu’il se trouvait en sa compagnie devant l’oeuvre Apollo (1963).
Alors qu’il pensait que l’oeuvre faisait référence au monde grec,
l’artiste lâcha ce commentaire laconique :
« Rachel et moi, on adorait aller danser au théâtre de
l’Apollo à Harlem. » En d’autres temps, Cy Twombly
ne put s’empêcher, tout en sachant qu’au XVIIe siècle
le mot avait une tout autre signification, d’inscrire
l’expression « Private Ejaculations » dans toute une suite
de dessins de 1981-1982. On l’imagine devant
ces oeuvres, un sourire narquois au coin des lèvres !
une vie une oeuvre
Grâce à l’application gratuite du Centre Pompidou le visiteur plonge
dans les méandres de l’inspiration
de Cy Twombly, des textes fondateurs de la mythologie grecque
à la poésie élisabéthaine. Une échappée qui entremêle les propos
de Cy Twombly, d’historiens d’art ou de penseurs tels que Roland Barthes.
Disponible en français, anglais et espagnol
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