Jusqu’au 2 janvier 2022 à l’invitation du Petit Palais,
Jean-Michel Othoniel investit la totalité du musée et son jardin. Il s’agit
de la plus grande exposition personnelle de l’artiste à Paris depuis sa
rétrospective My Way au Centre Pompidou en 2011.
Pour l’occasion, en plus de 70 oeuvres nouvelles, Othoniel invente
Le Théorème de Narcisse : un homme-fleur, qui en se reflétant lui-même, reflète le monde autour de lui. Selon Gaston Bachelard,
« le narcissisme n’est pas toujours névrosant, il joue aussi un rôle
positif dans l’oeuvre esthétique. La sublimation n’est pas toujours la
négation d’un désir. Elle peut être une sublimation pour un idéal. »
L’artiste tisse une toile d’irréalité, d’enchantement, d’illusion,
de libération de l’imagination. Rivières de briques bleues, Lotus
et Colliers d’or, Couronne de la Nuit, Noeuds Sauvages et Precious
Stonewalls miroitants, ces oeuvres sont enchâssées dans le bâtiment,
suspendues aux arbres ou posées sur l’eau ; elles dialoguent avec
l’architecture du Petit Palais et les ors de son jardin.
Cette exposition est un message d’ouverture offert gratuitement au
public. Elle est placée sous le signe du ré-enchantement et de la
théorie des reflets que l’artiste développe depuis près de dix ans
avec la complicité du mathématicien mexicain Aubin Arroyo. Cette
invitation au rêve nous permet, le temps de l’exposition, de résister à
la désillusion du monde.
Commissariat
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais
Juliette Singer, conservatrice en chef du patrimoine, responsable
des projets art contemporain du Petit Palais
Parcours de l’exposition
La Rivière bleue (2021)
Adressant un signal fort aux passants, une Rivière bleue en verre miroitant semble dévaler en cascade l’escalier d’honneur du Petit Palais. Réalisée in situ avec des briques en verre indien, cette sculpture-architecture joue sur le rapport d’expression entre deux couleurs : les teintes aigue-marine, froides et
nocturnes de la rivière bleue, répondent au jaune d’or solaire de l’exceptionnelle grille en ferronnerie
de Charles Girault (1851-1932), qui marque l’entrée du musée. Par cette installation opalescente, qui semble faite de pierres précieuses, Othoniel fait basculer l’architecture du musée vers celle d’un château de conte de fée ; la nuit en particulier, la magie opère, à travers un saisissant effet de flottement
et d’irréalité.
Le Jardin (26 sculptures, 2014-2021)
Un monumental lotus noir et or se dessine à travers la fenêtre
de la rotonde d’accueil. Comme les compagnons d’Ulysse qui,
dans l’Odyssée d’Homère, ne voulurent plus quitter l’île enchantée
des lotophages après avoir goûté à cette fleur magique, les
visiteurs sont invités par cette fleur à pénétrer dans le jardin
et à tout oublier, le temps d’une parenthèse enchantée. Celui-ci
recèle de nombreuses surprises, qui entrent en harmonie
avec l’esprit Art Nouveau du Petit Palais. Sur les mosaïques
colorées du péristyle, six noeuds d’argent, aux entrelacs parés
de perles réalisées en réalité en inox, reflètent tout ce qui
les entoure et notamment la colonnade en demi-cercle, et les
fresques de Paul Baudoüin (1844-1931) qui retracent le cycle
des saisons, avec les heures du jour et de la nuit. Ils ouvrent
ainsi sur l’infini du cosmos, et l’éternel recommencement.
Dans la verdure, au milieu des acanthes et des palmiers, se
révèlent d’autres merveilles : des Colliers précieux, accrochés
aux branches. Dorés, ils font écho aux guirlandes suspendues
du péristyle ; mais ils apportent aussi une autre dimension,
de l’ordre du désir et de la sensualité, tout comme les colliers
dressés au sol, dans les alcôves du péristyle. Dans les
bassins aux mosaïques turquoise et violette, évocateurs des
jardins orientaux, trois lotus dorés se mirent dans une eau,
dont l’image se reflète à son tour à travers les perles-miroirs
qui les composent. Ils rappellent la fleur jaune dans laquelle
Narcisse, épris de sa propre image, a fini par être transformé.
L’homme et son image, ici interrogés, peuvent être vus comme
le dédoublement de l’artiste et son oeuvre ; ou comme le visiteur qui, pris dans ce jeu, peut découvrir à travers ce reflet une certaine image méconnue du monde, et de lui-même.
La Couronne de la Nuit (2008)
Surplombant le magnifique escalier en spirale conçu par Charles Girault, la Couronne de la Nuit tient lieu de lustre
géant et surprend, telle une « folie » cachée. Faisant pendant à la fresque de Maurice Denis, l’Histoire de l’art français (1919-
1925) situé dans l’aile opposée, elle est dominée par des bleus profonds, outremer et aigue-marine, qui invoquent la Reine de
la Nuit, héroïne opératique de la Flûte enchantée de Mozart.
Ces teintes froides sont réchauffées çà et là par quelques perles rouges, comme autant d’étoiles. Deux coeurs renversés,
symbole romantique par excellence, occupent son centre, et sont surmontés d’une énorme boule-miroir, dite « affolante » qui sert habituellement à effrayer les oiseaux
La Grotte de Narcisse (46 oeuvres)
Espaces enfouis à l’abri des regards, les grottes sont, parfois,
érigées en sanctuaires. Platon, dans le mythe de la Caverne,
s’en sert pour montrer combien il est difficile pour les hommes, enchaînés dans leurs illusions, d’accéder à la vérité et de la
partager. Ici, l’Agora (2019), en briques argentées, forme un antre où se cacher seul ou à plusieurs pour renouer avec un dialogue simple et direct, à l’abri des regards, loin des surveillances vidéos et des réseaux sociaux.
Les Noeuds sauvages
Avec son « collier-cicatrice » exposé dans le jardin de la collection
Peggy Guggenheim à Venise, en 1997, Jean-Michel Othoniel
adopte le module de la perle de verre soufflée, qui devient emblématique de ses oeuvres. À l’autre bout du monde, au Mexique, un jeune mathématicien, Aubin Arroyo se consacre, dans les années 2000, à une nouvelle théorie des reflets. Il
utilise l’image virtuelle de perles miroirs comme base à ses
calculs de « noeuds sauvages ». En 2015, grâce au hasard d’Internet,
les colliers noués d’Othoniel, et les images virtuelles d’Arroyo confrontent leurs troublantes ressemblances.
Les deux hommes décident de se rencontrer et entament de
riches échanges. En 2017, Othoniel conçoit le Noeud infini, une
sculpture de verre miroité, qu’il offre à la salle des mathématiques de l’université Nationale de Mexico (UNA), où Arroyo présente le fruit de ses recherches. Issues pour les unes, de l’oeuvre personnelle d’un artiste et pour l’autre de travaux mathématiques, ces formes présentent d’étonnantes similitudes, elles ouvrent sur la notion d’un univers sensible présent dans l’infini mathématique. Cette théorie des reflets invite à une vision cosmique du « mythe de Narcisse ».
Au cours de la séance plénière du mercredi 14 novembre 2018, l’Académie des beaux-arts a élu Jean-Michel Othoniel au 5e fauteuil précédemment occupé par Eugène Dodeigne (1923-2015), dans la section de Sculpture
Informations pratiques
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
Entrée libre et gratuite
Métro n°1 arrêt Champs Elysées Clémenceau
Partager la publication "Le Théorème de NarcisseJean-Michel Othoniel"