Gérard Fromanger

L’exposition se termine le 16 mai 2016
au centre Pompidou

Gérard Fromanger, Le désir est partout en Chine à Hu Xian 1974
Gérard Fromanger, Le désir est partout
en Chine à Hu Xian 1974

« Je pense que ce qui est le plus intéressant dans la vie, ce n’est pas l’impossible mais le possible, c’est l’amour des êtres, de l’énergie des choses… ça oui c’est moi. Comment est-ce que en peinture je peux parler de ça ? Comment est-ce que je peux dire ça ? »

Peut-être le tableau le plus célèbre de Fromanger, fait à partir d’une photo prise lors d’un voyage d’intellectuels et d’artistes français dans la Chine maoïste en 1974. Tout semble se passer comme si le regard des paysans-peintres chinois cherchait à croiser celui du spectateur pour mieux signaler leurs couleurs.

Au nom de Gérard Fromanger est attachée une série de motifs, de figures et d’événements qui tissent une histoire artistique, culturelle et sociale d’un demi-siècle : l’amitié de Jacques Prévert, Mai 68, des silhouettes rouges, des passants dans la ville, le jeu des couleurs, un film-tract culte réalisé avec Jean-Luc Godard, des textes de Gilles Deleuze, Michel Foucault et Félix Guattari, la figuration narrative, peinture et politique.

FromangerSi une pareille liste suffit à recomposer le décor, à recréer l’atmosphère dans lesquels l’œuvre de Fromanger gagne une large reconnaissance dans les années 1970, elle ne saurait toutefois définir le projet qui, par-delà les mutations fréquentes que l’œuvre a connues, affirme sa permanence : une peinture à la fois ouverte sur le monde et pleinement consciente d’elle-même. De 1964 à 2015, au travers d’une cinquantaine d’œuvres, dont certaines méconnues, l’exposition s’attache à rendre sensibles les différentes expressions de ce projet.
Gérard Fromanger
Le peintre appartient à une génération d’artistes français, que l’on pourrait qualifier de pop, et qu’un critique d’alors, Gérald Gassiot-­Talabot, baptisa en 1965 comme celle de la
« figuration narrative ». Il s’oppose au pop américain par son militantisme politique et social. Mai 1968 lui doit ses images les plus célèbres, produites à l’Ecole des beaux-arts de Paris en grève sous le nom du collectif L’atelier populaire. En retour à mai 1968 des amitiés et des appuis prestigieux, parmi le monde intellectuel , tels que les textes de Michel Foucault et Gilles Deleuze vont vers  Gérard Fromanger.
Gérard FromnagerIl entre à l’âge de 24 ans,  dans la prestigieuse galerie Maeght  avec Adami, grâce à son ami Jacques Prévert — l’amitié est pour ­Gérard Fromanger une composante essentielle de sa vie. La générosité est aussi l’une de ses qualités. Grand affichiste, puis la mode passe. Le marché et les institutions le délaissent. Dans les années 1980, une longue traversée du désert commence. Elle dure plus de vingt ans. Le marché bouge. Les cotes remontent. Des fondations privées, Leclerc (les hypermarchés) expose Monory puis Fromanger à Landerneau.
Beaubourg, enfin, lui ouvre le quatrième étage.
FromangerLa figuration narrative n’est pas un mouvement majeur, ni même innovant, de l’histoire de l’art. La plupart des artistes possèdent surtout un talent graphique. Ils décalquent les photographies, combinent les images et, pour beaucoup, les colorient en aplats. C’est parfois très percutant, comme la série de tableaux sur mai 1968 de Gérard Fromanger, où le peintre se montre grand affichiste. Sa toile monumentale De toutes les couleurs, peinture d’histoire (1991-1992) est sans doute son oeuvre la plus aboutie. Au-delà de ses qualités graphiques et de la complexité de sa composition, elle précise l’ambition secrète de Fromanger : être, à la manière des fresquistes du Moyen Age, un peintre pour le peuple, simplement.
Gerard FromangerCentrée sur les années 1960-70 et thématique, l’exposition d’une cinquantaine de pièces, montée par Michel Gauthier, commence par une évocation de l’importance de la couleur rouge dans l’œuvre de Gérard Fromanger. L’occasion de retrouver des tableaux peu vus comme ces acryliques sur bois découpé, qui posent avec humour la question de la matérialité de la peinture.
« Devenu le signe chaud d’une résistance de la vie contre la logique marchande qui s’empare de l’espace urbain », le rouge devient politique en mai 68. Fromanger colore en rouge les silhouettes des manifestants qu’il met en exergue dans ses affiches sérigraphiées réalisées au sein de l’Atelier populaire de l’École des Beaux-Arts.
Gerard FromangerAu milieu des années 1970, la série « Questions » s’attaque au rapport de l’art aux médias. Ainsi d’Existe, ce tableau où l’on voit des journalistes interroger un maelström incompréhensible de couleurs pures. Le côté séduisant de cette masse colorée fait oublier la dureté du sujet. Fromanger poursuit cette critique de la société de la communication avec l’immense toile De toutes les couleurs (1991), figurant la circulation accélérée des images et des informations.
Gerard Fromanger
Autoportrait de Gérard Fromanger, cette toile montre l’artiste projetant sur la toile un cliché de mutins sur le toit d’une prison. Suivant l’exemple d’un Michel Foucault ou d’un Jean-Paul Sartre, Fromanger choisit de s’engager dans des combats de société, ici la situation catastrophique de l’univers carcéral dans les années 1970.
La Grande Table sur France Culture : podcast
Gérard Fromanger : la passion picturale et le souci du monde

L’une des œuvres les plus radicales de cette rétrospective est Noir, nature morte évoquant le travail de Joseph Kosuth, qui fit en 1968 une œuvre d’art du simple mot art. Gérard Fromanger dresse ici une liste de noms d’artistes en une histoire de la peinture sans couleurs et sans images.
Gérard Fromanger
détail Noir, nature morte (1994-95),  « Gérard Fromanger »
Gérard Fromanger dans l’émission de Laure Adler sur France culture
Hors Champs


Gérard Fromanger, le Prince de Hombourgle rouge et le noir dans le Prince de Hombourg 1965

Gérard FromangerCorps à corps bleu, Paris Sienne (2003/2006)
(série Sens dessus sens dessous)

 
 

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.