jusqu’au dimanche 25 octobre 2015 en entrée libre, à la Filature de Mulhouse
Dans la famille Wagner, je demande l’arrière, arrière, arrière-petit-fils.
Né en 1982, celui qui s’appelle pour l’état-civil
Antoine Amadeus Wagner–Pasquier, est un photographe et cinéaste
installé à New York, qui s’est choisi pour nom d’artiste
Antoine Wagner, du nom de jeune fille de sa mère Eva.
Il a l’aspect du « wanderer » romantique des livrets de son illustre aïeul.
Le trentenaire a déjà de nombreuses expositions à son actif, ainsi qu’une
résidence à la Villa Médicis.
Son travail est montré actuellement au Museum für Völkerkunde Hamburg.
En 2013, Antoine Wagner part sur les lieux où son ancêtre a vécu, Zurich et Lucerne. Il rencontre historiens, musicologues, musiciens et amateurs éclairés. Puis, il se rend en haute montagne au contact d’une nature grandiose et violente, dans ces paysages qui ont été une profonde source d’inspiration pour le Maître de Bayreuth qui les admirait tant. Cette expédition a donné lieu au documentaire biographique et musical Wagner,
A Genius in Exile (vidéo) réalisé par Andy Sommer (Bel Air Classiques), mais aussi à de nombreux projets vidéo et photo.
Tout le travail d’Antoine Wagner depuis une dizaine d’années
pourrait se lire comme une suite d’explorations du geste musical. Ses projets, tels que Lisz[ :T :]rau ou Wagner : Common Denominator, sont marqués par cette envie de se confronter de façon formelle à la fabrication de la musique.
Avec l’exposition Cadences à La Filature, il propose aujourd’hui d’aller beaucoup plus loin dans sa démarche : il présente des oeuvres dans lesquelles il épouse les jeux de courbes et de lignes de partitions de musique classique en s’attachant à retrouver l’essence du compositeur. En parallèle, il montre des photographies de paysages dans lesquels il s’est attaché à retrouver les mouvements de plusieurs partitions qui font partie de son imaginaire depuis l’enfance. Cet ensemble cohérent se distingue par cette même recherche de la sensualité du geste créateur et son inscription dans une réalité, celle de la nature.
A Mulhouse nous pouvons suivre le périple de l’artiste, Antoine Wagner, sur les traces de son illustre trisaïeul, dans son exil en Suisse, lors de la composition de Parsifal, drame cosmique qui marque l’ultime étape de l’écriture wagnérienne.
Cette histoire est inspirée en partie du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, et de l’épopée médiévale Parzival de Wolfram von Eschenbach.
Vous pouvez en lire le résumé ci-dessous.
A la Filature son interprétation est personnelle, un Parsifal inédit, une mise en scène particulière avec des photos argentiques, avec en toile de fond la musique et un titre
» Kundry «
A W est parti du Journal de Cosima, et d’un livre écrit par Eva Rieger, qui décrivent
précisément les étapes du cheminement de Richard Wagner qui lui inspira son opéra.
L’artiste a arpenté en 2011, pendant un an les lieux visités par Wagner pendant les 10 ans de son exil suisse, où ’il est confronté seul à ses panoramas, venant d’un paysage plat, il découvre la montagne. R Wagner le dit très clairement que la force de la nature et ses paysages suisses sont l’idéal pour donner l’arrière plan à ses opéras, c’est le moment le plus inspirant de sa vie, seul, fragilisé, sans le sou, laissant Minna (sa première épouse) derrière lui, installé chez les Wesendonck , Mathilde W à laquelle il a dédié Tristan & Iseult, il rencontre Cosima von Bullow. Il se réconcilie avec Louis II de Bavière, qui lui donne accès à nouveau à l’Allemagne, et crée Bayreuth. Mais dès qu’ il a eu l’occasion de repartir quelque part, c’est la Suisse qui a eu sa préférence. La nature a toujours été sa source d’inspiration, derrière ses écrits, derrière ses visuels.
Les photos dans le couloir, se présentent comme l’ouverture de Parsifal, mystérieuses, étranges dans leur beauté singulière et atmosphère de légendes. On entend les notes s’égrener par delà, le brouillard et les nuages des Alpes suisses.
Les images sont issues du projet « Wagner in der Schweiz »
Certaines images viennent aussi de la côte amalfitaine, et de la Sicile sans que les
lieux ne soient précisés, alors que R W si était installé.
A W procède à une lecture symbolique de Parsifal, il a construit sa recherche pour revenir à l’essentiel, une mythologie universelle, qui trouve son essence dans la nature, bien au-delà des hommes, en privilégiant Kundry au détriment de Parsifal.
La mort du cygne est placé avant le début de l’acte 1, le drame est en place.
Aucun être vivant n’apparait, les 3 actes sont contés par les quatre éléments : l’eau, la terre, le feu, l’air.
L’agonie du Roi Amfortas installe une lumière déclinante et troublante. A l’inverse l’érotisme du dyptique incarne tout le mystère de la femme Kundry, elle devient essentielle.
En prenant le parti de l’associer à l’eau scintillante, la sorcière, pécheresse est absoute,
Elle porte en elle la solution et envoie Parsifal reconquérir la lance qui a tué l’animal
sacré. Les chevaliers du Graal sont placés dans cette forêt dense, aux fûts bien droits
où seul Parsifal, isolé est baigné de lumière.
Puis vient la tentation, suave, érotique sous forme de fleurs.
Puis c’est le périple de Kundry et Parsifal, dans des paysages aux courbures féminines,
dans un nouveau dytique. La confrontation entre Parsifal et Klingsor n’est pas évoquée,
on accède tout de suite à la lance, symbolisée par la grotte où le Rhin prend sa source, au Gothard, qui baigne dans l’eau.
Ayant résistés aux récifs, le grand rocher qui évoque l’Île aux morts de Böcklin, les deux héros reprennent leur route dans un paysage lunaire, infertile, terre de feu de l’Etna. Puis surgit le jardin de toutes les tentations, mais la lance résiste grâce à leur sagesse.
Il sauve Amfortas.
L’artiste place la femme au coeur du mythe, elle en est l’héroïne, l’érotisme est omniprésent. Nombreux tableaux de Kundry sont des visions anthropomorphiques
où l’artiste cherche dans le paysage une vision mythique de la femme.
Carole Blumenfeld : commissaire de l’exposition avec Emmanuel Walter
…. À bien des égards, le travail d’Antoine Wagner pourrait se lire comme celui d’un compositeur qui verrait le monde à travers une portée de notes. En réalité, le jeune photographe, vidéaste et installateur, va chercher dans le monde la musique de cette partition imaginaire – ou pas tout à fait – qui est au coeur de tout son processus de création. ….Carole Blumenfeld
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