Sommaire de juillet 2014

Patrick Bailly maître Grand, Les-Herbes
Patrick Bailly Maître Grand, Les-Herbes

04 juillet 2014 : Daniel Buren, Comme un jeu d’enfant, travaux in situ
06 juillet 2014 : SNCF bonjour !
08 juillet 2014 : Patrick Bailly-Maître-Grand – Colles et Chimères
14 juillet 2014  : Les 40 ans de la collection, Les 10 ans du Musée Frieder Burda
14 juillet 2014 : Le génie de la Bastille, génie de la Liberté
20 juillet 2014 : Charles Ray. Sculptures

Charles Ray. Sculptures

Charles Ray. Sculptures 1997–2014
au Kunstmuseum Basel et Museum für Gegenwartskunst
du 15 juin au 28 septembre 2014
Commissaire : Bernhard Mendes Bürgi


L’Américain, Charles Ray, est un des sculpteurs majeurs de notre temps. Après un siècle de dominance de l’abstraction sculpturale, il travaille la nouvelle figuration plastique.
Le Kunstmuseum Basel et le Museum für Gegenwartskunst présentent, en collaboration avec lArt Institute of Chicago, une vue d’ensemble de son travail depuis 1997. On retrouve des oeuvres telles que Unpainted Sculpture (1997) ou Boy with Frog (2009), mais aussi des nouvelles sculptures telles que Mime ou School Play, toutes deux de 2014, et qui sont l’aboutissement d’un processus s’inscrivant dans la longue durée.


Dans la tradition antique des bas-reliefs, Charles Ray, pieds nus, apporte à sa femme elle aussi pieds nus, un petit beaucoup de fleurs. Transposition d’une scène contemporaine et intime, tirée de l’album de famille. Réalisé en atelier, en fibre de verre, d’après des études photographiques,  la lumière provenait du côté gauche. Light from the left, joue poétiquement sur le fait, que sa femme se dresse à gauche sur la scène et apporte la lumière dans l’univers de l’artiste.


Young Man, 2012, un jeune homme qui se dresse dans un léger contraposto, mais qui s’éloigne du canon classique, avec un peu de graisse aux hanches, une barbe et la bouche entrouverte. La scupture est polie et reflète l’environnement et les visiteurs qui font partie de l’oeuvre.
Charles Ray, né en 1953 à Chicago, vit depuis 1981 à Los Angeles. Au centre de son univers fascinant, on trouve des principes sculpturaux et des questionnements liés à la proportion, la dimension, l’espace, le poids, l’intérieur, l’extérieur, moins que des considérations narratives. Après un siècle de dominance de l’abstraction sculpturale, il travaille – comme Katharina Fritsch( Zurich) ou Jeff Koons  (fondation beyeler)– la nouvelle figuration plastique, à l’exemple de sa statue en acier peinte en blanc Boy with Frog (2009) installée jusqu’à récemment sur la Punta della Dogana à Venise.


Associée à une réalisation époustouflante, la sculpture, dont il est impossible d’imaginer combien son poids est considérable, comporte une dimension intemporelle. On ne saisit pas au premier coup d’oeil que c’est de l’art contemporain, tant elle fait référence à l’antique.
Le Kunstmuseum Basel organise en collaboration avec l’Art Institut of Chicago pour la première fois depuis 2006, une grande exposition muséale de l’artiste américain, en se concentrant sur son travail entre 1997 et 2014.
Ses oeuvres précédentes, réalisées entre 1973 et 1993, ont été montrées en 1994 à travers l’Europe dans des expositions à Malmö, Londres, ainsi qu’aux Kunsthalle de Berne et Zurich. Elles ont présenté le cheminement de Ray depuis les performances liées à une mise à l’épreuve de soi et ses interactions, avec les éléments plastiques des années 1970, dont la trace est conservée par des photographies, jusqu’à Family Romance (1993), un groupe de personnages comprenant des parents et leurs deux jeunes enfants, troublants par leur taille identique, et qui se trouve aujourd’hui au Museum of Modern Art, New York.(vu au Palazzo Grassi)
Aux USA, ont eu lieu des expositions comparables en 1998/99 à New York, Los Angeles et Chicago, dans lesquelles furent aussi présentées des sculptures créées après la tournée européenne, comme Unpainted Sculpture (1997), aujourd’hui dans la collection du Walker Art Center, Minneapolis.


Unpainted Sculpture fait office de prélude à cette exposition : une voiture accidentée, une Pontiac, que l’artiste à réduite en morceaux en l’état, afin d’en copier chaque élément par des pièces en fibre de verre, puis il a reconstruit l’ensemble accidenté, méticuleusement à la recherche de la perfection. La sculpture repeinte en gris pale, apparaît comme un objet baroque, perdant la morbidité et la violence de son passé.

                               Charles Ray Aluminum Girl 2003

En outre, le visiteur est confronté par une figure féminine grandeur nature Aluminum Girl (2003), une statue sans socle en aluminium peinte en blanc, que l’artiste a justement réalisé, en parallèle de son travail sur Unpainted Sculpture, d’abord en bois peint.
La réflexion de Ray sur le canon de la figure humaine, qu’il associait jusqu’alors aux mannequins synthétiques des vitrines, acquière sous cette apparence sculpturale-ci, un air sublime qui la fait ressembler à l’antique. Pourtant, ce n’est nullement une figure idéale, elle possède la présence vivante d’une jeune fille lambda. Cette réalisation fait office, tout en perpétuant la longue tradition de la sculpture figurative,  d’oeuvre charnière dans le travail de Ray.
Les sculptures récentes sont façonnées dans un bloc massif d’acier inoxydableou d’aluminium et ne présentent plus de surface peinte : Shoe Tie (2012), la statue présentant un homme nu accroupi qui rattache des lacets imaginaires ;


Sleeping Woman (2012), la représentation d’une sans-abri, tombée dans un profond sommeil, allongée sur un banc, dans les rues de Santa Monica et la sculpture exposée la plus récente,

Mime (2014), la représentation d’une personne qui semble être endormie. Cela nous renvoie aux gisants.
Presque chacune des 15 sculptures exposées au Kunstmuseum et au Museum für Gegenwartskunst nécessite une salle entière pour trouver sa place, car chacune – après des années de travail et de nombreuses tentatives – est un élément solitaire sculptural et tout à la fois une nouvelle étape dans la confrontation artistique de Ray avec le monde.


Au Gegenwarthkunst, Hand Holding Egg, 2007
est une petite main d’enfant en porcelaine qui tient une petite coquille d’oeuf vide : « Semblable à un viel os poli par le temps qu’on trouverait dans le désert, l’oeuf est vide et l’animal, est parti, depuis longtemps » Charles Ray.


C’est un travail minutieux, qui allie la précision et le finissage de l’antique au réalisme du contemporain

Catalogue
Essais de Michael Fried, Richard Neer, James Rondeau et Anne M. Wagner, ainsi que de courts textes d’accompagnement par Charles Ray dans le catalogue, 160 p., 69 ill., 24 x 30 cm, Hardcover, éditions allemande et anglaise, Verlag Hatje Cantz.
Publication rendue possible grâce au soutien de Glenstone
Conférences dans le Kunstmuseum, Vortragssaal
17.09.2014, 18h30, Anne M. Wagner
23.09.2014, 18h30, Richard Neer 26.09.2014, 19h00, Charles Ray, Künstler-Reden #26
Exposition à l’Art Institute of Chicago
Charles Ray : Sculpture, 1997–2014. 17 mai – 4 octobre 2015

Les 40 ans de la collection, Les 10 ans du Musée Frieder Burda

jusqu’au 26 octobre 2014
Frieder Burda
De Picasso à Neo Rauch en passant par Richter, Polke et Baselitz : le Musée Frieder Burda et la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden célèbrent ensemble les 10 ans d’existence du Musée Frieder Burda avec une grande exposition anniversaire présentant des pièces maîtresses d’une collection n’ayant cessé de grandir depuis 40 ans.
Polke Porträt Frieder Burda
Fasciné par la couleur et ses possibilités d’expression émotionnelle, Frieder Burda commença il y plus de 40 ans à collectionner des oeuvres d’art. Entre-temps, sa collection rassemble quelque mille pièces d’art moderne et contemporain. Pour marquer ses 10 ans d’existence, le Musée Frieder Burda présente les pièces maîtresses de la collection dans le cadre d’une grande exposition anniversaire. Tout comme lors de l’exposition inaugurale en 2004, les oeuvres choisies sont à nouveau montrées dans les salles mêmes du musée, et dans la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden voisine, preuve du partenariat privilégié rassemblant la mission culturelle publique et l’engagement privé pour l’art.
Les commissaires de l’exposition sont Götz Adriani et Helmut Friedel.
Götz Adriani
Le Musée Frieder Burda, conçu par l’architecte new-yorkais Richard Meier et couronné par plusieurs prix d’architecture, a été inauguré en 2004 et ne cesse depuis de soulever l’enthousiasme des visiteurs en présentant la collection ou de prestigieuses expositions temporaires. Situé au coeur d‘un parcours culturel et artistique qui s’étend le long du célèbre parc de la Lichtentaler Allee, l’édifice éclatant de blancheur réunit de manière unique l’art et la nature grâce à de larges surfaces vitrées permettant de fascinantes perspectives.
Museum Frieder Burda, Baden-Baden
Les points forts de l’exposition anniversaire sont l’expressionnisme allemand, avec des oeuvres de Ernst Ludwig Kirchner, August Macke et Max Beckmann, des Picasso de la période tardive ainsi que des exemples de l’expressionisme abstrait américain représenté par Jackson Pollock, Willem de Kooning et Mark Rothko. La collection se penche aussi particulièrement sur des artistes allemands de renom international tels que Gerhard Richter, Georg Baselitz, Markus Lüpertz et Sigmar Polke, dont une sélection de chefs d’oeuvre est exposée.
August Macke
Parallèlement, l’exposition montre les dernières tendances de la peinture et photographie, représentées dans la collection notamment par des oeuvres de Gregory Crewdson, Axel Hütte, Karin Kneffel et Neo Rauch.
Parallèlement un hommage est rendu à l’architecture de Richard Meier dans le cadre d’une exposition particulière dans la galerie du musée.
Seront en outre exposés, à partir du 23 septembre 2014, les tout derniers travaux issus de l’Atelier d’art pour les enfants, conçus dans le musée pour offrir aux enfants une approche de l’art compréhensible, active et riche en découvertes.
Götz Adriani, qui assure conjointement avec Helmut Friedel le commissariat d’exposition, déclare, parlant de la sélection des oeuvres :
« La merveilleuse collection Frieder Burda pousse pratiquement à créer des lignes de force dans l’exposition et à mettre en scène des confrontations passionnantes. L’un de ces points forts sera la peinture de Gerhard Richter dans la grande salle du musée, où sont exposées des oeuvres majeures datant de toute la période de création de ces 50 dernières années.
Richter Abstraktes Bild
La dernière période de Picasso occupe une place particulière dans la partie du musée dite « mezzanine ». Götz Adriani poursuit : « dans les salles supérieures, en partant de l’expressionnisme allemand et d’oeuvres de Max Beckmann, Ernst Ludwig Kirchner ou August Macke, nous confrontons l’expressionisme abstrait américain des années 50, soit des oeuvres centrales de Jackson Pollock, Mark Rothko, Willem de Kooning ou Clyfford Still, aux tendances figuratives du Pop Art qui apparurent directement après, celles d’un Robert Rauschenberg, d’un Malcolm Morley et d’un Bill Copley. »
de Kooning Untitled X
Dans les salles de la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden, Helmut Friedel concentre son choix essentiellement sur les pièces les plus importantes de l’art allemand dans la Collection Frieder Burda. La salle principale est consacrée à Sigmar Polke,
Polke Rasterkopf
elle-même suivie de salles occupées par des tableaux et sculptures de Georg Baselitz et Eugen Schönebeck, puis d’une petite pièce avec des travaux de membres du groupe Zero, Adolf Luther, Heinz Mack et Günther Uecker. Des travaux de Markus Lüpertz, William N. Coplex et Arnulf Rainer, tout comme quelques oeuvres représentatives d’artistes de la nouvelle génération, tels Neo Rauch ou Karin Kneffel, sont exposés dans d’autres petites pièces.
Baselitz Der Hirte
Point fort enfin, une salle abrite certains des premiers tableaux de Gerhard Richter et des sculptures de Isa Genzken. Helmut Friedel s‘est penché d’une part sur les conditions architecturales différentes pour l’exposition de tableaux offertes par l’imposte de la Kunsthalle, édifice historique, et se distinguant du lumineux ouvrage de Richard Meier.
Helmut Friedel
Au-delà, c’est la collection elle-même qui le fascine, reflet de l’histoire de la peinture allemande depuis l’après-guerre. « Dans la collection Frieder Burda, » déclare-t-il, « c’est l’esprit de l’ancienne RFA qui est représenté de manière inimitable, avec tout son lourd passé mais surtout avec tout son optimisme. L’ère Adenauer, la République de Bonn sont inséparables de la réussite économique tout comme des premières leçons encaissées en retour. » Dans ce contexte, Helmut Friedel a suivi la trace des diverses spécificités et lignes de liaison des oeuvres peintes, telles qu’elles traversent la collection Frieder Burda : de l’intégration du matériel dans la surface du tableau, en commençant par le groupe Zero aux frontières fluides entre figuration et abstraction chez Richter, au caractère sémiologique chez Polke et jusqu’à la brutalité chez Rainer.
Museum Frieder Burda
· Lichtentaler Allee 8 b
· 76530 Baden-Baden Telefon:
+49 (0) 72 21/3 98 98-0 · Fax: +49 (0) 72 21/3 98 98-30
· www.museum-frieder-burda.de
 
Heures d’ouverture
du mardi au dimanche
10 h 18 h
fermé le lundi sauf férié
passmusées
photos de l’auteur et courtoisie du musée Frieder Burda

Le génie de la Bastille, génie de la Liberté

Le génie de la Bastille , génie de la Liberté
14 juillet
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Patrick Bailly-Maître-Grand – Colles et Chimères

28 juin – 19 octobre 2014
Une exposition à ne rater sous aucun prétexte
C’est en 2012 que le photographe Patrick Bailly-Maître-Grand (son site) a entrepris de donner à la Ville de Strasbourg, où il s’est établi il y a plus de trente ans, une centaine d’oeuvres qui ont rejoint depuis les cimaises du Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg.
Une de mes rencontres avec Patrick Bailly Maître Grand
Patrick Bailly Maître Grand
De formation scientifique mais aussi peintre à ses débuts, Patrick Bailly-Maître-Grand fait partie du courant des photographes expérimentateurs qui, dans les années 1980, ont choisi d’opter pour une démarche réflexive sur l’histoire et la technique du médium. L’exposition « Colles et Chimères » consiste ainsi non seulement en une présentation de la donation mais aussi en une rétrospective qui permet d’aborder de façon plus exhaustive la diversité de la pratique de Patrick Bailly-Maître-Grand qui passe autant par une interprétation des secrets des origines de la photographie – daguerréotypes, rayogrammes, chronophotographies de Marey … – que par l’exploration de techniques complexes –périphotographie, solarisation… Vivant et travaillant à Strasbourg depuis 30 ans, Patrick Bailly-Maître-Grand a des liens forts avec cette ville qui transparaissent dans nombre de ses séries photographiques à l’instar de l’Hommage à Arp (1988) –où le photographe rend hommage au grand artiste strasbourgeois, membre des mouvements dada et surréaliste, à travers un jeu sur les volutes « arpiennes » d’un bouillon gras dans lequel surnagent les lettres « A, R, P ».
Patrick Bailly maître Grand, Hommage à Arp
Mais les sujets explorés par Patrick Bailly-Maître-Grand dépassent largement le cadre de ce patrimoine historique et culturel local et s’emparent de thématiques valorisant l’étrange voire le surréel à travers des photographies qui métamorphosent les objets du quotidien ou ceux chinés dans les brocantes. L’aléatoire, l’insolite et l’humour font partie intégrante de son oeuvre où sourd également une réflexion profonde sur le passage du temps, nourrie par la recherche de nouveaux modes de construction, de mises en scène et de compréhension de l’image photographique ainsi qu’en témoigne par exemple le triptyque Repérage (2004), réflexion autour du thème de la vanité.
Privilégiant l’empreinte du réel de l’analogique à « l’emprunt au réel » du numérique, Patrick Bailly-Maître- Grand fabrique des « machines à distraire » tout en revendiquant une vision du monde duelle, enjouée et mélancolique, tout autant celle d’un bricoleur que d’un esthète raffiné.
Patrick Bailly-Maître-Grand est né le 1er février 1945 à Paris. Son nom, patronyme et non pseudonyme comme nombreux l’ont cru, lui vient de ses origines franc-comtoises. Une grande maison de famille dans le Haut-Jura est le décor de son enfance
Parcours de l’exposition
L’exposition réunit non seulement les oeuvres issues de la donation mais également des séries qui complémentent le regard sur une carrière photographique de plus d’une trentaine d’années.
Cette rétrospective s’organise donc selon quinze sujets déterminés par l’artiste et qui rendent compte de ses obsessions autant formelles que thématiques.
La scénographie de l’exposition a été pensée par Patrick Bailly-Maître-Grand.
1. Rez-de-chaussée
Du classique
Pour ses premières approches avec l’outil photographique émancipé de la tutelle du dessin – sa première passion artistique -, PBMG flâne en ville afin de capter avec son objectif des associations fortuites d’objets, de formes, qui en appellent à la rêverie.
Cette période « cueillette de champignons-images », ainsi que la définit l’artiste, l’incite à déceler l’insolite dans des jeux d’ombres, dans un fragment de moulures, ou encore à instiller du fictionnel dans des lieux ou des univers traversés par Louis-Ferdinand Céline.
Du daguerréotype
Révélée par Louis Daguerre en 1839, cette technique d’enregistrement de l’image sur une plaque d’argent polie est un procédé à tirage unique puisque non reproductible par duplication ultérieure. A l’origine même de l’essor et de la démocratisation de la photographie, le daguerréotype a connu un vrai triomphe, détrônant la peinture dans le genre du portrait grâce à sa précision inouïe. Mais l’engouement qu’il suscita n’a duré qu’une vingtaine d’années. En utilisant cette technique obsolète, caduque, PBMG réactive un temps sa magie, sa préciosité, au service d’une iconographie presque banale – murs lépreux ou aveugles, graffitis, amoncellement d’outils… – et redonne à l’écume de notre quotidien la grâce d’une icône.
Patrick Bailly Maître Grand, daguerotype
Du virage
Le virage est un traitement chimique complémentaire intervenant lors du développement d’un tirage photographique noir et blanc sur papier, dans le but de donner une couleur dominante à l’épreuve (sépia, bleue, vert…). En optant pour un virage par zone, PBMG accentue la sensualité des volutes d’un bouillon gras pour les associer à la sculpture de Jean Arp, rapproche la teinte verte du cuivre oxydé de la Statue de la Liberté de celle d’un chewing-gum et sature les couleurs de ses Baux de Provence pour les inscrire dans une lignée picturale.
PBMG Hommage à Arp
Le nombre et le hasard
La mouche et la fourmi sont les protagonistes de plusieurs séries de PBMG, à l’instar d’autres insectes, dont le photographe ne cesse de louer la persévérance ou la précision des mouvements. Immortalisées en recourant à des techniques diverses – rayogrammes, virages… – ces petites bêtes incarnent à elles seules la dualité de l’oeuvre de PBMG ainsi que le souligne le titre retenu pour cette section : une grande rigueur d’exécution au service de la description des aléas de l’existence.
PBM
Colles et chimères
Le regroupement de ces huit séries qui donne son titre à l’exposition conjugue le raffinement dans le rendu des images obtenu par l’usage de nombreux virages et la mélancolie funèbre qui émane des sujets photographiés : un matelas ensanglanté qui dévoile progressivement ses entrailles, des poupées cassées… Outre la mise en scène d’objets trouvés comme ces netsuké, simples bouts de bois mangés par les vers qu’il a transformé en précieux éléments de la garde-robe japonaise, PBMG affirme aussi son goût pour le « bricolage » : désosser une chaussure, transformer un kimono en camisole de force, coudre des petits sacs qui scelleront nos secrets, autant d’actions qui requièrent de la « colle » pour mieux faire naître des « chimères ».
Patrick Bailly Maître Grand, les nersuké
De l’ombre immédiate
La technique du rayogramme retenue ici par PBMG consiste à s’affranchir de l’appareil photographique en plaçant directement des objets sur une surface photosensible que l’on exposera ensuite à la lumière. Ce retour aux origines techniques de l’image s’accompagne aussi chez PBMG d’un clin d’oeil à l’histoire de la photographie puisque la citation de l’ouvrage du pionnier anglais Henry Fox Talbot, The Pencil of nature, est évidemment présente dans Les Herbes. De même, on perçoit dans les trois séries présentées ici l’impact de l’Orient, des images du monde flottant et d’un rapport calligraphique à la lumière dans l’oeuvre de PBMG.
Patric Bailly Maitre Grand, Les Herbes
Digiphales
Ces dix doigts se dressent face à nous comme des menhirs provoquant un trouble lié d’une part, au changement d’échelle qui élève ces extrémités au rang de monument, d’autre part, à l’évocation de la blessure et de la difformité. Le traitement technique avec une inversion par solarisation et de multiples virages contribue à renforcer l’aspect minéral des photographies et confère à l’agencement de ces doigts la gravité sereine d’un lieu de culte païen. L’ensemble original est constitué de dix éléments, sur le principe des dix doigts de la main, mais ici, s’adaptant à l’espace disponible, l’artiste a choisi de réduire la présentation à huit doigts-menhirs, afin de conserver au mieux l’idée d’arc de cercle, en résonance souhaitée avec le site mégalithique de Stonehenge.
Patrick bailly Maître Grand
2. Mezzanine
De la cinétique en gelée
Ici est mis en lumière l’autre thème de prédilection de PBMG : la captation du mouvement grâce à l’appareil photographique. En jouant des effets d’oscillation de l’eau ou d’un balancier de pendule, en figeant dans leur explosion des assiettes ou des sacs de plâtre, ou encore en immortalisant les infimes variations de rotation d’une chaise, le photographe s’inscrit clairement dans la lignée des photographes expérimentateurs. Il réactualise les préoccupations de l’astronome Jules Janssen quand il photographiait les mouvements de révolution de la lune ou de Marey dans ses chronophotographies et cherche à susciter des associations d’idées face au surgissement dans l’eau ou le plâtre de formes inédites.
Patrick Bailly Maître Grand, Les Rocking Chairs
Vanités
Squelettes, crânes, dessins d’anatomie ou prothèses constituent quelques uns des objets du musée des vanités du photographe. L’humour noir que l’on décèle dans certaines des oeuvres comme Repérage rapproche les réflexions macabres de PBMG de celle des Surréalistes. Ainsi, dans le Péripatéticien, on assiste à la rencontre insolite entre un squelette et une paire de jambes orthopédiques, rappelant au passage l’importance que revêt la question de l’objet trouvé ou chiné dans les brocantes chez le photographe.
Auteur de ce qu’il nomme des « machines à distraire », PBMG trouve par la photographie un moyen de conjurer l’angoisse de la mort.
Patrick Bailly Maître Grand, peripateticien
De face
De cette galerie de visages, on retient avant tout la puissance expressive plus que le détail des traits. En effet, la majorité des modèles sont inanimés – visages de poupées, de mannequins en cire ou en plastique… – ou alors réduit à l’état de spectres, d’auras.
Au-delà de la première lecture qui renvoie inexorablement à l’idée de la disparition et de la mort ainsi que le suggère Les Véroniques faisant référence à la vraie icône, celle du visage du Christ sur son linceul, ce que cherche à capter PBMG c’est le souffle rémanent de la vie, ce moment d’extase ou de petite mort palpable dans les Comas ou dans la puissance du regard de ces figurines anthropomorphes.
Patrick Bailly Maître Grand, les Véronique
De l’empreinte
Toujours trace d’une relation singulière, d’un corps spécifique, l’empreinte est l’essence même de la photographie qui se définit avant tout par sa nature indicielle. Afin de fixer cette mémoire des formes, PBMG emploie souvent une résine transparente qui moule les reliefs et est ensuite placée sous l’agrandisseur.
Les Codex – empreinte en résine de circuits électroniques – que le photographe assimile à des tablettes assyriennes deviennent ici l’allégorie d’une technologie présente constamment vouée à l’obsolescence : un pied de nez du photographe fidèle à l’argentique à ses condisciples passés au numérique ?
Patrick Bailly Maître Grand, les Codex
Tourner autour du pot
C’est avec Formol’s band que PBMG se fait véritablement une place dans le monde de la photographie au milieu des années 80.
Patrick bailly Ma^tre Grand, Formol
Achetée par le Centre Pompidou et par le MoMA, cette série provoque un fort engouement lié à la singularité de la technique de prise de vue employée par l’artiste :
la périphotographie. Cette captation continue à 360 degrés, à travers une fente longitudinale, d’un objet animé d’un mouvement de rotation régulier sur lui-même, donne naissance à de déroutantes vanités  modernes.
Cette mise à plat d’animaux conservés dans du formol, de squelettes ou de crânes, en condensant l’espace-temps, offre une vision distordue, abstraite de la vie.
Train de lumière-Train de nuit
Seconde installation photographique monumentale de l’exposition, cette locomotive est née d’une rencontre du photographe avec un groupe de jeunes amateurs de photographie de Bischwiller, rassemblés sous le sigle : GRAPH. Plus de 280 images composent cette oeuvre. Elles ont été obtenues en photographiant de nuit le train « PLM Nord 231 » au moyen d’une tourelle mobile de 5 mètres supportant un rail vertical gradué. Grâce à la photographie, cette imposante locomotive devient presque spectrale, une sculpture de lumière.
PBMG le train
Les fenêtres souvent
« Les fenêtres souvent se ferment en riant, se ferment en criant… » chantait Jacques Brel que le photographe cite ici sciemment pour évoquer l’un des éléments récurrents de son iconographie : la fenêtre. Tantôt transparente, tantôt miroir aveugle, parfois support de dessins urbains, la fenêtre devient chez PBMG la métaphore de l’acte photographique et de ses possibles : elle offre un cadre au photographe-spectateur mais aussi un lieu d’évasion.
Dans Les gouttes de Niépce, c’est l’optique photographique –
« cette lentille de verre capable de redessiner tout un paysage extérieur sur un plan » – traduite dans un peu de gélatine alimentaire, qui permet à PBMG d’ouvrir une fenêtre sur le monde.
Patrick Bailly Maître Grand
Monotypes directs
Le troublant jeu d’empreinte qu’occasionne le monotype direct dans ces deux séries photographiques ne permet pas de déterminer si une zone sombre signifie absence de lumière en positif ou, au contraire, lumière en négatif. Jouant des ambigüités de l’absence et de la présence, PBMG conçoit ici ses images comme des apparitions. Dans les Maximiliennes, cette réflexion sur le passage du temps se double d’une référence à une photographie de François Aubert, célèbre au XIXe siècle et représentant, clouée sur une porte, la chemise de l’empereur Maximilien d’Autriche, fusillé par des révolutionnaires au Mexique..
Commissariat : Héloïse Conésa, conservatrice au MAMCS
Cette exposition est organisée en partenariat avec le Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône qui présente également du 21 juin au 21 septembre 2014 une exposition consacrée à Patrick Bailly-Maître- Grand, donateur à cette institution d’une centaine d’oeuvres ainsi que d’une partie de sa collection de photographies anonymes en 2012.
 
 
Horaires :
du mardi au dimanche de 10h à 18h
– Fermé le lundi
Tarifs :7 euros / 3,5 euros (réduit)
Musée d’Art moderne et contemporain
1 place Hans-Jean Arp / tél. 03 88 23 31 31
www.musees.strasbourg.eu
 

SNCF bonjour !

SNCF (vidéo) ou l’art de la patience et du gag
Si vous perdez votre carte voyageur, Carte Voyageuroù se trouvent vos e-billets pour un voyage immédiat, armez-vous de patience. Si de surcroit vous avez achetez vos billets au guichet, parce qu’il vous fallait récupérer un
« bon » de voyage du à un retard de TGV, l’aventure se corse déjà. Dès l’achat de mon billet j’ai bénéficié à l’aller d’une réduction de 20 % grâce à ma fidélité à l’entreprise sus-nommée. Mais pour le retour rien, aussi arrivée chez moi, j’annule ce retour, constatant que j’avais un autre mail me faisant bénéficier d’une remise de 20 %. Je reprends donc un billet retour par Internet. Comme les billets achetés au guichet et annulés ne sont remboursables qu’au guichet, je me rends au guichet afin de récupérer mon avoir. Mais là tout se complique, car pour récupérer mon du, il faut remplir un formulaire avec pièces jointes (que je n’ai pas, car le billet se trouve sur la carte voyageur perdue). La guichetière pleine de bonne volonté, met ¼ d’heure à trouver le formulaire, pendant que la triple file s’impatiente derrière moi.
photo
J’avais fait plusieurs tentatives pour trouver le meilleur moment sans trop d’affluence, mais sans succès. Ensuite je m’étonne pourquoi ne pas me rembourser immédiatement avec un chèque ?
Etant donné que j’avais « bénéficié d’un bon » pour le règlement de mes billets, je ne peux être remboursée immédiatement, il faut passer par le service clients, d’où formulaire. Lorsque j’aurai réceptionné le chèque de remboursement je devrais revenir acheter mes billets au guichet, autrement dit, c’est le cycle infernal.
C’est une hôtesse d’accueil qui me montre sur un pc, – qui ne fonctionne pas,  😥   la procédure de signalisation de perte de ma carte voyageur. Disons-le tout de suite, elle me prend de haut, comme une arriérée débile et vieillissante. Sur son 2e pc, elle démarre la procédure, en orthographiant mal mon prénom … puis la bête (pc) est récalcitrante, elle refuse d’enregistrer ma perte. Conseil de la charmante hôtesse, essayez vous-mêmes chez vous, si vous avez un ordinateur et si vous savez comment faire,
ok j’avais essayé la veille, mais comme le site était over surbooké à cause des billets à 35 €, je n’y suis pas parvenue. Entretemps j’avais téléchargé mes billets sur l’application Iphone.
Arrivée chez moi, je procède à la déclaration de perte qui cette fois fonctionne, mais je n’ai qu’une vague confirmation par mail, qui ne précise, ni la perte, ni la date de réception de la carte de remplacement.
Voyageur Iphone
J’appelle la SNCF au numéro surtaxé, j’attends un bon quart d’heure avant qu’on me raccroche au nez. Je rappelle, au bout d’un certain temps une charmante hôtesse me réponds, surprise : elle est aimable ! Elle m’apprend qu’elle ne peut rien pour moi, que je dois m’adresser au service client fidélité et me relie directement au  service. Là c’est plus habituel, manifestement je dérange, j’explique ma situation, de voyageuse sans carte, de voyage presque immédiat et sans billets, sauf sur l’Iphone. Elle me répond, qu’il me faut absolument la carte voyageur, m’indique le nouveau n° de fidélité, et m’assure que le service d’envoi y procédera dans 3 semaines à peu près.
Comme j’ai voulu acheter un nouveau voyage, sur le site de la SNCF, voulant bénéficié des 35 €, cela fonctionne pour l’aller, mais pour le retour, c’est plein pot, il ne m’est plus proposé la case « senior » Or je n’ai pas perdu la carte senior, mais la carte fidélité. Elle m’oriente vers le service informatique de la SNCF. La personne m’explique que je ne dois pas passer par mon compte pour réserver, et comme par enchantement la rubrique senior peut être sélectionnée, (ça m’avait effleuré)  quant à mes billets volatiles, il me faut la carte fidélité, aussi je n’ai qu’à aller aux bornes jaunes de la gare et les imprimer.
J’avais bien déjà essayé, mais je m’y rends une nouvelles fois, sans succès.
Pleine d’espoir je me rends au guichet une nouvelle fois, armée de patience, puis le guichetier me propose d’annuler mon billet et d’en refaire un nouveau, à mes risques et périls ! Puis muni d’une soudaine inspiration, il me conseille, d’aller sur le quai n°7, où va entrer en gare le TGV allant à Marseille.

PBMG le train, MAMCS
PBMG le train, MAMCS

Les contrôleurs descendent sur le quai, je n’ai qu’à interroger l’un d’eux et lui montrer mon e-billet sur l’Iphone avec le code barre. Je m’y rends, l’escalier roulant et l’ascenseur sont en panne, les voyageurs traînent leurs lourdes valises, flanqués de leurs enfants, dans l’escalier. Le TGV arrive, les contrôleurs sont amassées en tête de train, et là mon sauveur me dit : c’est tout bon, le nom sur l’Iphone suffit avec l’indication du voyage, de toute façon le contrôleur aura l’information.
Je retourne au guichet pour confirmer la chose au guichetier au bon sens inné.
Je remercie Hermes et Mercure d’avoir été clément avec moi !  😀
Toujours aventureuse, j’avais déjà acheté un nouveau voyage, il y a 3 jours, sur Internet où la fonction e-billet n’était pas proposée, mais le retrait en gare (une prémonition ?).
Ce matin nouveau mail de la SNCF qui me gratifie d’une réduction de 30 % à utiliser avant le 14 juillet !!!  👿
Merci à ceux qui sont allés jusqu’au bout de la chronique

Daniel Buren, Comme un jeu d’enfant, travaux in situ

Le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg accueille pour six mois une exposition de l’artiste Daniel Buren.
jusqu’au 4 janvier 2015


LUMIERE « Comme souvent dans mes travaux, l’oeuvre dépend non seulement du lieu, mais aussi du climat, de la lumière, du soleil, des nuages, de la pluie, etc. C’est l’ensemble de ces manifestations atmosphériques qui marque l’oeuvre et c’est la comparaison des effets, les uns par rapport aux autres, qui, finalement, fait l’oeuvre ; même si chacun peut préférer un état à un autre. » Daniel Buren, in Monumenta 2012, Excentrique(s), Travail in situ, Grand Palais, CNAP-RMN, 2012, p18.


COULEUR « Pour moi, la couleur, c’est de la pensée pure, donc totalement indicible. Toute aussi abstraite qu’une formule mathématique ou un concept philosophique. Il y a peu d’autres choses totalement indicibles dans l’art, si ce n’est le résultat plastique de la combinaison des sensations, de la compréhension et du jeu avec l’espace. […] Dans le domaine de la couleur, objectivement, on peut constater que peu d’artistes arrivent vraiment à faire quelque chose. La couleur est un vaste problème, il me semble difficile de lui appliquer des règles. Y en a-t-il ? À chaque instant, la couleur doit s’inventer. Il n’existe pas de gardefous. » Entretien avec Jérôme Sans, in Au sujet de…, 1998, Flammarion, pp. 178-180
Considéré comme l’un des artistes les plus importants de la scène contemporaine,
Daniel Buren (né en 1938) est l’auteur d’une œuvre plastique et théorique considérable dont l’apport le plus emblématique pourrait, très sommairement, se résumer à sa compréhension et son usage de la notion d’in situ.
Après une rapide formation à l’Ecole des métiers d’art, Daniel Buren questionne, tôt dans les années 1960, les limites de la peinture. Usant d’une grammaire réduite à l’essentiel, basée, dès 1967, sur l’utilisation de bandes invariablement espacées de 8,7 cm qu’il définit comme son outil visuel, Buren développe, depuis lors, une œuvre d’une rigueur et d’une cohérence exceptionnelles, qui peut se lire comme une approche plurielle du contexte d’apparition des œuvres.


L’exposition « Comme un jeu d’enfant, travaux in situ », intervention dans un des bâtiments symboliques de la ville de Strasbourg, présente deux nouvelles œuvres conçues par Daniel Buren pour le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg (MAMCS). Celles-ci se déploient respectivement sur les 1500 m2 de la façade vitrée du MAMCS, transformant le musée en une sorte de cathédrale, aux vitraux multicolores, la verrière étant animée et rythmée par des carreaux de couleurs prédéfinies, (5 couleurs + les bandes rayées) comme un damier, qui jouent avec la luminosité et se déplacent au rythme de l’heure, jusqu’à envahir tout le sol, comme dans une nef. Les couleurs sont mises par ordre alphabétique du pays ou Daniel Buren intervient (bleu, jaune, rose, rouge, vert, rayures) en commençant par  le haut, en tournant autour et en recommençant.Daniel Buren parle lui-même de nef en évoquant l’architecture du MAMCS.


Les 600 m2 de la salle d’exposition temporaire quant à eux sont transformés en un village, en miroir, un côté d’un blanc immaculé, l’autre côté identique aux couleurs prédéfinies, , dans une ordre précis,  et aux dimensions exactement semblables, qui est le propre du travail de Buren.
Le projet est constitué en deux parties, très complémentaires l’une de l’autre, offrant dans les deux cas, la possibilité au visiteur de redécouvrir l’architecture et les espaces d’exposition temporaire du musée sous un nouveau jour.
Daniel Buren réalise, avec cette double exposition, un travail in situ qui allie compréhension de l’existant et affirmation d’une proposition sculpturale.
Ce faisant, il offre au MAMCS, après ses interventions récentes à Istres et Guadalajara, l’une des œuvres les plus ludiques de sa carrière.


L’exposition s’accompagne d’un catalogue qui présente une sélection d’oeuvres, de 1971 à nos jours, engagées dans un dialogue étroit avec l’architecture, incluant un texte de Marie-Ange Brayer ainsi qu’un entretien inédit de Daniel Buren avec Patrick Bouchain, Joëlle Pijaudier-Cabot et Estelle Pietrzyk.


« Comme un jeu d’enfant, travaux in situ » au MAMCS de Strasbourg est constitué de modules en bois aux formes géométriques élémentaires – cube, cylindre, cône – qui s’empilent pour donner lieu à des constructions architecturales, comme celles que l’on construit, enfant, avec des cubes en bois. Ces modules géométriques se donnent entre la modélisation de la maquette et l’échelle de l’architecture : trop grands pour être un jeu de construction et trop petits pour valoir comme architecture. Pourtant, anthropomorphiques, ils se donnent comme un espace habitable, invitant les visiteurs à les traverser. Leur répartition sur un damier se donne de manière chiasmatique : une moitié accueille les modules de couleur et l’autre, ceux en blanc. La grille élabore une topographie artificielle à la mobilité potentielle. Le principe du jeu induit aussi une instabilité formelle. C’est l’expérience de l’espace à travers la déambulation qui réunira les deux parties et activera l’ensemble du jeu de construction. Comme un jeu d’enfant nous renvoie au « kindergarten » de blocs de Froebel, jeu d’apprentissage de l’espace, associant architecture et créativité, qui prend son essor au milieu du XIXe siècle et marquera toute l’histoire de l’architecture moderne. A partir de ce principe de jeu agrandi à l’échelle humaine, Buren composa un espace isotrope qui acte la disparition d’échelle et la différenciation d’usage entre maquette, jeu, mobilier, architecture. Les blocs géométriques en bois modélisent un espace commun avec des rues, des arches, des places, des points de vue qui vectorialisent l’espace. Le jeu de construction est devenu un jeu de déconstruction de l’objet architectonique et de reconstruction d’un espace
« public »,
ouvert et recomposable à l’infini.
Comme un jeu d’enfant Entretien du 16 avril 2014 entre Daniel Buren, Patrick Bouchain, Joëlle Pijaudier-Cabot et Estelle Pietrzyk (extraits).

JPC : Pour en revenir à cette deuxième oeuvre qui occupe la salle d’exposition temporaire, peut-on, la considérer comme un travail situé, dans l’esprit et dans la continuité des cabanes ? Comme les cabanes, on pourrait en effet la transposer dans un autre espace d’exposition.
DB La plupart du temps, il est impossible, dans mes interventions, d’isoler un élément du reste du travail ni de le transférer dans un autre lieu. Ici, à la différence de la majorité des pièces que j’ai pu faire, on pourrait envisager que certaines portions de ces constructions enfantines, ellesmêmes faites à partir d’éléments autonomes – cubes, parallélépipèdes, cylindres, pyramides, arches,… – puissent exister de façon isolée. [Il montre un dessin] Mais si j’isole un élément, ça deviendrait un objet et seulement un objet pour lui-même, ce qui ne m’intéresse pas. De ces éléments, je fais une construction, au sens fondamental du terme latin constructio, qui veut dire assemblage, en jouant avez des dizaines et des dizaines de combinatoires possibles. Je ne pense pas qu’il faille présenter ce travail ainsi, je ne souhaite pas le disperser en petites entités. Cependant, je ne l’imagine pas non plus rester dans la forme figée que tous ces éléments auront ensemble à Strasbourg. […]
Commissariat : Joëlle Pijaudier-Cabot, directrice des Musées de Strasbourg et Estelle Pietrzyk, conservatrice du MAMCS

Photos de l’auteur courtoisie du MAMCS