Play-Back d’Eden – Gloria Friedmann

La première œuvre de Gloria Friedmann que l’on voit en entrant dans le parc de sculptures de la Fondation Maeght, est « les Inséparables » avec lesquelles elle s’intègre naturellement. (si on connaît les autres) C’est un singe qui nous regarde moqueur, assis confortablement sur une tête d’homme. Le matériau de terre se marie avec le mur en briques, pendant que la sculpture baigne dans l’eau sur son socle. Le crâne est plat afin d’apporter plus de confort au singe. Menaçant ou mise à niveau de l’homme avec le primate ?

Le thème du singe est repris sous une autre forme, un petit macaque se regarde dans un miroir, si l’on se penche pour y regarder, c’est son propre visage qui apparaît, à côté du singe. Ironie de l’artiste sur notre vanité, qui nous pose à égalité avec l’animal ?
« Toi et moi »

Gloria Friedmann © Toi et Moi – animal naturalisé, miroir, acier, 140 x 55 x 35 cm Adagp. Paris 2013

Un dessin au fusain « LSD I » nous montre un petit singe qui jongle et danse sur la main d’un personnage dont le visage n’est pas défini.
« L’oeuvre de Gloria Friedmann est un théâtre où les hommes et les animaux dialoguent, conscients d’appartenir au même espace, conscients d’avoir la capacité d’user de leur intelligence, même si cela est souvent nié. Dans une sorte de fiction en acte, Gloria Friedmann s’interroge sur leur histoire commune ou ce qu’il en reste, à travers leurs ossements découverts ici ou là. Héritière de certains collages photographiques Dada (Hannah Höch, Raoul Haussmann), Gloria Friedmann propose une pensée du cosmos très vivante et très contemporaine. Je suis heureux que cette artiste sur le « qui vive » ait accepté notre invitation : son exposition délivre autant d’intelligence sur le sort du monde que de tendresse vis-à-vis de notre condition d’être vivant » commente Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght.
Un homme en pied vêtu d’un pardessus froissé est muni d’un long chapelet de clés,
« L’Intouchable » ouvre l’exposition intérieure, il tient un chapelet de clés, St Pierre ? en principe son attribut se résume à une clé de grande taille. A t’il les clés pour nous ouvrir ses pensées et réflexions, car son front est troué d’une serrure ? Il est seul, isolé, il nous interpelle.
loria Friedmann © l’Intouchable plâtre acier crylique 203 x 50 x 60 Adagp Paris 2013

Dans une autre salle un dessin au fusain nous montre « No Men’s Land II) encore un homme dans un tourbillon d’eau, encerclé, au-dessus de sa tête un petit cercle comme une auréole.
Le long des murs (des peintures en terre) courent des squelettes, des animaux, une tête d’homme surmontée d’un serpent, ou d’un oiseau, sorte de sarabande ou « Totentanz » Dans le fond, un homme surmonté d’un squelette au bec conique rouge « Attraction fatale » qui l’enserre de ses membres osseux, fait pendant avec une femme la
« Matrix » portant une sphère en terre, ils sont séparés par l’« l’Ancêtre du futur »
Gloria Friedmann

Une frise de crânes de vache avec un petit téléviseur à la place du cerveau de chacune « En direct » nous renvoie sans doute aux émissions de télévisions chargées de
« vendre du temps de cerveau humain disponible »
« Karaoké » est une peinture à l’acrylique sur Plexiglas qui, vue de loin, relève de l’expressionnisme abstrait vivement coloré. De près, il apparaît qu’un perroquet empaillé est posé au centre de la peinture, son plumage étant aussi coloré que la peinture, perroquets qui faisaient le bonheur des écoliers visiteurs.
« En fait, la peinture, ce mode d’expression, me démangeait et les perroquets et leurs couleurs multiples m’ont ouvert une voie. » Gloria Friedmann
Un cabinet de curiosités « Wunderkammer » où une dizaine de têtes, faites de terre et de matériaux divers (ProteinSpecies), ne sont plus seules, désormais, mais se dressent parmi une centaine d’animaux naturalisés. L’histoire de ce changement, de cette humanité est l’histoire de cette exposition.
Des vidéos montrent l’actualité : un taureau entrant dans l’abattoir où la carcasse d’un bœuf est prémonitoire. Deux joueurs d’échec imperturbables devant la centrale nucléaire de Cattenom continuent leur partie.
Une autre sculpture dans la cour  « Le Passager » montre un homme, jambe repliée, songeur, assis sur une sphère charriée par une tortue.
Gloria Friedmann – le Passager 2013, Terre, plâtre, résine 320 x 140 x 140 © Adagp Paris 2013

Dans le parc une sculpture toute blanche attire le visiteur, telle une mariée. Ophélie ou Dulcinée ? Un corps de femme portant dans ses branches trois squelettes tout en se transformant en arbre. A la manière d’une héritière du romantisme allemand, la sculpture « Elle » construit un état de visions et de rêves.
Gloria Friedmann © Elle 2011 – plâtre, polyester, acier, 310 x 150 x 150 Adagp Paris 2013

« Un être humain se promenant dans la nature sent souvent s’établir des liens étranges entre cette nature et lui-même » précise l’artiste.
Les œuvres suscitent la surprise, la stupeur parfois, un malaise ou un mouvement d’effroi.  Chaque fois, le spectateur est contraint de s’arrêter et de s’interroger.

 « J’aime que l’oeuvre signifie quelque chose et que la personne en face reçoive du sens, mais je ne suis pas, pour autant, une artiste à message. Je n’ai pas mieux compris que les autres, je suis semblable à tous, mais j’aime trouver la juste forme d’une idée – juste et inattendue » précise Gloria Friedmann dont l’oeuvre présente néanmoins une volonté d’alerte, de mise en éveil. « Ce que je souhaite, c’est proposer aux autres une expérience, et, peut-être des possibilités de vie différentes. » Gloria Friedmann 

Si vous avez la chance de passer dans le coin n’hésitez pas à aller voir le travail de cette artiste hors des sentiers battus, défenseur de la nature, dans le cadre superbe de la Fondation Maeght.
jusqu’au 16 juin 2013
 
visuels 1 courtoisie de la Fondation et photos de l’auteur
 

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.