« La simplicité n’est pas un but dans l’art, mais on arrive à la simplicité malgré soi en s’approchant du sens réel des choses » Constantin Brancusi
du 22 mai – 21 août 2011
La Fondation Beyeler consacre sa grande exposition d’été (voir la vidéo ici) à la création de Constantin Brancusi (1876–1957) et de Richard Serra (*1939), deux sculpteurs majeurs du XXe siècle.
Né en Roumanie avant son installation définitive à Paris en 1904, Brancusi peut être
considéré comme fondateur de la sculpture abstraite par son invention formelle réduite à
l’essentiel. Quant à l’Américain Serra, il a redéfini la sphère d’influence de la sculpture par
ses oeuvres minimalistes en acier qui intègrent directement le spectateur. L’apparition et la présence d’une forme plastique dans l’espace constituent ainsi un thème essentiel de
l’exposition. La création de ces deux pionniers de la sculpture européenne et américaine
couvre dans sa totalité une durée de plus d’un siècle, celui qui a vu le développement de la
sculpture moderne.
Les principaux aspects du travail plastique de Brancusi sont illustrés par environ 40
sculptures exemplaires, réparties en plusieurs groupes thématiques. Parmi les oeuvres
présentées sous forme d’ensembles figurent plusieurs variantes de la sculpture monolithique :
Le Baiser, des Têtes d’enfants poétiques, des Muses endormies, des torses de jeunes filles, ainsi que des célèbres Oiseaux dans l’espace. On pourra également voir Princesse X au parfum de scandale, Adam et Eve ainsi que l’emblématique Colonne sans fin. En outre, un cabinet photographique présente un choix de vingt photographies originales, qui éclairent la vision que Brancusi lui-même avait de ses oeuvres. Un vrai bonheur.
« Dans le fond, je voudrais faire des sculptures qui incarnent un nouveau mode d’expérience, qui ouvrent des possibilités de sculpture encore inédites »
Richard Serra
Richard Serra
photo elisabeth itti
L’appréhension déterminante d’une présence idéale dans l’espace, la question de l’essence de la sculpture, sera abordée sous un angle différent mais tout aussi pénétrant à travers dix oeuvres plastiques de Richard Serra
représentatives de différentes phases de sa création. On pourra également voir une nouvelle série de travaux sur papier. Cette sélection d’oeuvres, à vocation rétrospective elle aussi, regroupe des travaux précoces de Serra en caoutchouc et en plomb comme les Belts (1966/1967) et Lead Props, ainsi que ses premières installations d’acier caractéristiques :
Strike : To Roberta and Rudy (1969–1971) et Delineator (1974/1975). La « curved piece »
Olson (1986) inaugure une autre facette de l’oeuvre de Serra. Dans sa simplicité radicale,
est exemplaire de l’évolution actuelle de l’artiste tout en se rattachant à des oeuvres plus anciennes comme Strike.
C’est la première fois que l’oeuvre plastique de Constantin
Brancusi est présentée
en Suisse sous forme de rétrospective ;
de même, la création de Richard Serra n’y a jamais été
montrée sous une forme aussi complète.
Les oeuvres prêtées pour cette exposition proviennent de collections privées de renom et de prestigieux musées dont le Solomon R. Guggenheim Museum, New York, le Museum of
Modern Art, New York, le Museum of Fine Arts, Houston, le Philadelphia Museum of Art,
Caoutchouc vulcanisé et tube néon, 182,9 x 762 x 50,8 cm
Solomon R. Guggenheim Museum, New York, Panza Collection, 1991
© 2011, ProLitteris, Zürich
Photo: Serra Studio, New York / Peter Moore
l’Art Gallery of Ontario, Toronto, la Tate, Londres, le Musée National d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, la Peggy Guggenheim Collection, Venise, le Stedelijk Museum, Amsterdam, le Muzeul de Artǎ, Craiova, la Hamburger Kunsthalle, la Staatsgalerie Stuttgart, le Lehmbruck Museum, Duisburg, le Kunstmuseum Basel et le Kunsthaus Zürich.
Cette exposition de la Fondation Beyeler, dont Oliver Wick est le commissaire, est montée en partenariat avec le Guggenheim Museum de Bilbao, où elle sera présentée lors d’une deuxième étape (8.10.2011–15.4.2012)
L’exposition s’accompagne d’un catalogue de grande tenue scientifique et abondamment
illustré, publié en trois éditions distinctes (allemand, anglais et espagnol) chez Hatje Cantz
Verlag, Ostfildern. Il contient des articles d’Oliver Wick, Friedrich Teja Bach, Alfred
Pacquement et Jacqueline Matisse Monnier ainsi que des commentaires de Raphaël
Bouvier, Denise Ellenberger, Alexandra Parigoris, Ileana Parvu, Marielle Tabart, Michelle
White et Jon Wood ainsi qu’une biographie des deux artistes. 244 pages, 176 illustrations,
CHF 68.–, ISBN 978-3-905632-89-7.
Richard Serra est représenté à Bâle et dans ses environs par trois sculptures d’extérieur
installées dans des lieux publics : l’installation Open Field Vertical/Horizontal Elevations du Wenkenpark de Riehen/Bâle, mise en place en 1980 dans le cadre de l’exposition « Skulptur im 20. Jahrhundert » organisée, entre autres, par
Ernst Beyeler, la sculpture d’acier
Intersection installée en 1992 sur la place du Théâtre au centre-ville de Bâle ainsi que
la sculpture d’acier Dirk’s Pod inaugurée en 2004 sur le Novartis Campus, Bâle.
ouverture tous les jours de 10 h. à 18 h, le mercredi de 10 h. à 20 h.
Le musée est ouvert le dimanche et les jours fériés.
Pendant la Foire de Bâle (mardi 14.6. – dimanche 19.6.) les heures d’ouverture sont les suivantes: 9 h – 20 h.
la vidéo du vernissage
les images du montage de l’exposition de Richard Serra
Pointez les images pour voir les titres, cliquez pour les agrandir
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Article de Pierre-Louis Cereja journaliste de l’Alasace
Les expositions consacrées à Brancusi sont plus que rares. Et Serra ne se montre pas souvent en intérieur. Les deux sculpteurs dialoguent à la Fondation Beyeler. Et c’est très beau…
Il y a un soupçon de (légitime) satisfaction dans les mots d’Oliver Wick, le commissaire de l’exposition Brancusi/Serra lorsqu’il évoque les rétrospectives consacrées au sculpteur né en Roumanie et définitivement parisien dès 1904 : « Entre 1955 et 2004, il n’y a eu que cinq grandes rétrospectives consacrées à Brancusi dont celle, très belle, de 1995 à Paris… » De là à imaginer monter la première rétrospective Brancusi en Suisse, il n’y a qu’un pas. Oliver Wick l’a franchi en réfléchissant aussi (ce fut son dernier projet validé par Ernst Beyeler) à la modernité « un peu perdue » de Brancusi. Très vite, s’impose aussi la nécessité visuelle d’un contrepoint à cette œuvre. Et ce sera l’Américain Richard Serra qui avoue que son destin de sculpteur a été influencé par sa fascination pour l’auteur du Baiser, l’œuvre la plus « romantique » de Brancusi dont plusieurs versions ouvrent l’expo…
Pour le commissaire de l’exposition, la rencontre Brancusi/Serra repose sur un parfait dialogue où se mêlent une manière bien particulière d’occuper l’espace, une sensibilité forte à la matérialité et une vraie fascination pour la matière première, qu’il s’agisse de l’acier industriel chez Serra, du marbre, du bronze, du bois, du ciment patiné chez Brancusi…
La masse et le vide
L’expo est conçue comme une enfilade, avec des salles dédiées et des salles où se juxtaposent les deux artistes. De Brancusi (dont l’œuvre totale est riche de seulement 350 œuvres et qui se prêtent de moins en moins), on voit une quarantaine de pièces. En réussissant à obtenir des prêts rares, Oliver Wick a toujours cherché à présenter des groupements comme c’est le cas pour les Négresses, les Musesendormies, Prométhée ou les sublimes Oiseaux dans l’espace. De Richard Serra, on voit dix œuvres, toutes conçues pour l’intérieur. Dans le foyer, l’imposante plaque (43 tonnes) intitulée Fernando Pessoa illustre superbement la pensée radicale de Serra sur l’espace et le jeu de la masse et du vide dynamique… Comme le souligne Oliver Wick, « Brancusi met l’œuvre au centre et le vide autour. Serra met le vide au centre et les sculptures contre les murs… » C’est le cas dans Delineator et sa diffuse menace. Même impression autour de la perception de l’équilibre avec Olson et ses deux plaques incurvées que certains visiteurs se refusent à approcher.
Si les expositions de sculptures se font rares, cette Brancusi/Serra mérite amplement la visite. Pour apprécier pleinement la merveilleuse et harmonieuse simplicité de Brancusi comme avec ce Torse de jeune fille (1922) dont le côté gracile devient signe abstrait dans l’espace ou encore mesurer le « scandale » des Princesse X. Quant à Serra, il donne à voir, sans théoriser, ce qu’énergie, équilibre, espace veulent dire… Au passage, on imagine aussi l’imposante et discrète logistique mise en œuvre pour installer ces pièces…
VOIRBrancusi/Serra. Jusqu’au 21 août. Fondation Beyeler, Baselstrasse 101 à Riehen/Basel. Ouvert tous les jours de 10 à 18h, le mercredi jusqu’à 20h. Entrée : 25 FS et différents tarifs réduits. Site : http://www.fondationbeyeler.ch
le 10/06/2011 à 00:00 par Pierre-Louis Cereja
C’est Princesse X, il faut pointer le curseur et il vous répond, si vous cliquez les photos s’agrandissent, c’est la nouvelle mouture des blogs du Monde
Riehen (Suisse) Envoyé spécial – Conseil à nos amis sculpteurs : courez à la Fondation Beyeler ! Note à nos amis conservateurs, allez-y aussi. L’exposition juxtaposant les oeuvres de Constantin Brancusi (1876-1957) et de Richard Serra (né en 1939) sera, pour les uns comme pour les autres, riche d’enseignement. Ainsi, les gens de musée y prendront une leçon de presentation et seront sans doute les mieux à même d’apprécier la performance consistant à rassembler tant d’oeuvres rarissimes de Brancusi, une quarantaine au bas mot, comme d’installer les dizaines de tonnes d’acier des dix oeuvres de Serra dans des salles pas spécialement conçues pour. Serra lui-même, pourtant pas le garçon le plus tendre ni le plus commode que l’on connaisse, ne s’y est pas trompé qui a fait se lever les invités du déjeuner de vernissage pour rendre hommage à Oliver Wick, le commissaire de la présente exposition.
Oliver Wick accueille son visiteur dès la première salle avec pas moins de quatre baisers de Brancusi, Le Baiser en plâtre de 1907, un autre en pierre de 1908, un calcaire de 1916, et un dernier plâtre de 1923. Pour l’ancien assistant de Rodin que fut Brancusi, avant de le quitter avec cette formule célèbre, « rien ne pousse à l’ombre des grands arbres », cette oeuvre marque un tournant remarquable. Une sorte de mélange de cubisme – notamment dans l’oeil commun aux deux personnages, une forme en amande qui donne à la fois la face et le profil, tout en joignant les amants pour le reste séparés par une incision profonde qui dessine la silhouette de chacun – et de tradition médiévale, le choix d’un cube évoquant la forme des chapiteaux romans, dans lesquels les tailleurs de pierre se posaient déjà des questions de sculpteur, à savoir comment passer d’une base ronde à un sommet carré.
Cette interrogation millénaire est aussi l’une des préoccupations de Brancusi. Sa vie durant, et l’exposition en témoigne, il n’aura de cesse d’essayer différentes formes de soclage, jusqu’à apprendre, avec son travail sur La Colonne sans fin (1918-1938) notamment, à s’en passer complètement.
Ce que Richard Serra fait naturellement. Mais eût-il pu se passer du socle sans les tâtonnements de Brancusi ? En 1964 et 1965, Serra séjourne à Paris et se rend quotidiennement au Palais de Tokyo, où se trouve à l’époque la reconstitution de l’atelier que son devancier a légué au Musée d’art moderne (celui-là même désormais installé sur la « piazza » du Centre Pompidou). Tous les jours, il y dessine, y découvrant une grammaire, un répertoire. Une « encyclopédie » et un « manuel de possibilités », selon ses propres termes.
Une sculpture, on l’érige, droite et conquérante, cela va sans dire depuis les menhirs d’Obélix ou les obélisques égyptiens. Mais si au contraire on cherchait à la déséquilibrer ? Ce que fait Brancusi en posant simplement les têtes ovoïdes de sa Muse endormie (1909) sur leur socle, oeufs privés de coquetiers, ce que fait Serra en constituant un château de cartes avec des plaques d’acier de plusieurs tonnes, qui tiennent par leur seul poids.
Qui dit déséquilibre dit tension nouvelle. Et qui dit tension dit sensation physique : pénétrer entre deux arcs de Serra, passer sous une de ses plaques suspendues comme par miracle au plafond, c’est faire une expérience nouvelle de la pesanteur, et de sa propre fragilité. Constater que deux volumes rectangulaires de même dimension provoquent des effets radicalement différents, y compris de perception de l’espace de la pièce qui les contient, selon qu’ils sont posés sur leur grand ou sur leur petit côté.
Une sculpture enfin, c’est aussi de la matière. Brancusi l’explore autant que faire se peut, juxtaposant le bois brut et la pierre lisse, polissant ses bronzes avec un soin infini. Serra a travaillé le caoutchouc et le plomb, mais privilégie l’acier dans des proportions qui sont celles de l’usine plus que de l’atelier. Matière industrielle et brutale, mais que le choix du corten, cet alliage auto-oxydant protégé par sa propre rouille, dote de qualités particulières, la couleur notamment. Ce n’est pas la seule différence.
Brancusi semble parfois vouloir s’affranchir de la pesanteur, avec ses Oiseau dans l’espace, par exemple. Serra bien évidemment fait le contraire : le premier a la tête dans les nuages, le second les pieds fortement ancrés au sol. L’un flirte parfois avec l’abstraction, sans jamais totalement s’y résoudre, jouant plutôt de l’ambiguïté des formes, comme dans Princesse X (1916), tout à la fois un buste et un symbole phallique, qui fit scandale en son temps, l’autre reste dans les formes géométriques pures.
De là naît sans doute le seul regret à propos de cette exposition : le parcours s’achève sur une des fameuses Colonne sans fin de Brancusi. On aurait adoré voir en contrepoint une des sculptures en spirale de Serra. Tel ne fut pas le choix de ce dernier.
——————————————————————————–
« Constantin Brancusi & Richard Serra », Fondation Beyeler, Baselstrasse 101, Riehen (Suisse). Tél. : (00-41) 61-645-97-00. Tous les jours, de 10 heures à 18 heures, le mercredi jusqu’à 20 heures. Jusqu’au 21 août. De 12 CHF à 25 CHF (de 8 € à 19 € environ). Sur le Web : Fondationbeyeler.ch.
Harry Bellet
Article paru dans l’édition du 09.06.11
Envoyé spécial du Monde Harry Ballet :
Conseil à nos amis sculpteurs:
courez à la Fondation
Beyeler ! Note à nos amis
conservateurs, allez-y aussi. L’exposition
juxtaposant les oeuvres
de Constantin Brancusi
(1876-1957) et de Richard Serra (né
en 1939) sera, pour les unscomme
pour les autres, riche d’enseignement.
Ainsi, les gens de musée y
prendront une leçon de presentation
et seront sans doute les
mieux àmême d’apprécier la performance
consistant à rassembler
tant d’oeuvres rarissimes de Brancusi,
une quarantaine au bas mot,
comme d’installer les dizaines de
tonnes d’acier des dix oeuvres de
Serra dans des salles pas spécialement
conçues pour. Serra luimême,
pourtant pas le garçon le
plus tendre ni le plus commode
que l’on connaisse, ne s’y est pas
trompé qui a fait se lever les invités
du déjeuner de vernissage
pour rendre hommage à Oliver
Wick, lecommissaire de la présente
exposition.
Oliver Wick accueille son visiteur
dès la première salle avec pas
moins de quatre baisers de Brancusi,
Le Baiser en plâtre de 1907,
un autre en pierre de 1908, un calcaire
de 1916, et un dernier plâtre
de 1923. Pour l’ancien assistant de
Rodin que fut Brancusi, avant de
le quitter avec cette formule célèbre,
«rien ne pousse à l’ombre des
grands arbres», cette oeuvre marque
un tournant remarquable.
Une sorte de mélange de cubisme
– notamment dans l’oeil commun
aux deux personnages, une forme
en amande qui donne à la fois
la face et le profil, tout en joignant
les amants pour le reste séparés
paruneincisionprofondequidessine
la silhouettedechacun– etde
tradition médiévale, le choix d’un
cubeévoquantlaformedes chapiteaux
romans, dans lesquels les
tailleursde pierre se posaient déjà
des questions de sculpteur, à
savoir comment passer d’une
base ronde à un sommet carré.
Cette interrogation millénaire
est aussi l’une des préoccupations
de Brancusi. Sa vie durant, et l’exposition
en témoigne, il n’aura de
cesse d’essayer différentes formes
de soclage, jusqu’à apprendre,
avec son travail sur La Colonne
sans fin (1918-1938) notamment,
à s’en passer complètement.
Ce que Richard Serra fait naturellement.
Mais eût-ilpuse passer
dusocle sans les tâtonnements de
Brancusi ? En1964 et 1965, Serra
séjourne à Paris et se rend quotidiennement
au Palais de Tokyo,
oùse trouveàl’époque la reconstitution
de l’atelier que son devanciera
léguéauMuséed’artmoderne
(celui-là même désormais installé
sur la «piazza » du Centre
Pompidou).Tous les jours, ilydessine,
y découvrant une grammaire,
un répertoire. Une«encyclopédie
» et un «manuel de possibilités
», selon ses propres termes.
Une sculpture, on l’érige, droite
et conquérante, cela va sans
dire depuis les menhirs d’Obélix
ou les obélisques égyptiens. Mais
si au contraire on cherchait à la
déséquilibrer ?Cequefait Brancusi
en posant simplement les têtes
ovoïdes de sa Muse endormie
(1909) sur leur socle, oeufs privés
de coquetiers, ce que fait Serra en
constituant un château de cartes
avec des plaques d’acier de plusieurs
tonnes, qui tiennent par
leur seul poids.
Quidit déséquilibre dit tension
nouvelle. Etqui dittension dit sensation
physique : pénétrer entre
deux arcs de Serra, passer sous
une de ses plaques suspendues
comme par miracle au plafond,
c’est faire une expérience nouvelle
de la pesanteur, et de sa propre
fragilité. Constaterquedeuxvolumes
rectangulaires de même
dimension provoquent des effets
radicalement différents, y compris
de perception de l’espace de
la pièce qui les contient, selon
qu’ils sont posés sur leur grandou
sur leur petit côté.
Unesculpture enfin, c’est aussi
de la matière. Brancusi l’explore
autant que faire se peut, juxtaposant
le bois brut et la pierre lisse,
polissant ses bronzes avec un
soin infini. Serra a travaillé le
caoutchouc et le plomb, mais privilégie
l’acier dans des proportions
qui sont celles de l’usine
plus que de l’atelier. Matière
industrielle et brutale, mais que
lechoixducorten, cet alliage autooxydant
protégé par sa propre
rouille, dote de qualités particulières,
la couleur notamment. Ce
n’est pas la seule différence.
Brancusi semble parfois vouloir
s’affranchir de la pesanteur,
avec ses Oiseau dans l’espace, par
exemple. Serra bien évidemment
fait le contraire : le premier
a la tête dans les nuages, le
second les pieds fortement
ancrés au sol. L’un flirte parfois
avec l’abstraction, sans jamais
totalement s’y résoudre, jouant
plutôt de l’ambiguïté des formes,
comme dans PrincesseX (1916),
tout à la fois un buste et un symbole
phallique, qui fit scandale
en son temps, l’autre reste dans
les formes géométriques pures.
De là naît sans doute le seul
regret à propos de cette exposition
: le parcours s’achève sur
une des fameuses Colonne sans
fin de Brancusi. On aurait adoré
voir en contrepoint une des
sculptures enspirale de Serra. Tel
ne fut pas le choix de ce dernier.
Harry Bellet
Constantin Brancusi &Richard Serra,
Fondation Beyeler, Baselstrasse 101,
Riehen (Suisse). Tél. : (00-41)
61-645-97-00. Tous les jours,
de 10 heures à 18heures, le mercredi
jusqu’à 20 heures. Jusqu’au 21 août.
De 12 CHF à 25 CHF (de 8¤à 19¤