Ce qui frappe d’emblée dans l’exposition consacrée à Jean Michel Basquiat à la Fondation Beyeler, (jusqu’au 5 septembre 2010), ce sont tous ces visages aux yeux exorbités, sorte de memento mori, préfiguration de la mort prématurée de ce génie, qui accéda à la célébrité à l’orée de ses 20 ans.
Jean Michel Basquiat (1960-1988) a été une des personnalités les plus scintillantes de la sphère artistique. Ce qui est impressionnant ce sont la force des slogans poétiques et la somptuosité des couleurs.
JMB connaissait les musées de New York, mais on sait qu’il avait une nette prédilection pour celui qu’il appelait simplement « le Brooklyn ». A l’âge de 6 ans il était membre junior du musée, grâce à ses parents qui ont très tôt encouragé son goût pour l’art. Né et ayant grandi à Brooklyn, c’est devant la vaste collection du musée de son quartier qu’il a sans doute éprouvé ses premières émotions artistiques et qui que cela aida à sa formation. Il a fait ses débuts dans l’underground new-yorkais comme graffeur, musicien et acteur, avant de se lancer dans la peinture. Ses créations originales, expressives ont rapidement suscité l’admiration. Encouragé par Andy Warhol, il s’est hissé au rang de vedette sur la scène internationale. Il a été le plus jeune participant de Documenta et exposé à Art Basel, à la Biennale de Venise et dans des galeries prestigieuses. Premier artiste caraïbien il a réussi à s’imposer , travaillant aux côtés de Keith Haring et bien d’autres stars, en l’espace de huit ans. Son œuvre composée de peintures aux couleurs éclatantes et somptueuses, de dessins, s’arrêta brutalement avec sa disparition tragique à l’âge de 27 ans.
Ses toiles sortes de bandes dessinées, faites de collages, de textes poétiques, de silhouettes squelettiques, d’objets quotidiens, mêlent culture pop et histoire de l’art, mais aussi dénonciation de la société de consommation et de l’injustice sociale.
Il agissait comme un oracle, qui distillait sa perception du monde extérieur jusqu’à en tirer la quintessence avant de la projeter à nouveau par le biais de ses créations. La prise de conscience se manifesta tout d’abord dans la rue quand sous le nom de SAMO, il transformait ses propres observations en messages cryptés qu’il inscrivait sur les édifices de son environnement urbain. Un seul mot, une courte phrase ou une simple image faisaient référence à une personne, à un événement ou à une observation, où il exprimait avec raffinement sa perception externe.
En décembre 1982, Basquiat alla passer deux mois à Los Angeles avec les graffeurs Rammellzee et Toxic. Il y réalisa notamment Hollywood Africans, un portrait de lui-même et de ses deux compagnons de lutte. Dans l’inscription « SELFPORTRAIT AS A HEEL » ajoutée à côté de son visage, il utilise le terme « heel » (littéralement, « salaud »), tout aussi insultant à première vue que « nigger ». Mais dans les paroles de hip-hop et en « Black English », « heel », au même titre que « nigger » ou « sambo » — est utilisé dans un sens positif pour désigner les Afro-Américains.
Ici, l’approche conceptuelle, thématique, de Basquiat est très éloignée de celle du néo-expressionnisme, dont elle contredit même la programmatique. La description de son ami Fab 5 Freddy, pionnier du graffiti de rue et acteur principal de la scène hip-hop new-yorkaise, est tout à fait intéressante dans ce contexte : « Quand on lit tout haut les toiles, la répétition, le rythme, on peut entendre Jean-Michel penser. » En effet, Basquiat suivait toujours le principe d’un sampling délibéré d’objets, de motifs et de mots issus de son environnement immédiat, chargeant ainsi ses tableaux, au-delà de la peinture pure, de contenus et de références précises.
Dans les toiles sur les boxeurs, il exprime son admiration pour Cassius Clay, mais aussi pour
• Cassius Clay, 1982
Untitled (Sugar Ray Robinson), 1982
Jack Johnson, 1982
Pour Cassius Clay, comme pour d’autres représentations de célèbres boxeurs afro-américains — Untitled (Sugar Ray Robinson) ou Jack Johnson par exemple —, Basquiat a fixé la toile sur une palette industrielle. Après avoir commencé par peindre la toile, il l’a tendue sur la face supérieure de la palette, en la laissant très largement déborder de façon à ce qu’elle retombe sur les côtés de la structure en bois et la recouvre en formant des plis irréguliers. Par analogie symbolique avec les célèbres boxeurs, la toile semblait littéralement indomptée et laissait partiellement apparaître la palette faite de lattes de bois mal dégrossi, qui avait servi à l’origine à empiler des marchandises ou des paquets à des fins de stockage ou de transport.
Basquiat transformait ainsi ses toiles en objets tridimensionnels par l’utilisation d’une palette industrielle, Basquiat ne s’élevait pas seulement contre le principe de présentation statique cher aux musées, mais aussi contre la fonctionnalité initialement industrielle du support de l’image, transformant une unité de charge aux normes en un objet mural artistique.
Les « Grillo »
Grillo occupe une position clé dans la création de Basquiat.
Cette oeuvre se caractérise par le contraste et la superposition de signes et pictogrammes issus de la tradition africaine, entièrement conçus dans le sens d’une continuité culturelle de
l’Afrique en Amérique et donc d’une identité afro-américaine propre, avec ceux de la civilisation occidentale, que Basquiat cite en se référant notamment au livre de Henry Dreyfuss, Symbol Sourcebook
Riding with Death, 1988
Bien qu’il ne s’agisse pas de sa dernière oeuvre, la toile Riding with Death ne pouvait que devenir emblématique de la mort de Basquiat et nourrir son mythe. Le fond doré renvoie à
l’utilisation des couleurs or, argent et cuivre que Basquiat employait depuis Cadillac Moon (1981). Ayant, pour ainsi dire, sa mort prochaine sous les yeux, il a emprunté son motif à un
ouvrage de reproductions de Leonard de Vinci, et l’a remanié pour donner naissance à cette représentation qui a pris valeur d’icône.
Portrait of the Artist as a Young Derelict, 1982
C’est dans l’assemblage intitulé Portrait of the Artist as a Young Derelict que Basquiat se réfère le plus clairement à l’oeuvre de Robert Rauschenberg, et plus particulièrement à
ses Combines d’aspect sculptural et aux Combine-Paintings, en même temps qu’à son intérêt pour les surfaces tactiles et sensorielles. Dans ses conglomérats, Rauschenberg s’était
consacré aux objets usuels et aux déchets à travers la présence d’objets quotidiens. Basquiat, quant à lui, assemblait des portes et des planches, articulées à l’aide de charnières.
En laissant en place les restes de cadenas et de targettes, il conservait une trace de la fonction initiale des objets. Il ne touchait pas non plus aux graffitis de toilettes présents
avant son intervention, témoins de l’utilisation quotidienne des objets. Comme chez Rauschenberg, ces derniers ne sont plus transférés dans un champ pictural bidimensionnel qui les soumettrait à un ordre différent ; ils sont directement repris dans l’image et conservent ainsi leur forme, leur identité et leur nature tridimensionnelle.
photos internet et scan
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Bonjour, l’exposition au MAM est vraiment très belle ,lumineuse,colorée et bien agencée, j’ai trouvé qu’on sentait la présence de l’artiste…..a bientôt JA
Télérama
C’était une journée pluvieuse de novembre 1997, trois semaines après l’inauguration du musée Guggenheim de Bilbao. Une tempête balayait la côte basque espagnole et éteignait le bâtiment de l’architecte américain Franck Gehry, dont les parois de titane ne reflétaient plus que la grisaille du ciel obscur. Pour son ouverture, l’institution avait rapatrié quelques merveilles de la maison mère de New York, prenant bien soin de faire la part belle à l’art contemporain américain – l’industrie culturelle n’est pas qu’une formule. Au deuxième étage, une salle présentait les oeuvres de deux peintres new-yorkais : sept toiles de Julian Schnabel et quatre de Jean-Michel Basquiat. De ce dernier, mort en 1988 d’une surdose d’héroïne à l’âge de 27 ans, le musée montrait de très grands formats rarement vus en France, qui écrasaient les tableaux pourtant très théâtraux de Schnabel et sortaient définitivement leur auteur de l’univers exotique des graffeurs afro-américains pour le plonger dans celui, plus exigeant, des grands peintres – un choc, donc.
Gageons que Schnabel accepta de bonne grâce la supériorité des oeuvres de Basquiat lorsqu’il vit la présentation du Guggenheim. Sans doute la savait-il depuis longtemps, puisque les deux artistes se rencontrèrent au tout début des années 1980. Le jeune Jean-Michel, fils d’un Haïtien et d’une Portoricaine, né à New York en décembre 1960, venait alors de se faire remarquer lors d’une exposition collective (New York/New Wave) organisée en 1981 par un satellite du MoMA, le PS1, où figuraient aussi le graffeur Keith Haring et le photographe Robert Mapplethorpe. A 20 ans, le succès, inespéré pour un fils d’immigrés antillais, lui tombait sur la tête : invitation à la Documenta de Kassel l’année d’après, article élogieux dans Artforum, intérêt de nombreuses galeries pour son oeuvre naissante. Auparavant, Basquiat squattait, dormait dans l’appartement de copains dont il s’amusait à repeindre la porte du frigo ou la housse du canapé, bombait les murs avec son ami Al Diaz sous le pseudonyme de Samo (acronyme de « same old shit » – « même vieille merde »), jouait de la clarinette et du clavier dans un groupe (Gray) avec l’acteur Vincent Gallo, poussait la chansonnette avec David Byrne ou Blondie, vendait des tee-shirts et des cartes postales, participait à des émissions de télé et faisait l’acteur occasionnel dans une curiosité underground (Downtown 81, d’Edo Bertoglio). Ne manquait à ce tableau du New York chaud-bouillant des années 1980 que son égérie culturelle : Andy Warhol.
Ce que sentit Schnabel en 1982, lors de leur première exposition commune, c’est que le squat, le graff, l’origine et la couleur de la peau, ne faisaient pas pour autant de Basquiat un artiste brut : le jeune homme est sensible et cultivé. S’il n’a pas fréquenté l’université, comme tous les enfants révoltés de la bourgeoisie américaine traînant dans les boîtes branchées de Manhattan, il s’est passionné très tôt pour l’anatomie (un livre offert par sa mère lorsqu’il avait 8 ans), l’art (toujours sa mère, qui l’emmenait au musée), le dessin (il s’y montre doué très jeune) et la musique (le jazz et le hip-hop naissant). Demeure le mystère de la puissance du don et du désir d’un enfant d’immigrés, mystère qui entraîna Schnabel, en 1996, à réaliser son premier film sur le jeune prodige, Basquiat, une biographie filmée (un biopic, dit-on maintenant), avec Jeffrey Wright dans le rôle du jeune peintre et David Bowie, plus vrai que l’original, dans celui d’Andy Warhol.
Warhol, donc. Le grand blond peroxydé apparaît en 1982 dans la vie de Basquiat – le marchand suisse Bischofberger aurait organisé la rencontre officielle. A partir de l’année suivante, ils ne se quittent plus – c’est sans doute la seule véritable fidélité du jeune homme, qui, tant avec les galeries qu’avec les femmes et ses amis, s’autorise, la notoriété venant, une grande légèreté et de vilaines trahisons. Mais si l’on en croit le film de Schnabel, Basquiat en rêvait : non pas tant de rencontrer Warhol que de mener, comme lui, une vie de star. Lorsque le marché de l’art les réunit, vers la fin de l’année 1982, le peintre, malgré son très jeune âge, entame ce que l’on considère comme sa troisième période. La première couvre grossièrement le passage du graff à la peinture, de la fin des années 1970 à 1981, lorsqu’il conserve la spontanéité et la hâte que réclame l’art de la rue – Warhol préférait dire qu’il écrivait des poèmes sur les murs de la ville. La deuxième période, 1981-1982, est plus peinte. L’artiste y expérimente sur toile les superpositions, les aplats et les transparences, donnant l’impression de vouloir recouvrir l’ancien procédé graphique (les mots, les pictogrammes, les graffitis) par la peinture elle-même. Quant à la troisième période (1982-1983), elle se caractérise par un retour à une certaine sauvagerie : Basquiat peint sur des toiles sans châssis, qu’il fixe ensuite sur n’importe quoi (des palettes en bois), et privilégie le polyptyque utilisé comme un rébus, se développant de panneau en panneau. Sur ce, apparaît donc Warhol – et avec lui la quatrième période.
C’est une période, comment dire ?, plus commerciale. Basquiat, devenu la coqueluche du Tout-New York, reprend la peinture sur toile et s’adonne, initié par Warhol, à la sérigraphie. A l’instigation de Bischofberger, il réalise des oeuvres collectives avec son mentor et le peintre napolitain Francesco Clemente. Puis, durant deux ans (1984-1985), Basquiat et Warhol produisent ensemble plus d’une centaine d’oeuvres – dans le même temps, Basquiat, seul, en crée près d’un millier. Une fascination réciproque les unit : le jeune Noir est séduit par l’intelligence et le pouvoir de la star du pop art, tandis que Warhol est captivé par le talent, la puissance et, bien sûr, le physique du jeune homme – mais puisque, avec Warhol, les questions d’ordre sexuel viennent toujours sur le devant de la scène, la gazette laisse entendre qu’ils n’ont jamais couché ensemble, au grand dam d’Andy.
La période warholienne se termine sur un échec : en 1985, leurs oeuvres communes, les Collaborations, exposées dans une galerie new-yorkaise, sont durement critiquées par la presse. Basquiat quitte Warhol ; et avec cette rupture, purement professionnelle, débute la cinquième et dernière période de son oeuvre, qui s’achève par une méchante piqûre d’héroïne le 12 août 1988. Elle se partage elle-même en deux sous-périodes : avant et après la mort d’Andy, survenue le 22 février 1987 à la suite d’une banale opération de la vésicule biliaire. Avant, ce sont des oeuvres foisonnantes de signes et de mots ou, au contraire, très dépouillées, sur un fond monochrome, toujours inspirées par l’art populaire, auquel viennent se mêler quelques admirations bien digérées (Goya, Picasso) et le fantasme d’une origine africaine. Après, ce sont des oeuvres obsédées par la mort, comme le célèbre tableau Riding with death (1988), très belle peinture épurée où, sur un fond crémeux, une sorte d’ectoplasme rouge chevauche un squelette désarticulé. Si l’on se réfère à ce tableau, on voit que Basquiat s’imaginait une fin baroque et grandiose. Julian Schnabel, lui, montre dans son film un homme fantomatique détruit par la mort de Warhol, défoncé, errant dans les rues de New York jusqu’à la dose finale – plus romantique, donc. Il n’y manque que la pluie
Le Monde 16/10/2010
Sur l’affiche de l’exposition, Jean-Michel Basquiat (1960-1988) pose dans son atelier, costume sombre et pieds nus. La photo a fait la « une » du supplément du New York Times en 1985, première couverture consacrée à un artiste noir. Elle n’en est pas moins gênante par ce qu’elle sous-entend : que Basquiat tient à la fois du dandy – le costume – et du sauvage – les pieds nus. Un génie, mais primitif. Primitif parce que de père haïtien et de mère portoricaine ? Ce n’est pas dit, juste suggéré. Les stéréotypes les plus désagréables menacent. Basquiat en a été environné sa vie durant et beaucoup continuent à sévir. Les choses sont pourtant simples. Basquiat n’est pas un enfant de la rue du Bronx, mais le fils aîné d’une famille de la moyenne bourgeoisie noire de Brooklyn. Il ne s’est pas suicidé, mais est mort accidentellement d’une overdose. Ce n’est pas un autodidacte jailli des ténèbres, mais un jeune homme qui feuillette les catalogues et lit beaucoup et un peu de tout. Il se veut artiste et ce n’est pas hasard si, dès 1978, il exécute ses premiers tags à Soho et East Village, quartiers d’artistes et de galeries. Sa rencontre avec Andy Warhol n’a rien de fortuit non plus. Un primitif ? En aucun cas.Sa rétrospective en une centaine d’oeuvres au Musée d’art moderne de la Ville de Paris devrait permettre d’en finir avec ces idées reçues. Organisée avec la Fondation Beyeler, bien choisie, bien accrochée, elle se concentre sur ce qui compte véritablement désormais : l’oeuvre. Démonstration éblouissante. Un artiste prend possession de l’état le plus récent de son art – la peinture – pour y développer des sujets autobiographiques et politiques. Ces sujets sont la condition noire aux Etats-Unis au début des années 1980, le racisme et l’injustice, la part des artistes noirs dans la création américaine, la mémoire de l’esclavage et celle de l’Afrique. Tout cela est explicite et cohérent. La situation étant violente, la colère terrible, le dessin et la peinture sont généralement violents et terribles. On voit mal comment la rage s’exprimerait dans un style aimable.Au milieu d’une grande toile, un nom saute aux yeux : celui de Malcolm X. Autres noms écrits en lettres barbelées : les boxeurs Jack Johnson – premier champion du monde noir – et Cassius Clay – partisan déclaré des Blacks Panthers -, les musiciens Charlie Parker, Miles Davis ou Max Roach. En hommage, Basquiat reprend en grand format sur fond noir les pochettes de leurs disques ou dessine sur fond rouge ou blanc leurs effigies, réduites à quelques traits – quelques traits « sauvages » puisque cette « qualité » leur était seule reconnue. Par provocation, la toile est fixée n’importe comment sur le châssis, avec faux plis et découpages grossiers.Dans d’autres cas, Basquiat travaille sur des planches, des morceaux de palissades, des portes récupérées. Faute de pouvoir acheter des toiles ? Nullement. Ses galeristes et ses ventes lui donnent accès très vite à tous les moyens dont il peut avoir besoin. Mais ces palissades suggèrent l’enfermement, ces planches des baraques de plantations ou de bidonvilles. Que peint-il dessus ? Une vente d’esclaves, les policiers blancs du NYPD, les clochards – noirs eux. Dans ce cas, les allusions christiques abondent alors, couronne d’épines, plaies, croix. Ou bien il peint des griots inspirés, des danseurs en transe, des visages qui ressemblent à des masques. Dans ce cas, c’est sur fond d’or, avec des couronnes royales, en poussant les couleurs au plus haut point d’intensité. L’opposition est limpide.Ainsi s’organise la diversité des modes d’expression. Tantôt un dessin hérissé, des éclaboussures, des formes tordues et cassées, des corps réduits aux os, des têtes réduites aux crânes, le noir et le blanc grumeleux – la mort sous toutes ses formes. Tantôt, mais bien plus rarement, la fluidité, des douceurs et des somptuosités chromatiques qui prennent au dépourvu parmi tant de dénonciations et de souffrances.Evidemment, tout cela n’est possible que parce que Basquiat, dès ses débuts, fait preuve d’une dextérité impeccable. Il fait ce qu’il veut. Il sait où aller, s’arrêter quand il n’y a plus rien de nécessaire à ajouter, simplifier jusqu’au schéma ou amplifier jusqu’à la frise monumentale. Il n’a aucun problème de réalisation. Cette intelligence et ces facultés font vite songer à Picasso, dont Basquiat n’hésitait pas à se réclamer. Picasso est mort en 1973. C’est à Basquiat qu’est échu le privilège, cinq ans plus tard, de reprendre l’histoire de la peinture, là où le vieillard furieux l’avait laissée.
Philippe Dagen
l’express du 20/10/2010
La restrospective a débuté ce vendredi.
Basquiat, qui a commencé sa carrière en bombant les murs de Soho, refusait d’être qualifié de « graffitiste » mais se revendiquait « peintre ». La rétrospective parisienne, qui réunit plus de 150 oeuvres, lui donne raison. Après quelques mois d’interventions de rue, Basquiat, l’autodidacte éclairé, prend le pinceau, à sa manière: sauvage. Ses toiles rageuses, hantées de souvenirs vaudous, peuplées de réminiscences artistiques et bibliques, étonnent par leur format monumental. Eclatantes de couleurs, bleu azur, vert céladon, elles semblent pleines de vie.
Mais certains motifs -couronnes d’épines, masques aux yeux exorbités- qui reviennent comme des leitmotivs, assombrissent la première impression. D’aspect plus chaotique, ses dernières compositions, laissent deviner l’emprise de l’héroïne. Basquiat est un écorché vif. Sa peinture n’est que révolte et désespoir.
Art MarketInsight [sept. 2010] L’art placement
Jean-Michel Basquiat – Meilleur de l’année dans les catégories peinture et dessin [sept. 10]
Personnage brûlant et hyper médiatique, Jean-Michel Basquiat fut rapidement propulsé de l’anonymat du métro new-yorkais aux salons bourgeois. Aujourd’hui, la légende Jean-Michel BASQUIAT est toujours vivace. Le 50e anniversaire de sa naissance est l’occasion d’une vaste rétrospective de son œuvre, ouverte à la Fondation Beyeler (9 mai-5 sept. 2010), elle fait ensuite escale au Musée d’Art moderne de la ville de Paris (15 oct.-30 janv. 2011).
Avant sa première exposition new-yorkaise en février 1981 (New York/New Wave du P.S.1), il survit en vendant des t-shirts peints et des cartes postales dessinées. L’un de ses premiers acheteurs n’est autre qu’Andy WARHOL qui devient rapidement un ami et un mentor. Leur rencontre donne lieu à une soixantaine d’œuvres communes mélangeant l’esthétique pop et distanciée de l’un à l’expressivité bouillonnante de l’autre. Sur les quatre œuvres communes soumises à enchères, la plus intéressante se vendait 2,3m$ en mai 2010 (Sotheby’s).
Auprès de Warhol, les succès s’enchaînent : à 21 ans, il est le plus jeune artiste invité à la Documenta 7 de Kassel en Allemagne (1982). L’année suivante, il expose à la Biennale du Whitney Museum of American Art à New York et chez Larry Gagosian.
Son art underground entre dans les musées. Les collectionneurs se multiplient et les maisons de ventes aux enchères misent désormais sur le jeune prodige. En mai 1986, Sotheby’s disperse une toile de 1983 intitulée Hector pour 23 000 $. Aujourd’hui, il faudrait ajouter deux zéros au résultat pour négocier une toile similaire en salles de ventes.
L’envolée des prix
La cote de Basquiat s’est envolée peu après son décès par overdose le 12 août 1988. Trois mois après sa disparition, Christie’s propose une technique mixte de 1981 autour de 25 000 $. L’œuvre s’envole à 100 000 $. Sotheby’s voit tout autant valser les enchères quelques jours plus tard pour Red rabbit (même estimation pour une adjudication de 100 000 $). Les prix grimpent d’autant que le marché de l’art mondial est euphorique.
Mai 1989 : Sotheby’s enregistre pour la première fois une enchère à 200 000$ pour Equals (estimée 70 000-90 000$). Le premier million de dollars est atteint le 12 novembre 1998 avec un autoportrait. Proposé pour la coquette somme de 400 000-600 000 $ par Christie’s, Self-Portrait (1982) grimpe à 3 millions de dollars !
La cote flambe pour atteindre des sommets en 2007 : le produit de ses ventes aux enchères explose de 278% sur l’année. Vingt ans après sa mort, ses adjudications génèrent 102 m$ au marteau, talonnant Henri MATISSE et écrasant Fernand LÉGER.
Le rythme des reventes s’accélère. Ainsi, l’œuvre Warrior acquise en novembre 2005 pour 1,6 m$ chez Sotheby’s s’arrache l’équivalent de 5 m$ deux ans plus tard (2,5m£, Londres). Le 15 mai 2007, une technique mixte décroche 13 m$ chez Sotheby’s, passant pour la première fois le seuil des 10 m$ ! Sur les douze derniers mois, la vente aux enchères de 18 toiles de l’artiste a généré 27,6 m€ (juillet 2009-juillet 2010). C’est le meilleur résultat réalisé par un artiste contemporain cette année dans la catégorie peinture et il tient aussi la première place dans la catégorie dessin avec 2,35 m€ dégagés en 23 coups de marteau.
La valeur étalon
Considéré par les investisseurs comme une valeur refuge, Basquiat est un bon indicateur de la santé du marché. Les cas de reventes d’une même œuvre permettent donc de prendre la température du marché. Par exemple, les derniers aller-retour aux enchères de la toile Joy ont donné le pouls du marché ces deux dernières années. En février 2008, soit quelques mois avant que la crise ne se déclare sur le marché de l’art, Joy – une œuvre mineure sur xeros – signait un coup de marteau équivalent à 1,12m€ (Phillips de Pury & Company). Neuf mois plus tard, elle décote de 53% lors des ventes new-yorkaises (env. 527 000€, Sotheby’s). Le 2 juin dernier, Sotheby’s la proposait prudemment entre 700 000 et 900 000€ et frappait son coup de marteau à 1,25m€.
L’artiste aux enchères millionnaires a produit près de 1 000 peintures et environ 1 500 dessins. La demande étant particulièrement forte, toutes les périodes et toutes les techniques sont prisées. Aujourd’hui, un petit dessin au crayon gris ou à la mine de plomb s’échange entre 10 000 et 20 000€ en moyenne et il faut compter entre 50 000 et 250 000 € pour un papier rehaussé de couleurs. Seules 10 % des adjudications sont inférieures à 6 200€. Si ces pièces abordables sont souvent des estampes (14% des transactions de l’artiste), quelques dessins originaux sont proposés dans cette gamme de prix, même en France (17 % des transactions). En décembre 2009, Millon-Cornette de Saint Cyr vendait cinq travaux à l’encre pour des enchères allant de 4 600 à 7 200€. Des acquisitions intéressantes lorsque certains multiples sont plus chers que des pièces uniques, comme la sérigraphie Academic study of the male figure (13 exemplaires) valorisée entre 8000 et 10 000€.
Bon ben… Basquiat … vini, vidi, pas vicci …
Pas d’émotion, pas de tilt … l’impression d’entrer dans l’esprit en effervescence d’un homme qui met en mot et en image tout ce qui se passe à l’intérieur de sa tête, comme si ce devait être universel! Il y a bien sûr les thèmes universels de lutte (l’esclavagisme, le racisme …) mais bon …
Et le frigo du début de l’expo … là … non … vraiment … je n’ai pas compris et n’ai pas réussi à m’extasier … le mien, avec les traces de son vécu familial dans l’histoire familiale m’émeut bien plus et je le trouve plus artistique …
Par contre, l’effet de paix en arrivant aux modernes … l’effet de paix en tournant la tête, dans la dernière salle de Basquiat et de rencontrer le Rothko, plein mur … alors là, vraiment, j’ai eu de l’émotion. Je crois que je n’ai jamais regardé tous les tableaux de l’exposition « classique » avec autant de tendresse … et de sérennité. Juste dommage pour le canapé blanc qui ne trône plus devant le tableau de Monnet, avec en angle la sculpture de Rodin …
Bon d’accord … pour Basquiat , je devais être la seule à soupirer quoique … sachant les suisses très bien élevés …
DominiqueL.
Il est difficile d’être complet, merci pour la précision
Très intéressant tout ça.
Manque peut-être un mot sur Lee Quinones, qui a partagé ses débuts (et son atelier), graffeur et acteur principal du film Wild Style (qui est un peu sa bio), dont a pu revoir qq oeuvres lors de l’expo à la Fondation Cartier.
Lee, que j’ai rencontré par hasard backstage à un concert à Brooklyn et qui travaille aujourd’hui dans un hangar situé dans un arsenal de l’armée !
Oh que non, venez voir l’exposition à Bâle, l’accrochage de Beyeler n’a pas son pareil, cette fondation n’est comparable à nulle autre, tout pour l’art, rien pour la frime, simplicité, clarté.
Ernst Beyeler et Renzo Piano ont eu une collaboration exceptionnelle pour imaginer et construire ce lieu.
Je suis prête à vous piloter ou vous conseiller sur la meilleure manière de venir dans notre triangle d’or.
Merci pour votre passage et votre commentaire.
» sa disparition tragique à l’âge de 27 ans » : c’est vrai, tragique pour sa vie, son existence même, mais cette mort prématurée a aussi donné à l’artiste une dimension mythique (‘le James Dean de la peinture’, d’autant plus que Basquiat était beau, ce qui ne gâche rien !) et apporté une fortune, critique et financière, à ses oeuvres. Telle une plus-value. Une mort subite apporte un gage d’éternité, quel paradoxe fascinant ! S’il avait vécu jusqu’à 92 ans comme Picasso, aurait-il la même cote ? La même image d’expressionniste romantique jusqu’au-boutiste ? Pas sûr…
Mais, oui, c’est un grand artiste (Warhol, comme d’hab, a eu du flair), un écorché vif comme on les aime ; et j’ai hâte d’aller voir son expo au MNAM de Paris à la rentrée de septembre 2010. Par contre, vous avez eu raison d’aller à Bâle, car, vu les oeuvres volées récemment dans le musée national parisien (Picasso, Braque et consorts), il n’est pas sûr que l’enseigne se fasse prêter beaucoup de Basquiat. Les collectionneurs et assureurs vont peut-être tiqués ; les pièces valant des millions d’euros et de dollars. Et c’est la crise !!!
Winnetou