« Am Anfang », Symbolique et démesure.

Une voix dit « Crie », et je dis : « Que crierai-je ? »

« Toute chair est de l’herbe »

et toute sa grâce est comme la fleur des champs.

l’herbe se dessèche, la fleur se fane,

quand le souffle de Yavé passe sur elles :

oui, le peuple, c’est de l’herbe,

l’herbe se dessèche, la fleur se fane,

mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais.

Isaïe. 40. 6-6

 

am-anfang-anselm-kiefer.1247266527.jpg« Am Anfang » est né sous le sceau d’un double moment marquant dans la vie de l’Opéra Bastille. Départ d’un directeur emblématique, Gérard Mortier et célébration du 20ème anniversaire de l’institution, elle-même inaugurée pour le bicentenaire de la révolution.  Un symbolisme proche de la démesure. Dans pareil contexte, confier au plasticien allemand Anselm Kiefer, connu pour ses peintures et installations, la responsabilité d’une création mondiale relevait  de la gageure, le mot est faible.     Cela  dit, on en attendait pas moins de Gérard Mortier,  qui a brillé à la tête de l’Opéra par son sens du panache et de la provocation. « Am Anfang » est l’histoire de la destruction et du recommencement éternels, un sujet idéal pour une  fin d’époque. Il met en scène un peuple errant, incarnation du peuple juif vivant dans des décombres et tentant de vainement de reconstruire ce qui sera détruit, puis renaitra, enfin. Au milieu de ce cloaque,am-anfang-lilith.1247267909.JPG Lilith, rôle muet et cheveux roux, symbole du mal et de la destruction.  De la démesure, « Am Anfang » en est bourré, ce qui n’étonne pas lorsque l’on connaît le travail de Kiefer :  utilisation de la totalité de la scène de Bastille qui confèrent à des tours vouées à tomber tôt ou tard un air apocalyptique et lunaire ; démesure dans le rigorisme de la pièce dont les deux seules voix sont celles de Denis Podalydès et de la tragédienne Geneviève Boivin, contre lesquels vient se cogner le mutisme obstiné de femmes bâtissant un mur de pierream-anfang-le.1247267802.JPG. Si Kiefer est certes plus un artiste, voire un performer qu’un metteur en scène, la beauté plastique de son travail est stupéfiante et vient à l’aide de la récitation, ainsi que le fait l’esthétisme des personnages muets trainant dans le sable et les ruines. La musique est  de Jörg Widmann, compositeur allemand et clarinettiste de formation qui en profite pour exécuter deux solos, c’est suffisamment rare pour le signaler. Elle revêt un caractère aérien, mais inquiétant, dans lequel on reconnait le travail de l’instrumentiste à vent. On regrette qu’elle ne soit pas plus présente tout au long de la pièce.  Impressionnant pour les yeux, intrigant pour les oreilles, allez voir « Am Anfang », pour découvrir une autre facette de Kiefer, artiste adoré chez nous.
Claire S.

Am Anfang, mise en scène Anselm Kiefer, musique Jörg Widmann  jusqu’au 14 juillet à l’Opéra Bastille, entrée gratuite le 14.  

Pina Bausch

 
pina-bausch1.1247015024.jpgComme beaucoup d’entre nous, j’ai été choquée par la disparition brutale de cette grande dame, que demeure Pina Baush, que j’avais eu l’occasion de voir à la Filature de Mulhouse pour Kontatkhof.
Cette fois-là, ce sont des non-acteurs danseurs qui étaient en scène, âgés de plus de 60 ans,
Ma réflexion sur l’usure du temps me ramenait droit à l’opéra de  GF Haendel ‘Il Trionfo del Tempo e del Disinganno  (Le triomphe du Temps et de la décrépitude) et la vue de corps plus très jeunes, laissa un sentiment partagé, à la fois d’admiration devant, la performance, le courage de ces personnes qui se montraient sans fard, mais aussi de gêne et d'angoisse, pour être confrontée aux modifications du corps du à la vieillesse.
Cela valait toutes les vanités et memento mori de nos musées.

Je ne savais trop comment exprimer mon sentiment, sur le sujet, c’est sur un blog que j’ai trouvé cet hommage de Cécile et que je publie ci-dessous avec son aimable autorisation :
 Madame,
Je désirais vivement voir votre troupe danser. Un désir de quinze années. Je n'en avais jamais eu l'opportunité. Trop peu d'argent, il fut un temps, pour m'offrir ce plaisir ; impossibilité d'être en Avignon ou en Allemagne, ou de l'autre côté de l'Atlantique quand il l'aurait fallu ; le nez cogné au guichet pris d'assaut de cette forteresse qu'est le Théâtre de la ville.
Je laissais donc d'autres me raconter, partager leurs impressions et leurs émotions ; d'autres qui vous suivaient, vous critiquaient, vous admiraient, se nourrissaient de votre travail, de votre langage des corps, de votre révolution depuis vingt ans et plus. Ils semblaient vous connaître si bien. pina-bausch-2.1247055442.jpg

Par comparaison, je ne savais rien de vous, si ce n'est que j'ai toujours été intimement persuadée, au travers des mots rapportés et des photos, de la nécessité de voir, un jour, un spectacle de vous.
Cet automne, puis cet hiver 2008-2009 si froid.
La crise économique. Des rumeurs de licenciements pour les uns, pour les autres. Une accélération des restructurations douloureuses et des licenciements, de fait. Battre le pavé pour l'éducation, les droits des salariés, contre les délocalisations, les abus de pouvoir et financiers. Une grève générale, dure et violente dans les territoires d'Outre-Mer, perpétuels oubliés de la république. Des guerres épouvantables. L'Homme qui dévore l'Homme. Continuer à aimer l'art à tout prix ? Mais comment concilier, dans certaines conditions, amour de l'art et les réalité brutales du monde ? Inquiétude, impuissance, sentiment pessimiste pour la énième fois d'un monde dans l'impasse et moral en berne.

Hiver 2009 encore …
Pour la toute première fois de ma vie, avec bien du retard et beaucoup d'impatience, j'ai vu danser votre troupe. Le Tanztheater de Wuppertal.
"Wiesenland" :
Bruits d'eau. L'eau. Longues, soyeuses et fluides robes colorées. Ces femmes qui fumaient, bavardaient. Humour. De seaux déversés. Ces femmes qui se faisaient baigner le visage et tremper les cheveux. Cette femme blonde au visage atypique et aux lèvres si rouges, à la présence de gingembre. Ces hommes aux apparences désinvoltes. Parlant avec volubilité. criant. Mains dans les poches. Danse très maîtrisée. Cette femme aux cheveux fins et ternes, au visage ramassé, au profil d'oiseau, pas très belle de prime abord mais qui dégageait un charme envoûtant dès que son corps se mouvait, dansait, se déployait dans l'espace. Chaleur. Canicule. Des siestes. Des corps alanguis. Effluves d'Europe de l'Est et de Méditerranée. Vos musiques. Une table que l'on dresse, bruit de vaisselle et de verres choqués, des chaises, pas de chaises. Cette liesse. Presqu'hystérie. Cette prairie d'herbe si verte.
(Je tente simplement de rattraper l'unique souvenir qui s'effrite en bribes que j'aie de votre travail …) pina-bausch.1247015309.jpg

Vous m'avez emmenée, transportée, installée au sang, aux nerfs, au ventre, au sein, au coeur d'une beauté artistique infiniment sensuelle, folle et fulgurante. J'ai vécu grâce à vous une étreinte éphémère mais intense avec la danse. Plus que de la danse : en réalité une chance. Un de ces rares moments dont on voudrait que jamais pareil effet ne s'estompe et cesse.
A la toute fin, d'un élan, je me suis levée pour vous applaudir à tout rompre, à m'en brûler les mains. Enthousiasme et plénitude. Vouloir vous jeter des roses pâles, des pivoines, des lys, que sais-je ? Vous jeter mon coeur. Toute cette vie insufflée. Je n'étais, bien entendu, pas la seule à tanguer sur cette nef de beauté. Cet amour débordant du public pour vous, ô combien palpable et fort dans l'air de ce soir-là … Cette ferveur et cette fièvre pour votre art qui contrastait avec vous, simple silhouette noire, bien droite à quelques pas du bord de la scène, qui saluait, face à nous.

Vous êtes morte, hier, Pina Bausch. A vous qui m'avez donné, cet hiver, envie d'être, de reprendre confiance et envie de vivre, de vivre encore : MERCI.
Cécile - mercredi 1er juillet 2009


 

Sonia mon autre soeur, de Mulhouse à Tuzla,

jean-jacques-rinckenbach.1246990836.JPGContribuer au démarrage d’une usine constitue, pour Jean-Jacques Rinckenbach, une mission au demeurant banale… Sauf si l’action se situe en Bosnie-Herzégovine, à Tuzla, dans les années qui ont suivi la mort de Tito.
Tout en essayant de comprendre l’origine des problèmes liés au fonctionnement de l’usine, Jean-Jacques tissera au fil du temps des liens de plus en plus serrés avec les autochtones. Il croisera la sympathie des uns, la méfiance des autres, la volonté farouche de Nina, le désespoir de Sonia…
En opposant à la détresse ou à la cruauté l’amitié et la persévérance, Jean-Jacques parviendra aussi bien à redonner des ailes à une jeune femme au destin brisé, qu’à mettre à jour un important trafic d’armes ou à contribuer à l’essor du commerce international. Un dénouement heureux pour une histoire tragique…

« A quoi sert-il d’avoir un cœur de bulldozer,
si on n’est pas capable de niveler les malheurs ? »
 

L’auteur se trouve en proie aux violents désordres qui ont secoué ce pays, sur fond de haînes ethniques et religieuses.
Ces désordres permettent des trafics et des corruptions de tout genre, mais n’empêchent pas que des femmes et des hommes courageux se battent opiniâtrement pour tenter de se reconstruire un destin.
jean-jacques-rinckenbach-sonia-ma-soeur.1246991479.jpgEt dans ce monde de violence, des familles éclatées cherchent à se retrouver, à faire front face à l’adversité, à regarder l’avenir avec une lueur  d’espoir retrouvé.
Jean Jacques Rinckenbach a baigné pendant de longs mois dans cet univers, partageant les peines, les joies et les espoirs de la communauté de Tuzla, essayant de forcer le destin quand l’occasion lui a été donnée.
Il n’en est pas ressorti indemne, aussi dans son livre il relate cette expérience hors du commun, avec une précision chirurgicale et une empathie qui lui font honneur.
L’auteur se déplace sur demande pour parler et dédicacer son livre dans la périphérie mulhousienne, voire au-delà.

L’ ouvrage est disponible chez
Jean-Jacques RINCKENBACH
6 avenue d’Italie – 68110 ILLZACH
 
Prix : 20 €  + participation aux frais d’envoi : 5 €
e-mail :
jjrinck@wanadoo.fr
photo de l’auteur
 

Au Lohnhof – Musée des instruments de musique de Bâle

lohnhof-allegorie-de-la-musique.1246823163.JPGLe musée des instruments de musique à Bâle se trouve au centre de la vieille ville, au-dessus de la Barfusserplatz. Il s’intègre à un ensemble de bâtiments dont la partie la plus ancienne remonte à environ 1070. D’abord couvent des chanoines de Saint-Augustin, il devint plus tard un édifice municipal, appelé le lohnhof.1246820476.JPGLohnhof. L’architecture extérieure et les salles du musée lui-même témoignent encore de sa dernière utilisation en tant que prison (1835-1995).musee-des-instruments-de-musique-de-bale.1246820761.jpg Les travaux et l’aménagement du musée (1996-2000) ont été financés par les donations privées.  La plus grande collection d’instruments de musique de Suisse est exposée dans le Lonhof, avec quelques 650 instruments présentés dans 24 anciennes cellules de détenus.  « La section musique à Bâle » au premier étage replace les instruments dans leur contexte social avec une représentation des villes sur les tambours, la musique dans les milieux humanistes.
Une autre section « Concerto, chorale et danse » au 2è les expose en tant que genre musical, de la musique de chambre baroque aux instruments de couvent et d’église d’origines de Suisse.  Au troisième et dernier étage, « parade, fête et signaux » évoque les évènements où l’on joue ces instruments dans les circonstances telles que les représentations princières, la chasse, l’armée, avec également une exposition de « chapeaux chinois » et les instruments de musique turque, sans oublier les tambours européens.
Tout au long de la visite, presque conçu comme un « tour de ronde », le public peut écouter 200 extraits musicaux et recueillir des informations en trois langues (français, anglais, allemand) sur écran électronique (sources, illustrations, exemples musicaux, photos d’époque à l’appui) et choisir selon un système interactif.  Une « cellule spéciale» est consacrée au compositeur Mauricio Kagel, compositeur, chef d’orchestre et metteur en scène argentin né à Buenos Aires le 24 décembre 1931 et mort le 18 septembre 2008 à Cologne]. Il s’est principalement attaché au théâtre instrumental en renouvelant le matériau sonore (électroacoustique, sons divers).
« Un géant, en son genre, Kagel. Sobre dans ses mots. Profond dans ses pensées. Simple et lumineux. Et pédagogue dans tout son être avec cette qualité rare de respecter et d’écouter l’autre. Son « théâtre instrumental ». Très mathématique. Inimitable. Difficile, parfois. Labyrinthique Inclassable. Du Kagel, c’est du Kagel. Hors mode. Avec l’emprise et l’empreinte d’une pensée politique qui exclut les autoritarismes, les totalitarismes, questionne en permanence le pouvoir, tente de trouver du sens à l’insensé, de percer les mystères de l’ambiguïté et de résister au vertige de l’absurde. »
Il a exploré les ressources dramatiques du langage musical contemporain dans des pièces radiophoniques, des films, des œuvres électroacoustiques et des formes anciennes.   Sensible à l’humour et à la mécanique, le portrait de ce compositeur nous est dévoilé dans un espace spécialement aménagé pour les petits et les grands… un vrai moment de détente.Au carrefour de plusieurs civilisations et sollicitée par les différents styles musicaux de l’Allemagne, de la France et de l’Italie, la Suisse a connu, en musique, plus de théoriciens que de grands créateurs. La création d’un Collegium musicum à Zurich (1613) et à Winterthur (1629) marque également une étape importante dans le développement de l’activité musicale, non seulement par le soutien qu’il apportait au chant d’église et à la musique profane, mais dans l’élargissement à une association d’auditeurs de ce qui n’était jusqu’alors qu’un cercle de musiciens amateurs.lyra-flugel-1915.1246823613.JPG
Une forte tradition musicale humaniste s’est formée sur les bords du Rhin à Bâle durant les siècles précédents et jusqu’à aujourd’hui.
La visite de ce musée est un retour sur une partie de l’histoire de la musique en Suisse allemanique, dont l’influence de la musique allemande est demeurée capitale. Répartis sur trois étages, à l’éclairage tamisé et discret les instruments se révèlent dans un contexte très « cosy » d’où entre autre émerge un superbe saxophone couleur ivoire datant des années 30 et d’autres merveilles d’instruments à cordes, sculptés pour la beauté du regard.  
lonnhof-cellule-tagee.1246822673.JPGIncluant la vue d’une cellule tagée, restée intacte, ce musée est un véritable lieu de recueillement, sorte de « salon de musique » à l’ancienne dans une tour d’ivoire, dont certains ne sont sortis qu’en 1995. Côté cour, c’est idéal pour méditer. L’hôtel la brasserie Au violon qui se situe à côté dans l’entrée du Lohnhof ne demande qu’à nous faire entendre cet instrument.  

 photos et vidéos de l’auteur
les cellules sont plongées dans la pénombre aussi les vidéos sont très moyennes

Ronan Barrot

“Je peins des sujets de peinture.”
ronan-barrot-le-carre.1246540744.JPGRonan Barrot, mon premier coup d’œil à l’exposition qui lui est consacrée au Centre d’Art Contemporain Fernet Branca, a été désastreux. D’une salle, l’autre des toiles immenses, des couleurs, sombres, parsemées de bleu, de rouge, des crânes. J’ai fait rapidement le tour de peur d’être happée par un pessimisme évident. Les gardiens interloqués me voyant ressortir aussi rapidement, me disent : vous n’êtes pas la première à être choquée par ces peintures.
Moi : est-il suicidaire ?  Et bien non, car lors d’une des soirées consacrées au 10 ans du pass-musées, j’ai suivi la visite guidée, animée par Gusty Vonville,  passionné par l’œuvre de cet artiste. C’est là que j’apprends que Ronan Barrot est plutôt bon vivant (je cite GV), passionné d’histoire de l’art, effectivement dans ses peintures on retrouve des références à Goya, la grille, à Manet les déjeuners, à Courbet par la magnificence des ocres, à Rembrandt et Soutine – le bœuf écorché par l’émotion et la douleur dégagées, Cezanne pour les portraits et paysages, les références sont multiples. Ronan Barrot peint avec frénésie, la douleur, la guerre, la mort, avec lui c’est « crimes et châtiments »  dans l’exubérance des pigments et de la matière.
Pourquoi tous ces crânes dans la plupart de ses compositions ? Une manière de nous ramener à la préhistoire ai-je lu dans le catalogue, grâcieusement offert par Fernet Branca, ou vanité et memento mori.
On ne peut rester insensible devant « l’outrage » (Guantanamo), ronan-barrot-loutrage.1246540419.JPGun homme vêtu de rouge les deux mains liées,  entre deux poteaux, qui si l’on y regardent de plus près forment une croix dans le haut, les barbelés, n’étant plus que des volutes sur ses jambes, la tête inclinée sur la poitrine, tel un pendu, deux hommes de part et d’autres, une crucifixion avec les 2 centurions,
Un ciel de fin du monde, tout y est.
A ma question : Comment Ronan Barrot est-il perçu dans le monde de l’art contemporain, en tant que peintre figuratif, alors que l’air du temps veut qu’après l’holocauste on ne peint plus d’images d’où le passage  à l’abstrait ? Auguste Vonville évoque cette histoire :
Onze ans auparavant, en 1998, une conversation de  Denis Monfleur avec Yves Michaud, alors directeur de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, tourne court
Cette conversation sort droit de l’imagination de l’enthousiaste Gusty, cette conversation sort droit de l’imagination débridée de mon lecteur enregistreur….donc acte…… Denis Monfleur n’ayant jamais rencontrer Yves Michaud, en dehors de ses lectures, mais elle aurait pu exister … aussi les guillemets se justifient d’autant plus…

 » Nous parlons de l’exposition consacrée aux diplômés de l’école, avec félicitations du jury. Je lui dis toute mon admiration pour les oeuvres d’un jeune peintre, Ronan Barrot, et lui ne cesse de vanter les qualités d’un autre artiste, François Durif, obsédé par les dessins chirurgicaux et offrant aux visiteurs des chapeaux en papier qu’il fabrique sur place car il s’est installé une chambre dans la salle d’exposition et ne quitte plus le lit. Barrot, lui, se contente de peindre : des crânes, des joueurs de foot, un autoportrait. J’épelle : Ro-nan Bar-rot, mais le directeur-philosophe, malgré toute sa bonne volonté, ne voit pas de qui je lui parle. »

Les deux témoignages ne coïncident pas tout à fait. Barrot affirme que le jury de l’Ecole des beaux-arts détestait ses tableaux, qu’il s’apprêtait à lui refuser son diplôme de fin d’études ou, au mieux, à le lui donner sans félicitations, lorsque, tel Zorro arrivant sur son fier destrier, » l’un des membres du jury, le peintre Yan Pei-Ming, sauva la situation en déclarant qu’il voulait lui acheter une des oeuvres – ce qui impressionna ses compères et les incita à se ranger à son avis. Plus mesuré, Yan Pei-Ming prétend que les autres jurés n’étaient pas hostiles à l’oeuvre du jeune peintre et qu’il n’eut aucun mal à les convaincre de le féliciter. » Selon que l’on aime ou pas le romanesque, on choisira l’une ou l’autre version. Admettons, la version de Yan pei-Ming ….
Autre toile avec une dédicace au dos « à Julien Coupat » dansronan-barrot-nous-viendrons-vous-chercher.1246540595.JPG « Nous viendrons vous chercher » un paysage de désolation, sur une terre rouge, surgissent des arbres dont on aperçoit que les troncs, au premier plan, un couple de squelettes accroupis contre le tronc, puis un homme assis parterre, de trois quart, accoudé, puis une ombre silhouette, indéfinie, loup-garou, diable, mercenaire, menaçant, tout ceci sur fond de cabanes en bois. Un ciel gris achève le côté menaçant du tableau, mais un semblant de fenêtre encadrant un bleu à la Barrot y met une touche d’espoir.
Il faudrait parler de « la main, la rencontre, les portraits, le Carré, le Cheval, Même les chiens ont faim, du honteux 17 octobre 1961,  etc… » Une exposition à voir jusqu’au 16 août.
photos de l’auteur