A la Bourse de Commerce, Pinault, dans la Galerie 6, l’installation RITUALS de Miriam Cahnse présente comme une méditation sur la fragilité de l’existence et les rituels quotidiens qui accompagnent les derniers jours de son père. L’artiste substitue à l’unicité de l’œuvre, un rythme quasi organique d’images qui évoque le cycle de «La Frise de la vie» d’Edvard Munch. C’est comme si le corps de Miriam Cahndans l’acte pictural avait lui-même accouché de ses œuvres.
«Une exposition est une œuvre en soi et je l’envisage comme un performance», précise l’artiste. Les liens qu’elle tisse entre les œuvres sont parfois si essentiels, consubstantiels comme ici, qu’elle invente des espaces symboliques, des chambres pour protéger l’intimité qui les relient et qui forment aussi un petit théâtre. «Je m’intéresse aux échanges entre l’image et le spectateur», confie Miriam Cahn qui relate souvent combien, jeune artiste, elle souhaitait traduire dans son œuvre «cet état d’enthousiasme éprouvé à l’époque de mes soirées théâtrales.»
Née en 1949 à Bâle (Suisse), Miriam Cahn se forme au graphisme, puis s’en détourne pour le dessin. Qu’ils soient exécutés à la craie—sur les murs des galeries et dans l’espace public—ou au fusain—sur de grands cahiers posés au sol—, ses premiers dessins de la fin des années 1970 manifestent une expression véhémente, violente, transgressive. L’artiste ne tarde pas à utiliser son propre corps comme matériau dans des performances vidéo. Elle ne veut pas se perdre dans une trop grande maîtrise technique comme on le lui a appris, elle voit autour d’elle des artistes performer qui l’ont convaincu que l’instantanéité dans l’art permet d’exprimer de grandes choses, au fond ce qu’elle veut c’est trouver dans l’art cet état d’enthousiasme qu’elle a éprouvé dans le théâtre, trouver une jubilation, un rire tout en dénonçant, tout en résistant, tout en partageant. Mais elle est jeune et personne ne l’attend, alors elle défit son père de lui donner cinq ans un soutien financier. Pendant cinq années elle s’est fait, dit-elle, un plan quinquennal; au bout de cinq ans elle veut vivre de son art elle se l’ai juré, son père accepte. Alors Myriam arpente les galeries et les foires, affine sa pratique, définit son style. Il n’a pas fait cinq ans, seulement trois. En 1976 la galerie Stampa à Bâleaccueille sa première exposition, et elle le dit elle-même ce fut le début. Voilà comment a commencé la vie d’artiste de Myriam Cahn, qui s’est construit en Suisse dans la après guerre, avec une profonde conscience de l’état du monde et en ayant compris aussi que l’espace accordé aux femmes était beaucoup trop restreint. Son travail politique et sociale et le prix d’un geste artistique intime, intense, c’est un cri de colère, une réaction.
« être Artiste pour Myriam Cahn ce n’est pas un choix, c’est un fait : je voulais devenir artiste, devenir Picasso, Munch, Goya, Michel-Ange, créer des colonnes infinies comme Brancusi, des animaux comme Franz Marck, être artiste, impérativement, absolument, libre, vivre comme un homme, mais sans jamais être un homme, je voulais être femme et vivre comme un homme, travailler comme un homme, ne jamais être au service de quiconque, jamais jamais jamais, vouloir devenir épouse, amie, partenaire jamais jamais jamais »
Miriam Cahn est une artiste associée à la cause féministe. La guerre, le sexe et la mort sont ses principaux thèmes de prédilection. Influencée par l’esprit égalitaire et utopiste de mai 68, son propos féministe se fait ressentir dans ses tableaux et dans son cheminement réflexif :
« Une artiste a besoin d’une bonne dose de conscience féministe, écrit-elle. Je ne veux pas généraliser mais du moment que je représente des corps, je suis tout de même obligée de lui accorder sa place ».
Elle questionne le rôle du corps dans la vie sociale et culturelle. En peignant des personnages asexués, Cahn s’impose comme une activiste féministe. Elle réinterprète les sujets classiques de la peinture en cherchant à atteindre un monde d’avant la culture où l’homme, la femme et les animaux n’étaient pas encore distingués et séparés.
Sa participation à la dOCUMENTA de Cassel en 1982, est fondée sur l’image du corps, plus précisément sur les conditions de son apparition: son surgissement, son trouble, sa disparition. Un mirage dans un paysage évanescent, le saisissement mystérieux d’une silhouette, le spectre d’un visage hagard et diaphane.
Militante des droits des femmes
Elle milite pour les droits des femmes et réagit aux conflits politiques à travers son art qui devient alors une force de résistance. Pour cela, elle se concentre sur l’humain et engage son corps dans ses œuvres comme elle le fait avec les peintures Sarajevoou Mare Nostrum. La scénographie de ses expositions relève également de son expression artistique ainsi que le mode de fabrication des œuvres qu’elle veut toujours instantané.
Quant aux êtres qu’elle représente, Cahn opte pour le flou des silhouettes plutôt que pour les contours marqués qui distinguent généralement la forme de l’environnement dans lequel elle se trouve. Cahn privilégie les transitions entre les personnages au lieu de les contraindre à leurs frontières. Ce dernier point s’explique probablement par son intérêt pour les problématiques liées à la guerre du Golf, des Balkans ou à l’immigration. La peinture permet à l’artiste de témoigner de sa solidarité sans tomber dans ce qu’elle appelle le « kitch politique ». Elle préfère traiter de ce genre de sujet en restant poétique et abstraite.
Informations pratiques
Bourse de Commerce—Pinault Collection 2, rue de Viarmes, 75001 Paris (France) Tel +33 (0)1 55 04 60 60 www.boursedecommerce.fr Ouverture tous les jours (sauf le mardi), de 11h à 19h et en nocturne le vendredi, jusqu’à 21h
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PASSAGE / SALLE DES MACHINES Ali Cherri Sous le commissariat de Jean-Marie Gallais, conservateur, Pinault Collection
Introduction
«Le Passage de la Bourse de Commerce accueille les œuvres d’Ali Cherri, artiste libanais installé en France. Dans sa jeunesse, ce dernier est marqué par la guerre civile au Liban, et notamment par les spoliations, vols et trafics d’œuvres d’art que les guerres engendrent. Investissant les vingt-quatre vitrines, dispositif muséal par excellence pour présenter des objets, son œuvre s’inspire également du cinéma et de ses vingt-quatre images par seconde: ses sculptures sont pensées comme des flashes fantomatiques qui s’inscrivent dans un espace liminal entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, et qui invitent à réfléchir aux manipulations séculaires d’artefacts culturels.» Emma Lavigne
Ali Cherri, L’Homme aux larmes, 2024, tête en pierre sculptée du 14-15e siècle, argent patiné, plâtre, acier, 49 × 41 × 31 cm. Pinault Collection. Courtesy de Galerie Imane Farès. Photo: Studio Ali Cherri.
«“Puis vint le cinéma pour ressusciter les corps”, écrit Ali Cherri. “L’histoire du cinéma est une histoire de morts qui survivent en images. Le cinéma a toujours été une affaire de fantômes, que ce soit pour des raisons techniques (projection lumineuse, fondus enchaînés), généalogiques (influences de la fantasmagorie et de la lanterne magique), ou surtout poé‑ tiques (les personnages à l’écran meurent et ressuscitent à chaque projection). En enregistrant et en conservant les traces des corps, le cinéma devient ainsi un moyen de faire revivre les morts à travers l’écran, réveillant l’âme des corps inertes3.” Dans son film Somniculus (2017) tourné à Paris, Ali Cherri s’emparait de cette dimension spectrale de la pellicule en remplaçant les corps des acteurs par des œuvres d’art et des objets filmés dans des musées vides. Prenant à rebours l’analogie récurrente entre musées et cimetières, spécialement dans le contexte postcolonial (Les statues meurent aussi, d’Alain Resnais, Chris Marker et Ghislain Cloquet, 1953), Ali Cherri préfère considérer ces objets comme temporairement endormis—somniculus en latin signifie sommeil léger—, et le musée comme un dortoir 4. 3—Note d’intention du projet par Ali Cherri (août 2024). 4— Cette image est également à l’œuvre dans le film Dahomey (2024) de Mati Diop, qui donne la parole à l’une des vingt-six œuvres restituées par la France au Bénin. Jean Cocteau, dans la voix off du Sang d’un poète (1932), emploie la même métaphore en 1930, en s’en méfiant: «N’est-il pas fou de réveiller les statues en sursaut après leur sommeil séculaire?» (11’25 »).
Poursuivant ce projet, des sculptures et artefacts arrangés à la manière de tableaux vivants miniatures sommeillent ou se réveillent dans chacune des vitrines de la Bourse de Commerce. […] Mêlant trouvailles archéologiques et ses propres créations, il crée des chimères. “Les greffes que j’opère dans ma série de sculptures sont une forme de solidarité entre corps brisés, fragmentés, violentés, qui, en se soudant, créent une communauté”, dit-il. Ces objets, ressuscités ou survivants de passés tumultueux, rebuts que les musées n’ont pas jugé dignes d’être conservés, témoignent d’innombrables échanges et pérégrinations: yeux arrachés des sarcophages égyptiens, contrefaits quand ils deviennent à la mode dans les collections européennes, fausses curiosités et copies d’après l’Antique fusionnent, comme des civilisations éloignées cohabitent et prennent racines l’une dans l’autre.» Jean-Marie Gallais
Biographie
ALI CHERRI Né en 1976 à Beyrouth (Liban), Ali Cherri a grandi pendant la guerre civile qui a plongé le pays dans un contexte de crise permanente. Il vit désormais à Paris (France). Sculpteur et vidéaste, il explore les déphasages temporels entre des mondes anciens et des sociétés contemporaines, privilégiant une lecture incarnée des événements historiques où mémoires intime et collective s’enchevêtrent sensiblement. Ainsi, ses travaux sur les liens entre archéologie, narration historique et patrimoine prennent leur source dans les procédés d’excavation, de délocalisation et de muséification des restes funéraires qui font violence à des pratiques culturelles intemporelles et au sens même des sites archéologiques.
Bourse de Commerce François Pinault 2 rue de Viarmes, 75001 Paris
Horaires
Du lundi au dimanche de 11h à 19h Nocturne le vendredi jusqu’à 21h Fermeture le mardi et le 1er mai Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h
Métro 1 station Louvre — Rivoli 4 station Les Halles 7 11 14 station Châtelet
Bus 74 85 arrêt Bourse de commerce 21 67 arrêt Louvre — Rivoli 70 arrêt Pont Neuf — Quai du Louvre 69 72 arrêt Louvre — Rivoli / Pont des Arts 38 47 58 76 arrêt Châtelet
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«Corps et âmes» débute avec une œuvre deGeorg Baselitz, installée dans le Vestibule de la Bourse de Commerce. Figure innocente de face, menaçante de dos, cette sculpture réalisée en bois de cèdre, puis colorée de peinture à l’huile, est un autoportrait colossal de l’artiste enfant, qui se représente enfant et tient entre ses mains un crâne. Dominant le spectateur, les pieds solidement ancrés au sol, Meine neue Mütze (My New Cap) (2003) est sa toute première sculpture-autoportrait.
GALERIE 5
Avec: Georg Baselitz / Ana Mendieta
Comme une promesse d’une renaissance, d’une continuité d’une vie après la mort, le corps chrysalide d’Ana Mendietase transformant en papillon, apparaît, lui, comme une lumière dans l’obscurité.
Biographie Née à La Havane (Cuba) en 1948 et décédée en 1985 à New York (États-Unis), Ana Mendieta est une artiste dont la carrière, brève, a irrémédiablement marqué l’histoire de l’art. Émigrée aux États-Unis, Ana Mendieta développe un langage sculptural inédit, nourri de ses recherches sur les mythes originels et l’art rupestre, inscrivant son œuvre dans la poursuite de traditions ancestrales et des rituels magiques. Dans sa production filmique, elle explore les relations que son corps entretient avec la nature, et la pleine fusion qui les relie, à la croisée de la sculpture et de la performance. Dans l’effervescence politique des années 1970, Ana Mendieta rejoint la A.I.R. Gallery, première galerie gérée par un collectif de femmes artistes aux États-Unis, pionnière dans la réflexion féministe et décoloniale, à laquelle l’artiste contribue largement.
Comme final de l’exposition, le chef-d’œuvre monumental de Georg Baselitz, Avignon (2014), parachève cette danse des corps. Dans l’obscurité, dramatiques et spectaculaires, huit tableaux suspendus dans l’espace, exposés pour la première fois à la Biennale de Venise en 2015, sous le commissariat d’Okwui Enwezor, forment un huis clos, un théâtre où le corps vieillissant de l’artiste est le seul protagoniste. Inspiré notamment par les dernières peintures de Picasso, mais aussi par Cranach, Schiele ou Munch qui transparaissent en filigrane, ces corps semblent «danser à l’envers» selon les mots d’Antonin Artaud.
GEORG BASELITZ Né à Deutschbaselitz (Allemagne) en 1938 sous le régime nazi, Georg Baselitz est un peintre et sculpteur formé à Berlin en pleine guerre froide. Figure majeure du néo-expressionisme, il a participé au renouvellement de la peinture allemande après la seconde guerre mondiale. Influencé par le contexte d’après-guerre, il entretient un rapport critique à l’histoire de l’art et à ses maîtres. Établissant la transgression comme mode opératoire, Georg Baselitz réalise une œuvre anticonformiste, où la violence est à la fois formelle et symbolique. En 1969, il renverse les motifs de ses tableaux: désormais à l’envers, ceux-ci bousculent la tradition et reléguent le motif—comme véhicule d’idéologie—au second plan. La violence à la fois formelle et symbolique de son œuvre, en réaction aux traumatismes humains et aux tragédies liées à l’histoire de l’Allemagne, n’est pas sans provoquer des scandales, comme à la Biennale de Venise de 1980 où il présente Modell für eine Skulptur, une sculpture en bois dont le bras levé rappelle le salut nazi.
Informations Pratiques
EN AVRIL Vendredi 4 avril Theo Parrish / DJ set Compositeur culte de musique électronique et légende de la deep house de Detroit où il s’impose dans les années 1990, Theo Parrish livre un de ses iconiques DJ sets de plusieurs heures à la Bourse de Commerce, explorant les textures et les rythmes, distordant les sons pour créer sa propre couleur, préférant l’émotion brute à la pureté sonore. Jeudi 24 et vendredi 25 avril Kingdom Molongi, avec Low Jack / Concert En collaboration avec le label et collectif ougandais Nyege Nyege En écho à l’œuvre akingdoncomethas (2015) d’Arthur Jafa, un montage de sermons et de chants gospel enregistrés au sein de congrégations noires aux États-Unis, la chorale congolaise Kingdom Molongi et le compositeur de musique électronique français Low Jack s’associent pour la création d’une œuvre musicale, présentée dans la Rotonde.
Bourse de Commerce François Pinault 2 rue de Viarmes, 75001 Paris
Horaires
Du lundi au dimanche de 11h à 19h Nocturne le vendredi jusqu’à 21h Fermeture le mardi et le 1er mai Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h
Métro 1 station Louvre — Rivoli 4 station Les Halles 7 11 14 station Châtelet
Bus
74 85 arrêt Bourse de commerce 21 67 arrêt Louvre — Rivoli 70 arrêt Pont Neuf — Quai du Louvre 69 72 arrêt Louvre — Rivoli / Pont des Arts 38 47 58 76 arrêt Châtelet
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DU 5 MARS AU 25 AOÛT 2025 Commissariat général: Emma Lavigne, directrice générale de la Collection Pinault conservatrice générale Programmation culturelle associée: Cyrus Goberville, responsable de la programmation culturelle, Pinault Collection
Le collectionneur
Amateur d’art, François Pinault est l’un des plus importants collectionneurs d’art contemporain au monde. La collection qu’il réunit depuis plus de cinquante ans constitue aujourd’hui un ensemble de plus de 10000 œuvres, représentant tout particulièrement l’art des années 1960 à nos jours. Son projet culturel s’est construit avec la volonté de partager sa passion pour l’art de son temps avec le plus grand nombre. Il s’illustre par un engagement durable envers les artistes et une exploration continue des nouveaux territoires de la création. Depuis 2006, le projet culturel de François Pinault est orienté autour de trois axes: une activité muséale; un programme d’expositions hors les murs; des initiatives de soutien aux créateurs et de promotion de l’histoire de l’art moderne et contemporain.
Introduction
À l’appui d’une centaine d’œuvres de la Collection Pinault, la Bourse de Commerce présente l’exposition «Corps et âmes», offrant une exploration de la représentation du corps dans l’art contemporain. D’Auguste Rodin à Duane Hanson, de Georg Baselitz à Ana Mendieta, de David Hammons à Marlene Dumas, d’Arthur Jafa à Ali Cherri, une quarantaine d’artistes explore, à travers la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo et le dessin, les liens entre le corps et l’esprit. «Dans les courbes matricielles de la Bourse de Commerce, en un écho à la ronde des corps habitant le vaste panorama peint ceinturant le dôme de verre du bâtiment, l’exposition “Corps et âmes » sonde, à travers les œuvres d’une quarantaine d’artistes de la Collection Pinault, la prégnance du corps dans la pensée contemporaine. Libéré de tout carcan mimétique, le corps qu’il soit photographié, dessiné, sculpté, filmé ou peint ne cesse de se réinventer, conférant à l’art une organicité essentielle lui permettant, tel un cordon ombilical, de prendre le pouls du corps et de l’âme humaine.
L’art se saisit des énergies, des flux vitaux de la pensée et de la vie intérieure, pour inviter à une expérience engagée et humaniste de l’altérité. Les formes se métamorphosent, renouent avec la figuration ou s’en affranchissent pour se saisir, retenir et laisser affleurer l’âme et la conscience. Il s’agit non plus d’incarner des formes mais de capturer des forces et de rendre visible ce qui est enfoui, invisible, d’éclairer les ombres.
Arthur Jafa
Jusqu’au 26 mai 2025 Sous le commissariat de Matthieu Humery, conseiller pour la photographie, Pinault Collection
«J’essaie de créer des œuvres complexes, qui ne se prêtent pas à des réponses simples, binaires. » — Arthur Jafa
ROTONDE / GALERIE 2 / STUDIO
Dans la Rotonde, l’œuvre d’Artur Jafa Love is the Message, the Message is Death transforme l’espace en une caisse de résonance de la musique et de l’engagement des icônes africainesaméricaines, Martin Luther King Jr, Jimi Hendrix, Barack Obama, Beyoncé, leur conférant une portée universelle. Ses films oscillant entre la vie et la mort, la violence et la transcendance, se déploient en une mélopée visuelle inspirée du gospel, du jazz et de la black music et forment un flux d’images et de sons qui impulse son rythme à l’ensemble du parcours, en une chorégraphie où les corps figurés témoignent des liens que l’art entretient avec la vie. En résonance avec l’exposition, une riche programmation musicale fait de “Corps et âmes“ un événement polyphonique.» Emma Lavigne, directrice générale de la Collection Pinault, conservatrice générale
Biographie
Né en 1960 à Tupelo dans le Mississippi (États-Unis), Arthur Jafa est un photographe et cinéaste désormais installé à Los Angeles. Son travail s’inscrit volontairement au sein de la blackness qui revendique une identité culturelle africaine-américaine à part entière, dans laquelle les traumas de l’esclavage et de la ségrégation continuent de produire leur effet sur les corps, les imaginaires, les relations. Dans les années 1990, il travaille d’abord aux côtés de réalisateurs comme Stanley Kubrick et Spike Lee avant de réaliser ses propres films au sein desquels la musique noire notamment le gospel et le jazz—occupe une place centrale. Dans un contexte de violences policières envers sa communauté et d’un racisme omniprésent aux États-Unis, sa pratique, qui fait également intervenir la photographie, ne cesse de développer des stratégies visuelles, inspirées du collage et du montage, qui aspirent à représenter l’expérience noire dans sa multiplicité et sa complexité.
Bourse de Commerce François Pinault 2 rue de Viarmes, 75001 Paris
Horaires
Du lundi au dimanche de 11h à 19h Nocturne le vendredi jusqu’à 21h Fermeture le mardi et le 1er mai Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h
Métro 1 station Louvre — Rivoli 4 station Les Halles 7 11 14 station Châtelet
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Emma Lavigne, conservatrice générale et directrice générale de la Collection PinaultCommissariat : Carolyn Christov-Bakargiev, spécialiste internationalement reconnue du mouvement italien. L’exposition « Arte Povera » à la Bourse de Commerce — Pinault Collection vise à retracer la naissance italienne, le développement et l’héritage international du mouvement. Jusqu'au 20 janvier 2025
La commissaire Carolyn Christov-Bakargiev réunit dans l’ensemble du musée plus de 250 oeuvres des treize principaux protagonistes de l’Arte Povera — Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz, Marisa Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini et Gilberto Zorio — auxquelles s’ajoutent de nouvelles commandes, confiées à la fois à des artistes de ce groupe historique et à des artistes internationaux issus des générations suivantes, dont la création résonne étroitement avec la pensée et la pratique de l’Arte Povera.
La Bourse de Commerce — Pinault Collection présente une exposition d’envergure dédiée à l’Arte Povera. Le commissariat est confié à Carolyn Christov-Bakargiev, Celle-ci s’appuie sur l’important fonds d’Arte Povera de la Collection Pinault, mis en résonnance avec ceux des Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea (Turin), Fondazione per l’Arte Moderna e Contemporanea CRT (Turin), Kunstmuseum Liechtenstein — Vaduz, Museo e Real Bosco di Capodimonte (Naples), Galleria d’Arte Moderna (Turin), Centre Pompidou (Paris), Tate (Londres). La commissaire ouvre un dialogue inédit avec des oeuvres anciennes et contemporaines, ancrant l’Arte Povera dans une perspective temporelle élarg
PLUS DE 250 OEUVRES EN DIALOGUE
Outre le noyau d’oeuvres des treize artistes associés à l’Arte Povera, l’exposition comprend des pièces et des documents qui retracent les étapes clés de ce que l’on peut considérer comme les prémices du courant. Ces épisodes trouvent leurs racines dans la culture du bassin méditerranéen — des présocratiques à la pensée lucrétienne — et informent du rapport particulier entre modernité et ruralité qui a caractérisé l’Italie jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, en suivant une trajectoire, d’ascendance franciscaine, qui traduit une volonté d’appauvrir l’oeuvre. Dans l’exposition, chacun des treize artistes est associé à une personnalité, un mouvement, une époque ou un matériau qu’il estime comme une profonde influence, à l’image de Giorgio De Chirico pour Paolini et une peinture d’icône de Sano di Pietro pour Marisa Merz.
SALON
Dans le Salon, l’artiste Pier Paolo Calzolari expose Senza titolo (Materassi) (1970), une série de six matelas couverts de tubes réfrigérants. L’artiste transforme les objets les plus simples et les plus quotidiens en éléments de composition d’un tableau vivant. Chacun pourvu de son propre motif fait de tubes, se couvrant progressivement de givre, les matelas deviennent comme des êtres vivants. La mise en évidence de l’énergie qui les parcourt, la blancheur spectrale, le bruit des moteurs autant que la froideur de l’ensemble font de cette installation une expérience totale, où la vue, l’ouïe et le toucher du spectateur sont sollicités.
ROTONDE
Les treize artistes y sont présents, se faisant écho les uns aux autres, recréant l’intense magma collégial et expérimental des premières années de l’Arte Povera. Le premier arbre sculpté deGiuseppe Penoney côtoie le premier igloo de Mario Merz,
tandis que la première sculpture réfrigérée de Pier Paolo Calzolari dialogue avec la première Direzione (1967) de Giovanni Anselmo, rendant sensible l’essentielle continuité entre l’humain, le végétal et le monde minéral. L’espace de la Rotonde figure aussi un espace extérieur abolissant l’idée même de musée avec la fontaine fumante d’Alighiero Boetti, Autoritratto (Mi Fuma Il Cervello) (1993-1994).
PASSAGE
Pour cette exposition, les 24 vitrines du Passage réactivent la pensée de Walter Benjamin et des passages parisiens comme une lecture du 19e siècle se transformant en autant de jalons temporels et contextuels, et rappelant le terreau d’où émerge l’Arte Povera. Y figurent les artistes de l’avant-garde italienne de l’après-guerre, tels que Lucio Fontana, dont les toiles trouées donnent aux artistes l’exemple d’un art qui s’affranchit de l’espace du tableau, ou Piero Manzoni, par la dimension libre et provocatrice de son usage des matériaux. D’autres vitrines exposent la dimension plus internationale des influences de l’Arte Povera, qu’il s’agisse de l’Internationale situationniste ou du groupe japonais Gutai.
Une constellation de protagonistes y apparaît, des artistes aux galeristes, des critiques aux figures de théâtre, tel que le metteur en scène polonais Jerzy Grotowski qui ont participé à l’élargissement de la définition de l’art, l’ouvrant aux nouveaux médias, à la performance, à l’expérimentation.
GALERIES / FOYER / STUDIO
Dédiant à chaque artiste fondateur de l’Arte Povera un espace spécifique, l’exposition offre un généreux aperçu de leur oeuvre, en mettant l’accent sur des pièces majeures de l’histoire du courant, issues de la Collection Pinault ou prêtées par des institutions de renommée internationale. En correspondance avec chacun d’eux, la commissaire a associé leur pratique à une influence sous-jacente — un matériau, un artiste, un mouvement ou une époque.
Galerie 2 : Jannis Kounellis / Marisa Merz / Mario Mer
Jannis Kounellis, Marisa Merz et Mario Merz ont fortement contribué à révolutionner le rapport au matériau. Tous les trois peintres de formation, ils se sont progressivement détachés du cadre de la peinture pour embrasser l’immensité des possibilités permise par le monde contemporain, sans jamais céder aux sirènes du progrès technologique : Mario Merz « troue » des objets communs par des néons pour célébrer la continuité entre naturel et artificiel tandis que Kounellis
se tourne vers le charbon, la laine et le feu pour revenir à une forme de réalité archaïque. Marisa Merz tisse de manière visionnaire aussi bien des souliers que des formes géométriques au moyen de fils de nylon et de cuivre.
Galerie 3 : Michelangelo Pistoletto
Retraçant les différentes dimensions de la pratique de Pistoletto, l’espace est ici habité par les « objets en moins » et les « tableaux miroirs » de l’artiste, pour lesquels il insère des figures, humaines, objectales ou architecturales, en papier peint et, plus tard, en sérigraphie, sur des surfaces réfléchissantes. Le miroir englobe le spectateur, permet de créer un tableau infini, où les visiteurs deviennent des éléments de composition. Animé par l’idée d’une forme d’utopie collective, Pistoletto conçoit sa pratique comme un engagement social total, à l’image de Pace (1962-2007) réalisé lors des manifestations contre la guerre en Irak.
Galerie 4 : Alighierio Boetti
Alighiero Boetti pensait l’art comme une activité participative, un jeu basé sur l’ordre et le désordre. Son attention s’est portée sur les matériaux les plus simples, « pauvres », au travers de manipulations élémentaires : accumulations, répétitions, mises en relation, actions à la portée de chacun. Souhaitant se défaire de l’imagerie de l’artiste vu comme un génie solitaire, Boetti orchestra sa propre disparition au sein d’un duo fictif,
« Alighiero e Boetti », se tournant également vers des formes de créations collectives, à l’image des Mappa et des techniques de tissage. Les multiples itérations de ses planisphères rendent également compte des évolutions géopolitiques.
Galerie 5 : Giuseppe Penone
Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985), alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone, l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.
Il me faudrait encore citer Galerie 6 : Pier Paolo Calzolari / Giovanni Anselmo,
C’est une vaste exposition qui demande quelques visites
Informations pratiques
Bourse de Commerce — Pinault Collection 2, rue de Viarmes 75 001 Paris (France) Tel +33 (0)1 55 04 60 60 www.boursedecommerce.fr Ouverture tous les jours (sauf le mardi), de 11h à 19h et en nocturne le vendredi, jusqu’à 21h
Avant même de pénétrer dans la Bourse de Commerce, les visiteurs entrent en contact avec l’Arte Povera. Idee di pietra — 1532 kg di luce (en français, « Idées de pierre — 1532 kg de lumière ») (2010) de Giuseppe Penone, placé devant le bâtiment, affirme immédiatement l’un des axes majeurs de l’Arte Povera : la fusion entre nature et culture. Chez Penone, la ramification de l’arbre (vidéo) évoque les chemins de la pensée, et les pierres de rivières, fichées à plusieurs endroits, désignent les surgissements, les impasses, le poids des souvenirs : l’artiste assimile la pensée humaine à la croissance végétale et minérale.
Les débuts
Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985), alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone, l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.
Fils d’Albina Caterina Cerrina et de Pasquale Penone, qui cultivait les terres familiales et vendait des produits agricoles, Giuseppe Penone est né à Garessio dans la province de Cuneo en 1947. Dès le début de son parcours artistique, il s’intéresse au travail que cette région exige et à toute l’énergie investie dans leur culture au fil des décennies. Il étudie à l’Accademia Albertina di Belle Arti à Turin et expose pour la première fois en 1968 au Deposito d’Arte Presente. Sa première exposition personnelle a lieu en décembre 1969 à la galerie Sperone à Turin, où il présente notamment
Albero di 4 metri (il suo essere nel dodicesimo anno d’età in un’ora fantastica).
Le cycle Alpi Marittime (1968) a été sa première oeuvre : il s’agit d’une série d’actions et d’interventions sur les arbres de la forêt et sur les ruisseaux proches de sa ville natale, rendues célèbres grâce aux photographies publiées dans le livre Arte povera de Germano Celant en 1969, et toujours appréciées comme des oeuvres photographiques et textuelles. En 1970, il a créé Rovesciare i propri occhi :en portant des lentilles de contact réfléchissantes, il restituait au spectateur le champ visuel qui aurait été celui de l’artiste s’il n’avait pas porté de telles lentilles. Cette même année, il participe aux expositions « Conceptual Art Arte Povera Land Art » à la Galleria Civica d’Arte Moderna à Turin et « Information » au MoMA à New York. Dès lors, il sera inclus dans toutes les grandes expositions internationales consacrées à l’Arte Povera.
Son travail se distingue par le contact direct avec la nature, en particulier par des interventions sur les processus de croissance des arbres, mais aussi, à partir de 1969, avec les Alberi créés en sculptant des poutres et en suivant les cernes de croissance du bois pour ramener l’arbre à un âge antérieur. Souvent co-créatrice des oeuvres de Penone, la nature est envisagée comme une force expressive capable de redéfinir les langages artistiques.
Giuseppe Penone a créé une œuvre intitulée « Pommes de terre » en 1977, où il utilise des moules de son visage pour façonner des pommes de terre. Ces pommes de terre anthropomorphes sont ensuite reproduites en bronze pour préserver l’œuvre, symbolisant une connexion entre l’artiste et la nature. L’œuvre interroge le rôle du spectateur et invite à une contemplation active, tout en explorant le thème de la trace et de l’identité.
Le corps même de l’artiste, élément naturel à son tour, a commencé à faire partie de son processus créatif à partir de 1968 en tant qu’unité de mesure, frontière et enveloppe, ou producteur de signes et d’empreintes comme le montreEssere vento (To Be Wind) (2014), oeuvre majeure de la Collection Pinault.
Soffio
Giuseppe Penone participe à la documenta de Cassel en 1972, 1982, 1986 et 2012, à plusieurs éditions de la Biennale de Venise (1978, 1980, 1986, 1995 et 2007) et à la Biennale de Sydney en 2008. De nombreuses expositions lui ont été consacrées, notamment au Kunstmuseum à Lucerne (1977), au Stedelijk Museum à Amsterdam (1980), à l’ARC et au Musée Rodin à Paris (1984 et 1988), à Castello di Rivoli (1991), au Centre Pompidou (2004), à l’Académie de France à Rome (2008), à la Whitechapel Gallery à Londres (2012), au Château de Versailles (2013) et au Philadelphia Museum of Art (2022-2023). Penone a enseigné à l’école des Beaux-arts de Paris de 1997 à 2012. En 2019, dans le cadre du parcours invité d’honneur de la FIAC 2019, le Palais d’Iéna – Conseil économique, social et environnemental (CESE) inviteGiuseppe Penoneau coeur de la vaste salle hypostyle et de ses majestueuses colonnades de plus de sept mètres de hauteur. Ses oeuvres sont souvent conçues pour les espaces ouverts, à l’image de l’immense Idee di pietra – 1532 kg di luce (2010) sur le parvis de la Bourse de Commerce — Pinault Collection.
L’exposition à la Bourse de Commerce Pinaultse termine le 20 janvier 2025
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