Ali Cherri « Corps et âmes »

24 fantômes par seconde

PASSAGE / SALLE DES MACHINES
Ali Cherri
Sous le commissariat de Jean-Marie Gallais,
conservateur, Pinault Collection

Introduction

«Le Passage de la Bourse de Commerce accueille les œuvres d’Ali Cherri, artiste libanais installé en France. Dans sa jeunesse, ce dernier est marqué par la guerre civile au Liban, et notamment par les spoliations, vols et trafics d’œuvres d’art que les guerres engendrent.
Investissant les vingt-quatre vitrines, dispositif muséal par excellence pour présenter des objets, son œuvre s’inspire également du cinéma et de ses vingt-quatre images par seconde:
ses sculptures sont pensées comme des flashes fantomatiques qui s’inscrivent dans un espace liminal entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, et qui invitent à réfléchir aux manipulations séculaires d’artefacts culturels
Emma Lavigne

Ali Cherri, L’Homme aux larmes, 2024, tête en pierre sculptée du 14-15e
siècle, argent patiné, plâtre, acier,
49 × 41 × 31 cm. Pinault Collection. Courtesy de Galerie Imane Farès.
Photo: Studio Ali Cherri.

«“Puis vint le cinéma pour ressusciter les corps”, écrit Ali Cherri.
“L’histoire du cinéma est une histoire de morts qui survivent en images. Le cinéma a toujours été une affaire de fantômes, que ce soit pour des raisons techniques (projection lumineuse, fondus enchaînés), généalogiques (influences de la fantasmagorie et de la lanterne magique), ou surtout poé‑
tiques (les personnages à l’écran meurent et ressuscitent à chaque projection). En enregistrant et en conservant les traces des corps, le cinéma devient ainsi un moyen de faire revivre les morts à travers l’écran, réveillant l’âme des corps inertes3.”
Dans son film Somniculus (2017) tourné à Paris, Ali Cherri s’emparait de cette dimension spectrale de la pellicule en remplaçant les corps des acteurs par des œuvres d’art et des objets filmés dans des musées vides.
Prenant à rebours l’analogie récurrente entre musées et cimetières, spécialement dans le contexte postcolonial (Les statues meurent aussi, d’Alain Resnais, Chris Marker et Ghislain Cloquet, 1953), Ali Cherri préfère considérer ces objets comme temporairement endormis—somniculus en latin signifie sommeil léger—, et le musée comme un dortoir 4.
3—Note d’intention du projet par Ali Cherri (août 2024).
4— Cette image est également à l’œuvre dans le film Dahomey (2024) de Mati Diop, qui donne la parole à l’une des vingt-six œuvres restituées par la France au Bénin. Jean Cocteau, dans la voix off du Sang d’un poète (1932),
emploie la même métaphore en 1930, en s’en méfiant:
«N’est-il pas fou de réveiller les statues en sursaut après leur sommeil séculaire?» (11’25 »).

Poursuivant ce projet, des sculptures et artefacts arrangés à la manière
de tableaux vivants miniatures sommeillent ou se réveillent dans chacune des vitrines de la Bourse de Commerce. […]
Mêlant trouvailles archéologiques et ses propres créations, il crée des chimères.
“Les greffes que j’opère dans ma série de sculptures sont une forme de
solidarité entre corps brisés, fragmentés, violentés, qui, en se soudant, créent une communauté”, dit-il. Ces objets, ressuscités ou survivants de passés tumultueux, rebuts que les musées n’ont pas jugé dignes d’être conservés, témoignent d’innombrables échanges et pérégrinations: yeux arrachés des sarcophages égyptiens, contrefaits quand ils deviennent à la mode dans les collections européennes, fausses curiosités et copies d’après l’Antique
fusionnent, comme des civilisations éloignées cohabitent et prennent racines l’une dans l’autre.» Jean-Marie Gallais

Biographie

ALI CHERRI
Né en 1976 à Beyrouth (Liban), Ali Cherri a grandi pendant la guerre civile qui a plongé le pays dans un contexte de crise permanente. Il vit désormais
à Paris (France). Sculpteur et vidéaste, il explore les déphasages temporels entre des mondes anciens et des sociétés contemporaines, privilégiant
une lecture incarnée des événements historiques où mémoires intime et collective s’enchevêtrent sensiblement. Ainsi, ses travaux sur les liens entre
archéologie, narration historique et patrimoine prennent leur source dans les procédés d’excavation, de délocalisation et de muséification des restes
funéraires qui font violence à des pratiques culturelles intemporelles et au sens même des sites archéologiques.

Informations pratiques

Bourse de Commerce François Pinault
2 rue de Viarmes, 75001 Paris

 

Horaires

Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h 
Fermeture le mardi et le 1er mai
Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h

Métro
1 station Louvre — Rivoli
4 station Les Halles
7 11 14 station Châtelet

Bus
74 85 arrêt Bourse de commerce
21 67 arrêt Louvre — Rivoli
70  arrêt Pont Neuf — Quai du Louvre
69 72 arrêt Louvre — Rivoli / Pont des Arts
38 47 58 76
arrêt Châtelet

Georg Baselitz, «Corps et âmes»

«Corps et âmes» débute avec une œuvre de Georg Baselitz, installée dans le Vestibule de la Bourse de Commerce. Figure innocente de face, menaçante de dos, cette sculpture réalisée en bois de cèdre, puis colorée de peinture à l’huile, est un autoportrait colossal de l’artiste enfant, qui se représente enfant et tient entre ses mains un crâne. Dominant le spectateur, les pieds solidement ancrés au sol, Meine neue Mütze (My New Cap) (2003) est sa toute première sculpture-autoportrait.

GALERIE 5

Avec: Georg Baselitz / Ana Mendieta

Comme une promesse d’une renaissance, d’une continuité d’une vie après
la mort, le corps chrysalide d’Ana Mendieta se transformant en papillon, apparaît, lui, comme une lumière dans l’obscurité. 

Biographie
Née à La Havane (Cuba) en 1948 et décédée en 1985 à New York (États-Unis), Ana Mendieta est une artiste dont la carrière, brève, a irrémédiablement
marqué l’histoire de l’art. Émigrée aux États-Unis, Ana Mendieta développe un langage sculptural inédit, nourri de ses recherches sur les mythes
originels et l’art rupestre, inscrivant son œuvre dans la poursuite de traditions ancestrales et des rituels magiques. Dans sa production filmique, elle explore
les relations que son corps entretient avec la nature, et la pleine fusion qui les relie, à la croisée de la sculpture et de la performance. Dans l’effervescence
politique des années 1970, Ana Mendieta rejoint la A.I.R. Gallery, première galerie gérée par un collectif de femmes artistes aux États-Unis, pionnière dans la réflexion féministe et décoloniale, à laquelle l’artiste contribue largement.

Gideon Appah, The Woman Bathing, 2021, huile, acrylique sur toile, diptyque, 120 × 300 cm (chaque panneau).
Pinault Collection. © Gideon Appah. Courtesy de l’artiste et Venus Over Manhattan.

Georg Baselitz

Comme final de l’exposition, le chef-d’œuvre monumental de Georg Baselitz, Avignon (2014), parachève cette danse des corps. Dans l’obscurité, dramatiques et spectaculaires, huit tableaux suspendus dans l’espace, exposés pour la première fois à la Biennale de Venise en 2015, sous le commissariat d’Okwui Enwezor, forment un huis clos, un théâtre où le corps vieillissant de l’artiste est le seul protagoniste. Inspiré notamment par les dernières peintures de Picasso, mais aussi par Cranach, Schiele ou Munch qui transparaissent en filigrane, ces
corps semblent «danser à l’envers» selon les mots d’Antonin Artaud.

Georg Baselitz, Was ist gewesen, vorbei, 2014, huile sur toile, 8 éléments, 480 × 300 cm (chacun). Pinault Collection. © Georg Baselitz.

Podcast renverser l’art

Biographie

GEORG BASELITZ
Né à Deutschbaselitz (Allemagne) en 1938 sous le régime nazi, Georg Baselitz est un peintre et sculpteur formé à Berlin en pleine guerre froide.
Figure majeure du néo-expressionisme, il a participé au renouvellement de la peinture allemande après la seconde guerre mondiale. Influencé par le contexte
d’après-guerre, il entretient un rapport critique à l’histoire de l’art et à ses maîtres. Établissant la transgression comme mode opératoire,
Georg Baselitz réalise une œuvre anticonformiste, où la violence est à la fois formelle et symbolique.
En 1969, il renverse les motifs de ses tableaux: désormais à l’envers, ceux-ci bousculent la tradition et reléguent le motif—comme véhicule d’idéologie—au second plan. La violence à la fois formelle et symbolique de son œuvre, en réaction aux traumatismes humains et aux tragédies liées à l’histoire de l’Allemagne, n’est pas sans provoquer des scandales, comme à la Biennale de Venise de 1980 où il présente Modell für eine Skulptur, une sculpture en bois dont le bras levé rappelle le salut nazi.

Informations Pratiques

EN AVRIL
Vendredi 4 avril
Theo Parrish / DJ set
Compositeur culte de musique électronique et légende de la deep house de Detroit où il s’impose dans les années 1990, Theo Parrish livre un de ses iconiques DJ sets de plusieurs heures à la Bourse de Commerce, explorant les textures et les rythmes, distordant les sons pour créer sa propre couleur, préférant l’émotion brute à la pureté sonore.
Jeudi 24 et vendredi 25 avril
Kingdom Molongi, avec Low Jack / Concert
En collaboration avec le label et collectif ougandais Nyege Nyege
En écho à l’œuvre akingdoncomethas (2015) d’Arthur Jafa, un montage de sermons et de chants gospel enregistrés au sein de congrégations noires aux États-Unis, la chorale congolaise Kingdom Molongi et le compositeur de musique électronique français Low Jack s’associent pour la création d’une œuvre musicale, présentée dans la Rotonde.

Bourse de Commerce François Pinault
2 rue de Viarmes, 75001 Paris

 

Horaires

Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h 
Fermeture le mardi et le 1er mai
Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h

Métro
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4 station Les Halles
7 11 14 station Châtelet

Bus

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70  arrêt Pont Neuf — Quai du Louvre
69 72 arrêt Louvre — Rivoli / Pont des Arts
38 47 58 76
arrêt Châtelet

«CORPS ET ÂMES»

DU 5 MARS AU 25 AOÛT 2025
Commissariat général: Emma Lavigne, directrice générale de la Collection Pinault conservatrice générale
Programmation culturelle associée: Cyrus Goberville, responsable de la programmation culturelle, Pinault Collection
Le collectionneur

Amateur d’art, François Pinault est l’un des plus importants collectionneurs d’art contemporain au monde. La collection qu’il réunit depuis plus de cinquante ans constitue aujourd’hui un ensemble de plus de 10000 œuvres, représentant tout particulièrement l’art des années 1960 à nos jours. Son projet culturel s’est construit avec la volonté de partager sa passion pour l’art de son temps avec le plus grand nombre. Il s’illustre par un engagement durable
envers les artistes et une exploration continue des nouveaux territoires de la création. Depuis 2006, le projet culturel de François Pinault est orienté autour de trois axes: une activité muséale; un programme d’expositions hors les murs; des initiatives de soutien aux créateurs et de promotion de l’histoire de l’art moderne et contemporain.

Introduction

À l’appui d’une centaine d’œuvres de la Collection Pinault, la Bourse de Commerce présente l’exposition «Corps et âmes», offrant une exploration de la représentation du corps dans l’art contemporain. D’Auguste Rodin à Duane Hanson, de Georg Baselitz à Ana Mendieta, de David Hammons à Marlene Dumas, d’Arthur Jafa à Ali Cherri, une quarantaine d’artistes explore, à travers la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo et le dessin, les liens entre le corps et l’esprit.
«Dans les courbes matricielles de la Bourse de Commerce, en un écho à la ronde des corps habitant le vaste panorama peint ceinturant le dôme de verre du bâtiment, l’exposition “Corps et âmes » sonde, à travers les œuvres d’une quarantaine d’artistes de la Collection Pinault, la prégnance du corps dans la pensée contemporaine. Libéré de tout carcan mimétique, le corps qu’il soit photographié, dessiné, sculpté, filmé ou peint ne cesse de se réinventer, conférant à l’art une organicité essentielle lui permettant, tel un cordon ombilical, de prendre le pouls du corps et de l’âme humaine.

L’art se saisit des énergies, des flux vitaux de la pensée et de la vie intérieure, pour inviter à une expérience engagée et humaniste de l’altérité. Les formes se métamorphosent, renouent avec la figuration ou s’en affranchissent pour se saisir, retenir et laisser affleurer l’âme et la conscience. Il s’agit non plus d’incarner des formes mais de capturer des forces et de rendre visible ce qui est enfoui, invisible, d’éclairer les ombres.

Arthur Jafa

Jusqu’au 26 mai 2025
Sous le commissariat de Matthieu Humery, conseiller pour la photographie,
Pinault Collection

«J’essaie de créer des œuvres complexes, qui ne se prêtent pas à des réponses simples, binaires. »
— Arthur Jafa

ROTONDE / GALERIE 2 / STUDIO

Dans la Rotonde, l’œuvre d’Artur Jafa Love is the Message, the Message is Death transforme l’espace en une caisse de résonance de la musique et de l’engagement des icônes africainesaméricaines, Martin Luther King Jr, Jimi Hendrix, Barack Obama, Beyoncé, leur conférant une portée universelle.
Ses films oscillant entre la vie et la mort, la violence et la transcendance,
se déploient en une mélopée visuelle inspirée du gospel, du jazz et de la black music et forment un flux d’images et de sons qui impulse son rythme à l’ensemble du parcours, en une chorégraphie où les corps figurés témoignent des liens que l’art entretient avec la vie.
En résonance avec l’exposition, une riche programmation musicale fait de “Corps et âmes“ un événement polyphonique.»
Emma Lavigne, directrice générale de la Collection Pinault, conservatrice générale

Biographie


Né en 1960 à Tupelo dans le Mississippi (États-Unis), Arthur Jafa est un photographe et cinéaste désormais installé à Los Angeles. Son travail
s’inscrit volontairement au sein de la blackness qui revendique une identité culturelle africaine-américaine
à part entière, dans laquelle les traumas de l’esclavage et de la ségrégation continuent de produire leur effet sur les corps, les imaginaires, les relations.
Dans les années 1990, il travaille d’abord aux côtés de réalisateurs comme Stanley Kubrick et Spike Lee
avant de réaliser ses propres films au sein desquels la musique noire notamment le gospel et le jazz—occupe une place centrale. Dans un contexte
de violences policières envers sa communauté et d’un racisme omniprésent aux États-Unis, sa pratique, qui fait également intervenir la photographie,
ne cesse de développer des stratégies visuelles, inspirées du collage et du montage, qui aspirent à représenter l’expérience noire dans sa multiplicité
et sa complexité.

Interview
Podcast

Informations pratiques

Bourse de Commerce François Pinault
2 rue de Viarmes, 75001 Paris

 

Horaires

Du lundi au dimanche de 11h à 19h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h 
Fermeture le mardi et le 1er mai
Nocturne gratuite tous les premiers samedis du mois de 17h à 21h

Métro
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70  arrêt Pont Neuf — Quai du Louvre
69 72 arrêt Louvre — Rivoli / Pont des Arts
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arrêt Châtelet

Sommaire du mois de janvier 2025

Pont Neuf Paris

26 janvier 2025 : Lumières du Nord
25 janvier 2025 : Ma soeur Agnès
22 janvier 2025 : Tarsila do Amaral
7 janvier 2025  : « Arte Povera »
03 janvier 2025 : Surréalisme

« Arte Povera »

Emma Lavigne, conservatrice générale et directrice générale de la Collection PinaultCommissariat : Carolyn Christov-Bakargiev, spécialiste internationalement reconnue du mouvement italien.
L’exposition « Arte Povera » à la Bourse de Commerce — Pinault Collection
vise à retracer la naissance italienne, le développement et l’héritage international du mouvement. Jusqu'au 20 janvier 2025




La commissaire Carolyn Christov-Bakargiev réunit dans l’ensemble du musée plus de 250 oeuvres des treize principaux protagonistes de l’Arte Povera — Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz, Marisa Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto, Emilio Prini et Gilberto Zorio — auxquelles s’ajoutent de nouvelles commandes, confiées à la fois à des artistes de ce groupe historique et à des artistes internationaux issus des générations suivantes, dont la création résonne étroitement avec la pensée et la pratique de l’Arte Povera.

La Bourse de Commerce — Pinault Collection présente une exposition d’envergure dédiée à l’Arte Povera. Le commissariat est confié à
Carolyn Christov-Bakargiev,
Celle-ci s’appuie sur l’important fonds d’Arte Povera de la Collection Pinault, mis en résonnance avec ceux des Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea (Turin), Fondazione per l’Arte Moderna e Contemporanea CRT (Turin), Kunstmuseum Liechtenstein — Vaduz, Museo e Real Bosco di Capodimonte (Naples), Galleria d’Arte Moderna (Turin), Centre Pompidou (Paris), Tate (Londres). La commissaire ouvre un dialogue inédit avec des oeuvres anciennes et contemporaines, ancrant l’Arte Povera dans une perspective temporelle élarg

PLUS DE 250 OEUVRES EN DIALOGUE

Outre le noyau d’oeuvres des treize artistes associés à l’Arte Povera, l’exposition comprend des pièces et des documents qui retracent les étapes clés de ce que l’on peut considérer comme les prémices du courant. Ces épisodes trouvent leurs racines dans la culture du bassin méditerranéen — des présocratiques à la pensée lucrétienne — et informent du rapport particulier entre modernité et ruralité qui a caractérisé l’Italie jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, en suivant une trajectoire, d’ascendance franciscaine, qui
traduit une volonté d’appauvrir l’oeuvre. Dans l’exposition, chacun des treize artistes est associé à une personnalité, un mouvement, une époque ou un matériau qu’il estime comme une profonde influence, à l’image de Giorgio De Chirico pour Paolini et une peinture d’icône de Sano di Pietro pour Marisa Merz.

SALON

Dans le Salon, l’artiste Pier Paolo Calzolari expose Senza titolo (Materassi)
(1970), une série de six matelas couverts de tubes réfrigérants. L’artiste transforme les objets les plus simples et les plus quotidiens en éléments de composition d’un tableau vivant.
Chacun pourvu de son propre motif fait de tubes, se couvrant progressivement de givre, les matelas deviennent comme des êtres vivants. La mise en évidence de l’énergie qui les parcourt, la blancheur spectrale, le bruit des moteurs autant que la froideur de l’ensemble font de cette installation une expérience totale, où la vue, l’ouïe et le toucher du spectateur sont sollicités.

ROTONDE

Les treize artistes y sont présents, se faisant écho les uns aux autres, recréant l’intense magma collégial et expérimental des premières années de l’Arte Povera. Le premier arbre sculpté de Giuseppe Penone y côtoie le premier
igloo de Mario Merz,

tandis que la première sculpture réfrigérée de Pier Paolo Calzolari dialogue avec la première Direzione (1967) de Giovanni Anselmo, rendant sensible l’essentielle continuité entre l’humain, le végétal et le monde minéral. L’espace de la Rotonde figure aussi un espace extérieur abolissant l’idée même de musée avec la fontaine fumante d’Alighiero Boetti, Autoritratto (Mi Fuma Il Cervello) (1993-1994).

PASSAGE

Pour cette exposition, les 24 vitrines du Passage réactivent la pensée de
Walter Benjamin et des passages parisiens comme une lecture du 19e siècle se transformant en autant de jalons temporels et contextuels, et rappelant le terreau d’où émerge l’Arte Povera. Y figurent les artistes de l’avant-garde italienne de l’après-guerre, tels que Lucio Fontana, dont les toiles trouées donnent aux artistes l’exemple d’un art qui s’affranchit de
l’espace du tableau, ou Piero Manzoni, par la dimension libre et provocatrice de son usage des matériaux. D’autres vitrines exposent la dimension plus internationale des influences de l’Arte Povera, qu’il s’agisse de l’Internationale situationniste ou du groupe japonais Gutai.

Une constellation de protagonistes y apparaît, des artistes aux galeristes, des critiques aux figures de théâtre, tel que le metteur en scène polonais Jerzy Grotowski qui ont participé à l’élargissement de la définition de l’art, l’ouvrant aux nouveaux médias, à la performance, à l’expérimentation.

GALERIES / FOYER / STUDIO

Dédiant à chaque artiste fondateur de l’Arte Povera un espace spécifique,
l’exposition offre un généreux aperçu de leur oeuvre, en mettant l’accent sur des pièces majeures de l’histoire du courant, issues de la Collection Pinault ou prêtées par des institutions de renommée internationale. En correspondance avec chacun d’eux, la commissaire a associé leur pratique à une influence sous-jacente — un matériau, un artiste, un mouvement ou une époque.

Galerie 2 : Jannis Kounellis / Marisa Merz / Mario Mer

Jannis Kounellis, Marisa Merz et Mario Merz ont fortement contribué à
révolutionner le rapport au matériau. Tous les trois peintres de formation, ils se sont progressivement détachés du cadre de la peinture pour embrasser l’immensité des possibilités permise par le monde contemporain, sans jamais céder aux sirènes du progrès technologique :
Mario Merz « troue » des objets communs par des néons pour célébrer la continuité entre naturel et artificiel tandis que Kounellis

se tourne vers le charbon, la laine et le feu pour revenir à une forme de réalité archaïque. Marisa Merz tisse de manière visionnaire aussi bien des souliers que des formes géométriques au moyen de fils de nylon et de cuivre.

Galerie 3 : Michelangelo Pistoletto

Retraçant les différentes dimensions de la pratique de Pistoletto, l’espace
est ici habité par les « objets en moins » et les « tableaux miroirs » de l’artiste, pour lesquels il insère des figures, humaines, objectales ou architecturales, en papier peint et, plus tard, en sérigraphie, sur des surfaces réfléchissantes. Le miroir englobe le spectateur, permet de créer un tableau infini, où les visiteurs deviennent des éléments de composition. Animé par l’idée d’une forme d’utopie collective, Pistoletto conçoit sa pratique comme un engagement
social total, à l’image de Pace (1962-2007) réalisé lors des manifestations contre la guerre en Irak.

Galerie 4 : Alighierio Boetti

Alighiero Boetti pensait l’art comme une activité participative, un jeu basé
sur l’ordre et le désordre. Son attention s’est portée sur les matériaux les plus simples, « pauvres », au travers de manipulations élémentaires : accumulations, répétitions, mises en relation, actions à la portée de chacun. Souhaitant se défaire de l’imagerie de l’artiste vu comme un génie solitaire, Boetti orchestra sa propre disparition au sein d’un duo fictif,

« Alighiero e Boetti », se tournant également vers des formes de créations collectives, à l’image des Mappa et des techniques de tissage. Les multiples itérations de ses planisphères rendent également compte des évolutions géopolitiques.

Galerie 5 : Giuseppe Penone

Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985),
alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone,
l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.

Il me faudrait encore citer Galerie 6 : Pier Paolo Calzolari / Giovanni Anselmo,


Galerie 7 : Giulio Paolini / Pino Pascali / Luciano Fabro, Foyer : Gilberto Zorio,
Studio : Emilio Prini

C’est une vaste exposition qui demande quelques visites

Informations pratiques

Bourse de Commerce — Pinault Collection
2, rue de Viarmes
75 001 Paris (France)
Tel +33 (0)1 55 04 60 60
www.boursedecommerce.fr
Ouverture tous les jours (sauf le mardi), de 11h à 19h et en nocturne
le vendredi, jusqu’à 21h

Sommaire de décembre 2024

29 décembre 2024 : Giuseppe Penone – Arte Povera Bourse de commerce
24 décembre 2024 : Caillebotte Peindre les hommes
21 décembre 2024 : Geneviève Charras « Pan pan sur le tutu »
20 décembre 2024 : La mémoire des murs
17 décembre 2024 : FIGURES DU FOU DU MOYEN ÂGE AUX ROMANTIQUES
13 décembre 2024 : Nil Yalter
11 décembre 2024 : Chiharu Shiota « Les frémissements de l’âme »
8 décembre  2024 : Fresh Window Art & vitrines
3 décembre  2024 : ST-ART 2024

Giuseppe Penone – Arte Povera Bourse de commerce

Avant même de pénétrer dans la Bourse de Commerce, les visiteurs entrent en contact avec l’Arte Povera. Idee di pietra — 1532 kg di luce (en français, « Idées de pierre — 1532 kg de lumière ») (2010) de Giuseppe Penone, placé devant le bâtiment, affirme immédiatement l’un des axes majeurs de l’Arte Povera : la fusion entre nature et culture. Chez Penone, la ramification de l’arbre (vidéo) évoque les chemins de la pensée, et les pierres de rivières, fichées à plusieurs endroits, désignent les surgissements, les impasses, le poids des souvenirs : l’artiste assimile la pensée humaine à la croissance végétale et minérale.

Les débuts

Giuseppe Penone crée sa première oeuvre, « Alpi Marittime » (1968-1985), alors qu’il est encore étudiant. Ces six images de manipulation sur quelques arbres et un ruisseau de son bois familial contient la quasi-totalité de la pratique à venir de l’artiste : une attention portée aux processus de croissance et de fabrication du vivant, au sein desquels Penone va s’insérer, sans chercher pour autant à les dominer. Ses Alberi visent à réattribuer à des poutres la forme des arbres qu’elles furent en suivant les cernes du bois. Chez Penone, l’action artistique se situe au plus près du rythme du vivant.

Fils d’Albina Caterina Cerrina et de Pasquale Penone, qui cultivait les terres familiales et vendait des produits agricoles, Giuseppe Penone est né à Garessio dans la province de Cuneo en 1947. Dès le début de son parcours artistique, il s’intéresse au travail que cette région exige et à toute l’énergie investie dans leur culture au fil des décennies.
Il étudie à l’Accademia Albertina di Belle Arti à Turin et expose pour la première fois en 1968 au Deposito d’Arte Presente. Sa première exposition personnelle a lieu en décembre 1969 à la galerie Sperone à Turin, où il présente notamment

Albero di 4 metri (il suo essere nel dodicesimo anno d’età in un’ora fantastica).

Le cycle Alpi Marittime (1968) a été sa première oeuvre : il s’agit d’une série d’actions et d’interventions sur les arbres de la forêt et sur les ruisseaux proches de sa ville natale, rendues célèbres grâce aux photographies publiées dans le livre Arte povera de Germano Celant en 1969, et toujours appréciées comme des oeuvres photographiques et textuelles. En 1970, il a créé Rovesciare i propri occhi :en portant des lentilles de contact réfléchissantes, il restituait au spectateur le champ visuel qui aurait été celui de l’artiste s’il n’avait pas porté de telles lentilles. Cette même année, il participe aux expositions
« Conceptual Art Arte Povera Land Art » à la Galleria Civica d’Arte Moderna à Turin et « Information » au MoMA à New York. Dès lors, il sera inclus dans toutes les grandes expositions internationales consacrées à l’Arte Povera.

Son travail se distingue par le contact direct avec la nature, en particulier par des interventions sur les processus de croissance des arbres, mais aussi, à partir de 1969, avec les Alberi créés en sculptant des poutres et en suivant les cernes de croissance du bois pour ramener l’arbre à un âge antérieur. Souvent co-créatrice des oeuvres de Penone, la nature est envisagée comme une force expressive capable de redéfinir les langages artistiques.

Giuseppe Penone a créé une œuvre intitulée « Pommes de terre » en 1977, où il utilise des moules de son visage pour façonner des pommes de terre.
Ces pommes de terre anthropomorphes sont ensuite reproduites en bronze pour préserver l’œuvre, symbolisant une connexion entre l’artiste et la nature.
L’œuvre interroge le rôle du spectateur et invite à une contemplation active, tout en explorant le thème de la trace et de l’identité.

Le corps même de l’artiste, élément naturel à son tour, a commencé à faire partie de son processus créatif à partir de 1968 en tant qu’unité de mesure, frontière et enveloppe, ou producteur de signes et d’empreintes comme le montre Essere vento (To Be Wind) (2014), oeuvre majeure de la Collection Pinault.

                                                      Soffio

Giuseppe Penone participe à la documenta de Cassel en 1972, 1982, 1986 et 2012, à plusieurs éditions de la Biennale de Venise (1978, 1980, 1986, 1995 et 2007) et à la Biennale de Sydney en 2008. De nombreuses expositions lui ont été consacrées, notamment au Kunstmuseum à Lucerne (1977), au Stedelijk Museum à Amsterdam (1980), à l’ARC et au Musée Rodin à Paris (1984 et 1988), à Castello di Rivoli (1991), au Centre Pompidou (2004), à l’Académie de France à Rome (2008), à la Whitechapel Gallery à Londres (2012), au Château de Versailles (2013) et au Philadelphia Museum of Art (2022-2023). Penone a enseigné à l’école des Beaux-arts de Paris de 1997 à 2012.
En 2019, dans le cadre du parcours invité d’honneur de la FIAC 2019, le Palais d’Iéna – Conseil économique, social et environnemental (CESE) invite Giuseppe Penone au coeur de la vaste salle hypostyle et de ses majestueuses colonnades de plus de sept mètres de hauteur.
Ses oeuvres sont souvent conçues pour les espaces ouverts, à l’image de l’immense Idee di pietra – 1532 kg di luce (2010) sur le parvis de la Bourse de Commerce — Pinault Collection.

L’exposition à la Bourse de Commerce Pinault se termine le 20 janvier 2025