Au Musée d'art Moderne et contemporain de Strasbourg MAMCS
jusqu'au 04 FÉVRIER 2024
Commissariat général : Estelle Pietrzyk, conservatrice en chef du patrimoine et responsable du MAMCS.
Conseillers scientifiques : Thibaud Croisy, auteur et metteur en scène et
Didier Roth-Bettoni, historien du cinéma.
Équipe de recherche : Anna Millers, Thierry Laps, Coralie Pissis, Alexandre Zebdi-Libot, Musées de la Ville de Strasbourg
Scénographie : Roll Office, Ian Ollivier et Lucie Rebeyrol
Graphisme : Studio Plastac
Conception éclairage : Studio 10-30, Léopold Mauger
Vidéo de présentation
Artistes exposés (liste non exhaustive):
Sophie Calle, Copi, Johan Creten, Marlene Dumas, General Idea, Nan Goldin, Felix Gonzales-Torres, Hervé Guibert, John Hanning, Derek Jarman, Michel Journiac, Zoe Leonard, Mehryl Ferri Levisse, Robyn Orlin, Bruno Pelassy, Jean-Michel Othoniel, Marion Scemama, Barthelemy Toguo, Jean-Luc Verna, David Wojnarowicz…
Le projet
L’exposition « Aux temps du sida » parle d’un temps encore non révolu où l’épidémie n’est pas surmontée en dépit d’importantes avancées médicales. Les quarante dernières années ont vu s’entremêler des moments de peur, de deuil, de courage, de solidarité, d’espoir, tous adossés à des formes de créations dont la force demeure inspirante pour notre époque. Exposition pluridisciplinaire,
« Aux temps du sida » présente quatre décennies de création où les arts plastiques, la littérature, la musique, le cinéma, la danse rencontrent la recherche scientifique, la culture populaire et l’action déterminante des associations.
le Couloir du temps
Parcours
Le parcours de l’exposition s’organise en dix sections aux ambiances caractérisées où les oeuvres plastiques, littéraires, chorégraphiques, cinématographiques… se déploient et s’entrelacent pour former un récit qui sollicite non pas seulement le regard du visiteur.euse mais aussi sa sensibilité toute entière. Exposition sensorielle, Aux temps du sida mobilise en certains points de son parcours le corps du public en l’entraînant dans des dispositifs audio et audiovisuels immersifs ou en l’invitant à activer lui-même l’une des oeuvres.
Un signe des temps
https://reineblancheproductions.com/mathieu-lindon-michel-foucault-herve-guibert/En 1984, Group Material – collectif d’artistes auquel participeront notamment Felix González-Torres, Jenny Holzer ou Barbara Kruger – conçoit une « aids timeline ». Cette ligne du temps qui raconte le sida dans tous ses aspects (politiques, médicaux, médiatiques, artistiques…) inclut des textes, des journaux, des objets, des oeuvres… Cette vaste frise déployait alors à la fois l’histoire du virus et celle des luttes qui l’entourent.
Le « Couloir du temps » qui ouvre l’exposition de Strasbourg s’inspire de cette démarche sans la reproduire. Il propose d’établir d’emblée que parler du sida impliquera un récit à plusieurs voix.
Partant d’où nous sommes, soit en 2023, le visiteur remonte le temps et rencontre des affiches pour la PrEP, une nuée de disques et de romans, des médicaments, des affiches de films, le portrait de Françoise Barré-Sinoussi (co-découvreuse du virus, Prix Nobel en 2008) par Hervé di Rosa, une photo de Michel Foucault par Hervé Guibert, une aquarelle de singe vert par Françoise
Pétrovitch…
Culture populaire, informations médicales, discours militant forment tous ensemble un vaste entrelacs où résonne la chanson Sign ☮’ the Times (qui donne son titre à cette grande galerie) dans laquelle le chanteur Prince évoque, en 1987, « a big disease with a little name » (une grave maladie avec un nom court), le sida. Ce « sas » en amont de l’exposition inclut une production conçue spécialement pour ce projet : une vaste tapisserie réalisée par l’artiste Mehryl Ferri Levisse (né en 1985) qui vit et travaille dans le Grand Est. Pour l’exposition, il crée un papier peint qui propose au visiteur.euse un riche univers de références (la composition met en évidence des marges dont l’esthétique en noir et blanc rappelle le dance floor de certaines boîtes de nuit, les mains gantées peuvent être celles de soignants ou de divas, les fleurs
géométriques prennent la forme stylisée d’un virus,…) ou le plonge tout simplement dans la couleur, le motif et la sensation.
Antichambre
Après une densité visuellement très forte d’objets et d’oeuvres, se rencontre dans une petite salle aux contours arrondis un très petit nombre d’oeuvres. Trois artistes seulement sont ici présentés. De leurs oeuvres se détachent des corps, un visage et des mots.
Des corps fragmentés (ceux des photographies de Kiki Smith), un visage d’enfant radieux (celui de John Hanning), des mots en forme de provocation
(la devise franquiste détournée par Bruno Pélassy), tels sont les hôtes étranges qui habitent cette antichambre, monde miniature où le virus avance ici à pas feutrés et là à ciel ouvert.
Cette antichambre ouvre réellement l’exposition et en donne le ton : ce qui se passe est grave et nous concerne tous, nous les corps et les visages qui regardons ces « autres » qui sont nos semblables. Les corps photographiés par Kiki Smith (qui sont des détails de ses sculptures) ne sont ni hommes ni femmes, ni jeunes ni vieux, ni d’une origine identifiable, ils sont « tout le monde ». John Hanning tord le cou à l’inévitable charge dramatique qui entoure le mot sida en déclarant « I survived AIDS » sous la photographie de son visage d’enfant souriant tandis que Bruno Pélassy fait de l’attente de la mort un moment de défi aussi étincelant que les cristaux de Swarovski qui composent son rideau de perles « Viva la Muerte ».
« Je sors ce soir »
Cette section, qui emprunte son titre au roman éponyme de Guillaume Dustan, est dédiée à la nuit. Sortir, c’est s’exposer. La nuit (et ce qui va avec – la danse, la musique, les excès -) est propice à l’exposition des corps aux regards, aux rencontres, aux expériences, et, potentiellement, aux risques. Les visages/masques d’Ed Paschke et les photos de graffitis à caractère sexuel de Zoe Leonard incarnent cette nuit à double tranchant.
La section réunit deux types d’espaces : un premier dans lequel s’entrelacent textes et photographies : les mots de Dustan (« Queer = bizarre ; Queer = tout le monde » ou encore « Je danse donc je suis ») et les Suites nocturnes du photographe Luc Chery qui établissent ensemble un dialogue harmonieux.
Un second espace prend la forme d’une « box » accueillant alternativement un dance floor (dans lequel résonne une version de Tainted Love de Soft Cell) et une scène d’opéra où les danseurs de Bill T. Jones jouent Still/Here. Cette salle enveloppe complètement de sons et de lumières les visiteurs.euses qui oublient, peut-être, en ce point de l’exposition qu’ils.elles se trouvent en fait
dans un musée. Le personnage installé dans la Dance Box est-il réel ou est-ce un mannequin ?
Le trouble s’installe aussi dans la perception.
My Beautiful Closet
Adossée à la Dance Box, l’entrée de cette salle secrète s’active grâce à un mécanisme que l’on actionne soi-même. Réunissant quelques oeuvres à caractère sensible, ce Beautiful Closet conçu par Jean-Michel Othoniel réfère au « placard » dans lequel certain.e.s sont resté.e.s ou sont sorti.e.s, assumant leur sexualité, leur séropositivité, leurs colères aussi.
Entre l’autoportrait en drag de Robert Mapplethorpe et les préservatifs déroulés sur des cornes d’animaux chez Jean-Baptiste Carhaix, entre un spot d’Act up censuré en son temps et l’esthétique Benetton qui, via son magazine Colors spécial sida, afflige Ronald Reagan d’un sarcome de Kaposi, le Closet questionne la notion d’interdit, de tabou, de scandale qui diffère pour chacun : qu’est-ce qui nous dérange le plus dans la photographie de Wim Delvoye, le fait qu’il s’agisse d’un acte sexuel ou que cet acte soit saisi par les rayons X, révélant bien plus que l’anatomie des amants ?
Conclusion
Conçue comme un voyage chrono-thématique qui place le visiteur dans un maelström de sensations et de réflexions, l’exposition s’articule en sections qui mettent en évidence les entrelacs qui unissent les énergies mobilisées contre ce qui n’est pas une maladie mais bien un scandale (pour reprendre les mots d’Elisabeth Lebovici). Les œuvres se déploient dans l’espace de l’exposition aux côtés de montages audiovisuels de l’INA, d’objets et d’archives liés à la mémoire du sida. La scénographie, tantôt immersive, tantôt intimiste, propose aux visiteurs un parcours qui fait la part belle à la sensation et rend compte de la diversité des champs de création investis par ce projet qui mise sur la pulsion de vie qui innerve la création. L’exposition s’accompagne, en outre, d’une
« Permanence » qui propose aux visiteurs qui le souhaitent d’échanger avec des représentants du secteur de la santé et de la solidarité, des spécialistes de la prévention, des bénévoles issus d’associations diverses et ce, dans l’enceinte du musée qui fait ainsi valoir son rôle citoyen au sein de la cité.
Informations pratiques
La Permanence
Au sortir de l’exposition, se tient dans la nef du MAMCS un lieu dévolu à la rencontre, à la pause, à l’échange. Plusieurs acteurs et actrices du secteur médico-social ont été convié.es à diffuser de l’information sur le virus, le dépistage, les droits, l’accompagnement des malades et des familles… dans le musée-même.
Lieu d’information, de discussion, de ressources, la Permanence est animée par des associations aux représentations locales et/ou nationales et accueille les visiteurs et visiteuses individuel.le.s ou petits groupes autour d’une thématique (ex. la prévention, le traitement préexposition, vieillir avec le VIH…).
Musée d’Art moderne et contemporain (MAMCS)
1 place Hans-Jean-Arp, Strasbourg
Tél. : +33 (0)3 68 98 50 00
Horaires : en semaine – sauf le lundi – de 10h à 13h et de 14h à 18h, les samedis et dimanches
de 10h à 18h
Fermé le 1er janvier, Vendredi Saint, 1er Mai, 1er et 11 Novembre et le 25 décembre.
Accueil des groupes : plus d’informations sur le www.musees.strasbourg.eu/groupes-tarifsreservations
Tarif : 7,5 € (réduit : 3,5 €)
Gratuité les 1er, 2 et 3 décembre 2024 à l’occasion de la journée internationale de la Lutte contre le sida
Visite
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