Sommaire du mois de mai 2020

The happy Fisherman Gregory Forstner

En état de choc #georgefloyd – pas de mots.
Bref aperçu de ce tableau – il fait partie d’une série «étude pour un nouvel archétype américain et The happy Fisherman» que j’ai réalisée en vivant à Brooklyn. Il me semblait que peu de gens étaient fans de ces œuvres car
c’était très direct, frontal, l’on ne pouvait échapper aux questions portées par le sujet. Mais je m’en fichais, pour moi c’était très important de passer par là. La peinture a une responsabilité vis-à-vis de ses sujets, c’est un jeu avec des conséquences. Je voulais faire face à notre responsabilité – la société blanche – dans le traitement, intellectuel, culturel, politique, de la diversité de la culture noire américaine aux États-Unis en faisant face aux mensonges installés dans notre inconscient collectif. J’ai essayé de ne pas le faire de manière naïve,
au contraire . De toute évidence, nous, Européens, n’avons aucune leçon à donner. Je suis né au Cameroun et j’en ai toujours été si fier, je ne sais pas pourquoi, mais je me sentais toujours plus fort en sachant ce petit fait. Et en vivant à Brooklyn il y a 10 ans, cela m’a donné la chance de comprendre un peu et de faire face à travers mon travail à des problèmes collectifs. C’est trop de mots inutiles, notre seul moyen, nous les artistes, c’est notre travail, des peintures surtout dans mon cas, pour tenter d’affronter la réalité.

#georgefloyd

Gregory Forstner

22 mai 2020 : Fondation Beyeler
17 mai 2020  : Le Char de la mort, Emmanuel Honegger
14 mai 2020  : Rencontre avec Marie Freudenreich
08 mai 2020 : Circular Flow – De l’économie des inégalités, Gegenwart Kunstmuseum Basel
03 mai 2020 : Céline Cléron, visite d’atelier

Fondation Beyeler

LE PARC ISELIN WEBER
Photo : Mark Niedermann

La Fondation Beyeler a rouvert ses portes le lundi 11 mai 2020.

Les expositions «Edward Hopper» et «Voir le silence – Images de quiétude» sont prolongées jusqu’au 26 juillet, l’exposition «Goya» est reportée.
Il reste juste aux autorités suisses et françaises d’ouvrir les frontières

La Fondation Beyeler est à nouveau ouverte tous les jours.
Avec la crise du coronavirus, les deux expositions ont soudainement et dramatiquement gagné en actualité.
Les billets peuvent être réservés en ligne à partir du jeudi 7 mai sur www.fondationbeyeler.ch.

La Fondation Beyeler a élaboré un plan de protection complet pour
ses visiteurs et ses collaborateurs afin de mettre en œuvre de manière
optimale les mesures de l’ordonnance COVID-19 de la Confédération.
Ainsi, le nombre de visiteurs est limité au moyen de billets en ligne
à créneau horaire déterminé et la circulation des visiteurs dans le parc
et dans le musée est réaménagée, avec des points distincts d’entrée
et de sortie.
Tous les événements sont annulés jusqu’à nouvel ordre,
Les visites guidées se tiendront sous forme réduite en dehors des horaires d’ouverture.
La grande exposition «Goya», dont l’ouverture était prévue le 15 mai, est reportée. Une nouvelle date sera communiquée en juin.

Edward Hopper, «peintre du moment» de la crise du coronavirus
Voir ici la vidéo sous la conduite d’Yves Guignard

En l’espace des sept semaines qui ont précédé la fermeture temporaire du musée en raison de la crise du coronavirus, l’exposition
«Edward Hopper» a réuni plus de 100’000 visiteurs enthousiastes.
En ce bref laps de temps, «Edward Hopper» s’est trouvé en bonne voie pour devenir l’exposition la plus plébiscitée par le public de l’histoire du musée.

Le catalogue, (en allemand ou en anglais, avec un tiré à part en français)
en rupture de stock, avait déjà dû être réimprimé. Depuis, au musée et sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont exprimé le souhait d’une réouverture et d’une prolongation de l’exposition.
Notre musée partenaire le Whitney Museum of American Art de New York
et les autres prêteurs américains ont donné leur accord et l’exposition peut donc être prolongée au grand complet jusque fin juillet.

Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, se réjouit:

«Nous sommes heureux de savoir que, le 11 mai, notre musée est sorti de son sommeil de ‘Belle au bois dormant’ et les œuvres exposées sont réveillées par le ‘baiser’ des visiteurs. Ils nous ont manqué. Le ‘sortilège’ du coronavirus n’est pas encore passé, mais la réouverture des musées et des parcs est une bonne nouvelle. Car les expériences vécues au contact de l’art et de la nature contribuent de manière essentielle et avérée à la santé mentale et physique et à la qualité de vie».

Dans la presse et sur les réseaux sociaux du monde entier, Edward Hopper a
été présenté à de nombreuses reprises comme peintre du moment à l’heure de la crise du coronavirus. Les images d’Edward Hopper sont fortement évocatrices de situations et d’émotions vécues partout au monde dans le contexte actuel: des villes et des paysages déserts, une distanciation physique et sociale, l’isolation, la solitude, l’attente et l’espérance, le caractère soudainement énigmatique et étrange revêtu par nos environnements familiers, une menace invisible etc.


Le grand cinéaste allemand Wim Wenders a réalisé un court-métrage 3D intitulé Two or Three Things I Know about Edward Hopper, projeté en exclusivité à la Fondation Beyeler. Le film est l’hommage personnel de
Wim Wenders à Edward Hopper, qui l’a marqué durablement et a influencé
son œuvre cinématographique tout comme celui d’autres réalisateurs de premier plan, d’Alfred Hitchcock à Roman Polanski. Le plan de protection mis en place limite fortement le nombre de spectateurs que peut accueillir la salle de projection: les billets pour le film de Wim Wenders doivent donc dorénavant être réservés en ligne.

«Voir le silence – Images de quiétude»
visionnez ci-dessus la vidéo sous la conduite de Raphaël Bouvier

La présentation de la collection «Voir le silence – Images de quiétude»
est elle aussi prolongée jusqu’au 26 juillet. Elle présente des œuvres de l’art moderne et contemporain qui traitent de différents aspects du silence et de la quiétude – natures mortes, paysages contemplatifs, images de sommeil et de dernier repos. L’exposition donne à voir plus de 100 œuvres de Claude Monet, Paul Cézanne, Pablo Picasso, Fernand Léger, Piet Mondrian, Hans Arp, Alberto Giacometti, Mark Rothko, Andy Warhol, Richard Serra, Gerhard Richter, Marlene Dumas et bien d’autres. Pendant la parenthèse forcée de la crise du coronavirus, cette exposition a elle aussi accédé à une signification nouvelle. Ceux qui aspirent à une visite de musée contemplative, riche en expériences d’une grande émotion, pourront puiser beaucoup de force dans ces visions de silence et ces images de quiétude.

Exposition «Goya»: ce n’est que partie remise
La grande exposition «Goya» de la Fondation Beyeler, qui était prévue du 17 mai au 16 août, est reportée en raison de la crise du coronavirus. Développée au cours de plusieurs années de coopération avec le Museo Nacional del Prado à Madrid, elle réunit des peintures, dessins et gravures rarement exposés en provenance de collections privées espagnoles avec des œuvres clé de collections privées et de musées européens et américains de premier plan. En raison de la situation incertaine et de la restriction du trafic de prêt international, les nouvelles dates de l’exposition ne sont pas encore fixées. Elles devraient pouvoir être communiquées en juin.

La sécurité avant tout pour les visiteurs et le personnel :

La sécurité des visiteurs et des collaborateurs demeure  la priorité première.
La Fondation Beyeler a donc élaboré un plan de protection complet qui met en œuvre les ordonnances COVID-19 du Conseil fédéral et introduit des mesures supplémentaires d’optimisation des flux de visiteurs. Ces mesures incluent entre autres:

# restriction du nombre de visiteurs au moyen de billets en ligne à créneau horaire déterminé, disponibles à la réservation dès le jeudi 7 mai sur www.fondationbeyeler.ch.
Cette réglementation s’applique aussi à tous les billets valables déjà achetés ainsi qu’aux détenteurs de bons, d’adhésions et de la BaselCard. Des informations plus détaillées sont disponibles sur le site web.

  • Modification de la circulation des visiteurs dans le parc et dans le musée, avec des points distincts d’entrée et de sortie
  • Nouvel accueil des visiteurs et vestiaire dans des bâtiments annexes du musée
  • Désinfectant pour les mains mis à disposition en différents endroits clé du musée pour les visiteurs et le personnel
  • Mesures renforcées de nettoyage et d’hygiène pour les infrastructures du musée

 Restaurant et Bistro BEY
Depuis le lundi 11 mai, le Beyeler Restaurant im Park n’a ouvert dans un premier temps que sa terrasse. Il y met en œuvre un plan de protection correspondant aux mesures préconisées par le Conseil fédéral pour les établissements de restauration. L’offre de plats et de boissons est adaptée à la situation. Le restaurant propose par ailleurs des paniers déjeuner disponibles à la réservation par le biais de la billetterie en ligne, permettant d’agrémenter la visite du musée d’un pique-nique dans le parc. Le Bistro BEY reste fermé jusqu’à nouvel ordre.

Parc de la Fondation Beyeler
Au cours de ces mois de confinement, le contact avec la nature a révélé toute son importance. Le vaste parc de la Fondation Beyeler avec ses trois étangs à nénuphars invite les visiteurs à s’attarder et prendre leur temps. Le printemps est arrivé. Les magnolias, les rhododendrons et les azalées nous offrent la pleine splendeur de leur floraison. La nature environnante autour des Lange Erlen permet de longues promenades.

LES OFFRES EN LIGNE DE LA FONDATION BEYELER :
Afin de pouvoir continuer à vous proposer un accès à l’art pendant la fermeture temporaire du musée due à la pandémie du coronavirus, la Fondation Beyeler a encore élargi ses activités en ligne. Outre notre programme existant comme nos Artist Talks ou nos séries thématiques diffusées sur les réseaux sociaux, nous avons développé pour vous et vos familles des formats nouveaux et spécifiques.

Vue d’ensemble

Le Char de la mort, Emmanuel Honegger.

Le « Char de la mort » est un livre d’Emmanuel Honegger au Verger éditeur.
Il devait paraître officiellement le 20 mars 2020. Dans les circonstances que nous vivons, (Covid-19) la parution de l’ouvrage, véritable hymne de Théophile Schuler à la République, est reporté au 5 juin en librairie
C’est une rencontre virtuelle, Covid-19 oblige
Merci à Emmanuel Honegger de m’avoir envoyé son livre.


C
‘est la première grande toile que l’on aperçoit lorsque l’on arrive dans
la partie art moderne, à l’Akerhof, au musée Unterlinden.
Intrigante par sa construction pyramidale, un triomphe guerrier, une mort de Sardanapale inversée ? Cela mérite un décryptage et attention.
C’est ce que propose dans son livre Emmanuel Honegger.

Tout le monde connait Gustave Doré ! Théophile Schuler, son contemporain,
né et mort à Strasbourg (1821-1878), n’est pas aussi célèbre…
c’est une véritable injustice. Dessinateur, peintre romantique et graveur, Schuler illustra notamment Jules Verne, Victor Hugo et Erckmann-Chatrian.
Emmanuel Honegger

Le Char de la mort est une immense peinture de 3.5 mètres de long présentée au musée Unterlinden de Colmar.
Ce tableau, peint au milieu du XIXe siècle, coupe véritablement le souffle, un peu comme le fait Le Radeau de la Méduse de Géricault ou La Liberté guidant le peuple de Delacroix.

Mais outre son aspect grandiose, l’œuvre se révèle une véritable profession de foi… politique ! En raison de la censure, sévère à l’époque, le peintre fut obligé de ruser : Il camoufla donc sa dénonciation de l’ancien régime, comme son immense désir de République. Pour cela, ce fils de pasteur mêla de multiples allusions religieuses aux symboles politiques qu’il choisit…

Aller à l’oeuvre pour observer tous les détails ici
en promenant votre souris sur le tableau
cela vous donnera encore plus l’envie de vous plonger dans le livre
et son analyse

Le livre d’Emmanuel Honegger se propose de décrypter les nombreux messages cachés « entre les lignes » de la fresque. Par exemple, on peut avancer que l’ange de la mort se tient en réalité debout sur le cercueil de Napoléon, ou découvrir pourquoi Jonas, personnage biblique resté trois jours dans le ventre d’une baleine, figure parmi les personnages représentés…

Vous découvrirez pourquoi ce tableau, peint après la révolution de juin 1848 qui fit 5500 morts à Paris, est un cri en faveur de la République et une charge impitoyable contre l’ancien régime.

Le peintre fut obligé de livrer son message sous forme d’énigmes pour parer à la virulente censure de Napoléon III.

L’enquête se révèle aussi passionnante qu’un bon roman policier…

La crise du milieu du 19e siècle et notamment la Révolution de 1848 marquèrent profondément l’esprit romantique de certains artistes. Tel fut le cas de Théophile Schuler, peintre originaire de Strasbourg, élève de Gabriel-Christophe Guérin à Strasbourg, à Paris de Michel-Martin Drolling de 1839 à 1843 puis du peintre d’histoire Paul Delaroche de 1843 à 1848.
Le char de la Mort daté de 1848 exorcise le tumulte des évènements qui secouent l’Europe cette année-là. Inspiré autant par les Danses macabres d’Holbein que par le goût romantique pour l’ésotérisme et l’au-delà, Schuler conçoit une composition audacieuse d’une grande richesse iconographique.

Sur un char mené par quinze chevaux réduits à l’état de squelettes chevauchant dans un paysage désolé de cimetière aux tombes béantes, la Mort emporte sur son passage tous les hommes, qu’importe leur condition telle la figure du roi tentant vainement de retenir sa couronne. Les arts ne sont pas épargnés, évoqués à la fois par leurs personnifications féminines ainsi que par la pierre tombale portant, au centre de la composition, le nom du peintre.

Cette oeuvre, s’aborde aussi comme un livre d’histoire. Surchargée de symboles politiques et religieux, il a fallu deux années de travail à l’auteur pour en décrypter les messages cachés. La censure sous le second Empire avait amené Théophile Schuler à « écrire entre les lignes ».
Faire revivre sa pensée républicaine est le résultat d’une enquête minutieuse avec des rebondissements et doubles pistes dignes d’un roman policier.
Préface de Rémy Valléjo, frère dominicain, et postface de l’historien
Georges Bischoff.

NB : Le Meiselocker (charmeur de mésange), statue de la fontaine de la place Saint Etienne à Strasbourg, présente sur son socle le portrait de Théophile Schuler (et, de l’autre côté, celui de Daniel Arnold, l’auteur de la première pièce de théâtre écrite en Alsacien : Le Pfingstmontag traduite en 2014 par Roger Siffer et Suzanne Mayer, que Schuler avait illustrée.)


Emmanuel Honegger

Emmanuel Honegger présente Le Char de la mort et le travail du peintre Théophile Schuler à la salle blanche de la librairie Kléber, à Strasbourg, interviewé par Walter KIWIOR, grand spécialiste en peinture alsatique.
vidéo ici

Auteur et dessinateur, Emmanuel Honegger est né en 1956 à Paris.

Il vit et travaille à Haguenau, dans le Bas-Rhin.
J’ai publié sur mon blog, l‘article d’Emmanuel Honegger, sur David Hockney
après une discussion sur Facebook.

– Diplômé de l’École des Arts décoratifs de Strasbourg, promotion 1979.
– Président des Amis de l’œuvre et de la pensée de Georges Migot, peintre et compositeur.
– Vice-président des Amis du compositeur Jean-Jacques Werner.
– Vice-président de l’Académie rhénane.
Ancien vice-président de la SAAMS (Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg)
– Ancien président de la commission Théophile Schuler de la SAAMS, récompensant des artistes de moins de 35 ans vivant et travaillant en Alsace.
Site d’Emmanuel Honneger

Rencontre avec Marie Freudenreich

Marie Freudenreich née à Colmar en 1975
sculpteuse, barbouilleuse.

C’est une rencontre virtuelle, Covid-19 oblige

Parcours
Ecole Nationale des Beaux-Arts de Nancy (1995 à 1998), D.N.A.P.
– Art Student’s League of New York (1998 à 2003), Certificate of Completion in Fine Arts Sculpture
– atelier à Motoco depuis 2013

photo Robert Cahen

Un monde qui tient avec du scotch.
Comme si l’image que nous percevons comme la
« réalité » n’était qu’un décor de carton, prêt à s’envoler au premier coup de vent.
Une illusion d’optique qui cache à peine, comme une jupe trop courte, le vide qui nous entoure : le cosmos immense et noir, l’éternité de mort qui encadre nos vies.
La fragilité de tout ce que nous connaissons.
Quand deux couleurs sont juxtaposées, elles sont vraiment bord à bord. Il n’y a pas de chevauchement, aucune marge de sécurité.
Si on les écartait d’un demi-millimètre, on découvrirait l’abîme caché derrière.
C’est un peu cela, mes peintures.
Marie Freudenreich

Comment définirais-tu ta peinture ?
Peindre, c’est un peu comme apprendre la mécanique. Démonter la réalité (ou l’illusion) étaler les pièces
devant soi, essayer en se grattant la tête de
comprendre comment ça s’articule. Ensuite remonter tout ça.
La plupart du temps on se trompe, on abîme une pièce ou on la remonte à l’envers. Je tente de faire de chouettes erreurs. Après tout c’est la panne qui révèle le mécanisme.

Quand travailles-tu ?
Plutôt en fin d’après-midi, le soir, la nuit, je n’ai pas d’horaire défini.

A quel endroit, maison, atelier ?
Je travaille à Motoco, dans mon atelier, avant ça je travaillais chez moi.

J’ai réessayé pendant le confinement de travailler chez moi, sans y parvenir.

photo Robert Cahen

Un rite pour te mettre au travail ?
J’ai souvent besoin de plusieurs heures pour me vider la tête, épuiser en quelque sorte la partie de moi qui s’éparpille en tracas divers, faire baisser le niveau de tension nerveuse avant de pouvoir démarrer. C’est probablement pour ça que je commence souvent ma journée de travail à l’heure où d’autres

la finissent. Mais pas de rituel précis

Quelle est ta technique ?
Récemment, huile sur contreplaqué, huile sur carton et tempera à l’oeuf sur papier. Sculpture sur bois aussi et installation.
pendant ma formation, j’ai fait beaucoup de sculpture sur pierre et de la gravure
(eau forte)

Huile sur bois

L’ambiance, musique, silence, intérieur, extérieur ?
En intérieur avec de la musique, sans perturbations.

J’ai besoin de me sentir seule au monde, comme au fond d’une grotte,
et plongée dans la musique, pouvoir chanter en travaillant

Qui sont tes maîtres ?
Fra Angelico, Joseph Albers, Jacob Laurence, Mark Rothko

Zut il n’y a que des mecs
Louise Bourgeois, Agnès Martin, Frida Kahlo

Quelles sont tes références littéraires ?
« Interaction of Color » Josef Albers

J’ai aussi un gros faible pour l’écriture des dramaturges américains, Eugene O’Neill : « Long days’s journey into night »
Tennessee Williams :  » A street car named Desire »
Ce qui me touche, c’est leur art de dissimuler le drame qui sous-tend la pièce et fait craquer les coutures des personnages entre les lignes des dialogues les plus triviaux.
Rien de ce qui est important n’est jamais énoncé, et pourtant tout se dessine, petit à petit, dans les fissures du récit.
J’aime tellement l’écriture de ces pièces, que je n’éprouve pas le besoin de les voir mises en  scène, les lire me bouleverse.

Que devient ton travail pendant le confinement, est-il une source de création et de recherches plastiques ?
Le confinement n’a pas eu d’effet bénéfique sur ma créativité.

J’avais un projet « spécial confinement » mais ça n’a pas du tout marché.

Que cherches-tu à exprimer dans ton travail, qui ne serait pas possible avec des mots ?
Que dire ..

Tout sauf le titre ?
Les mots capables de dire, sans doute, les mêmes choses qu’une oeuvre d’art plastique sont les mots des poètes. Pourtant malgré l’immense respect que j’ai pour la poésie, je ne suis pas sûre qu’elle ait vocation à supplanter toutes les autres formes d’expression, et surtout, je ne comprends pas en quoi ce serait un progrès.
Je ne ressens pas cette supposée supériorité du verbe.
L’idéal pour moi, serait qu’une oeuvre permette de transporter une idée, une émotion, une interrogation, une intuition, une image mentale ou peu importe sous forme graphique (ou volumique), directement du cerveau de l’artiste à celui du regardeur, via ses yeux, sans passer par le laminoir ou la moulinette de la verbalisation, pire encore, de la rationalisation.

Comment définirais-tu ton travail ?
C’est une espèce de chemin que j’emprunte sans connaître et sans vouloir connaître ma destination.

Ce n’est que quand une étape (comme l’application d’une couleur) est achevée que je décide de la suivante, comme un marcheur qui déciderait à chaque croisement de la direction à emprunter.
J’ai répondu un peu à côté de la question, parce que je ne sais pas définir mon travail. Mais il semble que si je savais le définir, je serais incapable de le poursuivre. Sa définition serait comme son rapport  d’autopsie.

Peins-tu des autoportraits ?
On dit que chaque oeuvre est un portrait de son auteur.
Des autoportraits de ma tête, ça m’est arrivé, mais très peu, mais quand je peins une table ou un bol, c’est aussi une sorte d’autoportrait.
Cela dit, j’aime bien les autoportraits des autres, surtout quand ils révèlent un trouble, comme ceux de Schoenberg.
J’aime aussi ceux, nombreux, où on sent de la méfiance, quand l’artiste se regarde d’un air de dire :
« toi mon coco, je te connais trop bien pour te faire confiance »

Motoco ? Depuis ?
J’ai eu la chance in extremis de pouvoir intégrer Motoco dès le démarrage, en 2013. Mischa Schaub m’avait attribué le tout dernier espace disponible à l’époque.

A modifié ta manière de travailler de vivre ?
J’ai mis longtemps à arriver à vraiment travailler à Motoco, à y retrouver le degré de concentration dont j’ai besoin, et qui peut aujourd’hui encore être facilement compromis, par l’absence de séparation phonique entre les ateliers, la chaleur étouffante en été, le froid en hiver.

photo Robert Cahen

Motoco est-il un apport pour toi ?
Motoco m’a apporté énormément en terme de vie sociale, et même d’existence sociale. Pouvoir échanger avec les autres artistes du lieu est infiniment précieux.
Ma présence à Motoco m’a aussi permis de rencontrer un public, qui ignorait mon existence et mon travail jusque là.

Pour terminer, peut-on revenir sur l’exposition au forum de St Louis en 2012
A ce moment là, je pensais que c’était un appel, solitaire, tu voulais convier les gens à ta table, muette, tu t’exprimais par ton travail.
La table exposée à Saint-Louis, je crois qu’elle date de 2005. Je l’ai mise en œuvre 5 fois à ce jour. C’est une idée qui m’est venue comme ça, toute faite et qui ne m’a plus lâchée, même si je ne la comprenais pas.

Elle a longtemps été sans titre.
Tout ce que je savais en dire est que c’était une pièce importante pour moi, d’où son titre transitoire « wie ich tisch ».
Elle a maintenant je crois son titre définitif: « Tableau ».

Dans cette vidéo de l’exposition au forum de St Louis de 2012,
on peut constater que Marie est dans la continuité de son travail et de son maître Josef Albers

Expositions
– CORK Gallery, Lincoln Center New York, 2002 (Nessa Cohen memorial Grant winners show)
– CORK Gallery, Lincoln Center New York, 2004 (idem)
– « Liquid Memories » (exposition personnelle), 2006, association culturelle :
à table !, Boulogne-sur-Mer conjointement à cette exposition,
publication d’ un livret de dessins intitulé :
« my life is as empty as a room full of boxes »
– « (é)mouvantes couleurs (vidéo)» en duo avec Robert Cahen, 2012, forum de l’ Hôtel de ville de Saint-Louis
– « archéologies mentales » en duo avec Eric Smolinski, hiver 2013-2014,
« Mulhouse Jeune Art Contemporain »
– REGIONALE 14 : « Noli Me Tangere » (group show), E-WERK Freiburg
« à la croisée des chemins potentiels » (group show), FABRIK culture, Hégenheim
– Janvier 2017 : « ÉDEN », galerie Jean-François Kaiser, Strasbourg
– Février-Mars 2018 : « Et, toujours, ils tiennent le monde / Désirer un coin de soi-même inconnu « , LE GRANIT et la Cantine d’art contemporain, Belfort
Régionale 20, « les chemins du rêve » Fabrikculture Hégenheim 2019/20

crédit photos :
Robert cahen 1,2,3,8
Marie Freudenreich 6,7
Elisabeth Itti 4,5,8 + 1 vidéo

Circular Flow – De l’économie des inégalités, Gegenwart Kunstmuseum Basel

Ulrike Grossarth; 16 moving things; Dresden, 2005

Jusqu’au 19 juillet 2020, au Kunstmuseum Basel | Gegenwart
Circular Flow – de l’économie des inégalités

Commissaire : Søren Grammel avec Stefanie Thierstein, Philipp Selzer
et Eva Falge
Cette exposition vue avant le Covid-19 est non sans relation avec celle de la Kunsthalle de Mulhouse, « Algotaylorism«  qui s’attache à la question du taylorisme algorithmique qui est cette division du travail poussée à l’extrême 

                  Lisa Rave Film Still

Changement climatique et pollution environnementale, guerres régionales et conflits relatifs à la répartition, chômage de masse, répartition inégale des richesses, nationalisme : face aux nombreux problèmes qui poussent des millions d’individus à migrer malgré eux, de plus en plus de gens s’interrogent sur les conséquences sociales, écologiques et politiques de ce processus complexe que l’on désigne communément sous le terme de
« mondialisation ».

L’exposition Circular Flow.
De l’économie des inégalités réunit au Kunstmuseum Basel | Gegenwart
15 approches artistiques qui explorent les principes de l’économie parallèlement à ces problématiques sociétales.
Des œuvres anciennes de la collection du Kunstmuseum permettent en outre d’établir des liens entre les périodes coloniales et postcoloniales
de la mondialisation. Ce projet ne met en cause ni l’idée ni la réalité d’un monde interconnecté à l’échelle politique, économique et culturelle, mais tend au contraire à renforcer les approches sociétales favorisant une mise en œuvre socialement juste et écologique du processus de mondialisation. La critique du système capitaliste qui a fait du monde une marchandise constitue le cœur du débat.

L’exemple des migrations

Un chapitre de l’exposition est consacré au lien entre les causes contraignant toujours plus d’individus à fuir leur pays et la dynamique impériale sans précédent qui a mené au déploiement de l’Europe aux XVe, XVIe et XVIIe siècles et qui marque le monde politique jusqu’à aujourd’hui. En raison de l’actualité brûlante de ce thème, l’exposition commence par l’image du camp, plus précisément du camp de réfugiés.

En haut/en bas, à l’intérieur/à l’extérieur, ouvrir/fermer – le système du camp cristallise, d’un point de vue pratique et métaphorique, les contradictions de la politique actuelle. Fin 2018, plus de 70 millions de personnes se trouvaient en situation de fuite de par le monde. Parmi celles-ci, seules 3,5 millions ont déposé une demande d’asile dans des pays membres de l’UE à partir de 2015. Pourtant, en mars 2016, l’accord UE-Turquie a été signé en raison de fortes pressions politiques.
Depuis, 20 000 personnes (donnée de septembre 2019) attendent dans des
« centres de premier accueil » sur les îles de Lesbos, Chios, Samos, Leros
et Kos conçus à l’origine pour accueillir 6 500 personnes.
Violences (sexuelles), criminalité, incendies et émeutes ponctuent le quotidien dans ces camps surpeuplés.

Durant un séjour de plusieurs années en Grèce, l’artiste irlandais Richard Mosse (*1980) a filmé le centre de « Moria » à Lesbos, visé par de nombreuses critiques, à l’aide d’une caméra de surveillance infrarouge utilisée par l’armée. Cette technologie est capable de rendre très nettement la chaleur corporelle que dégage un homme se trouvant à 30 kilomètres. Les personnes ainsi filmées ne sont pas perceptibles sous la forme d’individus, mais comme des figures abstraites produites par leur image thermique.

Les prises de vue de Mosse ont donné naissance à Grid (Moria) : un mur vidéo hightech constitué de 16 écrans plats de grand format montre la vie quotidienne dans le camp sous la forme d’un flot continu d’images panoramiques aux mouvements intermittents. Cette installation vidéo se présente comme une trame dans les deux sens du terme, autant architecturale qu’humaine, dans l’économie logistique de laquelle les personnes en fuite se retrouvent et – par analogie avec ladite technique filmique – sont réduites à des entités abstraites. Les images montrent des gens dans des files d’attente ou transportant des biens de première nécessité de manière improvisée, mais aussi des tentes, des fils à linge bricolés et des clôtures de fils barbelés. À travers le dispositif de présentation de l’œuvre, l’artiste joue avec le rapport entre la perspective de l’observateur et celle du surveillant et pose, par là-même, la question de la responsabilité commune de ceux qui vivent dans la réalité à l’extérieur d’un camp.

L’exemple des ressources
D’autres artistes s’intéressent à l’existence d’interdépendances complexes entre l’économie et la politique sous l’angle du commerce mondial des matières premières ou des brevets portant sur des ressources vitales comme les semences (Andreas Siekmann),vidéo

les terres rares (Lisa Rave) ou l’eau. L’œuvre Petropolitics conçue par le duo d’artistes Bureau d’Études pour l’exposition est consacrée aux développements passés et présents du commerce international du pétrole depuis le début du XXe siècle jusqu’à nos jours.


Les artistes ont enquêté sur les relations complexes entre les États et les organisations transnationales comme les think tanks, les entreprises financières, les instances de régulation, les services de renseignement, les groupes de médias ou les fabricants d’armes. Les artistes ont pour habitude de transcrire leurs résultats sous forme de cartographies et de diagrammes visuels qui sont ensuite publiés. Pour le Kunstmuseum Basel, ils ont réalisé une tapisserie murale mesurant plus de 14 mètres de longueur.

L’exemple du monde du travail

Une autre section de l’exposition accorde une place centrale aux changements dans le monde du travail dont la compétitivité internationale, qui s’inscrit dans le sillage de la réduction des obstacles au commerce à l’échelle mondiale, en constitue le leitmotiv.

Dans une nouvelle installation vidéo sur 5 canaux intitulée Crowds (Foules), l’artiste canadienne Melanie Gilligan (*1979) présente les injustices sociales engendrées par l’économie capitaliste à travers le portrait d’Irene, la protagoniste, qu’elle suit dans sa recherche d’emploi dans le secteur tertiaire à travers la ville d’Orlando (en Floride). L’espace urbain est marqué par la présence de bâtiments de l’industrie du divertissement et des chaînes de fast-food et semble n’être réservé qu’au tourisme et à la consommation.

Les impressions recueillies par Gilligan durant son enquête sur la vie précaire de nombreux citoyen.ne.s marquée par des emplois à taux horaire peu rémunérés sont traités à travers des mises en scène filmées du quotidien. Dans le même temps, l’artiste témoigne de formes d’autogestion et de protestation publique des personnes concernées contre la perte de leurs droits.

Tandis que le travail ne cesse de se caractériser par des emplois et des services postfordistes dans les anciens pays industrialisés, la délocalisation de la production dans d’autres parties du monde a mené à l’émergence d’un nouveau prolétariat à bas salaires. Le documentariste chinois Wang Bing témoigne de cette réalité à travers son œuvre 15 Hours (2017).

Wang y suit un groupe de travailleur.euse.s dans une usine textile de la province chinoise du Zhejiang. En employant simultanément 300 000 travailleurs migrants, le complexe dépasse les proportions d’une petite ville européenne. Rémunérés à la tâche, les ouvriers fabriquent des milliers de vêtements, de 8h à 23h, sept jours par semaine. D’une durée de 15 heures – qui met autant au défi la patience du visiteur de musée que les horaires d’ouverture d’une institution artistique – le film correspond exactement à la durée d’une tranche horaire habituelle de travail posté. Le film de Wang rappelle que les inégalités ne sont pas seulement un aspect de l’économie globale, mais qu’elles en constituent le principe fondamental. Ainsi, selon le Global Wealth Report du Credit Suisse,
le décile le plus riche de la population mondiale adulte détenait l’an dernier 85% du total de la richesse mondiale (le 1% le plus riche en détenait 47% à lui seul). Les 64% les plus pauvres de la population mondiale se partagent inversement 2% de la richesse mondiale.

voir sous (Algotaylorism)

À l’automne 2018, à l’occasion de la publication d’un article des chercheurs Kate Crawford et Vladan Joler1, le monde apprenait, éberlué, le dépôt par Amazon, deux ans plus tôt, d’un brevet décrivant
« une cage métallique destinée au travailleur, équipée de différents accessoires cybernétiques, qui peut être déplacée dans un entrepôt par le même système motorisé qui déplace les étagères remplies de marchandises »

Simon Denny (vidéo) —–>

Ces cages étaient destinées à introduire des travailleurs humains dans la zone d’exclusion humaine de ses entrepôts. Car, si l’entreprise la plus puissante au monde2 utilise une main d’œuvre abondamment robotique, notamment pour le traitement de ses expéditions, elle continue de faire appel à des êtres humains pour certaines tâches, bien que ces derniers ne soient pas corvéables à merci comme ses betty bots qui, hormis pour recharger leur batterie, ne s’arrêtent jamais de travailler. Dans les entrepôts, c’est l’organisation algorithmique qui prévaut, les objets étant classés et agencés selon un ordre destiné à optimiser les allées et venues des robots qui vont et viennent chargés d’étagères emplies de marchandises. La cage, de dimensions équivalentes à celles d’une étagère, aurait été transportée de la même manière, soulevée puis acheminée par ces infatigables travailleurs mécaniques, en un paroxysme de la soumission du travailleur humain à la régie algorithmique. Simon Denny en présente ici le brevet, sculpté à l’imprimante 3D pour en faire ressortir les éléments saillants, au sens propre comme figuré.


                    Brueghel

Liste des artistes
Pour illustrer ces problématiques liées à la mondialisation et d’autres encore, l’exposition présente des œuvres de
Ursula Biemann, Bureau d’Études, Alice Creischer, Simon Denny, Melanie Gilligan, Ulrike Grossarth, Jan Peter Hammer, Fred Lonidier, Richard Mosse, Marion von Osten, Lisa Rave, Claus Richter, Cameron Rowland, Andreas Siekmann et Wang Bing.



                    Pieter Brueghel l’Ancien

Aux côtés des artistes invités, l’exposition intègre des œuvres de la collection du Kunstmuseum Basel dont celles de Pieter Brueghel l’Ancien, Emanuel Büchel, Paul Gauguin, Hans Holbein le Jeune ou Maria Sibylla Merian – ainsi le Paysage brésilien du peintre néerlandais Frans Post qui accompagna le gouverneur général de la Compagnie des Indes occidentales au milieu du XVIIe siècle au Nord-Est du Brésil et dont l’œuvre peut être également interprétée comme un document consacré à la première mondialisation coloniale et à ses mécanismes de répression.

                         Claus Richter; Omnia peribunt; 2019

Publication Dans le cadre de l’exposition paraît un livret en langue anglaise avec des contributions de Bureau d’Études, Colin Crouch, Alice Creischer, Simon Denny, Melanie Gilligan, Jan Peter Hammer, Sybille Krämer, Stephan Lessenich, Achille Mbembe, Lisa Rave, Andreas Siekmann et Hito Steyerl.

Situé St. Alban-Rheinweg, celui-ci se nomme désormais Kunstmuseum Basel | Gegenwart. Il s’agit d’un établissement commun à la Emanuel Hoffmann-Stiftung, à la Christoph Merian Stiftung et au canton de Bâle-Ville. Il doit son existence à un don de la fondatrice de la Emanuel Hoffmann-Stiftung (Maja Sacher-Stehlin), de sa famille et de la fondation elle-même. Les biens fonciers appartenant au canton de Bâle-Ville ont été mis à disposition par la Christoph Merian Stiftung.

 

Céline Cléron, visite d’atelier

La Fondation Fernet-Branca, nous convie, par l’intermédiaire de son directeur
Pierre Jean Sugier  pour une nouvelle visite d’atelier.
Place à l’artiste Céline Cléron, qui nous fait
découvrir son univers artistique (vidéo)

Vous avez pu la découvrir, en 2018, dans l’exposition
« l’impermanence » de la Fondation Fernet Branca, en compagnie de
Philippe Lepeut, de Léa Barbazanges  de MARIE DENIS et
STEPHANE GUIRAN
C’est une rencontre virtuelle, Covid-19 oblige

Depuis plus de 15 ans, Céline Cléron mène une production artistique dans le champ de l’objet et de la sculpture, réunissant une multiplicité de matériaux et de supports : verre, tissu, cire d’abeille, ballons, fossiles, bois, porcelaine, dessin, photographie, vidéo…

Céline Cléron, une minute de latitude

Céline Cléron créé des œuvres hybrides, inspirées par les objets du quotidien et leur force d’évocation, mais également par le passé, l’histoire de l’art et l’archéologie, les encyclopédies, les musées, les mythologies et les cultures anciennes, les sciences. Les objets qui retiennent son attention ont en commun le fruit de phénomènes naturels ou le produit du travail de l’artisan.

                                              L’horizon des événements
Le plus souvent, l’artiste travaille en collaboration avec des artisans pour réactiver des techniques et des gestuelles en voie de disparition.
Elle s’appuie ainsi sur les compétences d’un souffleur de verre, d’une costumière, d’un ébéniste, d’un taxidermiste, d’un apiculteur…

                       Céline Cléron, Conseil de révision

Ces « savoirs faire » précis côtoient dans son travail un certain « laisser-faire » qui consiste à convoquer des accidents, des hasards, que les processus techniques engagés vont produire en évoluant. Le hasard et l’accident sont au cœur de sa démarche, ses pièces étant souvent complétées par l’œuvre de la nature ou de l’animal, figure également très importante dans l’ensemble de son travail. La notion de temps et plus singulièrement de temps arrêté ou suspendu, est également récurrente dans sa démarche.

                                              Céline CLÉRON
                                              Saules Pleureurs « Bigoudis »

Chez Céline Cléron, le rapport au souvenir comme au jeu se tisse dans le détournement, selon une tension persistante entre ce qui est figé et ce qui est en mouvement, entre permanence et impermanence, origines et évolution, fondamentaux et inventions. Les objets présents dans l’environnement qui entoure l’artiste mais aussi les images évoquées par sa mémoire, la corrélation entre forme et dénomination génèrent des analogies, des glissements sémantiques et visuels, qui se reflètent à travers son œuvre.

En cette période de confinement, elle s’est retournée vers le dessin sur sable,
pratique amorcée il y a un ou deux ans, qui correspond bien à ce moment
où tout est en suspend. C’est un travail très lent et méditatif.
Chaque vase en verre soufflé est rempli de différentes couches de sable
qui tentent de fixer l’image d’un regard, d’un visage, inspiré des portraits
du Fayoum.
Elle était en train de tourner un film, sur la déambulation d’un chien loup
dans un cimetière pour chiens, lorsque la pandémie s’est déclarée.
Ce film sera visible dans une prochaine exposition à Marseille.

Céline CLÉRON Née en 1976 à Poitiers  Vit et travaille à Paris www.celinecleron.com
Représentée par la Galerie Papillon, Paris

FORMATION
2000 Diplômée de l’École des Beaux-arts d’Angers, (DNSEP)
1998 Diplômée de l’École des Beaux-arts de Poitiers, (DNAP)

Elle a à son actif de nombreuses expositions personnelles

Sommaire du mois d’avril 2020

Le confinement est en train de modifier les modes de « consommation » de la culture, avec une mise à disposition de contenus inédits sur la toile dont les ex-visiteurs sont très friands. Plus que tout, la culture est le socle commun de notre humanité durant ces temps difficiles. D’où l’intérêt d’une réflexion poussée dans notre communauté.

Les différences entre le réel et le virtuel ?
Le coeur  palpite à l’idée de pénétrer dans un musée. Les sens. L’odeur. Le parquet qui craque. Un rayon de lumière sur la toile. Le toucher de la pierre des escaliers. L’envie d’embrasser le Scribe. L’émotion. En rêver sur le chemin du retour.

Pourquoi se déplacer pour voir les oeuvres, puisqu’on peut les voir aussi bien sur un écran ?
Le virtuel n’est pas opposé à la rêverie poétique. Autant la visite réelle laisse une trace dans la mémoire, celle virtuelle permet d’y revenir. C’est pourquoi personnellement j’aime en plus prendre des photos, afin de me replonger dans l’ambiance et de retrouver les détails admirés.

Une visite réelle se compose de trois éléments :
– les oeuvres
– un lieu
– une durée
Le musée est un lieu que l’on parcourt physiquement, une temporalité qui s’étale dans la durée, à l’opposé du zapping du net. Le virtuel est un substitut,
considéré comme une introduction à la visite réelle, il ne rend que très rarement compte du lieu, de la vision exacte de l’oeuvre, de la dimension, des couleurs.
Rien n’est plus triste qu’un musée fermé.
Grand merci à tous ces musées et artistes qui nous permettent des visites virtuelles
et vive le déconfinement

La Fondation Beyeler rouvre ses portes le lundi 11 mai 2020.

Les expositions «Edward Hopper» et «Voir le silence – Images de quiétude» sont prolongées jusqu’au 26 juillet, l’exposition «Goya» est reportée.

25 avril 2020 : Van Eyck. Une Révolution Optique
22 avril 2020 : À La Rencontre de Böcklin
19 avril 2020 : Pascal Henri Poirot
17 avril 2020 : Léa Barbazanges
12 avril 2020 : Joyeuses Pâques
08 avril 2020 : Fondation Fernet Branca
06 avril 2020 :  TINGUELY @ HOME

Van Eyck. Une révolution optique

L’Homme au turban rouge, 1433
Autoportrait présumé de Jan van EyckVan Eyck à Gand

Aujourd’hui je déroge à mon habitude, Covid-19 oblige, je vais vous parler
d’une exposition que je n’ai pas visitée.

Afin de permettre à chacun de profiter pleinement du programme passionnant, l’année Van Eyck sera prolongée jusqu’au 24 juin 2021.

Concernant «Van Eyck, une révolution optique» :

malheureusement, l’exposition au MSK ne peut être prolongée.
elle se termine le 30 avril 2020 au
Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK Gent)

Hubert et Jan van Eyck, Retable de l’Adoration de l’Agneau mystique, 1432 (Gand) ouvert


J’emprunte ce texte, avec son aimable autorisation à
Catherine Rigollet de l’agora des arts

un lien ci-dessous vers un documentaire sur le retable 
en français

Avec treize des vingt-trois œuvres mondialement connues de Van Eyck (vers 1390-1441), plusieurs œuvres de son atelier et une bonne centaine de pépites de l’art de la fin du Moyen Âge, cette exposition exceptionnelle révèle tout l’art innovant et érudit du maître gantois, montre son influence auprès des italiens du Quattrocento et raconte la rocambolesque odyssée de son chef-d’œuvre : le retable de L’Agneau mystique.

Quelle incroyable aventure que celle du retable de L’Agneau mystique de van Eyck ! L’histoire commence le 6 mai 1432. Commandé aux frères van Eyck par Josse Vijd et sa femme Elisabeth Borluut, ce retable de douze panneaux en chêne d’une taille considérable (5,20 x 3,75 m ouvert), commencé par Hubert Van Eyck (vers 1366 ?-1426), continué après sa mort, et durant six années, par son jeune frère Jan (vers 1390-1441), est enfin mis en place dans une chapelle de l’église Saint-Bavon de Gand. L’élément central de ce polyptyque qui symbolise le rachat du péché originel par le Christ est l’Agneau mystique, qui verse son sang dans le Saint Graal. Ce drôle d’agneau aux yeux perçants, si humains, est représenté sur un autel au milieu d’un paysage paradisiaque, entouré d’une foule venue l’adorer : anges, pèlerins, ermites, chevaliers du Christ, juges intègres, saints martyrs… C’est la partie la plus spectaculaire de cette œuvre d’une beauté époustouflante, celle qui a donné son nom à l’œuvre. Au-dessus trône le Christ-Roi, entre la Vierge Marie et saint Jean-Baptiste, encadrés d’anges musiciens et d’Adam et Eve quasi statufiés et dont le réalisme de la nudité est stupéfiant pour l’époque. Fermé, le retable montre l’Annonciation, saint Jean-Baptiste et saint Jean l’évangéliste et les portraits des commanditaires.

Hubert et Jan van Eyck, Retable de l’Adoration de l’Agneau mystique, 1432 (Gand), fermé,

L’histoire rocambolesque de L’Agneau mystique

L’histoire de ce chef d’œuvre de la peinture flamande du 15e siècle ne fait que commencer. En 1566, le retable doit être caché dans la tour de la cathédrale durant une révolte protestante. En 1794, des soldats français emportent les panneaux centraux à Paris (ils reviendront en 1815 après Waterloo). En 1816, pour des raisons financières, six panneaux latéraux sont vendus… et se retrouvent en Prusse, à l’exception d’Adam et Eve remisés dans une petite salle d’archives pour cause de nudité scandaleuse. Ils sont vendus à l’État belge en 1822 pour financer les réparations du retable qui vient d’échapper de peu à un violent incendie à la cathédrale, et provisoirement remplacés par une copie les représentant habillés de peaux de bêtes (copie aujourd’hui exposée à l’entrée de la cathédrale). Durant la Première Guerre mondiale, les panneaux centraux sont cachés. En 1920, à la suite du Traité de Versailles, le retable se retrouve à nouveau exposé dans sa totalité. Las ! Deux panneaux sont volés en 1934 contre demande de rançon : Les Juges intègres et la grisaille représentant saint Jean-Baptiste. Seul ce dernier est retrouvé. Caché à Pau pendant la guerre, le retable est volé à la demande d’Hitler et dissimulé dans la mine de sel d’Altaussee, en Autriche. Retrouvé par les « Monuments Men », il retourne enfin à Gand en 1946. Quel dénouement ! Aujourd’hui, seul manque toujours à l’appel le panneau des Juges intègres, remplacé depuis 1945 par une copie du restaurateur -et faussaire- de peintres Primitifs flamands, Jef Van der Veken.

l’Agneau mystique, 1432 (Gand),

Le génie de Jan van Eyck

Avec L’Agneau mystique, van Eyck a atteint le summum de son art. Ce chef-d’œuvre, source de tant de convoitises et de péripéties du fait de sa valeur artistique, a fait l’objet de nombreuses copies, notamment celle de Michiel Coxcie en 1497 qui servira souvent de source documentaire. Peintre officiel, mais aussi diplomate érudit au service du duc de Bourgogne Philippe le Bon, Jan van Eyck est devenu un maître incontesté du portrait par le réalisme des traits des personnages qu’il peint de trois-quarts (quand les Italiens privilégient encore les profils). Ils ont presque l’air vivants, ce qui a fait dire à son biographe Bartolomeo Fazio qu’il ne leur manquait que la voix. Ses architectures et ses paysages aussi sont de plus en plus conformes à la vision humaine et truffés de détails d’une précision de miniaturiste. Outre les deux magnifiques ouvrages publiés à l’occasion de l’exposition et qui fourmillent de gros plans, on ne manquera pas la visite du site internet dédié à la restauration du retable qui permet de zoomer dans l’œuvre jusqu’à discerner : les ailes des oiseaux dans le ciel, la poussière sur les chaussures des pèlerins, les éclaboussures dans la fontaine, les cratères sur la lune, les cils de l’œil d’Adam…Un outil fabuleux (voir lien ci-dessous).
La renommée de Jan van Eyck est immense, notamment à Bruges et surtout à Gand, riche de son textile et de sa localisation à la confluence de la Lys et de l’Escaut. Grâce à l’utilisation toute récente de l’huile comme médium, à laquelle l’artiste a ajouté des siccatifs pour raccourcir le temps de séchage (quand les italiens peignent encore à la détrempe à l’œuf), ses tableaux ont gagné en éclat, transparence et délicatesse des couleurs. « Sa connaissance de la physique l’a aussi rendu capable d’imiter les effets optiques de la lumière qui sont nécessaires pour accentuer l’expérience de l’espace dans son œuvre. Non seulement par le jeu de l’ombre et de la lumière, mais également par la façon dont la lumière se déplace dans l’espace, est absorbée entre les plis des vêtements, se reflète sur les cuirasses convexes et concaves et se fraie naturellement un chemin à travers les surfaces transparentes comme le verre et les pierres précieuses ou encore l’eau courante », commente Johan De Smet, co-commissaire de l’exposition « Van Eyck. Une Révolution optique ». Sur le retable, avoir ajouté le reflet d’une fenêtre dans le bijou d’un ange chanteur est tout simplement incroyable.

L’Agneau mystique : joyau de la culture flamande

Pierre-François de Noter, La chapelle Vijd avec L’Agneau mystique, 1829 (Amsterdam, Rijksmuseum).

Pièce centrale de l’année thématique « Van Eyck », le retable de L’Agneau mystique a été choisi par la ville de Gand pour rendre hommage au maître flamand en 2020. Grâce à une très longue et méticuleuse campagne de restaurations commencée en 2012, réalisée à l’Institut royal du patrimoine artistique, sous la direction de la restauratrice Hélène Dubois, l’œuvre a retrouvé tout son éclat et l’authenticité de ses couleurs radieuses. Elle a révélé des détails longtemps masqués par des surpeints réalisés notamment au 16e siècle dans les tendances de l’époque, et a livré des informations précieuses sur les différentes mains qui ont œuvré à sa réalisation. Durant l’exposition, les panneaux sont exposés à deux endroits, le MSK et la Cathédrale Saint-Bavon. Les huit panneaux restaurés du retable fermé, accompagnés d’Adam et Eve en attente de restauration, dans le MSK, et à hauteur d’œil. Les panneaux restaurés du retable ouvert dans la Cathédrale Saint-Bavon. Afin que vous puissiez admirer l’ensemble de ce chef-d’œuvre dans la Cathédrale Saint-Bavon, les panneaux manquants sont remplacés par une copie haute résolution. Après 2020, les panneaux ne quitteront plus jamais la cathédrale gantoise, installés dans une chapelle entièrement réaménagée pour leur offrir le maximum de visibilité et de sécurité ; leur histoire expliquée et documentée dans le nouveau centre des visiteurs qui ouvre le 8 octobre 2020.

OMG ! Van Eyck was here (Oh My God ! Van Eyck était là)

Jan van Eyck, L’Homme au chaperon bleu, vers 1428-1430. Huile sur panneau, 22 x 17 cm. Muzeul National Brukenthal, Sibiu (Roumanie).

Tout au long de l’année 2020, Gand rend hommage à van Eyck avec de nombreux événements. Point d’orgue de cette année thématique, l’exposition « Van Eyck. Une Révolution optique » est aussi l’unique et dernière occasion d’observer les panneaux dans un contexte plus large. Car au MSK, le visiteur découvre également une dizaine d’œuvres de Jan van Eyck lui-même (signés de sa main, une rareté à l’époque ; les peintres se considérant davantage artisans qu’artistes), sur la vingtaine conservée dans le monde. Des chefs-d’œuvre comme le Saint François d’Assise recevant les stigmates, 1440, prêté par le Philadelphia Museum of Art ; le Portrait de Baudouin de Lannoy (Gemäldegalerie de Berlin) récemment restauré ; L’Annonciation, vers 1430-35 (Andrew W. Mellon Collection, National Gallery of Art, Washington DC) ; Sainte Barbe, 1437 (Musée royal des Beaux-Arts, Anvers) ; La Vierge à la fontaine, 1439 (Musée royal des Beaux-Arts, Anvers) ; Portrait d’un homme au chaperon bleu, vers 1430 (Muzeul National Brukenthal, Sibiu – Roumanie) ; Le Diptyque de l’Annonciation, vers 1435 (Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid). Ou encore ce saisissant Portrait d’un homme (« Leal Souvenir » ou « Tymothée »), 1432 (The National Gallery, Londres).
On regrette dans l’exposition l’absence de trois tableaux majeurs : La Vierge du chancelier Rolin, vers 1435 (seul tableau de van Eyck conservé en France, au Louvre), Les époux Arnolfini, 1434 (avec ce miroir témoin du travail révolutionnaire de van Eyck sur l’optique), ainsi que le Portrait d’un homme au turban rouge, 1436 (sans doute un autoportrait de van Eyck), deux œuvres conservées à la National Gallery à Londres. L’exposition rassemble plus de 100 autres œuvres du Moyen Âge, notamment des italiens Fra Angelico, Pisanello, Masaccio et Benozzo Gozzoli, qui mises en perspective de l’œuvre de van Eyck soulignent d’autant plus sa technique époustouflante et son génial talent qui fascinent encore aujourd’hui. Van Eyck et la belle Gand au riche patrimoine méritent votre venue.

Catherine Rigollet

A lire : L’Agneau mystique – Van Eyck. Art, histoire, science et religion : un ouvrage essentiel pour comprendre l’histoire de ce chef-d’œuvre, découvrir la saga de la grande famille Van Eyck et apprendre tous les détails de la restauration du retable. (Collectif, 368 pages, 200 illustrations, Ed. Flammarion, 60€)

Jan van Eyck, Portrait de Baudouin de Lannoy, vers 1435. Huile sur panneau, 26,6 × 19,6 cm.

Catalogue de l’exposition (anglais, allemand, néerlandais). Éditions Hannibal/Kannibaal. 504 pages. 370 illust. 64,50 €

Tous les détails de l’œuvre dans laquelle on peut zoomer, et de sa restauration sur : http://closertovaneyck.kikirpa.be

Visuels : Hubert et Jan van Eyck, Retable de l’Adoration de l’Agneau mystique, 1432 (Gand), fermé, ouvert et détail de l’agneau.
Pierre-François de Noter, La chapelle Vijd avec L’Agneau mystique, 1829 (Amsterdam, Rijksmuseum).
Jan van Eyck, Portrait de Baudouin de Lannoy, vers 1435. Huile sur panneau, 26,6 × 19,6 cm. Gemäldegalerie der Staatlichen Museen zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz, Berlin.
Jan van Eyck, L’Homme au chaperon bleu, vers 1428-1430. Huile sur panneau, 22 x 17 cm. Muzeul National Brukenthal, Sibiu (Roumanie).

À la rencontre de Böcklin

Böcklin L’Ile des vivants 1888

Depuis le 28 janvier 2020, le Kunstmuseum Basel | Hauptbau  a revu la présentation de la collection Arnold Böcklin.
Dès la réouverture du musée après ce cauchemar vous pourrez aller :

À la rencontre de Böcklin.

Arnold Böcklin autoportrait 1893

Arnold Böcklin autoportrait 1893

Arnold Böcklin (1827–1901) est avec Hans Holbein le Jeune un des saints patrons du Kunstmuseum. Les plus de 90 peintures et sculptures que le musée possède constituent la plus importante collection au monde de cet artiste. Böcklin, né à Bâle, atteint dans la deuxième moitié du XIXe siècle une renommée considérable dans les pays germanophones et compte parmi les plus importants protagonistes du symbolisme.

De son vivant, Böcklin n’a cessé de susciter des controverses. Nombreux sont ceux qui ont vu en lui un novateur, mais d’autres (dont l’influent critique d’art Julius Meier-Graefe) lui ont reproché d’avoir freiné tout progrès en matière de peinture.

A travers douze constellations, dans lesquelles Böcklin est mis en relation avec des travaux de ses prédécesseurs, de ses contemporains et d’autres âmes sœurs insoupçonnées – de Walter Kurt Wiemken à Max Ernst à Cy Twombly -, différents aspects biographiques, stylistiques et thématiques de son œuvre se cristallisent. Quant aux ambiances, on voyage entre la satire, une mélancolie remplissant tout l’espace et une gravité festive.

Insaisissable Böcklin, lorsque désir de révolte et attachement aux traditions dans son travail se font face – irréconciliables – on mesure alors combien il était un enfant de la « fin de siècle », époque on ne peut plus riche en contradictions.

REPRÉSENTATION DE SOI ET REGARD EXTÉRIEUR

Adolf von Hildebrand
Marburg 1847–1921 München
1898
Portrait du peintre Arnold Böcklin

 A la fin du XIXe siècle, Böcklin était un peintre célèbre dans tous les pays germanophones, ce que reflètent ces deux portraits des années 1890. Dans l’autoportrait qu’il réalise pour le Kunstmuseum Basel, l’artiste de soixante-six ans se présente vêtu à la dernière mode, sûr de lui et entouré de signes de sa réussite — aucune trace de l’attaque d’apoplexie qui a failli l’emporter peu de temps auparavant. Lorsque Adolf von Hildebrand réalise quelques années plus tard le buste en bronze du peintre bâlois à la suite d’une commande de la Nationalgalerie de Berlin, on découvre en revanche une autre facette de celui qui fut son ami durant de nombreuses années.

Même si la photographie avait été inventée depuis longtemps, on mesurait particulièrement bien dans la peinture l’écart entre la représentation de soi et celle effectuée par un tiers : à la réalisation magistrale d’une mise en scène de soi par un virtuose de la peinture, qui se montre tel un seigneur, Hildebrand oppose la description d’un être pensif, marqué par l’âge. Quand on songe que la fonction primaire du portrait, c’est d’incarner l’être absent, on peut se poser la question : qui était Böcklin, et surtout, combien était-il ?

UN REGARD NEUF SUR LES MYTHES ANCIENS I

                    Jean-François de Troy, Diane und Actéon, 1734

Arnold Böcklin, La chasse de Diane, 1862

Le poète latin Ovide a écrit avec ses Métamorphoses l’une des œuvres mythologiques les plus populaires. Ses histoires de transformations ont inspiré une quantité infinie d’artistes au cours des siècles en leur fournissant une banque d’idées dans laquelle puiser des images. Dans l’histoire de Diane et Actéon, ce dernier, chasseur, est horriblement puni d’avoir surpris la déesse à son bain : il est transformé en cerf et dévoré par ses propres chiens.

Entre les œuvres de Jean François de Troy et Böcklin qui tous deux s’inspirent de différentes scènes de ce même récit, on trouve quelques cent trente années, mais également des mondes.

De Troy se sert du bain de la déesse pour inviter le spectateur dans une scène galante aux couleurs lumineuses et aux lignes claires, avec des nymphes nues ou tout juste vêtues de légers voiles. Le cerf est littéralement réduit à une figure de second plan.

Böcklin à son tour relègue l’intrigue à l’arrière-plan. Le rôle principal est tenu par le taillis panoramique, devant lequel trois figures poursuivent le cerf qui tombe déjà sous les morsures des chiens. Comme c’est le cas dans cette œuvre majeure de jeunesse, les traitements peu conventionnels que fait Böcklin de ces thèmes sublimes de la culture classique ont été perçus par ses contemporains comme la preuve de sa modernité – mais sans toujours susciter l’enthousiasme.

UN REGARD NEUF SUR LES MYTHES ANCIENS II

Homère raconte dans l’Odyssée l’histoire d’Ulysse qui en raison d’une tempête s’est échoué sur l’île de la nymphe Calypso. Cette dernière l’accueille chez elle et le charme avec des promesses d’immortalité. Toutefois, Ulysse a tôt fait de repousser son amour et n’aspire qu’à rentrer auprès de sa femme Pénélope. Pendant sept années, Calypso retient ainsi Ulysse, jusqu’à ce que Zeus lui ordonne de le laisser partir.

Frank Buchser, Ulysse et Calypso, 1872

A quelque dix ans d’écart, Frank Buchser et Böcklin consacrent tous deux une œuvre à cet épisode intemporel d’un amour dédaigné. Buchser accentue le côté dramatique par des effets de lumière et un coup de pinceau expressif. Dans la moitié droite du tableau, les formes se dissolvent carrément en des champs colorés. L’exagération des attitudes présente sous des traits pompeux aussi bien la nostalgie d’Ulysse que le désespoir de Calypso.

Arnold Böcklin, Ulysse et Calypso, 1882

Là où Buchser montre le drame amoureux par le geste de l’amour se détournant, Böcklin illustre la solitude et les âmes en peine par un isolement des figures aussi bien formel que chromatique. Rentré en lui-même et sculptural, enveloppé d’un bleu glacial, Ulysse ignore la lascivité de la nymphe sur son drap rouge brûlant. Utilisée de manière ciblée, l’intensité des couleurs a été perçue comme « criarde » et « tapageuse » par les contemporains de Böcklin. C’est pour autant l’un des aspects les plus visionnaires de sa peinture.

LA CONNEXION BÖCKLIN-BURCKHARDT

Artur Joseph Wilhelm Volkmann, Portrait du professeur Jacob Burckhardt, 1899

Böcklin écume de rage. Une nouvelle fois, la commission des achats a critiqué son projet de fresques pour le musée à l’Augustinergasse. Même son très vieil ami Jacob Burckhardt qui avait été le témoin de son mariage avec Angela Pascucci en 1853 et qui était devenu entre-temps un grand professeur d’histoire de l’art, même ce dernier lui a recommandé de modifier ses fresques sur le bâtiment de l’architecte Berri. Böcklin termine en 1870 cette peinture murale selon son idée et ajoute a fresco par-dessus deux médaillons avec les visages du « hargneux » et du « critique stupide ». Mais son courroux n’est pas apaisé pour autant, il se mue même en raillerie mordante.

Arnold Böcklin, Étude pour le sixième masque à la façade du jardin de la Kunsthalle Basel, 1871

Lorsque l’année suivante, l’artiste propose six masques en grès pour la façade côté jardin de la Kunsthalle Basel, on reconnaît sans peine les visages caricaturés des membres de la commission des achats. Burckhardt lui-même apparaît en critique qui « fait la moue » avec une face grotesquement étirée et un front fuyant. Et ainsi sous ce masque tout sauf classique est immortalisé dans la ville du carnaval le grand spécialiste de la Renaissance qui a joué un rôle clé dans la manière qu’a eu Böcklin de comprendre l’antiquité.

Il ne fait aucun doute que son portrait par Artur Volkmann de 1899 aurait beaucoup plus plu à Burckhardt. Suivant la tradition du buste de la première Renaissance, la tête a un air auguste, le drapé du pardessus tombe à l’antique. Peut-être le modèle aurait-il remarqué que ce classicisme plutôt maniéré dissimule en soi quelque ironie latente. Mais Burckhardt est décédé deux ans auparavant.

LITTÉRATURE PEINTE

Joseph Anton Koch, Macbeth et les sorcières, 1829/1830

 Depuis l’antiquité, la littérature et la peinture ont tissé des liens étroits. Au XIXe siècle, les ouvrages d’auteurs contemporains trouvent souvent des échos dans l’art et servent, en parallèle des thèmes traditionnels de la mythologie, d’inspiration pour des tableaux.

L’artiste autrichien Joseph Anton Koch, actif à Rome, peint ici une scène issue de Macbeth de Shakespeare, dont l’œuvre est très répandue dès le XVIIIe siècle, y compris dans les pays germanophones. Dans le portrait de Pétrarque par Böcklin, littérature et histoire littéraire se mêlent, car les récits biographiques du poète de la Renaissance sont teintés de légende. Au sens propre, Böcklin présente l’auteur à la source de son inspiration : ici, à la fontaine de Vaucluse, où Pétrarque entonne le fameux chant à son amour Laure :
« Clair et tranquille ruisseau, qui dans tes ondes pures, as reçu la beauté qui m’est chère, toi dont les flots heureux ont caressé ses membres délicats. »

Au diapason des conceptions romantiques, la nature est pour les deux artistes une caisse de résonance de l’action qui s’y déroule : sauvage et déchaînée au moment de la rencontre fatale entre le général Macbeth et les sorcières ; protectrice, idyllique et fertile, là où il est question de symboliser le retrait hors du monde et la recherche créative de Pétrarque.

IMAGES D’ENFANTS

Anselm Feuerbach, Sur la plage, jeune fille pêcheur à Antium, 1870

D’une génération plus jeune que Joseph Anton Koch, Böcklin, Hans von Marées et Anselm Feuerbach appartiennent au même cercle des Romains allemands — des artistes et des écrivains germanophones qui ont poursuivi à Rome l’étude assidue de leur idéal esthétique, issu de l’histoire antique et de la Renaissance. Tous trois ont consacré des œuvres assez différentes à la représentation de jeunes enfants.

Sur une toile de format imposant, Feuerbach montre d’une manière classique une relation mère fils idéale, détachée de toute temporalité, qui par sa pompe festive ne se distingue guère de ses représentations mythologiques. Chez Böcklin, les enfants incarnent davantage les premiers pas dans la vie. Il s’agit d’une variation sur le motif populaire de l’escalier de vie qui symbolise depuis le XVIe siècle le parcours terrestre comme une succession de marche à monter ou descendre.

Arnold Böcklin, Vita somnium breve [La vie un rêve court], 1888
Böcklin réalise à partir de ce thème une allégorie de la fugacité. L’enfant chez Marées en revanche n’est à ranger ni du côté de l’idéal ni de celui du symbolisme. Dans une attitude qui fait penser à un adulte, le bambin, dominé par des figures et des chevaux, regarde hors du tableau. Le caractère esquissé du trait de pinceau donne à cette peinture de format imposant un aspect inachevé — comme pour évoquer l’homme qui doit grandir encore ?

FORMES FANTOMATIQUES DU SYMBOLISME

 

Pour Albert Welti, comme pour Böcklin, la fantaisie inventive importe plus que le compte-rendu de ce qu’on peut observer. Entre 1888 et 1891, le jeune peintre de 35 ans travaille comme élève dans l’atelier zurichois de Böcklin. En 1895, il s’établit à Munich et s’efforce de s’affranchir de l’influence de son maître. Voici ce qu’écrit Welti rétrospectivement :

Albert Welti, Cavaliers dans la brume, 1896

« Après deux ans, j’ai ressenti très fort le désir, sans injonction de quiconque, pas même de ce grand esprit, d’entreprendre pour une fois quelque chose qui me soit propre et de le terminer. »
La proximité de son style avec celui de Böcklin se révèle dans sa représentation symbolique d’un phénomène météorologique : dans un combat aérien, les chevaucheurs de nuages virevoltent autour d’un sommet qu’ils recouvrent.

Arnold Böcklin, La Peste, 1898

La manière dont Welti incarne les nuages qui se mélangent est proche de celle dont Böcklin campe la peste qui ravageait l’Inde à l’époque où ce tableau fut peint. La figure cauchemardesque, qui chevauche un dragon à travers les rues d’une ville, s’inspire de travaux préparatoires réalisés en 1876 sur le thème du choléra. La préoccupation de Böcklin pour les maladies terrifiantes, la mort et la fragilité des êtres plonge ses racines dans son propre vécu : le typhus et le choléra ont plusieurs fois menacé et même frappé sa famille nombreuse.

PAYSAGES DE L’ÂME

Le culte exalté dont l’art de Böcklin a fait l’objet dans les pays germanophones au tournant du siècle tire son origine essentiellement de la popularité de son motif le plus célèbre L’Ile des morts. Cette icône du symbolisme touche un nerf sensible de cette époque et en tant que reproduction gravée a trouvé sa place dans de nombreux intérieurs bourgeois de la fin de siècle.

Max Ernst, la Grande Forêt

Dans cette rencontre entre deux visionnaires aux images puissantes, Max Ernst semble proposer un détournement de L’Ile des morts. Il isole sa composition par rapport au cadre à la manière d’une île et dresse des arbres fins et hauts sur un ciel sombre. L’astre qui apparaît derrière la forêt de Max Ernst a la forme d’un anneau immense et diffuse une lumière pâle sur le paysage ; il confère au tableau une aura de mystère au diapason des accents fantastiques de la composition de Böcklin : une figure toute de blanc vêtue qui nous tourne le dos accompagne un cercueil sur une barque.

Arnold Böcklin, L’ Île des morts , 1888

Ces lieux où s’expérimente le passage d’un monde à l’autre — au-delà
lugubre, nimbé de mystère — témoignent en même temps du rayonnement qu’exercèrent les énigmatiques paysages de l’âme de Böcklin sur les générations suivantes d’artistes surréalistes.

CHEVAUX ET CAVALIERS

(Arnold Böcklin, Der Kampf auf der Brücke, 1889, et Edgar Degas, Jockey blessé, 1896/98)

Les chevaux et les cavaliers font partie de l’histoire de l’art depuis l’antiquité. Isolément ou en groupe, du portrait à cheval jusqu’aux représentations d’armées déchaînées, l’homme et sa monture apparaissent dans une puissante symbiose. Comme bel exemple de cette force brute, on observe ici la scène de combat sur un pont de Böcklin, pour lequel il s’inspire de La Bataille des Amazones de Peter Paul Rubens (Alte Pinakothek, Munich). Nue et sauvage, une meute bestiale galope depuis la gauche — elle pourfend une troupe « civilisée » sur la droite incapable de résister à cet assaut.

Le Jockey blessé de Degas tire en partie sa force dérangeante d’une rupture brutale du lien, de la traditionnelle unité entre le cavalier et sa monture. Tout événement de ce type possède sa référence biblique dans les représentations de l’épisode du chemin de Damas, où Paul est désarçonné de son cheval en apercevant Dieu. La chute de Degas est certes complètement profane et elle ne comprend ni conversion ni nouveau départ ; son héros déchu symbolise davantage l’échec. L’histoire de la réalisation de ce tableau comporte de curieux échos de la thématique qu’il illustre. L’artiste a lutté avec ce motif durant quelque trente ans (tableau à la National Gallery of Art, Washington), avant de le reprendre à la présente composition.

JEUX AQUATIQUES

(Arnold Böcklin, Le jeu des Néréides, 1886, et Félix Valloton, Trois femmes et une petite fille jouant dans l’eau, 1907)

Là où les néréides chez Böcklin ne sont qu’exaltation pleine d’éclaboussures et plaisir tourbillonnant – y compris un salto arrière – au milieu d’un puissant ressac, les baigneuses chez Vallotton sont distantes, dégrisées et comme figées dans le temps.

Les deux peintres s’emparent du thème traditionnel des femmes au bain. Böcklin se sert encore, comme tant d’artistes avant lui (dont Jean-François de Troy avec Diane et Actéon), du prétexte de la mythologie. Toutefois, au grand désarroi de nombreux contemporains, il réserve un traitement grotesque à ces sujets nobles.

Potelées, exubérantes, bruyantes, ses nymphes font plutôt sourire le spectateur qu’elles ne réveillent en lui des pulsions voyeuristes. Les côtés ironiques voire comiques de Böcklin déroutaient complètement les critiques et cela a eu pour effet de tels tableaux ont été souvent ignorés au profit de ses œuvres mélancoliques et pleines de pathos.

Vallotton présente ses nus féminins dans une eau gris ardoise au salon des indépendants de 1907 à Paris sous le titre Baigneuses. Les corps sculpturaux, loin de toute idéalisation ou mythologie, semblent autant plongés dans la lumière que dans l’eau.

LONGUES OMBRES


Böcklin l’Ile des Vivants

Afin de sortir de l’ombre immense de Böcklin, de nombreux peintres bâlois ont tenté de se confronter à leur illustre prédécesseur qu’ils ont pu voir tantôt comme une source d’inspiration, mais aussi comme un fardeau presque tétanisant.

Wiemken La Vie

L’œuvre de Wiemken La Vie, qu’il a conçue durant sa période surréaliste au milieu des années 1930, présente des parallèles au niveau du titre et du motif de la ronde de figures chatoyantes avec le tableau de Böcklin L’Ile des vivants. A la place de paisibles nuages de printemps et d’une nature d’Arcadie, le monde de Wiemken porte la mort en son sein. Dans le ventre du sphinx, c’est-à-dire au beau milieu de son tableau, il place une citation de la célèbre Ile des morts de Böcklin. Depuis l’île, un squelette semble tenir en laisse deux autres personnages.

Le mauvais présage trouve un écho dans les mystérieuses scènes d’une exécution et d’un enterrement. Avec l’image du globe, prêt à rouler en bas d’un échafaudage qui fait penser à des montagnes russes, on est confronté à une image du monde au bord du gouffre. Wiemken condense ici toute la peur panique qu’il avait de la guerre. Dans la partie supérieure du tableau — sur une sorte de nuage constructiviste — deux mains sans corps avec des fils aiguillent les événements du monde tout droit vers l’abîme.

PAYSAGES SPIRITUELS

(Arnold Böcklin, Le bosquet sacré, 1882, et Cy Twombly, Étude pour présence d’un mythe, 1959)

Böcklin et Cy Twombly étaient-ils des âmes sœurs ? En tout cas, leur singularité consiste en cela qu’en plus de références à des thèmes concrets de la mythologie, ils ont toujours cherché à transmettre la quintessence artistique de l’antiquité : lieux du sublime, paysages pleins de grandeur et d’esprit. L’importance de la culture méditerranéenne pour leur art est encore soulignée par le fait que chacun a trouvé son Arcadie loin du pays qui l’a vu naître et tous deux ont fini leur vie en Italie.

Böcklin a travaillé sur son paysage du Bosquet sacré avec des moyens symbolistes : le feu sacrificiel et des prêtres en procession signalent qu’on est là dans un lieu de culte. Entre les arbres apparaît une architecture classique de temple, ce qui rattache le sanctuaire à la culture antique la plus noble. Les figures vêtues de blanc accentuent plutôt comme des signes l’atmosphère solennelle du tableau.

L’espace pictural blanc et abstrait de Twombly est également saturé de signes, qui en appellent autant aux domaines de l’esprit qu’à notre mémoire culturelle — que ce soit avec des séquences de nombres ou des inscriptions qui renvoient à Délos, île de la mer Egée passant pour être le lieu de naissance d’Apollon et d’Artémis et qui conserve plusieurs importants sites voués au culte de ces dieux. Les graffitis caractéristiques de Twombly alimentent une tension entre écriture et image et ils fonctionnent comme des traces non concrètes de nos productions culturelles collectives.

Aussi éloignés que soient les mondes artistiques de Böcklin et Twombly, ils ont pour point commun ici de ne proposer aucune narration, ils composent d’éternels instants à partir de simples pièces de décor.

Les notices de cette présentation des collections sont issues de collaboration entre plusieurs étudiants du groupe de travail
« Blickweitungen » dirigé par Dr Markus Rath de la faculté d’histoire de l’art de l’Université de Bâle : Magali Berberat, Flavia Domenighetti, Elena Eichenberger, Lisa Gianotti, Duco Hordijk, Angela Oliveri, Gabriele Pohlig, Juri Schmidhauser, Zoe Schwizer, Katharina Stavnicuk, Mirjam Strasser, Benno Weissenberger.

Rédaction : Claudia Blank, Dr Eva Reifert ; Traduction : Yves Guignard ; Commissariat de l’exposition : Dr Eva Reifert, assistée de Claudia Blank

Pascal Henri Poirot,

Pascal Henri Poirot, la Fonte 2019
C’est une rencontre virtuelle, Covid-19 oblige

Aujourd’hui je vous emmène à la rencontre de Pascal Poirot, peintre, sculpteur, chargé de cours à la fac et aux Arts-Deco, maître du paysage, comme de l’architecture, je vous ai déjà présenté son livre,
« [EN]QUETE DE PEINTURE  qui est tout à fait imparable. », bilingue, français, anglais, enrichi par les textes de Tiphaine Laroque, entre autres, des photos de Florian Tiedje.

Dans une vidéo de France 3, il se présente.

J’emprunte un extrait de Roland Recht qui parle de ses canapés

Les motifs de Canapés se réfèrent explicitement aux « drôleries » de l’art médiéval que l’oeil ne découvre que progressivement dans les marges des manuscrits, ou plus exactement aux « grotesques » de l’Antiquité et de la Renaissance. Dans les Grotesques, tout comme chez Poirot, les figures sont ordonnées à partir d’un principe de symétrie qui les transmue en motifs. Mais alors que dans les grotesques, le peintre crée de toutes pièces des créatures monstrueuses, mi-homme, mi-animal, chez Poirot, c’est le couple « étalé » dans la figure érotique qui devient une créature monstrueuse

et un autre de

(…)…Par leur insistance répétitive et leur fixité, les canapés apparaissent comme un souvenir-écran, qui à la fois voile et dévoile le travail de la mémoire et fige en une image un précipité de souvenirs. Objet de ravissement et de fascination qui surgit là où la mémoire s’est perdue.(…)
Marie Pesenti-Irrman

Plusieurs thèmes bibliques sont abordés et illustrés par les tableaux de
Pascal Henri Poirot. Ils sont porteurs d’une grande richesse symbolique. Le rapport à l’Écriture a toujours été essentiel pour le protestantisme tant dans l’étude des textes bibliques que, dans la force d’extraits de la bible, mis en évidence sur les murs des temples. La paroisse  d’Abreschviller avait
demandé à l’artiste de faire apparaître cette caractéristique.

                                            La Tour de Babelle
Tous les tableaux sont réalisés au pigment à l’œuf sur bois, sauf celui représentant le temple d’Abreschviller, peint sur des collages sur bois.

Dans son « atelier perché »  de Neuve-Eglise en AlsacePascal Henri Poirot, l'Atelier Perché il prend le temps de peindre. Ses paysages de montagnes sont vides de tout personnage, un peu surréalistes, avec un banc de-ci de-là, une échelle, ou encore ses cabanes, souvenir des coins parcourus et photographiés depuis des décennies.  Pascal-Henri Poirot est un artiste esthète, un philosophe, pour lequel Michel Serre est une référence, pour se mettre en phase avec la nature. Ce livre l’inspire sur le temps, les déséquilibres graves qui adviendront, des dangers que nous courons. Il a choisi un extrait :
le « Contrat Naturel » un autre rapport à la nature, un rapport respectueux. C’est une lecture prémonitoire d’un livre qui a 30 ans,
annonciateur d’un autre mode de vie, d’un autre monde, que nous
serons bien obligé d’adopter.

Ses souvenirs d’enfance, la salle à manger des grands parents
ornée de  l’Angelus de Millet, la vie paysanne, font partie de ses thèmes,
qu’il transpose jusqu’en Australie.
Cela correspond aux mutations actuelles du mode de vie,
aux bouleversements.
Paysage insolite, qu’il mélange avec ses récurrentes échelles.

Nés quelquefois au hasard des bigarrures colorées du mobilier, végétaux personnages, monstres et animaux semblent issus d’herbiers ou d’ouvrages ethnologiques et érotiques. Les canapés déserts sont d’autant plus troublants qu’ils éveillent le souvenir d’une musique de chuchotements, de rires lointains et de petites cuillères que l’on tourne dans une tasse de thé.

Le méticuleux contrecollage des papiers froissés et préparés par toute une alchimie culinaire à un vieillissement prématuré, participe à cette sollicitation de la mémoire.
Evelyne Loux

Ses montres sont-ils prémonitoires ?
Tortue géante ou pangolin aux couleurs rassurantes sous un fabuleux
paysage de science fiction ?

Les paysages de Pascal Poirot sont souvent dépeuplés, dénudés.
Le peintre privilégie l’hiver : les blanchiments
précoces du paysage,
la première couche de
neige, quasi-transparente encore, à travers laquelle
le nervurage du sol commence à se lire, lorsque se développe une belle
gamme de gris comme sur
quelque gravure au burin. L’hiver passant, l’ossature
du paysage se dessine bien davantage encore, toute la végétation basse est aplatie ou morte : ne restent plus que les lignes-forces.Avec les hauteurs vosgiennes, le
peintre a tout son content : il parcourt le « pays vain » par excellence.
François Pétry

Une friandise pour terminer

voici à quoi nous allons ressembler à la sortie du confinement

Différentes techniques donnent lieu à des séries récurrentes de peintures autour des objets, canapés, architectures, peintures à l’huile de
paysages sur le thème du mythe et de la sanctuarisation.

PARCOURS
De nombreuses expositions dans des lieux culturels et galeries, foire,
il est présent dans des collections et musées en France ,Suisse,
Allemagne, Australie.