Jasper Johns (*1930) compte parmi les artistes américains majeurs du XXe siècle. Dans les années 1950, ce précurseur du pop art révolutionne la peinture avec ses tableaux du drapeau américain et de cibles. Son activité de collectionneur, en particulier de dessins, est nettement moins connue. Pour la première fois, le Kunstmuseum Basel propose de découvrir en exclusivité cette collection d’artiste à nulle autre pareille.
La collection de Jasper Johns met en lumière sa passion pour le médium du dessin sous tous ses aspects. Doué de la curiosité de l’artiste et de l’intuition d’un connaisseur, Jasper Johns a acquis, des décennies durant, des dessins remarquables et singuliers. Dans sa collection, un autoportrait anonyme d’un garçon, réalisé aux États-Unis au milieu du XXe siècle, côtoie de manière surprenante un autoportrait de Paul Cezanne, un des artistes français les plus influents de la fin du XIXe siècle.
Des études de la main de Käthe Kollwitz trouvent un écho sur plusieurs époques dans des dessins de Johann Heinrich Füssli et Bartolomeo Passarotti jusque dans une empreinte de la main de Marcel Duchamp.
Marcel Duchamp
La collection de Jasper Johns reflète à la fois son regard sur l’histoire de l’art et son don d’intuition pour repérer des parentés artistiques sur plusieurs siècles. Des dessins français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ainsi que des positions artistiques américaines de la seconde moitié du XXe siècle constituent ainsi des temps forts de sa collection. Paul Cezanne, Pablo Picasso et Willem de Kooning sont des exemples représentatifs d’artistes dont Jasper Johns a pu réunir des ensembles d’oeuvres particulièrement riches.
Dans le même temps, la collection de Jasper Johns illustre les liens tissés tout au long de sa vie d’artiste : la majeure partie des oeuvres en sa possession sont des cadeaux ou des échanges avec des ami.e.s. artistes, au premier plan desquels Robert Rauschenberg, John Cage et Merce Cunningham, mais aussi des artistes d’une génération antérieure à l’instar de Louise Nevelson, Barnett Newman et Franz Kline. Derrière de nombreuses oeuvres figurent des histoires de rencontres personnelles, d’alliances, d’estime et de moments familiaux, comme des anniversaires ou Noël. En témoignent les dédicaces présentes sur de nombreux travaux sur papier.
Focus sur le corps humain
L’exposition au Kunstmuseum Basel | Neubau présente une sélection de 103 dessins réalisés par 47 artistesprovenant de la collection de Jasper Johns. Le thème du corps humain – axé en particulier sur les portraits – auquel une grande part des oeuvres est consacrée, en constitue le point de départ. En outre, de nombreux prêts mettent en évidence le processus de travail artistique. L’exposition regroupe une grande diversité d’expressions graphiques allant du XVIe au XXIe siècle : collages, croquis, griffonnages fortuits, études achevées et compositions picturales, mais aussi notations musicales.
Cette exposition bâloise est le fruit d’une relation longue et étroite entre l’artiste et le Kunstmuseum Basel. Depuis 1968, des conservateurs comme Carlo Huber, les directeurs Franz Meyer et Christian Geelhaar ainsi que Dieter Koepplin, en tant que directeur du Kupferstichkabinett (cabinet des arts graphiques), ont collaboré activement avec Jasper Johns et ont constitué une remarquable collection de ses oeuvres. Une amitié longue de plusieurs années lie également l’artiste à l’actuel directeur, Josef Helfenstein, depuis que ce dernier a travaillé aux États-Unis.
À son tour, Jasper Johns a renforcé cette relation à travers des collaborations fidèles ainsi que des dons d’une exceptionnelle générosité – notamment pour honorer l’amitié étroite qui le liait à Carlo Huber et Christian Geelhaar, qui décédèrent tous deux bien trop tôt. Nous devons également à Jasper Johns l’immense privilège de présenter actuellement cette exposition.
À l’occasion de l’exposition, une salle du Neubau est entièrement consacrée aux oeuvres de Jasper Johns figurant au sein de la collection du Kunstmuseum Basel. Des oeuvres d’art graphique, provenant du riche fonds du Kupferstichkabinett composé de 224 travaux sur papier, sont exposées aux côtés de peintures emblématiques à l’exemple de Flag above White with Collage (1955).
Éléments biographiques
Jasper Johns (*1930 à Augusta, en Géorgie) est une figure clé de l’art moderne américain. Depuis les années 1950, il repousse de manière inédite les limites de la peinture au contact d’artistes animés du même esprit, comme le peintre Robert Rauschenberg, le musicien et compositeur John Cage et le chorégraphe Merce Cunningham. Pour ce faire, il choisit des motifs ordinaires comme le drapeau des États-Unis. Peint sur une toile, celui-ci est d’abord un tableau, mais il fait également office de drapeau. Il en est de même pour ses peintures de cibles, chiffres, lettres et cartes géographiques, ainsi que ses sculptures de canettes de bière. En 1958, Jasper Johns connaît une célébrité soudaine ; de premières oeuvres entrent alors dans la collection du Museum of Modern Art (MoMA) à New York. En 1964, des expositions à la Biennale de Venise et à la Documenta III de Cassel contribuent à son ascension vers la gloire internationale. L’intérêt pour le processus pictural, par exemple l’emploi d’encaustique à séchage rapide ou de fragments de tissu et de papier, constitue un aspect essentiel de son travail. Au début des années 1960, il commence en outre à s’adonner à l’art graphique. Son goût pour l’expérimentation va de pair avec un lien fort à l’histoire de l’art européenne, par exemple à travers des références à Paul Cezanne, au retable d’Issenheim de Colmar ou à Hans Holbein. Jasper Johns vit et travaille à Sharon, dans le Connecticut.
Informations pratiques
Kunstmuseum Basel St. Alban-Graben 16 / Telefon +41 61 206 62 62 info@kunstmuseumbasel.ch / kunstmuseumbasel.ch
Horaires Fermé le lundi Mar 10h00 – 18h00 Mercredi 10h00 – 20h00 Jeu-dim 10h-18h
Vous pouvez visiter la collection gratuitementaux horaires suivants : mar, jeu, ven : 17h00 – 18h00* mercredi : 17h00 – 20h00 (Kunstmuseum Basel | Présent uniquement ouvert jusqu’à 18h00) Premier dimanche du mois
L’exposition « Corps à Corps » (6 septembre 2023 – 25 mars 2024) propose un nouveau regard sur les représentations de la figure humaine en photographie, en faisant dialoguer la collection du Centre Pompidou et celle de Marin Karmitz.
Dans ce podcast/texte, la commissaire Julie Jones aborde les thèmes de l’exposition et présente plusieurs oeuvres du parcours. Scénographie : Camille Excoffon
Avec la rencontre de deux collections photographiques exceptionnelles – celle, publique, du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne et celle, privée, du collectionneur français Marin Karmitz – l’exposition « Corps à corps » offre un regard inédit sur les représentations photographiques de la figure humaine, aux 20e et 21e siècles
L’exposition
Rassemblant plus de 500 photographies et documents, réalises par quelque 120 photographes historiques et contemporains, l’exposition dépasse les catégories d’étude classiques telles que le portrait, l’autoportrait, le nu ou encore la photographie dite humaniste. Elle dévoile des particularités, des manières de voir photographiques et rend visibles des correspondances entre artistes. On leur découvre des obsessions communes, dans leur façon d’appréhender le sujet, comme dans leur approche stylistique. Ces rapprochements peuvent éclairer une certaine pratique, à un moment précis de l’histoire, ou au contraire montrer la proximité de visions éloignées dans le temps. Les images exposées nourrissent aussi des questionnements sur la responsabilité du photographe : comment la photographie participe-t-elle à la naissance des identités et a leur visibilité ? Comment raconte-t-elle les individualités, le rapport a l’autre ?
La collection du Centre Pompidou – Musée national d’art moderne et la collection Marin Karmitz, distinctes par leur origine, leur nature, et leur fin, apparaissent ici complémentaires. Regard public et regard privé dialoguent et construisent de nouveaux récits. Ensemble, ils proposent une réflexion sur l’idée même de collection. Comment une collection se construit-elle, et quelle est la part de la subjectivité dans sa constitution ? Comment la transmettre au public ? La collection de photographies du Centre Pompidou est devenue en près de cinquante ans l’une des plus importantes au monde. Riche de plus de 40 000 tirages et de 60 000 négatifs, elle est constituée de grands fonds historiques (Man Ray, Brassai, Constantin Brancusi ou Dora Maar), et compte de nombreux ensembles de figures incontournables du 20e siècle, comme des corpus importants de la création contemporaine. Forme aux métiers du cinéma et de la photographie dans les années d’après-guerre et figure majeure du cinéma français, Marin Karmitz se fascine, depuis plusieurs décennies, pour la création, sous toutes ses formes. Sa collection photographique révèle un intérêt immuable pour la représentation du monde et de celles et ceux qui l’habitent. Qu’il s’agisse des grandes figures de l’avant-garde, telles Stanisław Ignacy Witkiewicz, dont Marin Karmitz à récemment fait don d’un ensemble d’oeuvres important au Centre Pompidou, jusqu’à des figures contemporaines, comme l’artiste SMITH.
Photographes exposés (non exhaustif)
Berenice Abbott, Laia Abril, Michael Ackerman, Laure Albin-Guillot, Dieter Appelt, Richard Avedon, Alain Baczynsky, Hans Bellmer, Jacques-Andre Boiffard, Christian Boltanski, Agnes Bonnot, Constantin Brancusi, Bill Brandt, Brassai, Johannes Brus, Gilles Caron, Henri Cartier-Bresson, Mark Cohen, Joan Colom, Antoine d’Agata, Roy DeCarava, Raymond Depardon, Pierre Dubreuil, Hans Eijkelboom, Walker Evans, Patrick Faigenbaum, Louis Faurer, Fernell Franco, Robert Frank, Douglas Gordon, Sid Grossmann, Raoul Hausmann, Dave Heath, Michal Heiman, Lewis Hine, Lukas Hoffmann, Francoise Janicot, Michel Journiac, Valerie Jouve, Birgit Jurgenssen, James Karales, Chris Killip, William Klein, Josef, Koudelka, Tarrah Krajnak, Hiroji Kubota, Dorothea Lange, Sergio Larrain, Saul Leiter, Helmar Lerski, Leon Levinstein, Helen Levitt, Eli Lotar, Dora Maar, Vivian Maier, Man Ray, Chris Marker, Daniel Masclet, Susan Meiselas, Annette Messager, Lisette Model, Zanele Muholi, Joshua Neustein, Janine Niepce, J.D. ‘Okhai Ojeikere, Homer Page, Trevor Paglen, Helga Paris, Gordon Parks, Mathieu Pernot, Anders Petersen, Friederike Pezold, Bernard Plossu, Barbara Probst, Gerhard Richter, Alix Cleo Roubaud, Albert Rudomine, Ilse Salberg, Lise Sarfati, Gotthard Schuh, Claude Simon, Lorna Simpson, SMITH, W. Eugene Smith, Stephanie Solinas, Annegret Soltau, Jo Spence, Louis Stettner, Paul Strand , Christer Stromholm, Josef Sudek, Val Telberg, Shōmei Tōmatsu, Jakob Tuggener, Ulay, Johan van der Keuken, Leonora Vicuna, Roman Vishniac, Andy Warhol, Hitomi Watanabe, Weegee, William Wegman, Koen Wessing, Nancy Wilson-Pajic, Stanisław Ignacy Witkiewicz…
Ensemble(s) : collections et regards croisés.
Entretien de Julie Jones avec Marin Karmitz
Marin Karmitz et Julie Jones au Centre Pompidou, commissaires de l’exposition Photo c Didier Plowy
Extrait du catalogue de l’exposition :
J.J. Nous commencons l’exposition par un face-a-face entre les portraits en plan très rapproché que Stanisław Witkiewicz réalise dans les annees 1910 et les photographies que Constantin Brancusi prend de ses premières ≪ têtes ≫ sculptées a la même époque. Ils introduisent un ensemble de visages photographies par d’autres, comme Lewis Hine, Helmar Lerski, Dora Maar, Roman Vishniac, Johan van der Keuken, Paul Strand ou Daniel Masclet, parfaitement modelés par la lumière et l’ombre, par le cadrage, grâce auxquels des identités particulières émergent. Nous concluons l’exposition par la présentation de ≪ fantômes ≫, soit des individualités indéfinies, dissolues. Qu’évoque pour vous ce passage ?
M.K. Le poids des évènements historiques traumatiques que nous avons traversés et traversons aujourd’hui influe inexorablement sur notre conception du corps, sur notre vision de l’autre et de nous-mêmes. La dissolution de l’individu, avec toute sa complexité, toutes ses particularités, tout ce qui le rend unique me semble être d’une terrible actualité. Comment redonner vie a cet individu ? Si l’on veut sortir de la nuit, et aller vers le jour, il faut résister, essayer de se libérer. Il faut créer. C’est une forme de responsabilité. Il faut réapprendre à voir.
Les premiers visages
Par la photographie, nous appréhendons le corps et entrons dans son intimité. L’image du visage, en particulier, éclaire le rapport à l’autre. Comme le disait le philosophe Emmanuel Levinas : « […] il y a dans le visage une pauvreté essentielle ; la preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence. En même temps, le visage est ce qui nous interdit de tuer ». Au début du 20e siècle, le visage pris en plan rapproché devient un motif récurrent dans l’œuvre photographique des avant-gardes. Le cadrage comme le jeu dramatique des lumières et des ombres renforcent l’impression de présence du sujet. Traité hors de tout contexte (individuel ou social), le visage anonyme devient prétexte à des études formelles. Pour d’autres photographes, dont la démarche relève davantage du documentaire social, photographier le visage est un acte d’engagement, une manière de rendre visible la personne. Pour tous, l’émergence de ces visages impose un face-à-face qui assure au sujet son identité autant qu’il la questionne.
BrancusiNusch par Dora MaarStanisław Ignacy WitkiewiczPaul Strand
Automatisme ?
Les photomatons apparaissent dans les années 1920, d’abord aux États-Unis, puis en Europe. Cette photographie pauvre, automatique et sans auteur fascine très tôt les artistes surréalistes. La cabine de prises de vues, espace restreint devenu petit théâtre, est prétexte à de multiples grimaces, à des portraits extatiques, les yeux fermés, têtes décoiffées ou à des portraits de groupe indisciplinés. Ainsi, dès ses origines, cette photographie populaire, alors au service des méthodes modernes de contrôles administratif et policier, est détournée en un nouvel espace de liberté et de révolte. De nouveau dans les années 1960, période marquée par le développement des arts performatifs, et jusqu’à aujourd’hui, de nombreux artistes s’emparent de cette esthétique, voire du dispositif même. Ils dénoncent ainsi les carcans imposés par la société contemporaine via la bienséance et la persistance des stéréotypes culturels comme identitaires. Jouant, parfois non sans humour, avec ses codes (frontalité, anonymat, sérialité…), tous renversent les rapports de pouvoir en soulignant la multiplicité et la complexité des subjectivités.
Fulgurances
Intermédiaire entre le photographe et le photographié, l’appareil de prises de vue transforme la manière de percevoir l’autre. À l’affût, le photographe attend l’apparition de l’image :
sa vision, humaine, devient photographique ; il pense le réel par son cadre, puis il le met « en boîte ». L’appareil lui permet de saisir un instant, de capter l’autre, de le posséder par son image. Cette présence au monde si particulière a souvent été comparée aux pratiques de la chasse ou de la collection. Mais cette traque agit aussi parfois comme un révélateur. Visionnaire plus que voyeur, le photographe perçoit et isole des individualités, il met en lumière des anonymes perdus dans la foule. Par une attention aux atmosphères et à l’intimité des regards et des gestes, il donne à voir des rapports humains. « La photo, affirmait Chris Marker en 1966, c’est l’instinct de chasse sans l’envie de tuer. C’est la chasse des anges… On traque, on vise, on tire et – clac ! au lieu d’un mort, on fait un éternel. »
Fragment
Morcelé par le cadrage – lors de la prise de vue et/ou lors du tirage de l’épreuve –, l’individu devient objet anonyme. Tête, main, doigt, œil, oreille, jambe, torse, pied, cou, bouche, sexe, peau, sein, nombril, cheveux…, ces morceaux de corps et d’épiderme se transforment
Henri Cartier Bresson l’Araignée d’amour 1934, collection Marin Karmitz
en paysages incertains, parfois inhospitaliers. L’observateur échoue cependant à détourner son regard, tant la sensualité des corps y est décuplée. Le rapport photographe/photographié apparaît comme résolument déséquilibré ; la femme, objectivée, est sans conteste un motif récurrent dans ce type d’image. Nombre d’artistes ont néanmoins su utiliser cette même rhétorique de la fragmentation pour dénoncer la persistance de l’inégalité des rapports de pouvoir et de contrôle dans la société contemporaine. Si ces images-fétiches racontent le désir, elles peuvent aussi encourager, tout simplement, à mieux voir : la grâce et l’élégance d’un geste, d’un corps au travail, d’un corps au repos, d’un corps souffrant ou d’un dialogue silencieux entre deux êtres.
En soi
Absorbées dans leurs pensées, rêveuses, contemplatives ou soucieuses, conscientes ou non d’être saisies par l’appareil, ces personnes existent au-delà de leur image. Effacé, le photographe semble n’être qu’un témoin impassible, extérieur aux instants et aux intériorités qu’il enregistre. Si ces prises de vue peuvent être spontanées, l’observation (celle du photographe et celle du regardeur) y paraît plus longue, plus posée, plus « picturale ». Certains photographes peuvent mettre en scène leur invisibilité par un dépouillement stylistique (frontalité, neutralité des tons, dispositif sériel…) ; d’autres, confessant une empathie absolue envers le sujet, privilégient un usage dramatique du cadrage Bernard Plossu et des jeux de clair-obscur. Ces images sont souvent celles de solitudes, d’états mélancoliques ou de corps en transe. Elles appellent un hors-champ inaccessible tant, chez le regardeur, le sentiment d’être étranger à la scène domine la lecture.
Intérieurs
En 1967, le philosophe Michel Foucault forge le terme d’« hétérotopie » pour définir un lieu à part au sein d’une société, régi par des règles, des fonctionnements et des temporalités qui lui sont propres. Asiles psychiatriques, prisons, cimetières, musées, théâtres, cinémas, villages de vacances, lieux de culte… L’hétérotopie a des fonctions et des natures diverses : elle peut accueillir l’imaginaire, être espace de liberté comme de mise à l’écart. Elle révèle d’autres manières de vivre ensemble et de penser le monde. Pourquoi photographier ces lieux clos et autonomes ?
Smith Comment représenter ces corps collectifs, quel portrait réaliser de l’individu au cœur de ceux-ci ? Parfois, les photographes veillent à garder ce qu’ils estiment être une juste distance ; certains participent entièrement à ce qu’ils enregistrent en partageant, souvent sur un temps long, la vie de ces autres. Leurs images dévoilent des sphères intimes, des corps contraints, des corps libérés, des dépendances mais aussi des lieux de contestations sociales et politiques. Toutes donnent une voix à des identités souvent condamnées à l’invisibilité par la société contemporaine.
Spectres
Dissimulation des corps, enregistrements de reflets, utilisation du flou, recours au photomontage…, ces procédés, aussi divers soient-ils, mettent tous en scène une forme de disparition. Si l’image enregistre, fixe et donne à voir des identités, celles-ci paraissent dissolues et indéterminées, telles des fantômes. Les particularités individuelles s’effacent au profit d’une anatomie collective indéfinie et d’un « fluide » intangible : le corps devient matière anonyme. Faire une image de ces mutations implique un rapport au réel et au photographique plus incertain. Ce qui importe n’est plus de capter l’instant, mais de donner à voir l’expérience d’une transition : la lumière, l’ombre et le cadre perdent leurs fonctions traditionnelles ; ils sont utilisés ici pour souligner un passage. Chacune à leur manière, ces photographies montrent comment la conception de la figure humaine se transforme au contact des autres,des événements historiques et contemporains, parfois traumatiques. Si elles témoignent souvent d’une violence à l’égard du corps, elles peuvent aussi accompagner sa possible renaissance.
Informations pratiques
Le Centre Pompidou 75191 Paris cedex 04
+ 33 (0)1 44 78 12 33
Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau RER Châtelet-Les-Halles
Horaires Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi.
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Mulhouse, Temple Saint-Étienne du 9 septembre au 21 octobre 2023 du mercredi au dimanche de 13h à 19h, entrée gratuite réservation possible pour des visites guidées avec l’artiste au 06 48 30 53 37
Quand dix mille vues entrelacées apprivoisent la lumière.
Élisabeth Bourdon au Temple Saint-Étienne
Avec l’aimable autorisation de Luc Maechel
L’artiste Élisabeth Bourdon investit depuis le 8 septembre l’espace d’exposition du Temple Saint-Étienne avec ses œuvres récentes : des pièces singulières à la technique innovante évoquant l’art du vitrail particulièrement en harmonie avec le site qui abrite des vitraux du XIVe. Sont aussi exposées une demi-douzaine de toiles peintes à l’acrylique entre 2012 et 2018.
Elisabeth Bourdon & Anne Catherine Goetz adjointe à la culture Dans un monde fragile et fragmenté, il est tentant de chercher, d’explorer afin de (re)trouver un ordre, tout au moins quelque chose qui permet de donner un fil de cohérence au désordre. Il y a sans doute une part instinctive dans cette pulsion, une part de conjuration aussi. Le carré, unité primaire, apparaît comme un premier geste d’évidence. Mais le réel ne se laisse pas circonscrire aussi facilement et, très vite, il convient de le démultiplier. Le carré devient motif sériel, s’invite en profusion, en superposition, en lien. Bientôt les formes oblitèrent le fond – le geste premier de la peinture est de préparer le fond et Élisabeth y est très attentive. Si celui-ci disparaît peu à peu sous les motifs, il demeure en résonance avec les couleurs postérieures comme les harmoniques en musique enluminent la voix du chanteur ou de l’instrument. À la fin, il se livre en pulsations ourdies dont l’artiste joue car il y a du ludique dans la chorégraphie polychrome de ses compositions. À ce trouble jeu, surgit quelquefois un visage, un animal, une architecture : magie de la paréidolie.
Elisabeth Bourdon & Robert Cahen Si avec la peinture, elle module l’opacité avec de souterraines rémanences, depuis 2018, elle a inversé son approche et travaille sur la transparence. D’une technique à l’autre, la logique d’élaboration change peu. Le fond, c’est désormais un luminaire led (60 x 60 cm), une surface écran et surtout une source de lumière pour irriguer l’exubérance colorée de ses arrangements obtenus par le filtre d’anciennes diapositives superposées, retravaillées.
La première série respecte strictement la règle du jeu avec l’occlusion du cadre : la juxtaposition scrupuleuse des diapositives (121 par couche). La créativité naît de l’apposition et de la superposition. Les sujets photographiés se dissolvent par la magie des recouvrements et de la diffraction. Le matériau impose ses contraintes, mais génère de l’inattendu, acquiert une vie propre loin des clichés. Peu à peu l’artiste se libère de l’exigence du carré en décollant la pellicule du cache. Les œuvres gagnent en transparence, en vibration, abolissent les frontières tranchées, s’autorisent des superpositions plus nombreuses, plus audacieuses. Elle joue avec les rangées de perforations, manipule, abrase l’émulsion du support… Comme les sujets préexistent, elle les regroupe par séries thématiques suscitant à chaque fois une dynamique particulière à leur texture : élan des colonnes d’églises vers les chapiteaux, arabesques des tympans, moutonnement des paysages, etc. Même ses propres photos, souvenirs de familles, deviennent matière à filtrer la lumière.
Le film inversible a capté le réel – et de façon hyperréaliste : visages, paysages, détails d’architecture, tableaux… mais ces rendus objectifs n’existent plus que pour être transgressés. Le figuratif devient ferment d’abstraction ou chaque pièce décline sa dominante colorée. Coquetterie d’artiste, avec des diapositives de leurs œuvres, elle rend hommage à Bacon, Rembrandt, etc., ajoutant quelques traits de pinceaux pour attiser l’émergence du portrait. Mais toujours discrètement, sans ostentation : laisser à l’amateur le plaisir de la découverte.
Avec ces pièces de lumière, Élisabeth Bourdon réinvente un art du vitrail non pour représenter ou raconter, mais provoquer la vibration graphique, colorée des photogrammes et, comme à l’ouverture d’un coffret à bijoux, offrir au visiteur le miroitement des trésors qu’il abrite. Dans sa quête d’un ordre du monde, ses œuvres suggèrent qu’au-delà du carré l’unité primaire est la lumière et, comme le souffle Christian Bobin dans La grande vie (2014), L’âme naît au point de rencontre de notre néant avec la lumière qui nous en sauve.
Exposition d’Elisabeth Bourdon au musée des Beaux Arts de Mulhouse sous ce lien
Pratique
Temple St Etienne Place de la Réunion 68100 Mulhouse Fermé lundi et mardi
Pour joindre l’artiste au 06 48 30 53 37
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Du 7 au 23 septembre 2023 Vernissage le 7 septembre à partir de 18h Sous le commissariat de Marie Deparis-Yafil Galerie Marguerite Milin 11 rue Charles-François Dupuis 75003 Paris
Pour une fois je vais parler/écrire d’une exposition que je n’ai pas vue, d’une part par amitié pour Naji, d’autre part pour la gravité du sujet
Note d’intention
Bien que fléau menaçant tous les enfants du monde, à tous les niveaux des sociétés, et à des degrés divers de barbarie, la violence sexuelle faite sur enfant reste un sujet éminemment tabou, tant sur les plans politique que culturel. L’art lui-même, à diverses époques, a pu se faire l’écho bienveillant, sinon complice, de pratiques dont on connait pourtant les ravages physiques et psychologiques sur l’adulte que l’enfant abusé sera devenu. Il est temps, aujourd’hui, que cela cesse, et que l’on puisse aussi entendre et voir la parole des artistes qui, d’une manière ou d’une autre, luttent pour que la parole des victimes soit entendue et reconnue. Cette exposition collective, une première sur ce sujet, constitue un moyen d’objectiver la question, au travers de propositions artistiques contemporaines fortes, donnant matière – au propre comme au figuré- à réflexion, ambitionnant de contribuer à faire bouger les lignes.
Les artistes
Avec : Jessy Deshais, Naji Kamouche, Sylvie Kaptur-Gintz, Sandra Krasker, Monk, Piet.sO, Anne Plaisance, Virginie Plauchut, Erik Ravelo Suarez, Camille Sart, Maïssa Toulet, Tina Winkhaus.
QUI NE DIT MOT…
se réfère explicitement au proverbe d’origine latine qui tacet consentire videtur («qui se tait semble consentir»), laissant au lecteur le soin de finir lui même la phrase, et posant ainsi deux questions cruciales, intimement liées: celle du consentement, celle du silence. La locution populaire fait écho à cette tenace présupposition que celui qui n’objecte pas de refus donne tacitement son accord, préjugé si souvent répété dans les entourages des victimes, depuis «Tu aurais pu dire non» à «Pourquoi n’a-t-il/elle rien dit pendant toutes ces années?» … C’est le «non» qui n’a pas pu être dit, ou n’a pas été entendu, dont la victime devra sans cesse se justifier, c’est le long silence, dont il faudra se justifier encore, face à une ignorance et une suspicion persistantes des raisons profondes qui nourrissent un secret durant parfois des décennies. C’est aussi l’injonction au silence régnant dans les entourages, les familles…toute une mécanique des yeux et des oreilles tacitement fermés, socle parfois inattaquables des structures familiales et sociales… «Qui ne dit mot…consent», est aussi un principe de droit, à la racine même de principe de prescription, qu’il nous faut aujourd’hui ré examiner et requestionner.
QUI NE DIT MOT… pour prendre à rebours donc, cette croyance que celui qui se tait consent, pour affirmer que le silence d’une victime ne vaut évidemment pas consentement, que rien n’est moins tacite que la domination par le silence. Mais «Qui ne dit mot…» fait aussi allusion au silence de «ceux qui savent». Aujourd’hui, peut-être plus que jamais, savoir et ne rien dire doit pouvoir être appréhendé comme une forme de consentement au délit ou au crime. Cette parole là aussi doit être libérée. Dans le même temps, on ne peut – encore une fois- voler la parole à la victime, ni extorquer sa vérité. Les enjeux sont complexes. Evitant l’écueil de l’angélisme, opposant une image édulcorée de l’enfance à une réalité sordide, comme celui du voyeurisme, refusant toute ambiguité complaisante, cette exposition, premier moment d’un projet d’ampleur, entend ne laisser le moindre doute sur les intentions des artistes et du commissaire. Au travers d’oeuvres de tous médias – peinture, sculpture, photographie, vidéo, installation…- l’exposition explore différentes approches, entre corps et esprit, réalité et mémoire, traumatisme et résilience, violence et réparation, avec une attention particulière portée à l’histoire : celle des enfances volées, des vies de famille spoliées, des adolescences mortifères, des adultes devenus avec peine, à qui on n’offre le plus souvent ni le droit de souffrir, ni la reconnaissance de cette blessure que rien ne viendra suturer. Elle parle de manière plus générale, des systèmes et mécanismes de domination à l’oeuvre dans cet asservissement et cette réification du corps de l’autre, de l’emprise et de la manipulation, du silence et du secret, et prétend en ce sens à l’universel. Elle engage, enfin, sur la voix de la résilience celles et ceux qui croient en le pouvoir cathartique de l’art. QUI NE DIT MOT… est une victoire sur le silence, et la première exposition rassemblant des artistes contemporains pour dire non. texte de Marie Deparis-Yafil
PRÉSENTATION EN AVANT-PREMIERE DU DOCUMENTAIRE « Odette et moi», de Anne Lucie Domange Viscardi, en présence d’Anne Lucie Domange Viscardi, Andréa Bescond et Déborah Moreau, à partir de 18h.
« Odette et moi» est un documentaire qui capte la transmission d’un spectacle, mais pas n’importe quel spectacle ! Écrite et interprétée par Andréa Bescond, mise en scène par Eric Métayer, « Les chatouilles ou la danse de la colère », jouée pour la première fois en 2014, est une oeuvre artistique essentielle qui marque un moment import libération de la parole au sujet de la pédocriminalité. En 2016, forte de son incroyable succès au regard du sujet abordé et portée par l’énergie d’Andréa Bescond, la pièce remporte le Molière du Seul(e) en Scène. Adaptée en 2018 pour le cinéma, la pièce devenue film remporte à nouveau le succès et deux Césars, celui de la meilleure adaptation pour Andréa Bescond et Eric Métayer, et celui de la meilleure comédienne pour un second rôle pour Karin Viard. Après l’avoir interprété durant plus de 4 ans, Andréa Bescond décide de transmettre le spectacle pour qu’il continue d’exister tandis qu’elle souhaite vivre d’autres aventures artistiques.
Le documentaire « Odette et moi» raconte l’histoire de cette transmission, de cette passation entre Andréa Bescond et Déborah Moreau, évoquant au passage le contenu même du texte , et son histoire. D’avril 2018 à juin 2019, Anne Lucie Domange Viscardi suit les deux actrices et nous fait témoins du processus de transmission de ce spectacle hors catégorie, des auditions jusqu’à la première représentation à Avignon. Au travers de ce passage de relais, grâce à la puissance du spectacle, émouvant, réaliste et savamment parsemé d’humour, on découvre et comprend la mécanique des agresseur.e.s, le déni de l’entourage, et la capacité des humain.e.s à se relever quoiqu’il arrive. On assiste également à la naissance d’une comédienne talentueuse, Déborah Moreau, qui relève ce défi artistique avec talent et détermination !
Lecture
Le samedi 9 septembre lors du VERNISSAGE RENCONTRES AVEC LES ARTISTES il y a eu la PRÉSENTATION ET LECTURE DE « Mon Secret » DE NIKI DE SAINT PHALLE Visite commentée, rencontres et discussions privilégiées avec les artistes présents, à partir de 14h. Présentation de la ré-édition du livre « Mon Secret », de Niki de Saint Phalle, par Ariana Saenz Espinoza et Christine Villeneuve, co-édité par les éditions Le rayon blanc et les éditions des femmes-Antoinette Fouque, à partir de 18h30, suivi d’une lecture d’extraits de l’ouvrage.
Informations pratiques
GALERIE MARGUERITE MILIN 11 rue Charles-François Dupuis 75003 Paris OUVERTE TOUS LES JOURS DU MARDI AU SAMEDI DE 12h à 19h et sur RDV www.margueritemilin.com galeriemargueritemilin@gmail.com mdeparisyafil@gmail.com
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Dans le cadre de la célébration des 30 ans de La Filature, Scène nationale de Mulhouse, la Galerie expose la photographe Aglaé Bory du vendredi 22 septembre, jusqu'au 10 NOV. 2023 Commissaire : Emmanuelle Walter responsable des Arts Visuels
L’exposition Ici Ailleurs d’Aglaé Bory regroupe 70 photographies réalisées dans le cadre d’une résidence de création de l’artiste à Mulhouse au printemps et à l’été 2023.
Aglaé Bory a étudié l’histoire de l’art à l’université d’Aix-en-Provence et la photographie à l’École Nationale de Photographie d’Arles. Elle vit et travaille depuis vingt ans à Paris où, en marge de son travail personnel, elle collabore régulièrement avec la presse et des agences de communication. Son travail photographique se situe entre documentaire et fiction, autour de la figure humaine à travers le portrait, l’autoportrait et les paysages humains. La photographie donne à voir, montre, fixe. Aglaé Bory cherche à voir ce qui ne se voit pas, à montrer ce qui est caché, à fixer ce qui est volatile.
Le travail d’Aglaé Bory a été présenté dans le cadre de plusieurs festivals en France et à l’étranger (Bourse du Talent, Voies Off, Quinzaine Photographique Nantaise), a fait l’objet de différentes expositions individuelles et collectives (Galerie du Château d’Eau, Bibliothèque Nationale de France, Les Nuits Photographiques de Pierrevert). Son travail Corrélations a reçu plusieurs distinctions (KL Photo Awards, Bourse du Talent) et est entré en 2009 dans le fond photographique de la Bibliothèque Nationale de France. Un livre de ce travail est paru aux Éditions Trans Photographic Press en 2011. Sa série Au loin, nos paysages fait partie du corpus de travaux photographiques France(s) Territoire Liquide qui a fait l’objet d’une publication aux Éditions du Seuil en 2014.
En 2019, elle fait partie des photographes sélectionné·es pour la commande du CNAP Flux, une société en mouvement avec son projet documentaire Figures mobiles, exposé lors des Photaumnales 2020 au Quadrilatère de Beauvais.
En juin 2020 elle est lauréate du Prix Caritas de la Photo Sociale avec Odyssées, un travail photographique sur l’exil. Un livre éponyme est édité aux éditons Filigranes en novembre 2020.
En 2021 elle est la lauréate de la résidence du festival Photo La Gacilly. Son projet Les Horizons, cartographie des possibles est exposé au festival photo La Gacilly à l’été 2021.
Elle réalise Désordres intérieurs, une carte blanche pour les 15 ans du site Leboncoin.
En mai 2021 elle est accueillie en résidence à La Filature, Scène nationale de Mulhouse pour réaliser un travail de portraits dans la ville, exposé hors les murs durant l’été 2021.
En novembre elle est désignée lauréate du Prix Balzac pour son travail Les Invisibles.
Pour accompagner la saison 21/22 du Grand Théâtre de Lorient, elle est invitée à réaliser un travail de portraits en résidence, L’Empreinte.
En 2022, elle fait partie des photographes sélectionnés pour La Grande commande photographique nationale de la BNF / Ministère de la Culture, avec son projet L’Art en Jeu.
Informations pratiques
La Filature, Scène nationale de Mulhouse La Filature est membre de Plan d’Est – Pôle arts visuels Grand Est et de La Régionale (Art contemporain de la région tri-rhénane) La Filature, Scène nationale 20 allée Nathan Katz, 68100 Mulhouse · 03 89 36 28 28 · lafilature.org Galerie d’exposition du ma. au sa. de 13h à 18h + di. de 14h à 18h + soirs de spectacles
vernissage sa. 30 sept. 19h en présence d’Aglaé Bory club sandwich je. 5 oct. 12h30 visite guidée de l’expo + pique-nique tiré du sac + Food Truck sur le parvis de La Filature (visite sur inscription au 03 89 36 28 28) visites guidées sur rendez-vous auprès de edwige.springer@lafilature.org ou 03 89 36 28 34
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Organisée par la Fondation Beyeler et le Louisiana Museum of Modern Art, Denmark, en coopération avec le Musée national géorgien et le Ministère géorgien de la culture, du sport et de la jeunesse, avec le soutien cordial de la Infinitart Foundation.
L’exposition « Niko Pirosmani » est placée sous le commissariat du commissaire invité Daniel Baumann et a été développée avec Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, et Irakliy Purtskhvanidze, conseiller
de la Fondation Beyeler en Géorgie. La coordination et la direction du projet sont assurées par Regula Moser, Associate Curator à la Fondation Beyeler.
Visible jusqu'au 28 janvier 2024
En guise de conclusion et de temps fort de l’année, la Fondation Beyeler consacre une exposition au légendaire peintre géorgien Niko Pirosmani(1862–1918), à la fois grand solitaire énigmatique et précurseur influent de l’art moderne. Pirosmani fait l’objet d’une quasi vénération parmi les amateurs·rices d’art et il est célébré comme un héros national dans son pays natal, mais il est encore peu connu du vaste public en Europe occidentale. Réunissant environ 50 oeuvres majeures, il s’agit de la plus importante exposition internationale jamais consacrée à Pirosmani. Elle est organisée par la Fondation Beyeler en coopération avec le Musée national géorgien de Tbilissi et le Louisiana Museum of Modern Art de Humlebæk. Les artistes contemporains de renom Thea Djordjadze et Andro Wekua ont été invités à accompagner la présentation des oeuvres de Pirosmani à Bâle de leurs propres propositions.
Niko Pirosmani, la procession
La parole aux images
Les images de Pirosmani transforment le quotidien en merveilleux. Elles sont aussi frontales et immédiates que fascinantes et mystérieuses. La plupart sont peintes à traits de pinceau précis et dynamiques dans des couleurs éclatantes sur toile cirée noire. Pris dans leur ensemble, la technique et le style de Pirosmani de même que sa palette et ses motifs constituent un phénomène unique au sein de l’art moderne.
Pirosmani dépeint la plupart du temps des animaux ou des gens du peuple, souvent des archétypes tels une mère et ses enfants, un pêcheur, un cuisinier ou un facteur. Parfois il s’agit de portraits de personnes précises, comme dans le cas de l’actrice Marguerite de Sèvres et de l’artiste d’avant-garde Ilia Zdanevitch. Pirosmani a également produit des paysages épiques aux perspectives multiples, représentant de manière simultanée des événements non synchrones comme des beuveries, des chasses et des processions.
Ses natures mortes sont souvent des oeuvres de commande, entre autres pour des tavernes. Certaines images représentent des célébrations et des fêtes qui jouent un rôle particulier dans la culture géorgienne. Avec tout ce qu’elles donnent à voir de quotidien, nombre des oeuvres de Pirosmani présentent pourtant aussi un caractère presque allégorique de par leur renvoi à des phénomènes fondamentaux et primaires de la vie humaine. Le travail de Pirosmani est empreint de spiritualité, mais il apporte aussi un témoignage documentaire sur un pays à la croisée de l’est et de l’ouest et sur une ville, Tbilissi, à l’époque considérée comme le « Paris de l’Est ».
Les icônes
Les figures humaines et animales sont représentées avec tendresse et dignité – et non sans humour. Doté d’une grande sensibilité, Pirosmani crée des images d’une puissance expressive rare, véritables icônes. Avec sa peinture d’une brillante simplicité et d’une élégante sincérité, il s’avère maître de la réduction à l’essentiel. Souvent, les humains et les animaux regardent le·la spectateur·rice de manière à la fois insistante et détachée. D’une intensité ardente, ils remplissent le cadre de l’image et se détachent sur un même fond noir avec lequel ils forment cependant un tout.
Dans cet espace d’apparence atemporelle, ils déploient une présence saisissante. Les oeuvres de Pirosmani partagent presque toutes une quiétude harmonieuse qui souligne leur dimension spirituelle. Dans un contexte de modernité marquée par le mouvement et le changement, Pirosmani a créé des images dans lesquelles ses compatriotes pouvaient reconnaître leur cadre de vie familier, tandis que l’avant-garde y découvrait une peinture radicale.
L’étrange Pirosmani
Malgré de nombreuses recherches et analyses, et maints récits et témoignages qui ont façonné sa légende, on ne sait presque rien des oeuvres de Pirosmani, de leur signification, de leurs sources d’inspiration, de leurs modèles, de leurs commanditaires et acheteurs, ou de leurs dates et lieux de production. Le travail de Pirosmani témoigne d’une existence à l’humanité aussi universelle que surnaturelle, mais ses visions et ses intentions artistiques demeurent d’une inaccessibilité rare chez un artiste reconnu du XXe siècle.
Si d’innombrables histoires circulent à propos de Niko Pirosmani, on ne dispose que de peu de faits avérés. Fils de paysan, orphelin dès son jeune âge, en 1870 il quitte sa province natale de Kakhétie pour lacapitale Tbilissi, où il vit chez une famille aisée et reçoit une éducation. Il apprend à peindre en autodidacte, se forme au métier de typographe, travaille pour les Chemins de fer transcaucasiens, tient une laiterie et peint des enseignes et des portraits de commande. En 1912, le poète Mikhaïl Le Dentu et les artistes de l’avant-garde Kirill et Ilia Zdanevitch découvrent les images de Pirosmani dans les tavernes de Tbilissi, hauts lieux de la vie culturelle de la ville alors en pleine effervescence.
Enthousiasmés, les frères Zdanevitch se mettent à collectionner les oeuvres du peintre autodidacte et à le soutenir dans son travail. Le Dentu le qualifie de « Giotto géorgien ». Dès 1913, les tableaux de Pirosmani sont inclus dans l’influente exposition « La Cible » à Moscou aux côtés de ceux de Marc Chagall, Natalia Gontcharova et Kasimir Malevitch. Alors qu’il n’a fréquenté aucune académie des beaux-arts, en 1916 il est invité à adhérer à la Société des artistes géorgiens, à laquelle il tourne cependant très vite le dos. Il vit en tant que bohémien vagabond dans les tavernes de Tbilissi, incapable ou non désireux de s’intégrer à la société. Niko Pirosmani décède vers 1918 dans le dénuement et la pauvreté. Son lieu d’inhumation précis reste inconnu à ce jour. Nombre de ses oeuvres se perdent, d’autres passent aux mains de l’État après l’annexion de la Géorgie par l’Union soviétique. Quelques années seulement après sa mort, des artistes et des écrivain·e·s d’avant-garde publient des textes sur lui, entament des recherches biographiques et analysent son travail.
Niko Pirosmani, le médecin
Dans les décennies qui suivent, des expositions, des livres et des films lui sont consacrés. Une exposition de ses oeuvres à Paris est annulée dans la tourmente de la Première Guerre mondiale et le projet ne verra finalement le jour qu’en 1969. En 1972, Pablo Picasso produit une eau-forte pour une publication consacrée à Pirosmani. Pirosmani est souvent décrit inexactement comme le « Rousseau de l’Est », parfois célébré de manière contestable comme un « primitif moderne » ou alors – dans la veine du récit rattaché à van Gogh – dénigré comme un marginal frappé de folie ou glorifié comme un génie méconnu. Aujourd’hui, Pirosmani est l’artiste le plus populaire de Géorgie et il compte de fervents admirateurs et admiratrices dans les milieux artistiques du monde entier, parmi eux Georg Baselitz, Peter Doig et d’autres.
En Suisse
En Suisse, l’oeuvre de Pirosmani a été montré pour la première fois en 1995 au Kunsthaus Zürich dans le cadre de l’exposition « Zeichen & Wunder. Niko Pirosmani und die Gegenwartskunst ». Conçue par la commissaire suisse Bice Curiger, l’exposition présentait le travail de Pirosmani en conjonction avec celui d’artistes contemporain·e·s. En 2019, Curiger a également assuré le commissariat de l’exposition « Niko Pirosmani – Wanderer between Worlds » à la Fondation Vincent van Gogh Arles, également présentée sous forme légèrement modifiée à l’Albertina à Vienne.
La Fondation Beyeler publie au Hatje Cantz Verlag un important catalogue compilé sous la direction du commissaire invité Daniel Baumann. Il réunit des articles rédigés par les expertes géorgiennes Mariam Dvali, Irine Jorjadze, Nana Kipiani et Ana Shanshiashvili ainsi que des réflexions des artistes géorgiens Thea Djordjadze et Andro Wekua. Il présente par ailleurs, pour la première fois traduits en allemand, des textes sources historiques des écrivains et artistes géorgiens Grigol Robakidze, Demna Šengelaia et Kirill Zdanevitch. L’exposition et le catalogue ont pour objectif de réunir des images et des faits, et de mettre en lumière l’art de Pirosmani sans interprétations tendant à la spéculation et au mythe. Le contexte historique du travail de Pirosmani dans la capitale caucasienne florissante de Tbilissi vers 1900 sera également mis en avant. En amont de l’exposition, tous les tableaux ont été examinés et préparés pour l’exposition par les restaurateurs·rices de la Fondation Beyeler et leurs collègues géorgien·ne·s.
Informations pratiques
Horaires d’ouverture de la Fondation Beyeler : tous les jours 10h00 – 18h00, le mercredi jusqu’à 20h00, le vendredi jusqu’à 21h00
Fondation Beyeler depuis la gare SBB tram n° 2 descendre à MessePlatz puis tram n° 6 jusqu’à l’arrêt Fondation Beyeler
Mardi 12 septembre, sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France à Paris, a eu lieu la cérémonie d’annonce des lauréats de la 34e édition duPraemium Imperiale, « Nobel des arts ». Vija Celmins (États-Unis) a été choisie dans la catégorie Peinture, tandis qu’Olafur Eliasson (Danemark, Islande) s’illustre dans la catégorie Sculpture. Dans la catégorie Musique, Wynton Marsalis (États-Unis) a été sélectionné. Diébédo Francis Kéré (Burkina Faso, Allemagne) brille dans la catégorie Architecture et Robert Wilson (États-Unis) remporte la catégorie Théâtre-Cinéma. Le Prix d’encouragement pour les jeunes artistes a quant à lui été remis à deux programmes américains, la Harlem School of Arts de New York et au Rural Studio d’Alabama.
Un des prix artistiques internationaux les plus prestigieux
Chaque lauréat reçoit la somme de 15 millions de yens (soit environ 96 000 euros), un diplôme et une médaille remis à Tokyo, le 18 octobre prochain, par Son Altesse Impériale le prince Hitachi, oncle de l’empereur Naruhito du Japon et parrain d’honneur de la Japan Art Association, la plus ancienne fondation culturelle du Japon. Le Praemium Imperiale, surnommé le « Nobel des arts », compte parmi les plus prestigieux prix artistiques internationaux. Il a été créé en 1988 par la Japan Art Association et distingue chaque année, grâce au mécénat du groupe media Fujisankei, des artistes ou collectifs dans les domaines de la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique, le théâtre et le cinéma. Six comités internationaux élaborent une liste d’artistes qui est soumise ensuite à un jury japonais qui procède à la sélection finale. Les lauréats sont choisis « pour leurs réalisations artistiques, leur rayonnement international et parce qu’ils ont contribué, par leur œuvre, à enrichir l’humanité », explique le Praemium Imperiale dans un communiqué. En tout, le palmarès compte 170 artistes. On y retrouve Christo, Niki de Saint Phalle, Norman Foster, Frank Gehry, Pierre Soulages, David Hockney, Anish Kapoor, Sebastião Salgado ou encore Ai Weiwei.
Des lauréats sensibles à la fragilité et à la beauté de la Nature
Cette année, plusieurs lauréats font la part belle à la beauté et à la fragilité de la Nature. Composées de nuances infinies de noirs, blancs et gris, les peintures et dessins de Vija Celmins représentent méticuleusement le monde naturel et nous emmènent vers des espaces inconnus. Après avoir commencé dans l’expressionnisme abstrait, l’artiste plasticienne américaine abandonne la couleur pour une palette monochrome. Ses œuvres sont conservées dans de prestigieuses collections comme le Museum of Modern Art (MoMA) à New York et la Tate Modern à Londres et ont été exposées au Centre Pompidou à Paris ou encore au Ludwig Museum à Cologne.
Olafur Eliasson exploite quant à lui les éléments naturels (tels que la couleur, la lumière, l’eau et la glace) pour réaliser des œuvres qui invitent à la méditation et qui modifient notre perception pour « éveiller les consciences tout en créant l’émerveillement », précise le Praemium Imperiale. Sculptures, installations, peintures, photographies, vidéos… Bien qu’il prenne différentes formes, le travail de l’artiste peut être éphémère, mais non moins poétique, et prend vie à travers le regard du visiteur. « L’art éphémère a d’autant plus besoin de l’observateur qu’il a très peu de réalité concrète – juste de la lumière, de l’air, du mouvement, ou quelque chose d’intangible, décrit Olafur Eliasson. La présence des spectateurs devient donc plus importante encore : ces derniers complètent l’œuvre en coproduisant l’expérience. » En 2003, il a représenté le Danemark à la Biennale de Venise et a marqué les esprits avec son soleil géant dans le Turbine Hallà la Tate Modern de Londres, qui a connu un succès international et a attiré plus de deux millions de visiteurs.
Diébédo Francis Kéré met quant à lui l’innovation au service d’un projet visant à accroître le bien-être des communautés. L’architecte burkinabé s’engage en faveur de la justice sociale et estime que « même les plus dépourvus ont droit au confort et à la beauté », déclare-t-il au journal « Le Monde ». Il associe savoir-faire artisanal africain et design moderne pour réaliser ses bâtiments. Diébédo Francis Kéré a reçu le Prix Aga Khan d’Architecture en 2004 pour son École primaire de Gando et a été le premier architecte africain à remporter le prix d’architecture Pritzker, en 2022.
En plus d’être l’auteur de productions théâtrales les plus marquantes de ces dernières décennies (par leurs décors travaillés, d’étonnants éclairages et des chorégraphies radicales), Robert Wilson travaille également le dessin, la sculpture, le verre ou encore la photographie et crée ainsi des œuvres expérimentales où dialoguent les arts visuels et les arts vivants. Lauréat du Lion d’or de la Biennale de Venise, le metteur en scène et plasticien a déjà été honoré à maintes reprises et est notamment membre de l’Académie américaine des Arts et des Lettres ainsi que de l’Académie des arts de Berlin.
Lu sur connaissance des arts
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Au Kunstmuseum Basel | Neubau, jusqu'au 21.1.2024, Commissaires : Arthur Fink, Claudine Grammont, Josef Helfenstein
Le Fauvisme
Le Kunstmuseum Basel | Neubau consacre sa grande exposition temporaire Matisse, Derain et leurs amis au premier courant d’avant-garde du XXe siècle : le fauvisme. À travers quelque 160 oeuvres d’exception, dont plusieurs visibles pour la première fois en Suisse, elle met l’accent sur l’expérimentation de la couleur à laquelle se sont livrés Henri Matisse, André Derain, Georges Braque, Maurice de Vlaminck et d’autres artistes dans les années 1904 à 1908. Elle met en lumière le rôle des critiques et du marché de l’art lors de l’apparition et de l’affirmation de ce courant artistique auquel se rattache directement le cubisme.
Les Fauves
Le fauvisme a marqué les débats picturaux de la modernité et au-delà. On doit le terme « fauves » au critique d’art Louis Vauxcelles lors de sa visite au Salon d’Automne de 1905. Il pointa l’emploi expressionniste de la couleur et les associations chromatiques inhabituelles qui enfreignaient de manière révolutionnaire les conventions picturales en usage. Les tableaux aux couleurs crues et choquants pour le public de l’époque présentaient en outre des motifs se référant à la peinture naïve française, ainsi que des emprunts formels à l’art non occidental et à des traditions visuelles du Moyen Âge. La qualification de « fauves» symbolise le discrédit jeté par la haute bourgeoisie parisienne, aux goûts culturels conservateurs, sur la peinture progressiste en général. Le groupe informel d’artistes autour de Matisse et Derain s’approprie immédiatement cette désignation méprisante et tire profit de l’effet de scandale.
L’exposition
L’exposition Matisse, Derain et leurs amis met en évidence la manière dont le fauvisme s’affirme au sein d’un marché de l’art alors très instable. Les peintres ne disposent d’aucun programme esthétique précis défini par des écrits ou des manifestes ; en outre, ils appartiennent à des milieux sociaux et artistiques hétérogènes. Ils partagent toutefois le même intérêt pour la peinture postimpressionniste et néo-impressionniste de Georges Seurat, Vincent van Gogh, Paul Cezanne et Paul Gauguin.
Des couleurs pures, non mélangées
À l’été 1905, Matisse et Derain séjournent ensemble à Collioure, un village de pêcheurs dans le Sud de la France. Ils y développent les stratégies picturales qui aboutiront à la qualification de fauvisme : le refus de restituer à l’identique les couleurs ainsi que le renoncement au clair-obscur. Ils accordent une place centrale à la teneur émotionnelle du sujet qu’ils s’attachent à rendre à travers des couleurs pures, non mélangées.
Derain à Collioure
Les fauves rompent avec les principes de composition traditionnels. Leurs tableaux se caractérisent souvent par l’absence d’un centre bien défini et d’un ordonnancement avec un premier plan, un milieu et un arrière-plan. Ils ne présentent ni fond, ni dessin préparatoire et, pour la première fois dans l’histoire picturale, la peinture est un matériau à part entière : son processus d’application est perceptible, tandis que les coups de pinceau possèdent une qualité haptique. Par ailleurs, les artistes font preuve d’une grande diversité thématique : rues et ports, portraits intimes de famille, scènes de la vie nocturne dissolue, culture de consommation.
Matisse Intérieur à Collioure
Après le scandale du Salon d’Automne de 1905, lors duquel les jeunes peintres furent qualifiés non sans retentissement de « bêtes sauvages», des artistes du Havre, en particulier Raoul Dufy, Georges Braque et Othon Friesz, se joignent à eux. Ils élaborent leur style pictural dans une approche critique de l’impressionnisme et ne cessent de se rendre sur les lieux représentés par la génération de peintres précédente, notamment la Normandie ou encore L’Estaque et La Ciotat, des villages du Midi. Pour ce faire, ils disposent des infrastructures touristiques modernes et du réseau ferroviaire en pleine extension.
Raoul Dufy
Dans le contexte du fauvisme
Le terme « fauves » revêt une connotation virile suggérant la non-inclusion des artistes femmes. L’exposition Matisse, Derain et leurs amis s’attache à rendre visible ces femmes qui ont joué un rôle primordial, mais rarement mis en lumière. Parmi celles-ci, Amélie Parayre-Matisse qui, grâce à ses dessins textiles, fournit une assise financière à la production artistique de son mari, ainsi que la marchande d’art Berthe Weill qui apporte aux fauves un soutien considérable à leurs débuts et qui organise une importante exposition peu après le scandale du Salon d’octobre 1905. En outre, Berthe Weill fut l’une des rares à soutenir les artistes femmes et à exposer très tôt des oeuvres d’Émilie Charmy et de Marie Laurencin,
toutes deux pouvant être également associées au fauvisme. Le Kunstmuseum Basel présente un portrait d’Alice Derain, épouse d’André Derain, réalisé par Marie Laurencin, surnommée aussi « la biche parmi les fauves» ou « la fauvette». Camarade de Georges Braque et compagne de Guillaume Apollinaire, Marie Laurencin appartient au cercle des artistes d’avant-garde mais apparaît en retrait de ce groupe très masculin.
Henri Rousseau Marie Laurencin et guillaume Appolinaire La muse inspirant le poète 1909
De plus, l’exposition présente le fauvisme dans le contexte de l’époque : les tableaux reflètent des phénomènes propres à la société de consommation, tandis que certains artistes également caricaturistes s’intéressaient à la publicité naissante, aux industries du loisir et du tourisme alors en rapide expansion. D’anciennes photographies représentant des rues apportent des informations sur la vie quotidienne citadine et la mode de la Belle Époque. En collaboration avec l’historienne parisienne Gabrielle Houbre, le Kunstmuseum Basel présente des sources historiques consacrées à la réalité sociale des prostitué.e.s qui posaient comme modèles pour les peintres fauves.
Des prêts prestigieux et des oeuvres majeures
Matisse, Derain et leurs amis présente quelque 160 oeuvres de Georges Braque, Charles Camoin, Émilie Charmy, Sonia et Robert Delaunay, André Derain, Kees van Dongen, Raoul Dufy, Othon Friesz, Marie Laurencin, Henri Charles Manguin, Albert Marquet, Henri Matisse, Jean Puy, Maurice de Vlaminck et d’autres artistes proches des fauves provenant de collections internationales publiques et privées, parmi lesquelles le Centre Pompidou de Paris, le Museum of Modern Art et le Metropolitan Museum de New York, le Musée Matisse de Nice, la National Gallery of Art de Washington, le Statens Museum for Kunst de Copenhague, la Staatsgalerie Stuttgart, la Tate Modern de Londres et le Kunsthaus Zürich.
L’exposition présente plusieurs oeuvres majeures d’Henri Matisse, dont Luxe, Calme et Volupté (1904), La Gitane (1905), Le Tapis Rouge et La Sieste (toutes deux de 1906). L’important ensemble sculptural exécuté à ses débuts, provenant du Musée Matisse de Nice, constitue également un temps fort de l’exposition. Dans Notes d’un peintre (1908), l’une des sources majeures sur le fauvisme dans le champ de la théorie de l’art, Matisse écrit que la représentation de la figure a toujours été au coeur de ses préoccupations artistiques.
L’exposition réunit également des tableaux d’André Derain, dont la remarquable série des Peintures de Londres ainsi que le monumental La Danse (tous de 1906) considéré comme l’oeuvre emblématique de ses débuts. Nombre des oeuvres visibles dans l’exposition n’ont pas été présentées au public depuis plusieurs décennies.
DerainKis Van DongenHenri MatisseManguinManguinMatisse
Publication
Une publication richement illustrée avec des contributions de Elena Degen, Arthur Fink, Claudine Grammont, Josef Helfenstein, Gabrielle Houbre, Béatrice Joyeux-Prunel, Peter Kropmanns, Maureen Murphy et Pascal Rousseau paraît dans le cadre de l’exposition. (Anglais ou Allemand)
Informations pratiques
Kunstmuseum Basel St. Alban-Graben 8 Case postale, CH-4010 Basel T +41 61 206 62 62 kunstmuseumbasel.ch
Vous pouvez visiter la collection gratuitement aux horaires suivants : mar, jeu, ven : 17h00 – 18h00* mercredi : 17h00 – 20h00 (Kunstmuseum Basel | Présent uniquement ouvert jusqu’à 18h00) Premier dimanche du mois
*Jours fériés exclus
BÂTIMENT PRINCIPAL ET BÂTIMENT NOUVEAU
Fermé le lundi
Mar 10h00 – 18h00
Mercredi 10h00 – 20h00
Jeu-dim 10h-18h
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1-Jacobus Vrel, Femme saluant un enfant à la fenêtre Huile sur bois. – 45,7 × 39,2 cm Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, inv. 174
EXPOSITION À LA FONDATION CUSTODIA Après une étape initiale au Mauritshuis de La Haye, la Fondation Custodia accueille du jusqu' au 17 septembre 2023 l’exposition Jacobus Vrel. Énigmatique précurseur de Vermeer. Cet évènement se tient en parallèle de l’exposition Rein Dool. Les dessins, présentée auparavant au Dordrechts Museum.
Ce dernier se devait d’être présent dans les salles de la « maison de l’art sur papier » ainsi que Ger Luijten, regretté directeur, aimait à décrire la Fondation. En outre, la Fondation Custodia propose une immersion dans le Siècle d’or hollandais afin de mettre en relief l’originalité de Vrel : un choix de tableaux, de dessins et de gravures issus de sa propre collection est complété par de très beaux prêts de la Alte Pinakothek de Munich, du Mauritshuis, du Rijksmuseum et d’autres musées allemands et néerlandais.
Présentation
Cette première présentation monographique consacrée au peintre rassemble ses oeuvres majeures disséminées dans les plus grands musées – Amsterdam, Bruxelles, Détroit, Munich, Vienne… – et dans de prestigieuses collections particulières. On y voit aussi, bien entendu, l’une des scènes de genre les plus connues et surprenantes du peintre qui est conservée à la Fondation Custodia.
L’étape parisienne de l’exposition est très différente de celle du Mauritshuis car la sélection d’oeuvres de Jacobus Vrel a été enrichie de neuf tableaux et de l’unique dessin connu de l’artiste.
Fondation Custodia Jacobus Vrel – Scène de rue avec un homme – pierre noire, encadrement à la plume et encre brune
Ressemblance ?
À première vue, rien ne semble relier Jacobus Vrel au célèbre Johannes Vermeer hormis leurs initiales « JV ». Pourtant, nombre de leurs tableaux partagent un même calme contemplatif, le rôle central joué par des figures féminines et, bien souvent, un certain mystère. Ainsi, beaucoup d’oeuvres de Jacobus Vrel furent longtemps attribuées à Vermeer. Inconnues du grand public, elles intriguent et fascinent les historiens d’art depuis plus d’un siècle. Qui était donc ce mystérieux peintre du XVIIe siècle hollandais ?
Rien n’est connu de la vie de Jacobus Vrel. Seul un de ses tableaux porte une date : « 1654 », que l’on peut lire dans la partie gauche de la Femme à la fenêtre de Vienne, juste après le nom « J. Frel » [fig. 2]. Ici, la signature de Vrel ne se détache pas sur le blanc d’un morceau de papier tombé sur le sol de la composition, contrairement à la majorité de ses scènes d’intérieur. Car Jacobus Vrel a signé ou monogrammé presque toutes ses oeuvres connues. Étrangement – mais tout semble étrange chez Vrel – il orthographie son patronyme de façons très variées : « J. Frel », comme à Vienne, « Vrel », « Vrell », « Vrelle », voire « Veerlle ». Dans l’intérieur d’église et la Vieille femme lisant [fig. 6], il donne également son prénom en toutes lettres : « Jacobüs Vreel ».
On ne connaît que quarante-cinq oeuvres de sa main : un unique dessin et quarante-quatre tableaux, tous peints sur panneaux de bois. Le catalogue raisonné établi par l’équipe scientifique internationale qui a porté ce projet les a tous répertoriés dans la monographie consacrée à Jacobus Vrel, publiée au printemps 2021. L’étape parisienne de l’exposition présente le dessin et vingt-deux de ces tableaux, soit plus de la moitié de la production connue de l’artiste.
En dehors de ses oeuvres, on ne dispose que d’un seul document contemporain mentionnant le peintre. Il est d’une grande importance car il nous informe que trois tableaux de Vrel se trouvaient dans une prestigieuse collection de peintures du XVIIe siècle. Il s’agit de celle de l’archiduc Leopold Wilhelm, gouverneur des Pays-Bas du Sud (l’équivalent de l’actuelle Belgique) alors sous la tutelle de l’Espagne des Habsbourg. Lorsque s’achevèrent ses fonctions à Bruxelles, l’archiduc rentra à Vienne et y fit envoyer sa vaste collection. C’est là qu’un inventaire détaillé fut rédigé en 1659 où l’on trouve « Deux pièces de même format à l’huile sur bois, dans l’une une cheminée hollandaise auprès de laquelle est assise une femme malade, et dans l’autre une femme qui regarde par la fenêtre. […] Originaux de Jacob Frell. » et plus loin « Une huile sur bois, où l’on voit deux paysans et une paysanne. Par Jakob Fröll ». Dans l’inventaire aussi, le nom du peintre fut donc orthographié de deux manières différentes.
Tableaux identifiés
Les deux premiers tableaux furent facilement identifiés dès la fin du XIXe siècle comme étant celui du Kunsthistorisches Museum de Vienne [fig. 2] – dont le coeur est justement constitué de la fameuse collection de Leopold Wilhelm – et son pendant vendu par le musée et aujourd’hui dans la Leiden Collection à New York. Le troisième tableau avait en revanche été perdu de vue et c’est l’une des nouveautés apportées par le projet de recherches mené pour l’exposition que d’avoir permis l’identification du seul paysage connu de la main de Jacobus Vrel [fig. 3]. Il est lui aussi conservé au musée de Vienne mais était depuis le XVIIIe siècle attribué à l’artiste Johannes Lingelbach (Francfort 1622 – 1674 Amsterdam). Si l’absence d’information sur le peintre – en dépit de ces trois oeuvres dans la collection de Leopold Wilhelm – n’avait pas suffi à rendre perplexes les historiens de l’art, les tableaux de Jacobus Vrel les ont aussi mis à l’épreuve. Ils sont en effet difficiles à placer au sein de la production picturale hollandaise. Ses vues de rues semblent offrir une plongée dans la vie urbaine des Pays-Bas du XVIIe siècle, mais elles intriguaient par leurs architectures inclassables. Dans la Scène de rue animée acquise récemment par la Alte Pinakothek de Munich, la gamme monochromatique et les accents géométriques paraissent même d’une étonnante modernité [fig. 4].
4- Jacobus Vrel, Scène de rue animée Huile sur bois. – 39 × 29,3 cm Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakothek, inv. 16502
De plus, ces représentations n’ont pas d’équivalent dans la peinture de vues de villes, un genre qui se développe surtout dans la seconde moitié du Siècle d’or. Vrel choisit en effet de dépeindre des ruelles anonymes avec des personnages simples – ni riches, ni pauvres – contrairement à ses confrères [fig. 5].
5- Jacobus Vrel, Scène de rue, femme assise sur un banc Huile sur bois. – 36 × 27,5 cm Amsterdam, Rijksmuseum, inv. SK-A-1592
Quant aux scènes d’intérieur peintes par Vrel, elles sont également difficiles à ordonner dans l’art hollandais. Ces pièces vides d’objet – à l’exception du morceau de papier au sol qui porte sa signature, délimitées par des murs tout aussi vides et une fenêtre derrière laquelle on distingue une pâle figure d’enfant émergeant de l’obscurité, sont sans équivalent dans l’art de son siècle [fig. 1 et 6].
6-Jacobus Vrel, Vieille femme à sa lecture, un garçonnet derrière la vitre
Huile sur bois. – 54,5 × 40,7 cm The Orsay Collection
Scènes de genre hollandaises
D’autres intérieurs, plus proches sans doute des scènes de genre hollandaises auxquelles nous sommes accoutumés, s’en distinguent cependant par leurs figures féminines vues de dos, dont l’expression échappe au spectateur, comme dans les compositions de Vienne [fig. 3], de Bruxelles et de Lille. Dans le très beau tableau de Détroit [fig. 7], un garçonnet observe par une porte à deux battants un ailleurs qui demeure hors-champ tandis qu’une femme cherche des poux dans la chevelure d’une fillette et se détache sur un grand pan de mur vide d’une audacieuse modernité.
7-Jacobus Vrel, Intérieur, femme peignant une fillette, un garçon près de la porte Huile sur bois. – 55,9 × 40,6 cm Détroit, The Detroit Institute of Arts, don de The Knoedler Galleries, 1928, inv. 28.42
La palette restreinte, la sobriété et le silence qui se dégagent de ces scènes ont bien souvent fait comparer Jacobus Vrel au peintre danois Vilhelm Hammershøi (1864 – 1916). C’est certainement le caractère intemporel de ses oeuvres qui attira Jean Clair au début de sa brillante carrière consacrée à l’art du XXe siècle. Son article de 1968 « Jacobus Vrel, un Vermeer du pauvre » est l’une des analyses les plus fines du travail du peintre « chroniqueur des petites gens des villes ». Constatant combien Vrel se distingue de ses confrères hollandais, Jean Clair montre que ses choix formels se rapprochent de ceux de Vermeer : aucune perspective plongeant dans les rues environnantes, dans des enfilades et des pièces qui s’emboîtent. Enfin, Jean Clair insiste très justement sur le refus de Vrel de « se laisser enfermer dans un réalisme étroit » permettant ainsi aux spectateurs d’accéder à une forme de « ravissement intemporel ».
Le projet international de recherche : La Haye – Munich – Paris
C’est pour tenter de percer le mystère de Jacobus Vrel que la Alte Pinakothek de Munich, la Fondation Custodia et le Mauritshuis ont uni leurs forces et entrepris un projet de recherche international dès 2018. L’exploration des archives confiée à Piet Bakker, l’un des grands spécialistes néerlandais dans ce domaine, n’a hélas livré aucune information sur les lieux de naissance et de décès ni sur l’activité du peintre. En revanche, les analyses dendrochronologiques mises en oeuvre pour ce projet (c’est-à-dire la datation des panneaux de bois sur lesquels sont peints les tableaux) ont établi que Vrel avait créé ses premières vues de villes autour de 1635 et ses scènes d’intérieurs vers 1650. Cela en fait donc, non pas un suiveur comme on l’a longtemps présumé, mais bien un précurseur de Vermeer. Vrel était généralement placé dans l’école de Delft, mais il convient désormais de l’imaginer actif dans l’est des Pays-Bas. Les historiens de l’urbanisme et de l’architecture Boudewijn Bakker et Dirk Jan de Vries ont montré que certaines des vues de villes peintes par Vrel – comme le tableau de Hambourg [fig. 8] –présentent des éléments qui sont tirés de la topographie et des bâtiments de la ville de Zwolle, charmante cité où naquit le grand peintre Gerard ter Borch (1617 – 1681). C’est peut-être ce dernier qui fut le lien entre Vrel et Vermeer car un document d’archive atteste que Ter Borch et Vermeer se connaissaient.
Jacobus Vrel et le Siècle d’or hollandais
Afin de mieux faire comprendre l’originalité des oeuvres de Jacobus Vrel, la Fondation Custodia consacre trois salles de son exposition aux contemporains hollandais du peintre qui ont traité des sujets similaires : vues de villes et scènes de genre. Si les représentations urbaines de Vrel n’ont pas d’équivalent dans l’art des Pays-Bas, il est pourtant le premier peintre du Siècle d’or à avoir choisi pour sujet des vues de rues et de bâtiments sans aucun événement historique ou marquant. C’est un type de peintures qui allait connaître un développement important dans la seconde moitié du XVIIe siècle avec des artistes qui se spécialisent dans ce genre comme Jan van der Heyden (1637 – 1712) ou les frères Gerrit (1638 – 1698) et Job Berckheyde (1630 – 1693). De ce dernier, l’exposition montre un tableau évoquant les canaux bordés d’arbres de la ville de Haarlem prêté par le Mauritshuis. De la fabuleuse collection du musée de La Haye vient aussi la Vue d’un marché par Egbert van der Poel (1621 – 1664), un artiste qui, comme Vrel, se spécialise dans les représentations urbaines et les scènes de genre.
10- Pieter Janssens, dit Elinga (1623 – 1682), Femme à sa lecture, vers 1665-1670 – Huile sur toile. – 75,5 × 63,5 cm Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Alte Pinakothek, inv. 284
Les vues de villes furent aussi très prisées des dessinateurs hollandais et plusieurs feuilles remarquables de la Fondation Custodia et du Rijksmuseum mettent leur art en lumière. Le visiteur de l’exposition saisira ainsi combien les ruelles peintes par Jacobus Vrel tiennent une place à part dans la production néerlandaise. En revanche, lorsqu’il dépeint des intérieurs, Vrel fait appel à un répertoire de motifs déjà bien en place dans l’art hollandais. Ses figures de femmes cuisinant, cousant, au chevet d’une malade ou s’occupant d’enfants ont de nombreux parallèles, comme le montre l’exposition. Pour évoquer les artistes Esaïas Boursse (1631 – 1672) et Quiringh van Brekelenkam (après 1622 – après 1669) [fig. 9], les peintures de la Fondation Custodia sont complétées par les généreux prêts du Rijksmuseum, du musée de Bonn et de la Alte Pinakothek de Munich. Cette dernière envoie également à Paris son magnifique tableau de Pieter Janssens, dit Elinga (1623 – 1682) [fig. 10] dont les intérieurs peuplés de figures féminines invitent à une même rêverie que ceux de Vrel.
11- Gerard ter Borch (1617 – 1681)- La Chasse aux poux, vers 1652-1653 Huile sur bois. – 33,2 × 28,7 cm La Haye, Mauritshuis, acquis avec le soutien de la Vereniging Rembrandt, inv. 744
Quant au Mauritshuis, il a accepté de prêter l’un de ses tableaux iconiques de Gerard ter Borch (1617 – 1681) : La Chasse aux poux [fig. 11] normalement exposé dans la salle des Vermeer à La Haye. On y retrouve le thème de l’épouillage maternel de la composition de Vrel conservée à Détroit [fig. 7] mais traité par Ter Borch de façon plus intimiste avec une attention toute particulière accordée aux expressions des visages et à la description des étoffes.
Les arts graphiques ne sont pas en reste pour cet éloge du quotidien que les artistes hollandais du XVIIe siècle ont offert à la postérité. La Fondation Custodia est riche de dessins de Rembrandt évoquant la vie des femmes, probablement à l’origine conservés par le maître dans un album consacré à ce thème. On peut admirer le plus beau d’entre eux – unanimement reconnu comme l’une des feuilles majeures de l’artiste. Rembrandt y représente sa femme, Saskia, alitée, sans doute pendant l’une de ses grossesses [fig. 12]. Le motif de la malade allongée dans un lit
12.-Rembrandt Harmensz van Rijn, dit Rembrandt (1606 – 1669) Intérieur avec Saskia alitée, vers 1640-1641 Plume et encre brune, lavis brun et gris, corrections à la gouache blanche. – 142 × 177 mm Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, inv. 266
Aux côtés des dessins et gravures sélectionnés dans la collection de la Fondation Custodia sont exposés de nombreux prêts du Rijksmuseum, comme la série de la graveuse Geertruydt Roghman (1625 – 1651) qui présente de frappantes similarités avec certaines scènes de Vrel [fig. 13].
13- Geertruydt Roghman (1625 – 1651) Une femme nettoyant des ustensiles de cuisine Gravure au burin. – 213 × 171 mm Amsterdam, Rijksmuseum, Rijksprentenkabinet, don de F. G. Waller, Amsterdam, inv. RP-P-1939-571
On peut aussi admirer le dessin dans lequel une femme vue de dos se penche par l’ouverture d’une porte à deux battants [fig. 14], un motif très prisé par Vrel. Longtemps attribuée à Rembrandt, cette feuille est aujourd’hui donnée à Nicolaes Maes (1634 – 1693), l’un de ses brillants élèves qui, lui aussi, a bien souvent représenté des femmes dans l’intimité de leur foyer ainsi que l’attestent d’autres dessins exposés de l’artiste.
Renseignements pratiques
Fondation Custodia 121, rue de Lille – 75007 Paris
www.fondationcustodia.fr
Heures d’ouverture Durant les périodes d’exposition : tous les jours sauf le lundi, de 12h à 18h
Le billet d’entrée donne droit à la visite des 2 expositions
Transports Métro Assemblée Nationale (ligne 12) ou Invalides (lignes 8 et 13, RER C) Bus 63, 73, 83, 84, 94 : Assemblée Nationale
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