Zurbarán. Maître de l’âge d’or espagnol
« maître peintre de la ville de Séville »
BOZAR rend hommage au travail du peintre baroque à travers une sélection exceptionnelle de 50 toiles.
Une rétrospective unique de l’œuvre de Francisco de Zurbarán, une première en Belgique !
jusqu’au 25.05.2014 au Bozar de Bruxelles .
Francisco de Zurbarán (1598/1664) est l’un des principaux peintres baroques de l’âge d’or espagnol, à l’instar de Velázquez et de Murillo. Exactement 350 ans après sa mort un aperçu de sa production artistique est exposé en Belgique.
BOZAR et la Fondazione Ferrara Arte, en collaboration avec le Museo Nacional del Prado (Madrid) et le Museo de Bellas Artes (Séville), ont réuni une cinquantaine de toiles exceptionnelles issues des plus prestigieuses collections. L’exposition rassemble des œuvres remarquables, comme par exemple la Nature morte avec poteries, du Prado, ou Agnus Dei du San Diego Museum.
Quatre œuvres récemment découvertes sont même dévoilées pour la première fois au public, dont : L’Apparition de la Vierge à saint Pierre Nolasque et le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alexandrie.
Six peintures, dont Saint Nicolas de Bari, L’Archange Gabriel et Saint François ont été spécialement restaurées pour l’occasion.
L’exposition suit un parcours thématique et chronologique et passe en revue les principales phases de la carrière artistique du peintre. Le public découvre ainsi ses œuvres de jeunesse, caractérisées par l’influence du Caravage et un éclairage dramatique, et se termine par ses dernières toiles, plus poétiques et personnelles. L’œuvre de Zurbarán aborde principalement des sujets religieux, à l’instar de ses tableaux représentant la vie de saints, de martyrs et de moines, qu’il a surtout réalisés sur commande d’églises et de monastères. Tout comme ses bienfaiteurs, il a été très influencé par la pensée catholique et la contre-réforme.
Un autre facteur a joué un rôle fondamental dans le développement de l’art en Espagne comme dans les autres pays de l’Europe catholique : il s’agit des idées diffusées par le concile de Trente à travers le Décret sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints, et sur les saintes images de 1563, et qui vont jouer un rôle fondateur dans l’élaboration des principes artistiques du baroque espagnol, tout particulièrement dans la peinture de Zurbarán.
Le Concile avait mené une réflexion sur l’utilité de l’art, qui devait servir de trait d’union et de véhicule de communication entre l’homme et Dieu à travers les saintes images. Le décret prônait l’utilisation des images du Christ, de la Vierge et des saints, non pour leur valeur intrinsèque, mais au nom de ce qu’elles représentaient. . À l’époque, la peinture était considérée comme la lecture des croyants illettrés et elle devait donc être claire, simple et inspirante. Zurbarán obéissait à la doctrine et aux souhaits de ses commanditaires religieux, mais, d’un point de vue stylistique, il a outrepassé ce cadre stricte pour développer un langage visuel unique. Il mêle naturalisme pur et sensibilité poétique moderne. Ses tableaux apaisés surprennent aujourd’hui par leur modernité et leur intemporalité.
L’œuvre de Zurbarán est d’ailleurs une source d’inspiration pour bon nombre d’artistes et d’auteurs contemporains. L’écrivain Cees Nooteboom a ainsi écrit de superbes essais sur son œuvre, qui ont permis de rendre l’artiste espagnol plus populaire auprès du grand public nord-européen. En tant que maison pluridisciplinaire, BOZAR fait le lien avec d’autres formes d’art: la musique (le cycle de concerts L’Intime et le Sacré et le CD La Oreja de Zurbarán), le cinéma (Albert Serra) et l’art contemporain (Cristina Iglesias et Craigie Horsfield). Francisco de Zurbarán est l’un des peintres les plus remarquables du panthéon baroque espagnol, et assurément l’une de ses personnalités les plus authentiques. Même s’il n’a pas bénéficié de la fortune artistique qui a entouré la figure de Vélasquez ou de Murillo, cet enfant d’Estrémadure a exprimé sous une forme aussi personnelle que directe l’esprit de la société espagnole de la première moitié du XVIIe siècle, sa culture de la symbolique visuelle, sa profonde religiosité et le rôle de la peinture comme moyen de transcender le réel pour devenir un instrument de connaissance et d’émotivité. La peinture de Zurbarán est d’une lecture aisée, directe, franche et entend communiquer le sujet représenté de la manière la plus immédiate possible. Elle ne recèle pas de doubles lectures et ne cherche pas à nourrir de réflexions théoriques. De quelque nature qu’ils soient —objet quotidien, étoffe ou personnage , tous les éléments qui la composent participent d’une attention profonde. Zurbarán ne cherche pas à susciter une lecture allégorique mais présente une signification évidente à l’appui de la thématique qu’il illustre. Chez lui, il n’y a pas d’énigme. Bien au contraire, le peintre se manifeste dans sa plus grande simplicité: libéré de tout modèle de composition sophistiqué, partant souvent d’estampes réalisées par des artistes du XVIe siècle comme Dürer, reprenant des modèles traditionnels bien connus du peuple, modèles qu’il adapte à son propre langage grâce aux clefs fournies par la culture vernaculaire, la religiosité et les représentations théâtrales, loin de tout propos dialectique complexe. Il préfère les sources médiévales. Son art est aussi essentiel que celui des icônes orientales ou de la peinture du Moyen Âge. Cet aspect peut expliquer l’utilisation très particulière de la perspective chez Zurbarán, qui réduit la représentation de l’espace à un concept abstrait, à une catégorie intellectuelle plutôt qu’à une manifestation visuelle produite par une scénographie théâtrale. Zurbarán ne représente pas un espace, mais l’idée d’un espace concret lorsque la nécessité s’en fait sentir. Il n’entend pas montrer le réel, mais la voie du vraisemblable.
Zurbarán naît en 1598 à Fuente de Cantos, petite localité d’Estrémadure située à mi -chemin entre Madrid et Lisbonne. Son père, d’ascendance basque et de famille hidalgo, s’y était établi en 1548. Sa posi tion de marchand lui permettait d’être un propriétaire respectable. Le jeune peintre part donc à Séville en 1614. Il y est documenté pour un apprentissage de trois ans à partir du 15 janvier 1614 dans l’atelier de Pedro de Villanueva, peintre dont l’œuvre nous est inconnue et dont presque aucune trace ne s’est conservée. Il se marie à l’âge de 19 ans avec Maria Páez Jiménez, de neuf ans son aînée, et baptise sa fille aînée Maria en 1618. Après cette première fille naissent Juan (1620), qui deviendra un peintre de natures mortes connu. La femme de Zurbarán décède quelques mois après la naissance de ce dernier enfant. Entre -temps, les commandes régionales commencent à affluer et en 1622, le peintre signe un contrat pour un retable destiné à l’autel de la Vierge dans l’église Notre-Dame-de-la-Grenade de son village natal.
À partir de 1628, Francisco de Zurbarán intervient dans de nombreuses dépendances du couvent de la Merci Chaussée (Merced Calzada), qui abrite aujourd’hui le Musée des Beaux- Arts de Séville et qui n’a rien perdu de sa splendeur. Zurbarán reçoit commande de vingt Deux tableaux destinés au second cloître — à réaliser en l’espace d’un an, pour un salaire nettement plus élevé que pour la commande du couvent Saint-Paul, autour de la vie de saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre des mercédaires, qui doit être canonisé le 30 septembre1628. Le prestige acquis par le peintre fit qu’en juillet 1629, le Conseil municipal de Séville l’invita à s’installer dans la ville à titre définitif avec sa famille.
Une commande décisive dans la carrière de Zurbarán est celle du collège sévillan Saint -Thomas. Zurbarán peinttoute une série d’œuvres indépendantes s’inscrivant dans des cycles et des grands Programmes iconographiques, et dans lesquelles il élabore ses solutions stylistiques personnelles. Les figures s’y dessinent solidement au sein de compositions claires, se détachant sur Des fonds obscurs qui enveloppent les personnages, instaurant un espace vide qui leur confère un volume bien défini. La lumière qui baigne les personnages et les objets dirige l’attentionvers les qualités particulières de la matière, à laquelle Zurbarán dédie la plus grande minutie technique. La plupart de ces œuvres sont des peintures dévotionnelles conçues avec un sens poétique très développé, chargées d’une signification profonde, marquées par un goût particulier pour les choses simples, Parmi les œuvres de cette période, on remarque tout particulièrement celles qui montrent la prédilection du peintre pour les figures infantiles dont l’innocence laisse filtrer une spiritualité intense.
L ‘enfance sacrée de de la Vierge. le peintre reviendra souvent au cours des années suivantes : l’agneau ou Agnus Dei. est représenté, isolé devant un fond plongé dans une obscurité totale, un agneau ou un veau aux pattes entravées, parfois nimbéou accompagné des paroles du prophète Isaïe, ce qui en fait une préfiguration du Christ et de la Passion.
Un autre thème très personnel La plus ancienne peinture de la Sainte Face est signée en 1631, l’interprétation du peintre reste la plus frappante : l’effet de trompe-l’œil induit par l’étoffe accrochée à deux clous contraste avec l’empreinte presque diaphane du visage du Christ souffrant, légèrement tourné, conférant à la représentation l’apparence achevée d’un reliquaire ou d’un parement d’autel.
Le Christ en croix peint en 1627 pour le couvent Saint-Paul avait valu à Zurbarán une immense notoriété. Représenté avec quatre clous et presque sans trace de son martyre, Les bodegones, terme espagnol désignant les natures mortes, constituent indéniablement l’un des apports les plus originaux du peintre, même s’ils ne peuvent être abordés comme un genre indépendant, attendu que les éléments qui y sont présentés de manière individualisée se retrouvent ensuite dans de grandes compositions. L’extraordinaire faculté du peintre à reproduire les différentes matières et textures superficielles des objets leur confère une dignité singulière qui contraste avec leur simplicité. En juin 1634, Zurbarán est appelé à la cour pour collaborer à la décoration du Palais du Buen Retiro, inauguré l’année précédente comme outil de propagande du monarque Philippe IV, dont le pouvoir amorçait alors son déclin.
Les dix travaux d’Hercule peints par Zurbarán furent accrochés dans la partie haute, au- dessus des fenêtres. Zurbarán conçut son héros mythologique dans une perspective naturaliste : comme un être humain vigoureux placé devant des entreprises extraordinaires, bien loin de l’image idéalisée diffusée par la culture classique. Le séjour de Zurbarán à la cour laissera une profonde empreinte sur son style. Les collections royales lui ont permis de contempler la peinture de la Renaissance, mais aussi et surtout celle du baroque, qui l’influenceront, comme l’attestent en particulier l’adoucissement des contrastes lumineux et la complexité accrue des compositions. Le travail de Zurbarán pour la chartreuse de Jerez est peut-être la manifestation suprême de la maturité du peintre.
Que ce soit dans les œuvres religieuses, St François en particulier, l’immaculée conception, avec ses putti, les bodegones, les séries, l’œuvre de Francisco Zurbaran est remarquable, et l’exposition de Bruxelles, démontre toute la grâce et la dextérité de ce maître sévillan, Caravage espagnol.
COMMISSAIRE IGNACIO CANO RIVERO
Ignacio Cano Rivero, ancien Directeur du Museo de Bellas Artes à Séville (2003/2007) et aujourd’hui Commissaire en Chef de ce même musée, est un expert de la peinture sévillane et de l’Âge d’Or Espagnol.
CONSEILLER GABRIELE FINALDI
Gabriele Finaldi, Directeur Associé de la Conservation et de la Recherche au Museo Nacional del Prado à Madrid, est vu comme l’un des experts majeurs du monde de la peinture espagnole et italienne.
photos courtoisie Musée Bozar
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