Je ne vous parlerai pas de l’exposition au Centre Pompidou d’autres sites le font ici et là
Je regrette juste que lors de ma visite au musée Guggenheim de New York, toutes les toiles de Kandinsky prêtées à Beaubourg étaient absentes, je n’ai vu que des choses sans intérêt dans le fonds du musée, présentées en mars 2009.
En voici le récit lu dans le livre d’Ernst Beyeler, propriétaire de la Fondation qui porte son nom, si chère à mon coeur, extrait de : La passion de l’art
Ernst Beyeler raconte :
J’ai acheté cette toile à Cologne auprès du marchand Ferdinand Moeller, qui m’avait assuré la tenir du musée de Hanovre, lequel avait dû ou voulu l’abandonner en tant qu’ « art dégénéré » Elle faisait partie d’un lot de toiles que Moeller avait sorties de leur cadre et sauvées en les roulant dans des boîtes en fer et en les enterrant dans son jardin. Il les avait emportées de Berlin à Cologne à cause des Russes qui s’approchaient de la ville. On savait que ça finirait mal. A Cologne donc, Ferdinand Moeller me la présenta parmi d’autres toiles. J’eus un vrai choc et lui dis vouloir immédiatement l’acheter, mais lui demandais de patienter un mois, pour le règlement. Je parvins dans ce délai à réunir les 18 000 frcs exigés. J’ignorais alors que cette toile, avant d’être reprise par FM, avait fait partie d’une collection privée.
Des années plus tard, Jen Lissitzky, le fils de l’ancienne propriétaire, m’a accusé et accablé. Selon lui, j’avais profité de la situation en pleine connaissance de cause. Il s’est adjoint les services d’un détective privé, pour retrouver cette toile, la récupérer et l’emporter aux Etats Unis, où il avait apparemment fait une promesse de vente. Des cabinets d’avocats m’ont menacé. Or Lissitzky n’était pas le seul héritier à pouvoir revendiquer un éventuel retour de la toile à son lieu d’origine. J’ai donc rencontré tous les héritiers. Je me suis mis à leur place et leur ai proposé un dédommagement auquel je n’étais pas contraint. Mais je ne pouvais pas me séparer de ce tableau qui constitue un des piliers de ma collection. Je me suis défendu en arguant de ma bonne foi, expliquant comment je l’avais acquis. Ce tableau aurait pu être détruit par les nazis. Il a été sauvé par Moeller, puis acheté et conservé par mes soins. Finalement j’ai pu garder cette œuvre importante.
Je n’en ai d’abord pas saisi l’importance historique, mais j’ai été sensible à son rythme fort. Sur la droite, vous voyez des lignes et trois coupoles, probablement une évocation du Kremlin. Lorsque vous regardez Improvisation 9, qui est maintenant au musée de Stuttgart vous voyez quelque chose d’analogue, mais de très figuratif encore, avec le château et le cavalier sur les collines. Ici, ce ne sont que des formes, qui s’inscrivent autour de ce triangle jaune, dynamique qui s’ouvre. D’après une esquisse, il s’agirait d’une Résurrection de la Pâque russe. A gauche, les trois courbes peuvent être les femmes au tombeau. Tout s’organise autour du tombeau ouvert, comme éclaté. Il est très beau de fragmenter ainsi les éléments pour trouver une chemin propre singulier. Oui, cette action de résurrection probable donne toute sa force à ce tableau, l’un des premiers tableaux abstraits de l’histoire de l’art. Quand je l’ai reçu à la galerie, je l’ai tout de suite accroché.
Puis un jour arriva celle qu’il appelle la repasseuse de Winterthur.
Un dame assez simple, sans âge, regardait les toiles, parcourait les salles, au cours d’une exposition d’été et s’exclama devant le Kandinsky : « Oh, quel beau tableau ! » Je la rejoignis.
Elle me demanda combien il coûrait. Je répondis « Vingt-huit mille francs »
– je souhaite l’acheter. De qui est-il ?
– Kandinsky
– Qui est-ce etc …
– Ah c’est bien, et cette aquarelle combien ? et ce tableau là combien ?
Elle avait été repasseuse à Winterthur, avait fait un héritage, et n’avait besoin de rien, voulait faire quelque chose de son argent. Elle partit avec les 3 tableaux.
Quelques années plus tard, elle est revenue à la galerie pour me proposer de reprendre les trois tableaux. Je me suis étonnée : « Comment ils ne vous plaisent plus ?
– Oh si ! » Mais elle avait besoin d’argent, car elle avait continué ses achats et s’était considérablement endettée.
La morale de cette histoire dit Ernst Beyeler :
il y en a deux. La première dans l’achat de l’art il faut se fier à son instinct. La seconde : il faut garder une exigence de qualité. L’épisode marqua pour moi le retour définitif d’Improvisation 10 dans ma collection.
Je le sortis de la galerie et l’accrochai dans mon salon.
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En effet tu fais une belle analyse des oeuvres de Kandinsky
(non je ne plagie pas Muriel Robin, dans Musée haut Musée Bas !)
Merci pour ce récit ! et pour le lien ! 😉 ce soir il s’enrichit !