La Fondation Beyeler consacre une grande exposition au surréalisme à Paris. On y pénètre de plein pied, en entrant dans l’exposition, les murs blancs de la Fondation se sont couverts de gris anthracite, pour mieux nous plonger dans l’ambiance de cette époque. Les salles portent le nom de lieux existants ou imaginaires avec leurs titres poétiques. Chacune d’elles est dédiée à un thème, voire à un collectionneur. C’est une immersion totale dans la période chère à André Breton et à son manifeste. Artistes, toiles, sculptures, documents rares, bijoux concourent à nous initier à cette période importante de l’histoire de l’Art.
Il faut prendre son temps et cheminer de salle en salle à la découverte du lieu et de l’exposition concoctée avec talent et savoir, par Philippe Buttner, commissaire et conservateur à la Fondation Beyeler qui présente un aperçu de l’ensemble de ce mouvement.
Le surréalisme est l’un des mouvements artistiques et littéraires les plus influents du XXe siècle. Il s’est développé à Paris dans l’entre-deux-guerres avant de prendre son essor et d’exercer une influence mondiale qui persiste encore aujourd’hui. De célèbres représentants de l’art moderne en ont fait partie, en ont été proches ou en ont tiré une source d’inspiration. Ils recherchaient une transformation radicale et un élargissement des possibilités expressives et des effets de l’art et de la poésie. Il s’agissait d’exploiter certains aspects de la psyché et de la créativité encore inutilisés pour féconder le processus de création artistique, mais aussi toute l’existence humaine.
Profondément marqués par l’expérience de l’absurdité de la Première Guerre mondiale, les surréalistes ont élaboré sous l’égide du théoricien du groupe, André Breton, des concepts artistiques inédits qui les ont conduits à créer un art différent de tous, qui trouve sa source dans l’imagination poétique, le rêve et l’inconscient. Ils prirent essentiellement pour modèle Sigmund Freud, mais aussi de nombreux écrivains et poètes comme le marquis de Sade, Charles Baudelaire, le comte de Lautréamont et Arthur Rimbaud, ou encore Edgar Alan Poe, sans oublier les romantiques allemands.
L’exposition de la Fondation Beyeler «Dalí, Magritte, Miró – Le Surréalisme à Paris»
comprend environ 290 oeuvres et manuscrits d’une quarantaine d’artistes et d’auteurs, dont 110 peintres, 30 objets et sculptures, 50 travaux sur papier, 50 photographies, 30 manuscrits et éditions originales, 15 bijoux, et 4 films. Ils sont regroupés dans les salles en partie par artistes, en partie par centres thématiques. On trouvera d’abord des oeuvres de Giorgio De Chirico, que l’on peut considérer comme un précurseur décisif du surréalisme grâce à ses vues urbaines et à ses intérieurs des années 1910. Ces travaux sont associés à de précieux manuscrits et à de rares éditions de textes surréalistes, dont les versions autographes des manifestes surréalistes influents d’André Breton.
On découvrira ensuite deux artistes clés de ce mouvement, Joan Miró et Max Ernst. Miró, qui a exploré des espaces encore inconnus par son art onirique et sa couleur suspendue dans l’espace, y figure avec, entre autres, Peinture (Le cheval de cirque) de 1927 du Metropolitan Museum, New York. Max Ernst est également représenté par des tableaux majeurs, dont la célèbre Femme chancelant (La femme penchée) de 1923 de la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf. Après une salle consacrée à Yves Tanguy, dont les univers imaginaires infinis, peuplés d’objets mystérieux — dont témoigne notamment la toile monumentale Les derniers jours (1944) (collection particulière),— représentent une des réalisations les plus poétiques du surréalisme, on découvrira dans la salle suivante un thème central de ce mouvement, celui de l’art de l’objet. Cette salle contient notamment l’oeuvre célèbre de Meret Oppenheim Ma gouvernante – my nurse – mein Kindermädchen, (1936/1967) du Moderna Museet de Stockholm, ainsi que la création majeure de Hans Bellmer, La poupée (1935-1936) (vue à Pompidou Metz), du Centre Pompidou de Paris. Des dessins et des toiles remarquables de Victor Brauner y sont également présentés.
Cette exposition se distingue aussi par la présentation de deux collections particulières
d’oeuvres surréalistes de tout premier plan. Celle de Simone Collinet, première épouse
d’André Breton, n’avait encore jamais été montrée. Simone Collinet l’avait constituée avec
André Breton dans les années 1920 et l’avait complétée après leur séparation. Cette
collection comprend notamment la toile monumentale de Francis Picabia Judith de 1929, mais aussi le tableau Le mauvais génie d’un roi de Giorgio de Chirico (1914-15) qui se trouve aujourd’hui au MoMA à New York.
Une deuxième salle, conçue en collaboration avec la Peggy Guggenheim Collection de Venise, présente des oeuvres de la collection de Peggy Guggenheim, dont L’antipape de Max Ernst (1941-42), une pièce qui n’est presque plus jamais prêtée. Cette collection incarne la période de l’exil new-yorkais du surréalisme
parisien pendant la Seconde Guerre mondiale. La présentation de ces deux collections
permet de mettre en relief l’aspect essentiel de la mise en scène privée de l’art surréaliste.
D’autres salles accordent une large place notamment à Jean Arp et Pablo Picasso,
temporairement très proche du surréalisme. On verra sa toile d’un surréalisme marqué
L’atelier du peintre (La fenêtre ouverte) (1929) de la Staatsgalerie de Stuttgart. Suit un vaste ensemble d’oeuvres du magicien de l’image, René Magritte. Son art s’empare de façon inimitable de la réalité visible — pour mieux la détacher de tout ancrage. On en trouve un exemple majeur dans le chef-d’oeuvre précoce La clef des songes de 1930, mais aussi dans d’importantes oeuvres plus tardives comme L’empire des lumières (1962), appartenant l’un comme l’autre à des collections particulières.
Cette exposition fait également place à une sélection concentrée de remarquables photographies du surréalisme, parmi lesquelles des oeuvres de Man Ray, Raoul Ubac, Dora Maar et Elie Lotar.
Une salle de projection présente des productions majeures du cinéma surréaliste (notamment Buñuel, Man Ray).
Ce parcours se referme sur celui qui fut peut-être le plus célèbre des surréalistes, Salvador Dalí, et sur un groupe spectaculaire de ses chefs-d’oeuvre. On verra ainsi L’énigme du désir de 1929 conservée à la Pinakothek der Moderne de Munich, la remarquable Métamorphose de Narcisse, 1937, de la Tate de Londres et Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil, (1944) du Museo Thyssen Bornemisza de Madrid.
Outre des collectionneurs privés, de grandes institutions ont eu la générosité de prêter
des oeuvres. Les plus importantes d’entre elles sont la Peggy Guggenheim Collection,
Venise (Solomon R. Guggenheim Foundation, New York) ;
Peggy Guggenheim,
grande amoureuse des surréalistes, conseillée, par Marcel Duchamp.
La première pièce de sa collection est celle de Hans Arp le strasbourgeois, après une ydille avec Yves Tanguy elle épouse pour quelques moi en 1942, Max Ernst, auquel elle permet de fuir la France après son internement au camp des Milles près d’Aix en Provence.
le Centre Georges Pompidou, le Musée national d’art moderne, Paris ; le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; la Tate, Londres ; la Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich – Pinakothek der Moderne ; la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf ; le Museum Ludwig, Cologne ; les Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie ; le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid ; le Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid ; le Museu Coleccao Berardo, Lisbonne ;
The Metropolitan Museum of Art, New York ; The Menil Collection, Houston ; The Museum of Modern Art, New York; la National Gallery of Art, Washington ; le Philadelphia Museum of Art ainsi que le Kunstmuseum de Bâle et le Kupferstichkabinett ainsi que le Kunsthaus de Zürich et l’Alberto Giacometti-Stiftung.
Le catalogue de l’exposition abondamment illustré et édité par le Beyeler Museum AG et
Philippe Büttner, contient une introduction au mouvement, un commentaire des oeuvres exposées et s’attache tout particulièrement à la question de la présentation de l’art surréaliste — tant par les surréalistes eux-mêmes que dans les collections particulières. On y trouvera des contributions de Quentin Bajac, Philippe Büttner, Julia Drost, Annabelle Görgen, Ioana Jimborean, Robert Kopp, Ulf Küster, Guido Magnaguagno, Philip Rylands, Marlen Schneider, Jonas Storsve et Oliver Wick ainsi qu’une chronologie du surréalisme établie par Valentina Locatelli. Le catalogue de l’exposition est publié dans une édition allemande et anglaise chez Hatje Cantz Verlag, Ostfildern, 289 pages et 304 illustrations en couleur. ISBN: 978-3-7757-3161-4, CHF 68.00. avec un tiré à part en français.
Jusqu’au 29 janvier 2012.
tous les jours de 10 à 18 h, le mercredi jusqu’à 20 h
Cette exposition devrait être présentée dans une seconde étape aux Musées royaux des
Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles (mars à juillet 2012).
Images courtoisie de la Fondation Beyeler
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