Lucian Freud, peintre est décédé mercredi 20 juillet, à son domicile de Londres. Il était âgé de 88 ans.
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Harry Bellet – Le Monde
Il aimait peindre la souffrance du corps, la déliquescence des chairs. De ses pinceaux rugueux, il maltraitait hommes et femmes sans distinction. C’est pourtant « paisiblement », selon son avocate, que Lucian Freud est mort mercredi 20 juillet, à son domicile de Londres. Il était âgé de 88 ans.
Né le 8 décembre 1922 à Berlin, il était le fils de l’architecte Ernst Freud et le petit-fils du psychanalyste Sigmund Freud. Il était aussi devenu l’artiste vivant le plus cher du monde, après que le milliardaire russe Roman Abramovitch eut acquis, en 2008, un de ses tableaux pour la somme record de 34 millions de dollars.
C’était aussi, sans doute, un des plus farouches : outre-Manche, la presse avait été scandalisée par son attitude, alors qu’il devait peindre le portrait de la reine. Il avait exigé que Sa Majesté vienne à l’atelier. On ne sait si elle accéda à la demande du maître, mais le portrait qu’il fit d’elle est un des plus atroces qui soient.
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Lucian Freud est mort.
Beaucoup de gens se servent de peinture pour illustrer, cacher, décorer, conceptualiser, critiquer ou faire valoir leurs personnes, – ils ne sont pas peintres pour autant. Lucian Freud était peintre. Il aimait infiniment regarder, avec ses mains il posait des taches colorées comme un chaman qui s’occupe d’aller voir en deçà des apparences.
Les commentaires que je lis sur son œuvre sont affligeants ; ils sont ceux de littérateurs ou de photographes ; dans les images ils y voient des mots, des opinions et des pictogrammes. Le regard des contemporains sous la pression culturelle a perdu sa fraicheur enfantine, sa capacité d’émerveillement – il cherche la lisseur des formes idéalisées que les écrans promeuvent en fascination. Freud touchait.
La peinture ne juge pas. Elle est l’écriture d’un temps consacrer à regarder. Freud regardait la lumière épouser la peau, les draps, le bois, les plâtres et l’eau qui coule dans lesquels nous avons métaphorisé nos identités humaines. Ce n’est pas la représentation d’un corps mais l’écriture d’un homme qui a regardé comment la lumière se posait dans les plis d’un espace. Il est sorti du monde, de la vitesse de ce monde en marche, pour se poser devant un animal parlant, parfois deux et quelques fois aboyant, ou parfois son reflet seulement, à quelque part.
Devant un tableau de Freud j’ai toujours vu de la peinture, c’est à dire un regard exposé – toute l’humanité est là – tel qu’aucun animal ne le verra jamais. Je salue la disparition de Lucian Freud. Son travail de peintre permettra devant la délirante consommation de signaux de reconstruire un peu, ici et là, l’estime de soi.
Merci pour ton passage Denis,
quel bel hommage