La Magie des images – l’Afrique, l’Océanie et l’art moderne », présentée à Bâle, à la Fondation Beyeler, à la fois la réunion la plus riche d’oeuvres africaines et océaniennes que l’on ait vue depuis longtemps et une expérience artistique bluffante.
Cette exposition instaure un dialogue captivant qui témoigne de la contribution irremplaçable de l’Afrique et de l’Océanie à l’histoire de l’art mondiale.
Au mur des Nymphéas, de Monet ; et, devant elle, au sol, deux longues sculptures de crocodile de Nouvelle-Guinée, une idée déconcertante. l’association est-elle une symbolique de l’initiation, par le fleuve et le crocodile ?
Chaque salle – il y en a douze – associe un artiste à une esthétique et une provenance, Cézanne et les Sénoufo, Miro et les Dogon, Léger et les Mumuye, Klee et les îles Cook, Picasso et les « fétiches à clous » des Vili et des Yombe. Quelques prêts provenant de la prestigieuse collection Barbier Muller de Genève viennent compléter les toiles de la Fondation Beyeler. Quelques 180 pièces, présentées comme seule la Fondation Beyeler excelle dans ce domaine. Pour une novice de l’art africain et océanien, comme moi c’est un bonheur sans limite, une occasion formidable de m’initier quelque peu à cet art, où culture, artisanat et culte sont expliqués, que j’avais tenté d’approcher au Quai Branly et au musée Dapper. Ici elles vous invitent au regard, par la polychromie et la diversité des objets présentés dans un choix judicieux et unique, qui semble une évidence et qui vous laisse pantois. On comprend aussi où les artistes comme Picasso, Vlaminck et d’autres étaient inspirés par ces visages et cette culture. Le regard provocateur des grands yeux en fragments de nacre et la bouche grimaçante, abondamment pourvue de crocs de dents de chiens, les plumes de coloration rouge vif, sont une représentation du Dieu de la guerre Kübâ’ilimoku, il fait partie d’un groupe de huit sculptures en plumes acquises lors du troisième voyage de James Cook à Hawaï, (assassiné lors de son retour involontaire) Les images en plumes étaient fichées sur un bâton et menées en procession en l’honneur des dieux lors des expéditions guerrières. Elles associaient forces vitales divines et revendications profanes du pouvoir. La toile rouge de Rothko est en parfaite résonance avec ce guerrier.
Par contre je n’ai pas trouvé de correspondance entre Mondrian et les sculptures malagan, est-ce à cause des codifications, cérémonies funéraires pour les uns, l’arbre pour l’autre ? Les Mumuye du Nigéria avec leur coiffe de « Bécassine » sont en parfaite concordance avec la magnifique sculpture de Hans Arp et la toile de Fernand Léger.
Après avoir visiter cette nouvelle présentation, on ne peut rester indifférent à cet art. Je ne peux que vous encourager à vous précipiter pour cette exposition visible jusqu’au 24 mai 2009. Sans oublier l’exposition sur les Nagas au musée des cultures de Bâle jusqu’au 17 mai ni le Musée Tinguely qui présente le cabinet de curiosités de Ted Scapa : un mélange haut en couleurs d’œuvres d’art, d’objets artisanaux et d’objets curieux, jusqu’au 19 avril. L’ exposition Venise à la Fondation Beyeler se termine le 15 février, 4 bonnes raisons pour faire un petit saut dans la ville de Federer, d’Erasme et de Holbein.
Vous pouvez lire ici le billet plus détaillé de Détours des Mondes, mon amie Lyliana, spécialiste de l’art africain et océanien, ancienne élève et diplômée de l’école du Louvre, conférencière, qui m’a permis de bénéficier d’une visite guidée commentée par elle, avec force détails et brio.
photo 1 provenant du dépliant de la Fondation
photo 2 de presse, ne concerne pas le guerrier
photo 3 provenant du blog de Détours des Mondes
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La magie des images. L’Afrique, l’Océanie et l’art moderne
Bâle, Fondation Beyeler, jusqu’au 24 mai 2009.
1. Paul Cézanne (1839 – 1906)
Madame Cézanne au fauteuil jaune, 1888-1890
Huile sur toile – 80,3 x 64,3 cm
Bâle, Fondation Beyeler
Photo : Bâlel, Peter Schibli
De temps à autre, les arts dits premiers jettent leur pomme de discorde chez les critiques. Muets, sans histoire, dit-on, les fétiches mettent le feu aux esprits les moins sujets à l’embrasement. Étrange vertu. L’actuelle exposition de la fondation Beyeler n’échappe pas à la règle. Confrontant à l’art dit moderne, de Cézanne à Rothko, une centaine de pièces africaines et océaniennes, La Magie des images s’est attiré quelques volées de sarcasmes et de méchancetés que nous avons peine à nous expliquer. À lire les mécontents, la démonstration tournerait court, s’enlisant dans le comparatisme superficiel ou singeant la déco chic. Au regard du dialogue bâlois, certains de ses détracteurs invoquent l’hybridation fertile du grand Malraux à l’époque de La Métamorphose des dieux, fameux ou fumeux panthéon du génie universel. N’est-ce pas trop prêter à ce piètre penseur post-cubiste, pilleur d’idées et de temples ? Quitte à revenir aux Anciens, pour éclairer le présent, mieux vaut relire Bataille. Lui avait compris ce qui au cœur des sociétés policées relève encore de la violence et de l’érotisme, deux formes de l’interdit et du sacré, dont l’art est l’expression directe. Or il est évident que le rapport des Occidentaux à l’altérité primitive procède de cette communauté anthropologique qui vient à la conscience, précisément, sous la plume d’un Bataille ou d’un Caillois. Les gloseurs de « la plastique nègre » ont trop longtemps dissimulé sous leur formalisme, voire leur racisme non avoué, cette vérité. Elle devrait nous intéresser plus que les fameuses filiations stylistiques. Fallait-il réellement reprocher à Oliver Wick, le commissaire incriminé, de ne pas avoir refait l’exposition new yorkaise de Goldwater en 1961 ou celle de Rubin en 1984, si peu délestées encore de la philologie des sources et du discours des avant-gardes?
On imagine d’ici les toiles de Gauguin, Picasso, Braque, Matisse, Vlaminck et de Derain barbotant au milieu des tikis et des masques exotiques qui leur avaient appartenu. Bref, l’éteignoir. Au lieu de ces redites fatigantes, voilà une exposition superbe à l’œil, secouant l’esprit, et déroulant ses quatorze salles avec la même perfection de mise en scène, sous l’une des plus belles lumières qu’un musée puisse s’offrir. Que les moments de ce parcours n’aient pas tous une force égale, que l’alchimie n’opère pas constamment au même degré, on en conviendra. Mais n’est-ce pas au fond souhaitable ? Encore que ces réserves soient subjectives. Chaque visiteur, selon son histoire et ses connaissances, fera siens les œuvres et les rapprochements proposés. Car la règle déclarée tient plus de l’aléatoire, de l’étonnement, que de la prescription : « Les correspondances, en partie formelles, écrit Oliver Wick, ne doivent en aucun cas induire une conditionnalité mutuelle. Il s’agit en l’occurrence d’une expérience visuelle directe et, pour une fois, on ne s’occupera pas de savoir si les artistes occidentaux ont connu ou collectionné telle ou telle œuvre africaine ou océanienne. Ce sont la tension esthétique surtout et l’intensification des contrastes qui aiguisent la perception. »
2. Vue de l’exposition avec en arrière plan
Le Lion ayant faim se jette sur l’antilope
du Douanier Rousseau et
au premier-plan deux figures tino aitu
Photo : Service de Presse
De cette puissance d’impact, il faut d’abord dire un mot. D’un côté, la crème de la collection Beyeler ; de l’autre, majoritaires en nombre, les pièces extra-européennes en provenance du musée des Cultures de Bâle et d’ailleurs. Les amateurs les plus exigeants en matière d’arts premiers ne seront pas déçus. De plus, les œuvres se voient en pleine clarté. La muséographie s’abstient en effet de la ritualisation désuète, genre train fantôme, qu’on s’obstine à appliquer aux idoles de l’autre monde. Peut-être notre préférence va-t-elle d’abord aux rencontres les plus dégagées des analogies visuelles et les plus aptes à faire remonter quelque détail, geste, indice inaperçu. Par exemple, si beau soit-il, le télescopage de Klee et de la sculpture polynésienne, dont le peintre voyageur avait assurément connaissance, nous a moins séduit que la salle où deux Cézanne (ill. 1) mélancoliques se mêlent aux statues Sénufo, visages fermés et seins pointus, qui n’avaient jamais été réunies depuis l’exposition mentionnée de Goldwater. La question des codes par quoi l’image, occidentale ou non, est sexuellement marquée traverse l’exposition. Sensible dans la prédation chère au douanier Rousseau (ill. 2), elle éclate positivement dans la salle des papiers découpés de Matisse et des guides de chasse du fleuve Korewori. C’est peut-être moins l’absence de modelé qui frappe ici et là que le bleu intense dont le Français blasonne le corps de la femme étrangère, en écho lointain à ses nus algériens. On pourrait citer encore les reliquaires Fang et l’impressionnante Improvisation 10 de Kandinsky, d’une commune verticalité. Du choc de leur rapprochement surgit la sacralité qu’ils partagent en dehors de toute proximité ethnologique. Le visiteur pourra même se surprendre à tricoter ensemble les productions occidentales, comme on aime le faire sous nos cieux. La Femme en vert que Picasso signa en 1944 rêvait de Mme Cézanne. La libération rendait le sourire.
Stéphane Guégan La Tribune de l’Art
(mis en ligne le 23 mars 2009)
Oliver Wick, Antje Denner , Bildgewaltig Afrika, Ozeanien
Ben oui brio était aussi de la fête …… non pas sur la tête !
lu dans les DNA, signé Serge Hartmann
Fondation Beyeler la dérive des continents
Les arts d’Afrique et d’Océanie dessinent, à la Fondation Beyeler, les contours d’une enthousiasmante dérive des continents. Et s’en vont se confronter, avec plus ou moins de bonheur, aux grands Modernes.
Sur fond de Rothko, un masque à tête de crocodile de l’île de Mabuiag, à l’ouest du détroit de Torres. Photo DNA – Philip Anstett
D’emblée le ton est donné. Dans le hall d’entrée de la Fondation Beyeler, deux longilignes crocodiles sculptés dans le bois, au XIXe siècle, quelque part en Papouasie-Nouvelle-Guinée, semblent émerger d’un des célèbres bassins de nymphéas peints par Monet. Le « monde d’en bas » du peuple Ambonwari face à la plénitude de Giverny. Contraste détonant. Plus loin, une des non moins célèbres cathédrales de Rouen jetée sur la toile par le chef de fil des Impressionnistes fait écho à la perspective ascensionnelle d’un totémique tambour à fente de Vanuatu (Mélanésie).
Des Fauves aux Expressionnistes allemands, des Cubistes aux Surréalistes, de Picasso à André Breton, de Gauguin à Tristan Tzara : si les avant-gardes du début du XXe siècle manifestèrent l’intérêt que l’on sait pour les Arts premiers – on parlait alors d' »Art nègre » -, l’exposition montée par la Fondation Beyeler n’entend en rien réarpenter un territoire archi-convenu de l’histoire de l’art occidental.
« On ne s’occupera pas de savoir si les artistes occidentaux ont connu ou collectionné telle ou telle oeuvre africaine ou océanienne », prévient Oliver Wick, commissaire de l’exposition, qui plaide pour « une expérience visuelle directe », « une tension esthétique » et « l’intensification des constrastes ».
Des présupposés qui en terme d’accrochage se suffisent à eux-mêmes et laissent le champ libre à toutes les associations possibles, inscrites dans la géographie mouvante et floue d’une « magie des images » – intitulé passablement fourre-tout de l’exposition. On y mettra donc ce qu’on voudra bien y mettre, dans une histoire de l’art qui joue ici les bateaux ivres, affiche des partis pris parfois déconcertants mais totalement assumés – vertige de la gratuité formelle…
Le visiteur aura ainsi du mal à comprendre pourquoi deux Champs de blé de Van Gogh, paysages solaires au pinceau fiévreux, se confrontent à une trentaine de masques africains, figés dans l’absolu de leur origine sacrée. Il trouvera tout aussi hasardeux le rapport entre les terrifiantes sculptures malagan (Nouvelle-Irlande du Nord) et la calme géométrie de Mondrian. Ou s’interrogera encore sur les mystères insondables qui réunissent l’abstraction monochrome, aux contemplatives vibrations, de Rothko, et les dieux de la guerre énervés et multicolores, toutes plumes conquérantes, des îles du détroit de Torres.
Le dialogue, on le voit, ressemble dans certaines salles à la plate juxtaposition de monologues qui s’ignorent l’un l’autre. Il n’en reste pas moins que l’exposition, comme toujours chez Beyeler, s’offre des prêts magnifiques, à la beauté renversante, qui valent assurément à eux seuls le déplacement. L’accrochage privilégie l’Afrique et l’Océanie, les Modernes, constitués principalement du fonds Beyeler, accompagnant plus discrètement leur hallucinant déploiement dans les salles de la Fondation.
Les amateurs d’Arts premiers auraient ainsi bien tort de faire l’impasse sur un plateau qui accueille pas moins de 180 masques, sculptures, figurines et objets, toutes pièces anciennes, provenant d’une cinquantaine de collections publiques ou privées.
Ils y découvriront ainsi des oeuvres rarement montrées jusqu’à ce jour : les statues Senufo de la région de Sikasso (Mali), les figures de reliquaires des Fang et des sculptures rituelles des Mumuye (Afrique) de qualité exceptionnelle. « Pour la première fois, depuis la fin du XIXe siècle, le visiteur peut découvrir un important ensemble de rares statuettes « tino-aitu » [atoll de Nukuoro en Micronésie] », ajoute encore Oliver Wick.
Un petit livret, hautement indispensable pour le visiteur peu au fait des subtilités des cultures du Haut Korewori ou des Mundugumor de la rivière Yuat, permet de mieux comprendre les contextes sociaux et religieux dans lesquels les pièces s’inscrivent. Il convient aussi de souligner le caractère exceptionnel du catalogue, « livre en boîte » qui fait écho à la fameuse Boîte en valise de Duchamp – à n’en pas douter un futur collector dans l’édition du livre d’art consacré aux arts d’Afrique et d’Océanie.
Les habitués de la Fondation savent combien Ernst Beyeler a toujours ajouté à sa passion pour l’art du XXe siècle celle des Arts premiers. Le parcours des salles d’exposition permanentes y intègre quelques ponctuations venues d’Afrique et d’Océanie.
Faut-il rappeler aussi que dès les années cinquante, sa galerie de la Bäumleingasse leur ouvrait déjà ses portes. Un demi-siècle plus tard, le célèbre marchand d’art ajoute à cette trajectoire singulière un opus magistral. A défaut de cohérence scientifique.
Face à la splendeur des prêts, on s’en fait une raison. Et en écho, résonnent les mots d’August Macke, dans un texte intitulé Les Masques, paru en 1912 dans le Blaue Reiter : «La forme est un mystère pour nous, car elle est l’expression de forces secrètes. A travers elle seulement, nous pressentons les forces mystérieuses, le « Dieu invisible »…»
Serge Hartmann
Voilà une magie qui a l’air très envoûtante !
Si vous le souhaitez, vous pouvez me contacter à mon adresse mail.