Alors que les circuits de formation, de production et de diffusion tendent d’ordinaire à organiser une séparation du visuel et du sonore en matière de lieux d’exposition, Zahra Poonawala a cherché à marier les sensations et à trouver un mode d’expression en rapport avec sa double formation de plasticienne et de musicienne.
Elle oeuvre donc, depuis ses débuts, à produire des propositions artistiques qui mettent en scène le son, le rendant plastique par le travail sur l’espace et par l’interaction avec le visiteur/auditeur, au moyen de procédés variés qui s’inventent et se complètent au fil des oeuvres.
L’approche plastique a ainsi permis à l’artiste de creuser par l’image des problèmes de perception musicale, par le contrepoint de l’image avec le son : ou comment incarner, en enregistrant chaque musicien séparément chez lui, autant d’individualités dans le son polyphonique d’un orchestre (L’orchestre décomposé, 2007). Ou encore, par le décalage des images vidéo opposées à l’image vivante du musicien, mettre en lumière le travail du rythme et le passage du temps dans une pièce musicale (Losing touch).
Le travail de Zahra Poonawala s’étend aussi à l’espace d’exposition. Le son peut ainsi devenir objet non de contemplation, mais d’expérience spatiale, avec sa densité, sa présence ou son absence. Ainsi par exemple, dans la pièce Hall (2007), la confusion créée par des sons captés à différents endroits mais retransmis sur un haut-parleur unique. Ce décalage spatial a trouvé sa contrepartie dans le temps avec Écoutez ce silence (2006), installation dans laquelle les sons sont retransmis avec un retard, ce qui accroît leur présence paradoxale dans l’espace.
L’artiste s’est également faite compilatrice, agrégatrice, rassemblant par l’image des sons séparés : dans Bouquet Final¸ par exemple, où les vidéos de musiciens séparés dans l’espace forment une mosaïque polyphonique, une sorte d’orchestre virtuel. Enfin, dans son projet Public address system (entamé en 2007, mis en ligne sous une forme participative à partir de 2009), Zahra Poonawala filme le son sous forme de haut-parleurs publics du monde entier, et réalise, à partir d’une compilation vidéo, une manière d’atlas sonore.
Ces images en quelque sorte « aveugles », où le hors-champ seul demeure pour évoquer le contexte absent, mettent l’accent sur un autre aspect important du travail de Zahra Poonawala : la réflexion sur la transmission et la retransmission. En musicienne au fait des multiples traitements et circuits de diffusion du son, l’artiste a oeuvré avec beaucoup de constance à partir de dispositifs qui abolissaient les distances ou les accroissaient. Qu’elle retransmette des images de son appartement pour évoquer le côté intime du travail (Lieu de travail intime) ou qu’elle filme les haut-parleurs des rues du monde entier, elle rend palpable les multiples distances et filtres qui s’interposent dans notre appréhension des choses et des êtres.
A Saint-Louis, Zahra Poonawala a trouvé une nouvelle traduction de sa recherche en transportant ces haut-parleurs, d’ordinaire distants et anonymes, dans l’espace d’exposition, nous imposant leur présence, mais aussi un radical dépaysement de leur monde sonore.
Stéphane Valdenaire
Du lundi au jeudi 8 h > 12 h et 13 h 30 > 17 h 30Le vendredi 8 h > 16 h 30Le samedi 10 h > 12 hOuvert les dimanches 13 mars et 10 avril de 14 h à 17 hForum de l’Hôtel de ville
21 rue Théo-Bachmann
68300 Saint-Louis / AlsaceTél. +33 (0)3 89 69 52 00Visites dans l’exposition, tous les jours ouvrables
Sur demande préalable auprès de Stéphane Valdenaire, attaché culturel, Ville de Saint-Louis
03 89 91 03 04 s.valdenaire@ville-saint-louis.fr
http://www.saint-louis.fr/
http://www.zahrapoonawala.org/
photo 2 et 3 de l’auteur
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