« La rencontre avec une oeuvre d’art est une longue gestation. Le fait qu’une création ne soit pas tenue de s’expliquer immédiatement, qu’elle puisse rester longtemps à l’état latent avant de se révéler, est à mes yeux une très bonne chose. » Matthew Barney.
C’est un artiste américain né en 1967, compagnon de la chanteuse & actrice Björk,
Diplômé de Yale en1989, il s’installe à New York où il commence très vite à créer et à exposer. Relevant de l’utopie de l’oeuvre d’art totale, la pratique de Matthew Barney recouvre, sans aucune hiérarchie, tous les médiums. Travaillant avec le dessin, la photographie, le film, les installations vidéo et la sculpture, il est rapidement devenu une figure importante de l’art contemporain. Ses installations, ses performances filmées révèlent un univers personnel, constitués de personnages, de lieux et d’objets
hybrides.
Dans ses premières expositions, il a présenté des installations complexes incluant des vidéos où on le voit interagir avec divers objets fabriqués par ses soins et accomplir des exploits physiques tels qu’escalader le plafond de la galerie d’art, suspendu à des vis en titanes. En 1992, Barney introduit des créatures fantastiques dans son travail ; une action qui laisse présager le lexique de ses films à venir.
Démarrée en 1994 et achevée en 2002, la série de films « Cremaster Cycle » a largement contribué à la reconnaissance de Matthew Barney. Pièce maîtresse de son oeuvre, il y impose un monde personnel, peuplé de créatures fantastiques et de surprenantes métamorphoses corporelles. Ce projet est au croisement de la photographie, du cinéma et de l’art contemporain. L’objectif de Matthew Barney est de réaliser des dessins au crayon dans la douleur extrême, sous la contrainte physique, d’où le titre (en anglais) de son exposition actuellement au Schaulager de Bâle, jusqu’au 3 octobre : Le titre de l’exposition » Prayer sheet with the wound and the nail »
“Drawing Restraint”, “Form can only take shape when it struggles against resistance”.
Exemple : dessiner au plafond en sautant sur un trampoline, – restraint 18 – dessiner, accroché à une corde au ras de l’eau sur un bateau qui traverse l’atlantique avec un crayon mis dans la bouche d’un poisson ….. Tout cela est très surprenant, et demande réflexion voire explication….. l’art est-il fait pour être toujours compris ?
C’est ainsi que le commissaire, critique d’art Neville Wakefied, ami de longue date de l’artiste a suggéré la mise en parallèle des oeuvres d’art provenant du Kunstmuseum de Bâle ainsi que d’autres lieux comme des églises, du Hoch Rhein, relatant la passion du Christ ou des martyres. Les eaux fortes d’Albrecht Dürer, de Martin Schongauer, d’Urs Graf, des tableaux de Hans Holbein, Lucas Cranach, de Hans Baldung Grien, d’autres auteurs inconnus de la Renaissance Rhénane se trouvent mises en résonance avec les sculptures en plastique de résine blanche de MB qui rappellent sa réflexion lors de ses performances physiques.
Son art pour atteindre la perfection, est soumis à diverses contraintes, physiques, d’endurance, de résistance et demande une préparation physique, qui donne un résultat remarquable sur le corps d’athlète que l’on peut admirer dans les diverses vidéos projetées dans les salles du centre d’art. Mais aussi le matériel utilisé pour contraindre son coprs aux excercices physiques a permis la création de sculptures exposées dans des vitrines, présentées dans l’exposition.
L’exposition s’articule comme le plan d’une église, avec ses travées, et sa crypte au sous-sol, en son centre on trouve les 3 vidéos – restraint 7 (1993) où à l’instar de Marsyas – le satyre /Apollon –self-portrait de MB, sur le siège arrière d’une limousine, qui parcourt Manhattan, se battent tout en gravant avec leurs cornes leur portrait dans le plafond vitré de la limousine, pour finir par se désagréger.
L’architecture si particulière de l’immeuble conçu par Herzog & de Meuron pour abriter la collection de la Fondation Emmanuel Hoffmann, a permis de réaliser une performance, habituelle de MB – Restraint 17 – mais où pour la première fois il ne participe pas physiquement et où il laisse sa place à une jeune fille. Partie de Dornach, le centre des antroposophes, choisi non pour ses idées, mais pour son architecture si particulière, où elle a creusé sa tombe, cette cascadeuse court le long de la grande baie vitrée, puis grimpe le long de la paroi vers le haut en s’aidant des excroissances, escaladant les bosses comme dans une varappe, mais non encordée, toujours dans cette idée, de performance pour atteindre le meilleur, le sommet, et qui lorsqu’elle l’atteint chute indéfiniment d’une hauteur de 58 mètres sur le sol, pour nous ramener à cet objectif d’humilité qui est présent dans toute l’œuvre de MB. A l’extérieur un film permet de suivre la performance sur une vidéo. Analogie toute contemporaine entre l’oeuvre de Hans Baldung Grien, « la mort et la femme » « Drawing 17 » et
DRAWING RESTRAINT 9 – Spielfilm von Matthew Barney, Soundtrack komponiert von Björk. Darsteller: Matthew Barney, Björk, Mayumi Miyata, – est visible tous les jours à 14 h, a permis la création des sculptures : Torii et Cetacera, Occidental restraint, résine/vaseline.
Une exposition à découvrir dans toute sa complexité et dont je retiens, l’idée directrice, d’efforts et d’humilité pour moi, d’aboutissement dans la souffrance pour l’artiste avec un regard ironique sur lui-même.
photos courtoisie Schaulager et scan
désolée pour les erreurs le logiciel du Monde est désespérant de lenteur et de réaction.
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Merci pour cet article, nous fabriquons nous même des trampolines et pourrions imaginer réunir des artistes autour d’une telle manifestation, c’est pour le moins innovant et surprenant !
je cherche le lien de son installation avec le Général Mac Arthur, j’avoue que cela ne m’a pas sauté aux yeux, encore moins aux neurones, car il fait signer la rédition des japonais, donc ‘humiliation et souffrance sont de leur côté, ou veut-il évoquer sa propre opposition au Président Truman qui a suivi, d’où grandeur et décadence ?
Merci à vous pour vos commentaires et éclairages
Article intéressant sur Matthew Barney. Qui devraient être lus par tous les contempteurs paresseux du dit » art contemporain » (catégorie fourre-tout poussant à mettre tout le monde dans le même panier de la fête à neuneu, sans faire l’effort de la distinction). Or, Matthew Barney est un artiste d’aujourd’hui ambitieux, exigeant, inventif, comme quelques autres (Penone, Cognée, Desgrandchamps,…).
Dessiner au plafond en sautant sur un trampoline c’est pour le moins original ! l’idée est très bonne ! Article très intéressant bravo
J’avais vu cette expo au MAMVP, c’était fabuleux. Univers extraordinaire et une exigence incroyable dans la réalisation des objets (ce qui n’était pas la règle dans l’univers de l’art contemporain).
Il faut voir les films du cycle Cremaster (disponibles facilement)
http://www.cremaster.net/
Sans trop savoir qui il était, j’avais vu une exposition de ses oeuvres au MAMVP (Paris). (the cremaster cycle ? ou une partie ?) Art total qui aspirait dans une spirale de sens et d’évocations inconscientes incontrôlable. Ampleur, souffle, puissance,monstruosité, grande bizarrerie, onirisme. J’en étais sortie troublée (car à l’époque, je n’étais pas très familiarisée avec l’art contemporain), « petite » et presque sur les genoux. Mais j’avais aimé. Je n’ai pas retrouvé un semblable univers – une telle démesure – par la suite.