Femmes de génie – les artistes et leur entourage

Elisabetta Sirani, la pénitente Marie Madeleine, 1663
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie

Jusqu'au 30.6.2024, au Kunstmuseum Basel | Hauptbau
Commissaires : Bodo Brinkmann, Katrin Dyballa (Bucerius Kunst Forum), Ariane Mensger
Prologue

L’exposition Femmes de génie propose un nouvel éclairage sur l’histoire de l’art de l’Époque moderne en présentant une centaine d’oeuvres d’artistes femmes ayant rencontré du succès entre le XVIe et le XVIIIe siècle ainsi que de leurs proches masculins. Elle réunit des portraits, des peintures d’histoire, des natures mortes, des dessins et des oeuvres graphiques de la Renaissance, du baroque et du classicisme.
Entre 1500 et 1800, il y avait, au Nord comme au Sud de l’Europe, bien plus de femmes peintres, instructrices, éditrices et graveuses qu’on ne l’imaginerait. Certaines d’entre elles furent comblées de succès. Même s’il n’était pas impossible pour une femme de mener une carrière d’artiste, des conditions favorables devaient être réunies car cela allait à l’encontre du rôle de la femme dans la société.
L’exposition Femmes de génie retrace pour la première fois le parcours de plusieurs artistes femmes à travers de pertinentes mises en regard avec des oeuvres de leurs pères, frères, époux et rivaux et les intègrent dans le contexte des siècles prémodernes. Des rapprochements d’oeuvres concis révèlent de manière fascinante les correspondances et les divergences de contenu et de traitement. Le contexte social et familial est également mis en lumière. En outre, l’exposition offre l’occasion de découvrir, aux côtés d’oeuvres de peintres plus connues, celles d’artistes femmes tombées dans l’oubli, mais travaillant souvent à un haut niveau d’exigence.

Filles, épouses et peintres de cour

                                      Catharina van Hemessen (1528 – après 1565
Les corporations et les académies refusèrent longtemps l’accès aux femmes. Ainsi, les artistes étaient très souvent issues de familles d’artistes où elles étaient formées. Catharina van Hemessen (1528 – après 1565), qui réalisa à l’âge de 20 ans le premier autoportrait connu d’une artiste au travail figurant aujourd’hui au sein de la collection du Kunstmuseum Basel, apprit sans doute à peindre dans l’atelier de son père Jan Sanders van Hemessen (vers 1500 – vers 1556). Par ailleurs, nous savons que Marietta Robusti, dite la Tintoretta (vers 1554/55–1614), a, très jeune, assisté son père Jacopo Robusti, dit Tintoretto (1518/19–1594), dans la réalisation d’oeuvres de commande avant de devenir elle-même une peintre à succès.

                   Marietta Robusti, dite la Tintoretta (vers 1554/55–1614)
D’autres femmes eurent moins de chance et travaillèrent dans l’ombre des membres de leur famille. Leur style est souvent difficile à repérer, celui-ci se mêlant aux oeuvres de leurs maîtres selon les habitudes alors en vigueur dans les ateliers.
Michaelina Wautier (1604–1689) fut l’une d’entre elles. D’autres encore se marièrent avec un artiste. Rachel Ruysch (1664–1750) épousa le peintre Juriaen Pool (1666–1625) qui lui permit non seulement de peindre, mais on sait également que les natures mortes de Rachel se vendaient même mieux que les siennes et qu’il la soutenait véritablement dans son travail. Elle fut la première femme à être admise au sein de la guilde des peintres de La Haye

                                                           Rachel Ruysch (1664–1750)
En règle générale toutefois, le mariage entraînait l’abandon du métier exercé par la femme et la subordination à son époux, comme ce fut le cas pour Judith Leyster (1609–1660). Certes, la femme pouvait apporter en maints endroits son soutien à celui-ci dans son atelier, mais ses responsabilités familiales figuraient en réalité bien souvent au premier plan. Dès lors, des artistes comme Maria van Oosterwijk (1630–1693) choisirent de ne pas se marier.
Bien qu’il s’agisse de cas plus rares, il est intéressant de remarquer ces femmes artistes nées loin de la profession qui apprirent pourtant à peindre. Elles appartenaient à la noblesse, à la bourgeoisie comme au milieu de l’artisanat. Sofonisba Anguissola (1532–1625) fut l’une d’entre elles. Formée par le peintre Bernardino Campi (1522–1591), elle fut en engagée comme peintre à la cour d’Espagne grâce à son père qui fit sa promotion de manière ciblée. Leur lien avec la cour permettait aux femmes artistes de connaître la gloire et les honneurs en toute autonomie, plus tard cela leur facilitait l’accès à l’académie. Katharina Treu (1743–1811) fut ainsi la première femme disposant d’un titre de professeure au sein d’une académie allemande grâce au soutien du prince-électeur Charles-Théodore du Palatinat. L’enseignante la plus connue parmi ces artistes femmes est peut-être Angelika Kauffmann (1741–1807) qui fut, entre autres, membre de la Royal Academy de Londres. Toutefois, sans le soutien d’un entourage masculin, ces femmes n’auraient jamais connu le succès.

Au cours de ces siècles, les thèmes du portrait et de la nature morte florale prédominent chez les artistes femmes. Néanmoins, des exceptions pouvaient se produire : la peinture d’histoire, le plus noble des genres, constituait parfois le sujet du tableau. Il n’existe pas de thème « typiquement féminin », les motifs étant surtout l’expression du lieu de la pratique artistique et de l’époque où vivait chaque artiste. Le cercle des commanditaires déterminait également le sujet : tandis que la bourgeoisie s’affermit comme commanditaire aux Pays-Bas et en Allemagne, la noblesse conserva sa suprématie en Italie et en Espagne où s’ajoutaient des commandes ecclésiastiques encore plus importantes. Ces commandes déterminaient également les formats. Ainsi, le tableau de genre (d’un rang inférieur) s’imposa dans certaines régions du Nord à partir du XVIIe siècle face au tableau d’histoire qui perdura dans le Sud. Le portrait et la nature morte florale se retrouvent toutefois de la même façon chez les artistes du Nord comme du Sud.

De l’Italie à l’Allemagne

Les 19 artistes femmes sont regroupées selon leur origine géographique dans les cinq salles d’exposition au rez-de-chaussée du Kunstmuseum Basel | Hauptbau. Une première salle spacieuse est consacrée aux peintres italiennes Sofonisba Anguissola, Lavinia Fontana (1552–1614), Marietta Robusti, dite la Tintoretta, et Elisabetta Sirani (1638–1665).

Fedele Gallicia

Anne Vallayer-Coster

Une seconde salle, plus petite, expose des natures mortes romanes de Fede Galizia (vers 1574/78–1630), Louise Moillon (vers 1610–1696) et Anne Vallayer-Coster (1744–1818), avant une troisième qui présente les peintres flamandes Catharina van Hemessen, Michaelina Wautier et Judith Leyster. La quatrième salle se concentre sur les natures mortes du Nord avec Rachel Ruysch, Maria van Oosterwijk, Maria Sibylla Merian (1647–1717) et Alida Withoos (1662–1730), tandis que la cinquième salle se referme sur Katharina Treu et Dorothea Therbusch (1721–1782) originaires d’Allemagne, ainsi qu’Anna Waser (1678–1714), Anna Barbara Abesch (1706–1773) et Angelika Kauffmann natives de Suisse.
L’exposition réserve, en outre, une place aux femmes graveuses. Au sein des ateliers de gravure sur cuivre où se pratiquait aussi la gravure à l’eau-forte, les femmes travaillaient également dans le cercle familial avant tout. Comme il était habituel de munir les gravures d’informations détaillées sur le fabricant, le nom de ces femmes nous sont parvenus. Au sein des cabinets d’art graphique situés au premier étage du bâtiment principal du musée, des études de cas présentent trois des représentantes majeures de ce type d’art : Diana Mantovana (vers 1547–1612) issue de la famille éponyme de graveurs de Mantoue et de Rome, Magdalena de Passe (1600–1638) qui joua un rôle des plus actifs dans l’atelier de son père Crispijn de Passe à Cologne puis à Utrecht, ainsi que Maria Katharina Prestel (1747–1794) qui se maria avec son maître, Johann Gottlieb Prestel, avec lequel elle se lança, avec succès, dans le commerce alors florissant de la gravure de reproduction.

Des prêts internationaux

L’exposition est le fruit d’une coopération entre le Bucerius Kunst Forum d’Hambourg et le Kunstmuseum Basel, quoique l’étape bâloise plus circonscrite ne présente qu’une sélection des oeuvres exposées à Hambourg et publiées dans le catalogue accompagnant l’exposition. Elle rassemble des prêts d’oeuvres de collections publiques et privées internationales, dont la Galerie degli Uffizi à Florence, le Kunsthistorisches Museum à Vienne, le Rijksmuseum Amsterdam, les Staatliche Museen de Berlin, le Städel Museum de Francfort, la Staatsgalerie Stuttgart et la Gemäldegalerie Alte Meister à Dresde.
La publication richement illustrée contenant des contributions de Bodo Brinkmann, Katrin Dyballa, Sabine Engel, Ariane Mensger, Rahel Müller, Sandra Pisot, Sarah Salomon, Andreas Tacke, Iris Wenderholm et Seraina Werthemann a paru aux éditions Hirmer Verlag.

Informations pratiques

Kunsmuseum-neubau
St. Alban-Graben 8, Postfach
CH-4010 Basel
Tel. +41 61 206 62 80

Depuis la gare SBB tram n° 2 arrêt Kunstmuseum

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

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