Jusqu'au 18.8.2024, au Kunstmuseum Basel | Neubau
Commissaires : Josef Helfenstein, Olga Osadtschy, Elena Degen
L’art minimal
La grande exposition temporaire Dan Flavin. Dédicaces en lumière auKunstmuseum Basel | Neubau présente unpionnier de l’art minimal :, artiste états-unien devenu célèbre au début des années 1960 pour son travail avec des tubes fluorescents fabriqués de manière industrielle. 58 de ses travaux, certains visibles pour la première fois en Suisse, mettent en lumière son oeuvre à nulle autre pareille à travers un parcours thématique et chronologique. L’exposition – la première d’envergure consacrée à Dan Flavin en Suisse depuis douze ans – met l’accent sur des oeuvres que l’artiste a dédiées à des personnes ou à des événements.
Images gazeuses
En élaborant une nouvelle forme d’art, Dan Flavin écrit un nouveau chapitre de l’histoire de l’art. Au moyen d’oeuvres conçues à partir de lumière, il libère la couleur du champ de la peinture et la transpose dans l’espace tridimensionnel. En utilisant des tubes lumineux du commerce, il s’oppose aux représentations habituelles du statut d’auteur.e et des processus de production dans l’art : sa décision de faire de l’art à partir d’un objet usuel du quotidien retint l’attention de ses contemporains et demeure, encore aujourd’hui, radicale. Après les premières expositions de ses oeuvres lumineuses à New York, Dan Flavin suscite l’enthousiasme des artistes et des critiques d’art pour son purisme,
ses « images gazeuses » (un terme que l’artiste se plaisait à utiliser) et l’immédiateté de leur brillance.
Les tubes fluorescents de Dan Flavin évoquent des usines, des établissements de restauration rapide ou encore des parkings. L’artiste utilise délibérément cet effet de même qu’une palette réduite imposée par le mode de fabrication des lampes fluorescentes : bleu, vert, rouge, rose, jaune, ultraviolet et quatre tons différents de blanc. Au cours de sa carrière, il transforme des lampes et de simples arrangements géométriques en de complexes travaux architectoniques et des séries élaborées composées de plusieurs parties. Flavin s’oppose vigoureusement au fait que ses oeuvres soient considérées comme des sculptures ou des peintures et les qualifie plutôt de « situations ». Dans ses écrits et autres déclarations, il souligne en outre l’objectivité de son oeuvre. Dans le catalogue consacré à l’exposition de l’un de ses premiers grands travaux institutionnel au Stedelijk Van Abbemuseum en 1966 il écrit :
« Electric light is just another instrument. I have no desire to contrive fantasies mediumistically or sociologically over it or beyond it. (…) I do whatever I can whenever I can with whatever I have wherever I am. »
L’oeuvre de Dan Flavin s’inscrit dans la catégorie de l’art minimal du fait de sa volonté de se limiter strictement au travail avec un objet de facture industrielle ainsi que de la sérialité de ses oeuvres. Carl André, Donald Judd, Sol LeWitt et Robert Morris sont considérés à ses côtés comme les principales figures de ce courant artistique – chacun d’entre eux réfutant toutefois plus ou moins clairement cette appartenance.
Les dédicaces
Dan Flavin préconise un art n’ayant pas de portée psychique et spirituelle profonde, mais qu’il s’agirait d’appréhender de manière spontanée. L’artiste lui-même nie toute teneur symbolique et fait fi de l’effet parfois subtil de son oeuvre. De nombreux critiques d’art ont tout de même attiré l’attention sur sa dimension christique et métaphysique, de même que sur une allusion à des espaces de recueillement et à des lumières votives. Ce à quoi l’artiste répond avec ironie :
« It is what it is and it ain’t nothin’ else».
Cependant, il ne fait aucun doute que Dan Flavin a pratiqué la dédicace tout au long de sa vie et qu’il a associé ses oeuvres à des personnes ou à des événements, souvent de manière sentimentale et emphatique. Les installations de lumière fluorescente réalisées à partir de 1963 sont fréquemment dédiées à des amis artistes tels que Jasper Johns, Sol LeWitt ou Donald Judd. Des artistes d’art moderne à l’instar d’Henri Matisse, Vladimir Tatlin et Otto Freundlich apparaissent également dans des titres d’oeuvres. Ces dédications contrebalancent l’anonymité du matériau. Au travers de ces titres augmentés, l’artiste ancre ces travaux non narratifs et impersonnels dans un contexte esthétique, politique et social.
Le rôle fondamental du titre se précise également lorsque Dan Flavin se réfère à des événements politiques. Ainsi, des travaux évoquant les atrocités de la guerre se lisent à la lumière de sa position contre la guerre au Vietnam, à l’instar de monument 4 for those who have been killed in ambush (to P.K. who reminded me about death) qu’il présente en 1966 dans l’exposition Primary Structures. Younger American and British Sculptors au Jewish Museum de New York, l’une des premières expositions institutionnelles consacrée à l’art minimal, courant artistique encore nouveau à l’époque.
Les oeuvres de Dan Flavin dédiées
Les oeuvres de Dan Flavin dédiées à des individus l’ayant accompagné dans son travail ne sont pas moins remarquables. L’exposition convoque par exemple untitled (to you, Heiner, with admiration and affection), oeuvre dédiée à Heiner Friedrich, légendaire marchand d’art allemand. Après avoir immigré aux États-Unis, Friedrich fonde en 1974 l’influente Dia Art Foundation qui s’engage pour que des oeuvres d’un groupe d’artistes des années 1960 et 1970 soient installées durablement et accessibles au public.
L’oeuvre de Flavin provenant de la Pinakothek der Moderne de Munich est de type « barrière », c’est-à-dire conçue pour limiter l’accès du public à une partie de la salle d’exposition.
Ces dédicaces polymorphes confèrent une dimension émotionnelle à l’oeuvre de Flavin et servent de cadre de référence artistique, littéraire et personnel. L’exposition au Kunstmuseum Basel s’attache en particulier à révéler cette dimension de son oeuvre.
En outre, des dessins de Dan Flavin sont présentés aux côtés d’installations, pour certaines de grandes dimensions. Ils contiennent des portraits encore peu connus, des représentations de la nature, ainsi que des croquis d’oeuvres et des diagrammes. Outil essentiel pour Flavin, ses petits carnets constituent une sorte d’archive de son oeuvre s’étendant sur plus de trente ans. L’exposition se penche également sur le contexte socio-historique qui vit éclore ses premiers travaux avec la lumière si déterminants pour la suite de sa carrière.
Une histoire bâloise
Grâce à l’engagement de Carlo Huber, directeur de la Kunsthalle Basel, et de Franz Meyer, directeur du Kunstmuseum Basel, une double exposition de l’artiste a été organisée au sein des deux institutions muséales en 1975. Enthousiasmé par l’ « essentialité » avec laquelle Dan Flavin manie la lumière, Carlo Huber présente Fünf Installationen in fluoreszierendem Licht et reconnaît qu’il s’agit d’
« une oeuvre très personnelle et d’une grande autorité ».
De son côté, Franz Meyer sélectionne environ 277 travaux sur papier avec Dan Flavin : dessins, eaux-fortes et plans techniques ainsi que plusieurs oeuvres d’Urs Graf, artiste suisse de la Renaissance, pour lequel Flavin se prend d’affection durant son séjour à Bâle.
Depuis 1975, la cour intérieure du Kunstmuseum Basel | Hauptbau abrite untitled (in memory of Urs Graf), une oeuvre que Dan Flavin a spécifiquement conçue pour ce lieu. Impossible de s’imaginer aujourd’hui la cour sans ce jeu de lumières rose, jaune, verte et bleue dégageant une atmosphère vibrante. Pourtant, jusqu’à la fin des années 1970, des dissensions subsistent au sein de la commission artistique du musée pour déterminer si l’oeuvre doit rester sur place. Il faudra attendre sa donation par la Dia Art Foundation pour confirmer son maintien. Toutefois, on se refusera pendant longtemps à l’allumer. Cette anecdote illustre que la survenue d’un changement radical des habitudes de perception et des opinions nécessite du temps. L’exposition organisée actuellement au Kunstmuseum Basel présente également des documents d’archive des musées mettant cela en évidence.
Informations Pratiques
Kunsmuseum-neubau
Depuis la gare SBB tram n° 2 arrêt Kunstmuseum
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