Jusqu’au 12 février 2023 au MAM Paris
Commissariat: Dieter Buchhart, Anna Karina Hofbauer et Fanny Schulmann, assistés d‘Anne Bergeaud et Cédric Huss
Le Musée d’Art Moderne de Paris présente la première rétrospective parisienne consacrée à l’artiste autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980). Retraçant sept décennies de création picturale, l’exposition rend compte de l’originalité dont fait preuve l’artiste et nous permet de traverser à ses côtés le XXe européen.
« Je suis expressionniste parce que
Oskar Kokoschka
je ne sais pas faire autre chose qu’exprimer la vie »
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Peintre, mais aussi écrivain, dramaturge et poète, Oskar Kokoschka apparaît comme un artiste engagé, porté par les bouleversements artistiques et intellectuels de la Vienne du début du XXe siècle. Par sa volonté d’exprimer l’intensité des états d’âmes de son époque, et un talent certain pour la provocation, il devient pour la critique l’enfant terrible de Vienne à partir de 1908 où, soutenu par Gustav Klimt et Adolf Loos, il inspire une nouvelle génération d’artistes, parmi lesquels Egon Schiele. Portraitiste de la société viennoise, Kokoschka parvient à mettre en lumière l’intériorité de ses modèles avec une efficacité inégalée.
Un « enfant terrible » à Vienne
(1904-1916) Prônant l’unité des arts, les artistes de la Sécession et de la Wiener Werkstätte (1903-1932) inventent alors à Vienne des formes douces et végétales, qui prolifèrent aussi bien en art qu’en architecture. L’irruption d’Oskar
Kokoschka sur cette scène artistique fait donc l’effet d’une « explosion dans un jardin », comme l’analyse l’historien Carl Emil Schorske.
Kokoschka s’affirme par la crudité de ses dessins et textes, qui annoncent le courant expressionniste. Son premier poème illustré en 1908, Les Garçons qui rêvent, dédié à Gustav Klimt en remerciement de son soutien, crée un scandale lors de son exposition à la « Kunstschau » de Vienne. Celui-ci se répète une année plus tard avec la première représentation de sa pièce de théâtre Meurtrier, espoir des femmes.
Qualifié de fauve par la critique, Kokoschka se rase la tête pour ressembler
à un bagnard.
Les années de Dresde
(1916-1923) Déclaré inapte au service militaire, Kokoschka séjourne à
Berlin à la fin de l’année 1916, où il signe un contrat avec le
galeriste Paul Cassirer (1871-1926). Alors qu’il traverse une
phase de profonde dépression liée à la guerre, il est soigné
dans un centre de convalescence à Dresde. Il se rapproche
de la scène artistique de la ville, notamment théâtrale, qui
l’encourage à poursuivre ses créations dramatiques.
En 1919, il obtient un poste de professeur à l’Académie des beaux-arts,
qu’il occupe jusqu’en 1923.
Inquiet de l’instabilité du climat politique, des explosions révolutionnaires comme de leurs sanglantes répressions, il s’en distancie en affirmant la nécessaire indépendance de l’art. Il proteste notamment contre l’endommagement d’une toile de Rubens lors d’affrontements à
proximité des musées de Dresde. Cela lui vaut la réprobation d’artistes Dada
comme George Grosz (1893-1959) et John Heartfield (1891- 1968), qui publient une tribune à son encontre.
À Dresde, Kokoschka visite régulièrement les musées et leurs chefs-d’oeuvre de Rembrandt, Titien, Raphaël. Il recherche de nouvelles formes d’expression picturale, tentant de « résoudre le problème de l’espace, de la profondeur picturale, avec des couleurs pures,
Oskar Kokoschka
Autoportrait / Selbstbildnis, 1917
pour percer le mystère de la planéité de la toile ».
Les oeuvres de cette période se distinguent par leurs couleurs intenses et lumineuses, appliquées par juxtaposition et épousant librement les formes du sujet.
La Poupée
En 1918, plusieurs années après sa rupture d’avec Alma Mahler, Kokoschka commande à l’artiste Hermine Moos (1888-1928) une poupée à taille réelle à son effigie. L’artiste tente de concrétiser ainsi un fantasme, par ailleurs
récurrent dans la littérature depuis le personnage d’Olympia des Contes d’Hoffmann (1817), celui d’une femme artificielle. Cette poupée fétiche est réalisée sur les instructions que Kokoschka fait parvenir à Hermine Moos, qui
sont très précises dans les attendus esthétiques comme tactiles de l’objet. De nombreuses interprétations ont cours sur sa signification et sa place dans l’oeuvre de Kokoschka : objet auto-thérapeutique, censé réparer les
blessures amoureuses et le traumatisme de la guerre ; mais aussi instrument performatif avant-gardiste, permettant à l’artiste d’explorer d’autres aspects de sa création, puisqu’il se met en scène et se peint en sa compagnie. En 1922, à l’issue d’une soirée, Oskar Kokoschka finit par détruire la poupée. Cette dernière séquence s’inscrit dans une représentation de la violence des hommes envers les femmes qui trouve de nombreux échos dans les réalisations des artistes de l’époque, du peintre George Grosz au cinéma expressionniste allemand.
Voyage et exil
Voyageur infatigable, il entreprend dans les années 1920 d’incessants périples en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Sa fragilité financière l’oblige à revenir à Vienne, qui connaît dès le début des années 1930 d’importants troubles politiques, le contraignant à partir pour Prague en 1934. Qualifié par les nazis d’artiste « dégénéré », ses oeuvres sont retirées des musées allemands. Kokoschka s’engage alors pleinement pour la défense de la liberté face au fascisme. Contraint à l’exil, il parvient à fuir en Grande-Bretagne en 1938 où il prend part à la résistance internationale.
La Suisse
Après la guerre, il devient une figure de référence de la scène intellectuelle européenne et participe à la reconstruction culturelle d’un continent dévasté et divisé. Il explore les tragédies grecques et les récits mythologiques afin d’y trouver le ferment commun des sociétés. Prenant ses distances avec la culture et la langue germanique, il s’installe à Villeneuve, en Suisse romande, en 1951. Les oeuvres des dernières années témoignent d’une radicalité picturale proche de ses premières oeuvres, dans leur absence de concessions. Sa croyance dans la puissance subversive de la peinture, vecteur d’émancipation et d’éducation, demeure inébranlable jusqu’à sa mort.
Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne réunit une sélection unique des 150 oeuvres les plus significatives de l’artiste grâce au soutien d’importantes collections européennes et américaines.
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