» Cette exposition est vraiment la première, après celle au Guggenheim, qui comporte plus de trois oeuvres de moi dans le même temps : c’est une édition spéciale des choses que j’avais fait avant de me retirer. Disons que c’est une exposition post requiem. Comme dans la nouvelle de Poe, je fais semblant d’être mort, mais je peux encore voir et entendre ce qui se passe autour. «
Maurizio Cattelan
Après s’être officiellement retiré du monde artistique en
2011 Maurizio Cattelan, ressurgit, jaillit à la Monnaie
de Paris. Provocateur dans ses oeuvres, déjà
vues dans de nombreuses expositions, elles suscitent
toujours la surprise, la stupeur, le rire, l’inquiétude.
De l’hôtel achevé en 1775, de sa façade, de son grand escalier et
de l’enfilade des salons à boiseries et miroirs, de l’architecture
extérieure et intérieure, il tire parti admirablement.
En gravissant le grand escalier, on est surpris par un
magnifique cheval qui est suspendu, le ton est donné,
puis dans une niche une suppliciée, nous tourne le dos.
Du sol au plafond, pendu sur un portant, tel un diablotin son esprit moqueur
enchante et intrigue les visiteurs.
A la Fondation Beyeler, c’était l’affiche, Cattelan surgissant du sol,
je m’étais posé la question de savoir, où la Fondation avait creusé le sol,
il n’en était rien et je suis restée sur ma faim. Mais à la Monnaie,
on a tout le loisir d’observer sous toutes les coutures la position du mannequin.
Narcissique, il aime à nous guetter dans la corniche
du couloir, flanqué de pigeons, s’allonger dans un lit
à côté de son double. Est-ce lui blotti dans un recoin
sous une couverture, tel un mendiant ? Il nous interpelle
et nous renvoie devant notre propre existence et notre
mort.
Un cheval taxidermisé s’est rué dans le mur, solitaire
alors qu’à la Fondation Beyeler dans Kaputt ils étaient
à cinq.
Des sculptures de marbre montrent des draps magnifiquement
plissés, couvrant des formes invisibles. Cadavres, victimes d’un
désastre, d’un peloton d’exécution, d’une épidémie, d’une guerre ?
Allongés contre le mur blanc, sur la parquet de bois blond, l’effet
est saisissant.
La Nona Ora – la neuvième heure, celle de la mort du Christ crucifié –,
un mannequin du pape Jean Paul II écrasé par une météorite,
git sur la moquette rouge de l’hôtel, tandis qu’un tambour annonciateur
du pire, inquiète et intrigue.
Un peu de douceur, avec son portrait (omniprésent)
où il envoie un geste d’amour.
Puis c’est la sculpture connue de Him, Hitler agenouillé en prière,
en costume gris, cravate et chaussures noires, le malaise est inévitable
Puis c’est la dernière salle, où on le retrouve enfant, dans ses
errances passées, les mains clouées à la table de travail.
Né en 1960 à Padoue, dans le nord de l’Italie, Maurizio Cattelan
se consacre tout d’abord, sans avoir suivi de formation particulière,
à la production d’objets de design qui n’ont guère d’autre fonction
qu’esthétique. C’est à partir de la fin des années 1980 qu’il se tourne
ensuite vers les arts plastiques. Il se forge très rapidement une réputation
de provocateur sur la scène artistique internationale.
Faisant exploser le cadre à la fois conceptuel et spatial de la galerie et du musée,
ses mises en scène suscitent l’enthousiasme du public, en même temps
qu’elles le laissent souvent déconcerté. Ses sculptures et ses installations
font fi des conventions, subvertissent les images et les règles tacites
de la publicité.
Le remarquable succès international de Cattelan témoigne
de l’originalité de son langage visuel, qui sait traiter de manière subtile
et choquante certains thèmes actuels, en leur donnant une dimension
amusante et grotesque, et révéler un monde de faillite et de désespoir,
de finesse d’esprit et de sentimentalité que les hommes et les animaux
partagent étrangement.
Aussi à l’aise avec le vocabulaire visuel de notre
univers voué aux plaisirs de la consommation qu’avec la mélancolie
d’un monde ancien, l’artiste surprend son public : devant ses oeuvres,
le rire nous reste souvent en travers de la gorge.
jusqu’au 08 janvier 2017
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