N’ayant vu que peu de toiles et installations de Martial Raysse, (vidéo) artiste figuratif, poète, mondialement connu, ayant écouter son double passage savoureux chez Laure Adler sur France Culture dans l’émission, Hors Champs ( 2 podcast) en direct de Venise, du Palazzo Grassi, j’étais très curieuse de voir la rétrospective, de celui qui dit que l’art contemporain, n’a aucun intérêt pour lui, que c’était subalterne, qui ne croit pas à Cézanne, ni à Matisse, (c’est facile à faire, c’est de l’esbroufe), qui copie les maîtres pour apprendre la peinture, qui dit que si Raphaël revenait il aimerait l’entendre lui dire : « c’est pas terrible, mais continue »
Un tableau, c’est de l’intelligence condensée, c’est comme un théorème mathématique, chacun peut le prendre par un bout et divaguer à partir de là.
Son travail est lié à son apprentissage et son expérience de la sagesse : « Il y a une quête initiatique dans mon travail, si on peut parler ainsi sans être prétentieux. Mais la sagesse n’est pas triste, elle conduit à une sorte de sérénité merveilleuse. L’austérité n’est pas un principe de sagesse, c’est la juste mesure qui est sage. »
Il revient sur la comparaison que font les critiques entre ses premières œuvres et le Pop Art : « J’ai fait ces œuvres en 1960-1961, bien avant que les Américains ne se réveillent. Quand Warhol est arrivé avec sa série de Marylin Monroe, la peinture était encore fraîche ; moi j’avais fait cela un an auparavant. » Il évoque aussi son utilisation du néon : « J’ai utilisé du néon à une époque où on ne l’utilisait presque pas en France ; aux Etats-Unis, c’était courant dans la vie quotidienne, les artistes ne pensaient même pas à l’utiliser. Chez moi, à Nice, il n’y en avait que deux sur l’avenue de la Victoire, pour moi c’était des icones… »
Le motif de l’atelier est récurrent dans ses toiles : « Toute mon œuvre est marquée par mon environnement ; on est influencé par ce qui nous entoure et c’est susceptible de ressortir sur les images qu’on produit. »
Il évoque les couleurs toujours très vives de ses tableaux : « Beaucoup de gens sont dépaysés par les couleurs que j’utilise aujourd’hui. C’est en pratiquant la couleur que je suis arrivé à la ‘sur-couleur’. La maxime de la peinture, c’est de faire de la lumière avec de la matière. »
Selon lui, « l’art contemporain, ce n’est qu’une doxa, une rhétorique. » Et de constater que la peinture figurative a du mal à se faire une place au sein des galeries françaises : « Il y a de bons peintres figuratifs mais ils ne sont pas très connus. Beaucoup de jeunes gens, notamment des femmes, ont du mal à s’en sortir, surtout quand ils font de la peinture figurative. »
Il revient sur ses premières œuvres : « Pour la série Coco Mato, je n’avais pas de papier, je ne pouvais pas m’acheter de la toile, je travaillais sur des papiers journaux ou des papiers de mauvaise qualité. J’étais vraiment très pauvre. » Ces premières œuvres étaient exclues du marché de l’art.
« C’étaient des objets avec les moyens du bord, très humbles, qui témoignaient de la poésie mystérieuse des rapports humains dans une société à part. »
Il pense qu’un peintre ne devrait pas parler de sa peinture : « Je n’aime pas traduire mes tableaux, je n’aime pas en parler non plus, car je trouve que le peintre fait sous-titre à son tableau. C’est le principe même de notre époque, on connaît tout des peintres. J’aurais aimé être comme étaient les peintres anciens dont on ne connaît rien… » « Martial Raysse »
au Palazzo Grassi à Venise, jusqu’au 30 novembre 2015
Le Palazzo Grassi a été construit entre 1748 et 1778, selon un plan dont le centre est occupé par une cour couverte où la lumière naturelle entre largement, comme elle entre dans les salons sur le Grand Canal. Un escalier double monte à la galerie du premier étage, suite d’arcades en balcon au-dessus de la cour. Les salles sont de proportions variées, en enfilade ou en angles. Il y a de l’espace et donc la possibilité de considérer les toiles les plus vastes de loin et de près.
Caroline Bourgeois, commissaire de l’exposition, a pris le parti pour Raysse, de ne pas disposer les pièces selon leur date d’exécution, de la plus précoce à la plus récente, mais selon un agencement harmonieux.
Dès l’entrée, la cour est occupée par de grandes vitrines où voisinent des assemblages pop d’il y a un demi-siècle, des bricolages d’hier, des objets détournés, des petits assemblages nés de la récupération de trois fois rien, des bronzes presque baroques et des ready-made de plastique. Une sorte de salle à manger-salon de nos grands parents.
D’autres de ces reliquaires sont dispersés au fil du parcours, de même que des néons et les films. Ils sont tous de la même veine, le Raysse ancien ou récent, avec ses calembours, ses sous-entendus, ses blagues, ses sarcasmes, ses titres pétiques. Il précise qu’il a utilisé les néons avant les artistes américains, car pour lui c’était nouveau, alors que l’Amérique était inondée de néons à cette époque. (années 60)
Quelques ensembles sont réunis sur un thème ou un genre, la baigneuse – il y a foule de baigneuses chez Raysse, à toutes les périodes –, le portrait – féminin y domine –, les mythes antiques – tels quels ou modernisés. Qu’ils dominent ne surprend pas, tant l’artiste s’y est régulièrement consacré. Mais d’autres, demeurés moins visibles, se manifestent grâce aux rapprochements.
Dans la campagne il choisit ses modèles, chiens, coqs, cygne, paysans, carnaval, qu’il associe à des fêtes médiévales.
Modello pour Ici Plage, comme ici bas
A la cafétéria on voit Martial Raysse, 80 ans, dansant, dans une vidéo, heureux, d’avoir pu exposer au Palazzo Grassi, ravi de l’opportunité que lui a offerte François Pinault, de donner à voir ses oeuvres à la lumière naturelle, qui lui semble de ce fait, des nouveaux tableaux, dans un écrin si prestigieux.
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