Le Musée Würth présente une riche sélection d’oeuvres du peintre et sculpteur colombien Fernando Botero. Cet ensemble, issu de la Collection Würth et de l’atelier de l’artiste, couvre une période allant des années 1960 jusqu’à aujourd’hui.
C’est suite à l’abandon de sa formation dans une école taurine colombienne que le jeune Fernando Botero (vidéo l’Alsace) s’oriente vers la peinture et le dessin à la fin des années 1940. La décennie suivante sera marquée par des séjours d’étude à Madrid, Paris et Florence, durant lesquels il copie sans relâche les grands maîtres de la peinture espagnole et de la Renaissance italienne. Il trouve dans les peintures et les fresques de Fra Angelico, Piero della Francesca, Uccello ou encore Raphaël, des aspects qu’il intégrera dans ses recherches artistiques : une régularité des formes épurées et simplifiées, le rôle central joué par la figure humaine dans la composition, une représentation presque statique des personnages. Un tournant décisif intervient en 1956 avec Nature morte à la mandoline : Botero découvre l’importance de communiquer le volume de l’objet et n’hésite pas à lui donner un caractère monumental.
Dès lors, son style unique se révèle dans des formes rondes et généreuses, ses personnages acquièrent une volupté toute baroque et ses natures mortes aux fruits surdimensionnés une extravagante opulence.
L’exposition aborde différentes thématiques chères à l’artiste : la tauromachie, le cirque, l’Amérique Latine, la nature morte ou les références à l’histoire de l’art. Dans toutes ses oeuvres, le comique, voire la satire, le dispute à la tristesse. La sérénité apparente qui s’en dégage est fragile et souvent empreinte d’une signification sociale et culturelle.
Boterosutra*
La série intitulée Boterosutra aujourd’hui exposée au Musée Würth, est, comme le révèle non sans humour le titre, inspirée du Kâma-Sûtra, recueil d’aphorismes sanscrits sur le désir. Dans cet ensemble peu conventionnel, Botero reste fidèle à son style figuratif naïf et voluptueux, représentant dans plus de 80 dessins, peintures et sculptures un couple faisant l’amour dans une grande variété de positions. Boterosutra évoque, de façon paisible et contenue, l’interaction rythmique entre deux corps. Le corps, le nu et la sensualité ayant toujours occupé une place importante chez Fernando Botero, on ne s’étonne pas de voir abordé ici le thème de l’érotisme.
*cette section est déconseillée aux moins de 14 ans
Extraits :
C’est la seconde fois que la Collection Würth consacre à Fernando Botero une exposition qui présente un ensemble inédit de ses travaux¹. Il s’agit aujourd’hui de son cycle Boterosutra. Les variations de l’artiste colombien évoquent le titre du plus ancien traité hindou d’amour érotique, le Kâma-Sûtra composé en sanskrit au IIIᵉ siècle par Vâtsyâyana Mallanâga, alors qu’il vivait à Bénarès et se vouait à l’étude de la tradition védique […]
Si l’on veut parler des travaux qui composent Boterosutra, il est indispensable de revenir encore une fois sur ce précédent ensemble 1 [Abu Ghraib], car sans Abu Ghraib, il est difficile d’imaginer que cette nouvelle série aurait vu le jour. Après les impitoyables accusations que l’artiste avait peintes et dessinées avec une fureur sans pareille, il lui fallait une possibilité de se délivrer de ce cauchemar. Qu’est-ce que Botero a en vue lorsqu’il crée ces nouvelles oeuvres ? Certainement plus qu’apporter son écot ou sa note personnelle à l’industrie du coït et à l’exhibition des corps nus […]
Fernando Botero s’est toujours intéressé au nu et l’on ne saurait s’en étonner. Le corps, dans sa pleine dimension de sensualité, forme le thème majeur de son art et le trait caractéristique de ses peintures et de ses sculptures, au point d’être devenu sa marque de style, parfaitement reconnaissable et impossible à confondre […] Il dit qu’il fait enfler les formes pour les doter de plénitude. En revanche, l’épaisseur, la corpulence ne l’intéressent pas du tout comme telles […]
La série regorge d’allusions à l’histoire de l’art, à Jacob Jordaens, Peter Paul Rubens, Degas ou Picasso par exemple, et l’on ne saurait manquer de voir qu’ici ou là, une tête rejetée en arrière renvoie à la ferveur que Jean-Auguste-Dominique Ingres a su exprimer dans son tableau de Jupiter et Thétis (1811)
Ce sont également des plaisirs anti-platoniques qui nous attendent à chaque pas dans les romans de Vargas Llosa. L’écrivain ne renvoie-t-il pas lui-même à l’équation, courante dans le monde hispanique, qui associe le beau (hermoso) avec les formes pleines d’une personne bien nourrie ? C’est à Vargas Llosa que l’on doit d’ailleurs une formule frappante : selon lui, Botero procède dans ses créations à un « traitement “cannibale” de l’art européen ». Un tel projet met au jour un principe de plaisir qui ne peut qu’affoler le puritanisme […] Ce qui se dégage de la matérialité débordante de Botero où l’oeil mord à belles dents n’est pas sans rapport avec l’étrange et inquiétante fascination pour la
« beauté comestible » à travers laquelle Salvador Dalí et Luis Buñuel ont célébré l’exaltation de la chair, avec le biomorphisme à couper le souffle qui éclate dans les sculptures réalisées par Picasso à la fin des années 1920, quand Marie-Thérèse Walter posait pour lui […]
¹ C’est lors de l’exposition Fernando Botero, présentée à la Kunsthalle Würth de Schwäbisch Hall en 2005-2006, que l’ensemble de peintures et de dessins intitulé Abu Ghraib aura en effet été montré pour la première fois au public. Par la suite, l’artiste a fait don intégral de ces oeuvres à l’Université de Berkeley.
Extraits :
Lorsque Fernando Botero était enfant, la tradition qui assimile l’abondance à la beauté était très vive en Amérique latine […] Les formes exubérantes des artistes coiffées d’un chignon haut qui chantaient des boléros, dansaient la huaracha et portaient des vêtements serrés qui gonflaient leur poitrine et grossissaient leurs fesses avec une vulgarité étudiée […] ont dû rester ancrées dans le subconscient de l’enfant de Medellín. Plus tard, elles se mêleraient dans une alliance insolite, aux vierges et madones du 15e siècle italien, aux pieds desquelles Botero atteignit la maturité artistique […] Tout, dans l’art de Botero, résulte de la même alchimie entre la tradition esthétique occidentale, qu’il étudia avec passion en Italie, et l’expérience de l’Amérique latine provinciale, exubérante et vitale, de sa jeunesse […]
À la différence de ce qui se passe avec l’existence humaine, le monde de Botero est un monde gelé, un temps devenu espace. Ses fruits, ses êtres humains, ses animaux, ses arbres, ses fleurs sont arrivés à pleine maturité, avant de commencer à pourrir, s’oxyder, moisir ou mourir. Ce moment de surabondance est celui que la peinture de Botero fige dans l’éternité, l’arrachant au temps, c’est à dire à la dégradation. Ce temps suspendu est celui de la mémoire et de la nostalgie, un passé […]
Le monde de Botero est américain, andin, provincial, parce que ses thèmes inventent une mythologie à partir des images emmagasinées dans sa mémoire depuis l’enfance […] Un monde de gens bien habillés, de routines strictes, de messieurs, des avocats à n’en pas douter, à lunettes et aux cheveux gominés, qui se coupent la moustache au millimètre près, portent un gilet et ne quittent jamais leur cravate. Les jeunes filles adorent les uniformes d’opérette des militaires et les vieilles femmes les habits mordorés des curés et des religieuses. Les distractions sont rares […] Ce monde réprimé, machiste, aux instincts bridés par la religion et le qu’en dira-t-on, se déchaîne dans cette institution maudite et désirable, aussi solide que la famille, son alter ego, où l’on se rend la nuit en cachette : le bordel.
Là, l’avocaillon pointilleux et le fonctionnaire ponctuel, le dévot rentier et le militaire autoritaire peuvent laisser sortir les démons qu’ils occultent devant leurs familles et en journée, et jouer de la guitare, raconter des cochonneries, s’enivrer jusqu’à perdre tout discernement et forniquer comme des crapauds […]
Sa fascination pour le 15e siècle italien ne fut pas due uniquement à la générosité artistique offerte à son admiration mais aussi au fait qu’à travers cette richesse lointaine, il découvrait et valorisait sa propre richesse. En d’autres termes, une forte disposition pour le « réalisme » et contre l’abstrait, pour « le concret » et « le précis », pour un monde dans lequel la « quantité » jouerait un grand rôle et où les thèmes et les motifs constitueraient une mythologie dont la filiation et les racines sont typiquement de la classe moyenne […]
Botero peint comme s’il faisait l’amour ou dégustait un mets. Tout ce qu’il dessine, peint ou sculpte, par le fait d’être dessiné, peint ou sculpté, réveille sa solidarité et son affection et est exalté. La célèbre expression de
Saint John Perse, « je parle dans l’estime », pourrait être sa devise. « Je peins dans l’estime », autrement dit dans l’enthousiasme et la ferveur pour les êtres et les choses du monde […]
Catalogue de l’exposition :
► Fernando Botero – Boterosutra
«Sur le trampoline de l’amour» de Werner Spies
© 2015 les auteurs, Forum Würth Rorschach,
Musée Würth France Erstein et Swiridoff Verlag, Künzelsau
© Fernando Botero
ISBN 978-3-89929-309-8
Livret de traduction française
Format : 24,5 X 16,5 cm – 16 pages
Tarif : 29,50 €
Jusqu’au 15 mai 2016
Horaires
► Du mardi au samedi, de 10h à 17h
► Dimanche, de 10h à 18h
Tarifs
► Normal : 6 €
► Réduit : 4 €
► Gratuit : handicapés, scolaires, Pass Musées
► Samedi : entrée libre
Une riche PROGRAMMATION CULTURELLE
à consulter sur le site du musée. à consulter et télécharger
ainsi que des cours d’histoire de l’art
Cycle de cours d’histoire de l’art (1/6)
Mercredi 21 octobre à 18h30
Fernando Botero
– Bonjour Monsieur Botero
Le musée propose d’octobre à avril 2016 un cycle de six cours sur l’art contemporain. Destinés à un large public, ces cours seront l’occasion de parcourir les grands mouvements et tendances artistiques des XXe et XXIe siècles, et de découvrir de manière approfondie les artistes dont les œuvres sont exposées au Musée Würth.
Conférence n°1 : Les artistes d’Amérique Latine
Tarif : 65 € le cycle de 6 cours ou possibilité de choisir les cours, à raison de 15 € le cours (payables avant le cours à l’accueil du musée)
Renseignements au 03 88 64 74 84 ou mwfe.info@wurth.fr
Télécharger ici le programme 2015-2016 et la fiche individuelle d’inscription
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