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Jusqu’au 26 janvier au Centre Pompidou
Nuages noirs annonciateurs de ces temps troubles ?
Lauréate du prix Marcel Duchamp 2013, Latifa Echakhch (vidéo) a tout particulièrement séduit le jury par la manière dont elle sait activer le potentiel de l’espace qu’elle investit. À l’invitation du Centre Pompidou, avec le soutien de l’ADIAF, l’artiste présente dans l’Espace 315 une installation inédite qui questionne les notions d’envers du décor, de décorum et de trace. Composée de plusieurs éléments sculpturaux, l’exposition s’impose comme un ensemble. L’artiste s’est attachée à bâtir une scène dramatique. Entre ciel et terre, elle transforme l’espace de l’exposition en un paysage dense et onirique, suspendu, entre chien et loup. Au fil de ses déambulations, le visiteur y découvre des fragments d’histoire, des objets presque dérisoires, kitsch, des souvenirs d’enfance puisés dans les tréfonds d’une mémoire et plongés dans l’encre noire. Pour susciter différentes expériences sans chercher à imposer sa voie, l’artiste offre au spectateur un voyage où les sensations et émotions provoquées par le jeu des formes font le guide.
Entretien.
– Vos œuvres entretiennent un rapport étroit à l’espace. Les murs n’y sont plus des supports mais des « réserves » qui participent pleinement à l’œuvre. Comment et dans quel but avez vous appréhendé l’Espace 315 au Centre Pompidou ?
– Latifa Echakhch – J’ai appréhendé l’Espace 315 en m’intéressant principalement à sa forme. C’est un rectangle allongé, une sorte de boîte qui m’évoquait un peu l’idée d’une
« camera oscura » où l’image est inversée. Dans l’exposition, les nuages flottent ainsi légèrement au-dessus du sol, et le parquet très brillant redouble encore cette impression de basculement. J’ai en quelque sorte cherché à étirer/condenser un paysage dans le lieu, afin de jouer avec différents plans ou strates de lecture, et différentes échelles.
– Que signifient ces nuées ?
– LE – Ces nuages n’ont pas une signification arrêtée, précise. Ils permettent une forme de condensation. Il s’agit d’offrir une seule et même vue d’un ensemble, comme un paysage de bord de lac où l’on peut voir le ciel, l’eau et les berges se refléter les uns sur les autres, les uns dans les autres. Il y a ici un jeu avec le haut et le bas, le recto et le verso. Un jeu de basculement qui permet une forme de synthèse, et concourt à créer une sensation onirique tout en attirant l’attention du visiteur sur les sculptures.
– Et la couleur noire ? Son usage est très présent dans votre œuvre.
– LE – Je l’utilise comme un filtre. Le noir renvoie à la fois à l’idée d’un temps d’action passé et arrêté, ainsi qu’à un ensemble en puissance de gestes à venir.
Par Jean-Pierre Bordaz, conservateur, musée national d’art moderne, commissaire d’exposition.
Propos recueillis par Stephane Hussonnois-Bouhayati.
Commissaire : Mnam/cci Jean-Pierre Bordaz
photos de l’auteur
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