Hokusai Katsushika (1760-1849)
« Depuis l’âge de 6 ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets.
vers l’âge de 50 ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté.
C’est à l’âge de 73 ans que j’ai compris à peu près, la structure de la nature vraie des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes.
Par conséquent à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à quatre-vingt dix ans, je pénètrerai le mystère des choses ; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant ».
Mort à l’âge de 90 ans, il est enterré dans le temple bouddhique de Saïkiodji à Tokyo. Il sera resté toute sa vie un artiste du peuple, ignoré et même souvent honni par la classe aristocratique.
Né dans un faubourg d’Edo, sur la rive orientale du fleuve Sumida, sous le nom de Tokitar, Hokusai est adopté à l’âge de trois ans par un artisan d’art, fabricant de miroirs à la cour du shogun. Ayant développé très tôt un don pour le dessin, il travaille d’abord chez un libraire puis entre en apprentissage chez un xylographe de 1773 à 1778. Il devient ensuite l’élève de l’illustre chef d’atelier populaire Katsukawa Shounshô, spécialisé dans les estampes – jusqu’en 1790. Il étudie aussi les oeuvres des grands artistes anciens, et en particulier celles d’Itshio.
L’exposition
Le parcours suit la chronologie de la longue vie de Hokusai, ponctuée de multiples changements de noms. La densité des salles d’exposition et des différents types d’oeuvres qui y sont présentées est relative à celle de la production de l’artiste aux différentes périodes de sa vie.
Hokusai et la France
La première salle de l’exposition aborde l’oeuvre de Hokusai par le biais de la réception qui en fut faite en France dans la seconde moitié du XIXe siècle, elle constitue en cela une introduction au parcours monographique qui se déroule ensuite, revenant sur le profond choc culturel que constitua pour les Occidentaux la découverte de l’art japonais à partir de la fin des années 1850. En 1856, C’est la découverte d’un volume des Manga de Hokusai par Félix Bracquemond qui marque le début de l’engouement pour Hokusai. Il est séduit par ce thème qui fera de lui l’initiateur de la vogue du japonisme en France à la fin du XIXe siècle. Thème repris par Monet qui couvrit sa cuisine d’estampes et aménagea son jardin, ou encore Cézanne qui peignit sa Montagne St Victoire
comme les multiples du Mont Fuji de Hokusai. L’œuvre orchestrale du compositeur français Claude Debussy : la Mer, dont la Couverture de l’édition originale de 1905 reproduisait La Grande Vague de Hokusai.
Dans son sillage, peintres et dessinateurs trouvent dans ces dessins saisissants de vie, comme dans les Trente-six vues du mont Fuji, un vocabulaire nouveau à étudier, à copier, à transposer dans leurs propres réalisations.
Cinq noms pour un même artiste
Son nom sonne comme la promesse d’un voyage, dans le temps, dont nous occidentaux, malgré la séduction immédiate, n’avons pas les codes.
L’exposition suit les différentes périodes d’Hokusai, et s’intéresse à son œuvre par un biais chronologique. Logique, quand on sait que l’artiste s’est maintes fois réinventé, jusqu’à modifier son nom. Lorsqu’il change de patronyme, il transmet l’ancien à l’un de ses élèves. Il est d’abord Katsukawa Shunrō, dessinateur d’estampes commerciales qui représentent des acteurs de kabuki ou des scènes de la vie quotidienne.
Il devient ensuite Sōri, créateur de calendriers raffinés et de gravures. En 1805, le nouveau siècle lui apporte une nouvelle identité, celle de Katsushika Hokusai, peintre et illustrateur. C’est sous le nom de Taito qu’il élabore l’une de ses pièces maîtresses, le Hokusai Manga, manuel d’apprentissage qui montrent aussi bien les hommes que la nature et les animaux. En 1820, il change de nouveau de nom et devient Iitsu. C’est pendant les quatorze années durant lesquelles il porte ce nom qu’il réalise ses plus célèbres estampes : les Trente-six vues du mont Fuji et les superbes Voyages au fil des cascades des différentes provinces, allégories du temps qui passe à travers la nature changeante, se consacrant essentiellement à la conception de ces fameuses
« estampes du monde flottant » (ukiyo-e). Naissent alors les grandes séries qui feront ensuite sa célébrité, au premier rang desquelles les Trente-six vues du mont Fuji.
C’est surtout la manière dont Hokusai se dégage des contraintes du genre qui fait la modernité de ses grands ensembles : contrairement aux usages, les estampes de paysage conçues par Hokusai ne s’appuient pas sur des sites clairement identifiables, illustrant davantage les métamorphoses du motif choisi. La période Iitsu se caractérise aussi par un regain d’activité dans le genre du surimono, ainsi que par l’originalité et la force de ses peintures. Que ce soit dans ses premières estampes ou dans ses œuvres les plus célèbres couleurs bleu de Prusse, Hokusai s’intéresse avant tout à la nature. Si ses premiers modèles ont été les courtisanes ou les acteurs de Kabuki, très vite ce sont les paysages et les animaux qui imprègnent ses travaux.
Du mont Fuji, montagne sacrée et symbole de beauté par excellence, aux cascades japonaises, immenses face aux êtres humains, en passant par les tigres, les pivoines, les bouvreuils et les canaris qui hantent ses estampes, celui qui voulait vivre plus de cent ans a réussi à signer une oeuvre éternelle, délicate et poétique, quelquefois caricaturale aussi. Dans les célèbres Trente-Six vues du mont Fuji, il réussit à fixer de manière extrêmement intense l’aspect à la fois éternel et fragile de la vie.
La Grande Vague de Kanagawa (1831). Elle exprime de façon parfaitement harmonieuse, l’opposition entre le yin – le ciel lumineux, calme et limpide – et le yang – la mer, brutale et obscure, qui reflète l’impuissance humaine. Les pêcheurs, petits visages blancs, répartis dans trois barges, ballotés par les flots, s’apprêtent à être engloutis par la gigantesque vague, certainement un typhon, révélant une condition humaine éphémère face à la nature capricieuse. N’a-t-elle pas l’aspect d’un dragon griffu qui menace sa proie ? Hokusai aime à exprimer ce rapport ambivalent de l’homme à la nature.
À la fin de sa vie, il prend le nom de Gakyō Rōjin Manjin. Au crépuscule de son existence, il rêve de vivre encore des années pour terminer sa production.
Entre les 2 parcours, une vidéo montre la technique de l’estampe.
01 Octobre 2014 – 18 Janvier 2015 Grand Palais, Galeries nationales
Relâche du 21 au 30 novembre 2014 Katsushika Hokusai (1760-1849) est aujourd’hui l’artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. Son oeuvre peint, dessiné et gravé incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement ses estampes de paysages, synthèse remarquable entre les principes traditionnels de l’art japonais et les influences occidentales. Conçue en deux volets, l’exposition présente 500 oeuvres exceptionnelles, dont une grande partie ne quittera plus le Japon à compter de l’ouverture du musée Hokusai, à Tokyo en 2016.
commissaires : Seiji Nagata, spécialiste de Hokusai, Directeur du Katsushika Hokusai Museum of Art, en collaboration avec Laure Dalon, conservateur du patrimoine, adjointe du directeur scientifique de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais. scénographie: agence DGT Dorell.Ghotmeh.Tane / Architects
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