Ce dimanche a démarré en douceur à la Kunsthalle de Mulhouse, pour la visite de la dernière exposition de Lorenzo Benedetti, « Les sculptures meurent aussi » La Kunsthalle mulhousienne a fait le choix d’une politique d’exposition que l’on peut aisément qualifier d’austère… Ce qui ne dispense pas l’amateur d’art contemporain d’aller à la découverte.
Le lieu a reçu récemment l’onction ministérielle de Frédéric Mitterrand. Comme pour les deux précédentes, le commissaire italien demeure dans une cohérence du choix, privilégiant le questionnement sur la matière et l’objet à travers une famille d’artistes conceptuels ou minimalistes.
Avec « les sculptures meurent aussi », référence au film (1953) de Resnais et Marker, Lorenzo Benedetti invite à s’interroger sur la dimension du temps dans les œuvres mais aussi sur le temps comme matériau : « Ces œuvres s’intéressent davantage à la métaphore du cours du temps qu’à la problématique de la matérialité. »
Les Sculptures… réunit sept artistes internationaux dont la démarche repose sur la mémoire et le souvenir (les petits totems très «arte povera» de Francesco Arena portant les portraits de Darwin, Kafka, Hannah Arendt etc.), la fragilité (Alex Cecchetti et sa « pyramide » de plaques de verre mais aussi des interventions sur des statues du parc de St Cloud), le débris ou les objets rejetés par la société (Oscar Tuazon et la grande sculpture en poutres de bois), les répliques d’un monde absent ou disparu (Guillaume Leblon), la distance infranchissable entre l’objet et sa trace (Michael Dean) ou les objets glanés (Ida Ekblad)…
Enfin, il y a Fountain, une installation de cinq containers industriels contenant, chacun, 1000 litres d’eau de la fameuse Fontaine de Trevi à Rome. Mandla Reuter travaille sur les relations entre l’intérieur et l’extérieur et sur l’identité et la dissociation de l’espace. Prélevée dans la fontaine, cette vraie eau constitue une sculpture en « mouvement » et accessoirement l’occasion d’un hommage fellinien à la… sculpturale Anita Ekberg.
texte Pierre-Louis Cereja , l’Alsace le Pays.
Pour nous conduire, une cinquantaine de personnes vers le FRAC Alsace de Sélestat, où
« L’Art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un devoir »
(Max Jacob, Conseils à un jeune poète, 1945)
2 charmantes personnes, pleines d’attention, Clarisse chargée de la communication à la Kunshalle et Sophie chargée de comm au Lézard de Colmar. Durant tout le parcours elles nous dévoilent la suite du programme, avec compétence et gentillesse, force documentation, vidéos etc….
C’est Anne-Virginie Diez dont la compétence n’est plus à démontrer qui nous accueille.
Cette exposition est construite à partir d’œuvres de la collection du Frac Alsace. Celles-ci renvoient à des choix artistiques affirmés et à la conduite de projets de direction qui encadrent le développement des Frac. Elles sont également destinées à une diffusion vers des publics larges. À ce titre, elles ont été inscrites par le Frac Alsace dans son nouveau dispositif de diffusion par ensembles thématiques Expomobiles. Les œuvres choisies ici sont principalement empruntées aux ensembles J’ai toujours rêvé d’être un artiste et C’est arrivé près de chez vous. Le premier témoigne de la fondamentale liberté d’invention formelle des artistes. Le second rassemble des œuvres dont le ressort est d’engager un face-à-face critique et tendu avec la réalité et l’actualité. Sont également présentés dans cette exposition l’atelier de mise en peinture monté par le peintre Franck Bragigand en partenariat avec l’association Envie à Strasbourg et l’intervention artistique de la photographe Fernande Petitdemange au Lycée d’Enseignement Général et Technologique Agricole d’Obernai.
Cette exposition a donc valeur de témoignage de l’autonomie des œuvres d’art et de leur irréductibilité aux discours, autant que de dispositif critique des missions d’un Frac. Comme toute démarche de sensibilisation, elle interroge la responsabilité de l’institution à énoncer des discours sur l’art et leur valeur face à l’œuvre. Les discours véhiculent des clés de lecture, quand parfois l’intuition et le regard suffiraient. Comment donner accès aux potentiels de savoir et d’expérience d’une œuvre, qui par essence procède d’une pensée transversale et paradoxale ?
Olivier Grasser – Directeur du Frac Alsace
C’est ainsi que l’on voit une vidéo de Pascal Bernier, où après les avoir scotchées il massacre allègrement des fleurs. Nous assistons au désastre impuissants, mais qui n’a pas eu envie de faire plus que d’effeuiller une marguerite ?
Le travail de Franck Bragigand repose sur une démarche artistique où les objets du quotidien sont élevés au rang d’oeuvres d’art. Depuis plusieurs années, l’artiste collabore avec Envie, association de réinsertion sociale spécialisée dans le traitement et la valorisation de matériel électroménager destiné à la vente. Sollicité en 1999 par l’association strasbourgeoise ACECA pour participer à une exposition à l’occasion des dix ans d’Envie à Strasbourg,
Franck Bragigand a proposé une idée somme toute originale: mettre en peinture chez Envie et par ses personnels des réfrigérateurs d’occasion, pour les inscrire ensuite dans son réseau de diffusion commerciale. Suivant des procédures et une technique déterminées par l’artiste, une peinture monochrome et épaisse est appliquée sur les réfrigérateurs. Ceux-ci sont ensuite proposés à la vente.
Franck Bragigand transforme ainsi un objet fabriqué à des milliers d’exemplaires en oeuvre d’art unique. À partir de cette expérience, l’artiste réalisa des productions ponctuelles de ces réfrigérateurs. Il faut souligner que le travail est exéuté en milieu clos, sans souci de la toxicité de la peinture.
Sophie Staklin
À la façon dont on composait jadis un herbier, Fernande Petitdemange entretient avec les plantes qu’elle sélectionne un rapport d’intimité privilégié. Le soin qu’elle a de les cueillir, de les suspendre dans le vide pour les faire sécher, puis de les disposer bien à plat sur un fond résolument blanc pour en tirer une image photographique participe d’une procédure quasi clinique qui vise à faire surgir de ses modèles quelque chose d’une troublante beauté.
Dans le droit fil d’une photographie dite « objective », mais paradoxalement teintée d’énigme, la série des douze Étrangers anonymes de Fernande Petitdemange s’offre à voir comme autant de figures méticuleusement décrites. Il semble y aller d’un soin tout à la fois d’anatomie et de dissection et le résultat plastique le
dispute au dessin d’analyse.
Philippe Piguet
Frank Scurti, un bâton fabriqué à l’aide de cannettes de soda recouvertes d’une peau de serpent, tel un ready-made du bâton de Cadéré.
Paul Pouvreau, Natures mortes et tableaux vivants, les photographies de Paul Pouvreau cultivent le singulier et l’incongru. Familières d’un travail de composition qui les fait appartenir à la photographie plasticienne, elles sont toujours au bord de quelque chose, entre visible et insensible, entre invisible et sensible. Son art qui consiste à mettre en jeu tant les stéréotypes culturels que les codes visuels, sociaux et économiques de notre
environnement vise à faire de notre monde le théâtre d’un quotidien déroutant et dérisoire, l’artiste n’ayant pas son pareil pour créer des images où la fiction le dispute à la réalité sans que l’on ne sache plus vraiment laquelle est l’une, laquelle est l’autre.
à suivre
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