Au Kunsthaus de Zurich (jusqu’au 30 août), vous êtes accueillis, par un cuisinier jaune, vêtu impeccablement, présentant un plat de côtellettes, de pommes de terre et de pois sur un fond en image d’une auberge noire, une sculpture lumineuse de Katharina Fritsch, sur une sérigraphie sombre de l’auberge «Schwarzwaldhaus. Dans un angle se trouve un petit Rattenkönig (Le Roi de Rats) qui est le résultat d’une expérience tout-à-fait ordinaire, mi-dégoût, mi-fascination, vécue par l’artiste à la sortie de service d’une institution d’art new-yorkaise. Elle se trouva face à un trou à rats. Cela lui suggéra la légende et les contes parlant d’une pelote trônant au croisement de queues de rats noyés, foyer d’infection et pullulement démoniaque. »
Un cœur immense formé d’un tapis de pièces de monnaie évoque d’emblée l’idée de commerce.
Le musée serait-il devenu auberge où l’on consomme sans mesure, idée confirmée par la
« Tischgesellschaft, 1988 » ou une tablée de 32 clones, vêtus de noir à la peau blanche, les mains posées sur une nappe à losanges rouges et blancs vous restitue une curieuse perspective, presque vertigineuse. Le rendu est tellement parfait qu’il me fallut vérifier, à l’insu du gardien j’ai touché, ce sont bien des sculptures en polystyrène et bois, il n’y a que la nappe qui est en coton. La sensation confuse d’un imaginaire mêlant humour et consommation se confirme avec « Warengestell mit Madonnen, » 1987/89, (poussez jusqu’à 3/3) le présentoir des madones en gips peintes en jaune, telle une marchandise en promotion pour lieux de pèlerinage. Joue-t’elle sur les croyances populaires, les peurs, telle cette Sainte Catherine noire, au cœur très visible, sur fonds de sérigraphie verte.
Dans la salle voisine, Mary Poppins, “Frau mit Hund, Schirme und Paris-Postkarten, 2004 » constitué de pétales de roses, d’après le catalogue, qui ressemblent plutôt à des coquilles St Jacques, la forme du visage très connotée, qui évolue gracieusement dans un paysage de sérigraphies, monochromes, de Tour Eiffel, de Champs Elysées, de café-croissants, de bouteille de vin. Le caniche blanc est à son image, la queue a la forme d’un escargot, les ombrelles accrochées au plafond semblent flotter dans un passé révolu et donnent un aspect léger et aérien à cet espace.
Puis il y a le géant blanc avec sa massue devant une vallée verdoyante qui évoque la naissance des mythes.
Puis on croise l’éléphant vert sur socle, qui n’a rien a envier par sa taille à ceux que j’ai vu au musée de la nature à New York, à part que celui-ci est unique.
Dans l’un des derniers groupes Katharina Fritsch invite dans une chambre à coucher. Il y a un grand lit blanc décoré avec des confettis, dit «lit français». Comme si un époux, créateur dans l’attente, avait posé des confettis colorés en forme coeur, à la place des yeux et de la bouche sur le couvre-lit. Au mur des sérigraphies monochromes de playboys, sur la plage d’ Ibiza, à la plastique avantageuse, nus ou à peine vêtus.
La table de nuit, avec un lapin et Donald, un papier peint avec des dynosaures et des tableaux encadrant des oiseaux.
Fantasme de l’artiste ou souvenirs du passé?
Toujours dans la continuité de consommation, le frigo bardé d’autocollants.
Puis la pièce la plus surprenante une superbe pieuvre orange sur son socle, tenant dans une tentacule, un tout petit homme vêtu de son scaphandre, ayant l’air de se débattre en vain, à côté d’un crâne coiffé d’un haut de forme, suprème vanité. Tentation de manipuler l’autre, l’homme ?
Si l’on se réfère aux sérigraphies environnantes, KF. Se serait inspiré d’un fait divers qui se serait passé au zoo de Londres, un boa avalé par un python, puis passager précipité d’un bateau, un dame dans son lit affublée d’une chauve souris et un autre trio de dames pratiquant la fumette, tout cet assemblage sorti du cerveau blanc sur socle de l’artiste ? Onirique, déroutante, l’exposition des figures et des objets est présentée comme dans la décoration soignée d’une vitrine de grand magasin. Toutes ses sculptures et petits éléments sculpturaux à caractère d’objet ne sont cependant pas des copies de productions de masse glanées dans le commerce, mais des artefacts lissés, purifiés, idéalisés.
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