Dans la saison proposée par l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, nous avons pu entendre ces dernières années de brillants interprètes du violoncelle tels qu’Anne Gastinel, Jean-Guihen Queyras, Sonia Wieder-Atherton, Henri Demarquette, Wenn Sinn Yang ou Wolgang Emmanuel Schmitt.
Formé par Maurice Gendron et Philippe Muller, Xavier Philips participa au concours Rostropovitch et tissa des liens avec ce grand maître avec qui il travailla de nombreuses années. Ce week-end, il interprétait magnifiquement ce concerto avec l’Orchestre Symphonique de Mulhouse qui était dirigé pour l’occasion par Stefan Blunier.
Parmi les différents concertos pour violoncelle, le concerto de Dvorak est sans aucun doute le plus populaire pour le public. La période romantique —le XIXe siècle— va être particulièrement profitable au violoncelle avec des œuvres écrites par Johannes Brahms, Robert Schumann, Édouard Lalo, Camille Saint-Saëns, Antonín Dvořák, Jacques Offenbach (1819-1880) (qui jouait magnifiquement bien du violoncelle quand il ne composait pas d’opérettes).
Dans ce contexte, Dvorak (1841-1904) apparaît comme un compositeur romantique par excellence. Ses origines font de lui le successeur d’un autre compositeur tchèque, Smetana et ses influences musicales ont été déterminées par des rencontres avec Brahms et Liszt.
Fils d’aubergiste, il se prend de passion pour la musique dès son plus jeune âge en jouant du violon avec son instituteur du village; en 1857, l’un de ses oncles l’inscrit dans la classe d’orgue du conservatoire de Prague.
Tour à tour altiste à l’opéra de Prague puis organiste, il progresse dans son apprentissage de la composition et se fait connaître du public praguois en produisant sa cantate patriotique : Hymnus. Cette oeuvre tente d’animer un mouvement de renaissance nationale où la musique concourt au redressement patriotique.
D’abord professeur de composition au conservatoire de Prague, Dvorak connaît une renommée croissante et internationale, particulièrement en Angleterre où il effectue une dizaine de voyages entre 1884 et 1896 et aux Etat-Unis où on le nomme directeur du conservatoire de New York entre 1892 et 1895.
Son expérience de musicien d’orchestre lui permet de découvrir un vaste répertoire classique et contemporain. Il joue sous la baguette de Bedrich Smetana, Richard Wagner, Mily Balakirev.
Célèbre dans tout le monde musical, il est nommé de 1892 à 1895 directeur du Conservatoire national de New York. Il y tient une classe de composition. Sa première œuvre composée aux États-Unis, est la 9e symphonie dite « Du nouveau Monde ». Son succès est foudroyant et ne s’est jamais démenti depuis sa première audition.
Son séjour en Amérique du Nord voit naître d’autres compositions très populaires comme le 12e Quatuor et le merveilleux Concerto pour violoncelle, qui sera terminé en sol européen.
La fin de sa vie est surtout consacrée à la composition d’opéras dont le plus célèbre reste Rusalka, créé en 1901. Pendant cette période, il dirige également le Conservatoire de Prague.
Sa musique est colorée et rythmée, inspirée à la fois par l’héritage savant européen et par l’influence du folklore national tchèque mais aussi américain (negro spirituals ou chansons populaires). Dvořák est l’un des rares exemples de compositeur romantique ayant abordé avec succès tous les genres, à la seule exception du ballet. Bien que sa musique ait eu du mal à s’imposer en France, Dvořák était considéré de son vivant comme un personnage de stature internationale.
Le Concerto pour violoncelle n° 2 en si mineur est une oeuvre toute imprégnée de la nostalgie de l’exil puisqu’il à été composé par Dvorak dans sa période américaine et profondément inscrit dans ses racines nationales. Très intériorisé, lyrique, le phrasé du violoncelle atteint son point culminant dans l’adagio. Richesse mélodique, beauté de la matière sonore, engagement spirituel de l’interprète, cette oeuvre représente en elle-même la quintessence du romantisme.
L’œuvre se situe chronologiquement entre la neuvième et dernière symphonie et ses Poèmes symphoniques. Il eut l’idée de la partition après avoir écouté le concerto pour violoncelle n° 2 de Victor Herbert, compositeur américain d’origine irlandaise, chef d’orchestre, violoncelliste et qui est connu essentiellement pour ses opérettes.
La création eut lieu le 19 mars 1896 à Londres accompagné par l’orchestre de la société philharmonique sous la direction du compositeur.
L’impérieuse entrée du violoncelle en mode majeur dans le premier mouvement ouvre de nouveaux horizons. Le développement nous invite à un étonnant voyage intérieur : le violoncelle se fait tour à tour fougueux, passionné, révolté. L’orchestre devient féerie quand le soliste entonne son second thème, un chant d’amour d’un lyrisme exacerbé.
Le second mouvement est introduit par le choral des bois. Lorsque le violoncelle apparaît, c’est pour nous chanter une mélodie aussi émouvante que celle du largo du Nouveau Monde.
Le troisième mouvement présente un finale très rythmé dans l’esprit des danses slaves. Une marche énergique, inquiétante, inéluctable, monte crescendo et s’empare de tout l’orchestre.
Le violoncelle apparaît au sommet et reprend ce thème étourdissant. Le dernier passage méditatif, avant la furia conclusive, a été ajouté quand Dvořák a appris la mort de sa belle-sœur et amour de jeunesse.
On y vit aussi un ultime hommage à son ami Tchaïkovski récemment disparu. Il ne faut cependant pas oublier que ce procédé d’introduire une méditation dans la coda est très prisé de Dvořák.
La perfection de l’œuvre n’a pas manqué de surprendre Johannes Brahms : « Pourquoi diable ne m’a-t-on pas dit que l’on pouvait écrire un concerto pour violoncelle comme celui-ci ? Si seulement je m’en étais douté, j’en aurais écrit un depuis longtemps. »
La musique de sa Bohême natale fait partie intégrante de son âme et de son génie. S’il a été sensible aux influences venues de l’ouest, voire du Nouveau monde lors de son long séjour à New York, son inspiration est toujours restée profondément ancrée dans les rythmes, les harmonies, les coloris parmi lesquels il s’est formé au milieu du 19è siècle et qui donnent à toute sa musique son poids de nostalgie et son irrésistible enthousiasme.
Belle traversée musicale que ce voyage dans le nouveau monde et aux confins de l’Europe centrale…
Hélène Mouty
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J’y étais c’était très beau, l’artiste très sympa, ne s’est pas fait prier pour le bis. bravo à Hélène pour sa conférence.