Un monde à part


anish-kappor.1241213901.jpgAu musée Würth à Erstein (67), en ouverture, l’œuvre d’Anish Kapoor (Sans Titre, 2004), sculpteur britannique d’origine indienne, entraîne le spectateur vers ce monde à part de l’art en le mettant face à son propre reflet dans un miroir : tour à tour agrandi, brouillé puis inversé, tête en bas, pour apparaître soudainement lorsque il est tout près, de manière assez grotesque. Inévitablement la fascination du miroir opère.
En contrepoint, la déstabilisation du spectateur et l’incitation à une nouvelle perception trouvent un écho avec

 
l’Autoportrait au chien (Besuch im Heimatmuseum III) de Georg Baselitz (déplacé depuis, pour cause de trop georg-baselitz-autoportrait-au-chien.1241214033.jpggrande luminosité). Le sujet inversé se tenant littéralement sur la tête, ses significations conventionnelles et l’identification de son contenu objectif n’opèrent plus. Il en résulte une ambiguïté entre figuration et abstraction.
Les toiles et sculptures environnantes se reflètent en inversion dans le miroir d’ Janish Kapoor : Iconoclasme d’Anselm Kiefer, la Longue Marche sur l’Aigle de Jörg Immendorff, le Grand Masque de Stephan Balkenhol
 
La réactualisation des traditions mythiques distingue tout particulièrement l’œuvre d’Anselm Kiefer dont les allusions spirituelles et historiques peuvent se lire comme l’expression de vérités, voire même d’archétypes dépassant l’individu (Iconoclasme, Les Érinyes). L’œuvre politiquement et socialement engagée de Jörg Immendorff s’appuie sur une iconographie explicite et détaillée ; sa peinture monumentale Longue marche sur l’Aigle renforce le lien entre histoire personnelle et nationale.
Le Grand Masque en bois de cèdre de Stephan Balkenholstephan-balkenhol-masque1.1241214334.jpg évoque, par sa forme totémique et sa monumentalité, les origines cultuelles et mythologiques de l’art. Pour ce dernier lorsqu’on est en face de lui, en face c’est un peu prétentieux vu sa grande taille (294x150x95), il a les yeux ouverts. Si on le contemple du premier stephan-balkenhol-masque.1241214407.jpgétage, il a les yeux clos, le visage empreint de sérénité.
 
 
Anselm Kiefer nous révèle l’importance et l’actualité que revètent les évènements mythologiques et historiques. Dans sa peinture Iconoclasme, il interprète comme une attaque contre la liberté d’expression de l’artiste, la querelle qui éclata à anselm-kiefer-les-iconoclastes.1241214107.jpgByzance aux VIIIe et IXe s. Initiée par l’empereur Léon III, celle-ci a conduit ses successeurs à détruire les images saintes et à poursuivre, ceux qui étaient qualifiés d’adorateurs d’images ou « d’iconodules » Sur ce tableau monumental que recouvre une impressionnante superposition de matières, des chars d’assaut encerclent la palette du peintre. Alors que les iconoclastes sont identifiés aux chars, les noms manuscrits des iconodules occupent la surface de la palette.
 
Les Erinyes déesses vengeresses de la mythologie grecque, nées de l’union involontaire de de Gaia et d’Ouranos, poursuivaient sans pitié leurs victimes, qu’elles condamnaient à la folie. Telles de mystérieuses apparitions, Alecto, Tisipone et anselm-kiefer-les-eniryeis.1241214165.jpgMégère investissent le tableau de Kiefer, en se détachant du fond dont la matière est indistincte, gris bleutée, contraste avec le relief blanc de leurs vêtements. En lieu et place de leur tête, un maillage de fil de fer, vient couronner leur corps. Les redoutables Erinyes étaient coiffées de serpents entrelacés, mais on ne peut s’empêcher d’y voir aussi l’allusion aux camps si permanente chez Anselm Kiefer
 
Plus que tout autre artiste Jörg Immendorff est resté fidèle à l’engagement de son maître Joseph Beuys, (que l’on aperçoit sur la toile donnant du feu à son voisin Marcel Duchamp) en faveur d’un art à motivation sociale et politique. Il interroge le rôle de l’artiste dans la société. Dans la longue marche de l’aigle, l’aigle impérial allemand occupe toute la surface de l’oeuvre. Il constitue le décor d’évènements jorg-immendorf-enheit.1241214258.jpgcomplexes, représentés à la manière d’une gravure en clair obscur. AR Penck est occupé à peindre et s’applique à forger le mot « Einheit » (unité) Le mythe de l’artiste et le passé de l’Allemagne sont sur cette toile indissolublement liés.
 
C’est un musée absolument fantastique, ainsi que tout l’ensemble de l’entreprise devant laquelle se trouve la sculpture de Jacobsen. Des visites guidées fournissent les clés de compréhension à la très riche collection d’art contemporain.
Visible jusqu’au 21 septembre
La prochaine exposition sera consacrée à François Morellet (les photos sont autorisées)

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

2 réflexions sur « Un monde à part »

Les commentaires sont fermés.