Ribera à Rome au Musée des Beaux Arts de Strasbourg

La reconstitution de l’œuvre de Jose de Ribera (Játiva (Espagne),
1591-Naples, 1652)
 est une histoire à rebondissements.
Véritable chamboulement des études caravagesques,
Apostolado Jose Ribera
l’article de Gianni Papi en 2002 rendait au jeune espagnol l’essentiel de l’œuvre de celui que, Roberto Longhi avait nommé le Maître du Jugement de Salomon, artiste actif à Rome entre 1615 et 1625 environ, crédité d’une vingtaine de peintures et que l’on pensait français, voire nordique.
Avant son installation à Naples où il eut beaucoup de succès, Jose de Ribera
« lo Spagnoletto » résida donc à Rome où son contemporain, le biographe italien
Giulio Mancini, le cite parmi les artistes de valeur qui se sont ralliés au style de
Caravage   tout en notifiant qu’il aurait eu une vie de bohème agitée.
« Arrivé à Rome, il se mit à travailler à la journée avec ceux qui ont une boutique et vendent des tableaux, il était de mœurs peu honorables, toujours des filles au nombre de trois, sans chemise, laides, un seul lit à même le sol, où tout le monde s’entassait pour dormir, un seul plat pour la salade, le bouillon et tout le reste, une seule cruche, pas de verre, ni de serviette et la nappe du dimanche servait de support à dessins pour toute la semaine »
Consideration de la pictura, Giulio Cesare Mancini 1620.
Ribera, Deux philosophes
À Rome, Ribera peignit vite : son oeuvre complète est d’environ trois cents tableaux, plus de soixante peintures connues en sept ans à Rome, le reste en trente-sept ans pour celle napolitaine.
Les oeuvres exposées Strasbourg sont de la main d’un tout jeune artiste
– dix-huit ans quand il peint son premier apostolado,
vingt-cinq ans quand il quitte Rome
Qu’est-ce qu’un Apostolado ?
Le Christ eut douze compagnons appelés apôtres.
Ces disciples eurent pour mission d’évangéliser les nations.
Ils sont caractérisés par un attribut et se nomment :
André, Barthélemy, Jacques le Majeur, Jacques le Mineur,
Jean l’Evangéliste, Jude Thaddée, Matthias (en remplacement de Judas),
Matthieu, Philippe, Pierre, Simon, Thomas.
Souvent Paul figure dans les représentations collectives des apôtres,
bien qu’il n’en fasse pas partie ; il remplace alors un apôtre
car le nombre douze est respecté afin de symboliser les douze tribus d’Israël.
Le mot « Apostolado » désigne un ensemble de douze
à quatorze tableaux, en chevalet, de figures isolées représentant
le collège apostolique, généralement assemblé autour du Christ
et dans certains cas de la Vierge.
L’orthographe espagnole du nom semble témoigner de
l’origine ibérique du thème ou, du moins,
de la grande faveur que connut son développement dans la péninsule.
Les premiers grands exemples connus en peinture de tels cycles
avec les effigies à mi-corps semblent avoir été réalisés par le Greco,
en Espagne à la fin du XVIe siècle.
Ribera St Pierre et St Paul Musée des BA de Strasbourg
Certaines peintures exposées à Strasbourg n’avaient jamais été exposées avec d’autres tableaux de l’artiste et permettront de fructueuses comparaisons avec des oeuvres sûres afin d’avancer sur leur attribution et / ou leur datation.
L’espace de la galerie Heitz au musée des Beaux Arts de Strasbourg
a été divisé en deux sections afin de bien marquer l’articulation de l’exposition et permettre aussi les comparaisons.
La partie principale montre sept tableaux de – ou attribués à – Ribera visant à donner une idée de son activité de jeunesse à Rome. L’ambiance souhaitée est celle d’un palais italien car ces oeuvres furent peintes pour décorer les galeries ou salles de palais romains, tel le grand Christ parmi les docteurs aujourd’hui à Langres.
Ribera Langres
Le visiteur pénètre ensuite dans la « sacristie » où sont accrochées –de manière inédite- toutes les peintures connues de son Apostolado aux cartels.
(cartel – cartouches)
Grâce à deux tableaux récemment apparus et aussitôt achetés par deux musées français (Rennes et le Louvre), il s’agit de la réunion quatre cent ans après leur création des six tableaux connus. Sept manquent encore à l’appel … L’ambiance évoquée est celle d’un espace sacré, chapelle ou sacristie d’une église.
Comme les textes muraux, la salle du fond est consacrée à des approfondissements et à la médiation.
Michel Laclotte, ancien directeur du Louvre, pionnier de la redécouverte
du Maître du Jugement de Salomon, dans une église de Bretagne, à Langres,
identifie un Christ instruisant les docteurs, et le rapproche du groupe du Maître du Jugement de Salomon, puis il identifie sur le marché de l’art un St Matthieu de ce même Apostolado, dans les années 60, en Bretagne,  puis à Nivillac dans l’Eglise St Pierre un Christ, appartenant à cette même série, et encore en visitant les réserves du musée de Montauban il reconnait encore un apôtre de l’Apostolado.
Ribera Christ bénissant
il s’agit d’une seule et même série, homogène dans son style mais à l’exécution tantôt appliquée (nombreux repentirs), tantôt rapide selon les tableaux.
Ce constat invite à formuler l’hypothèse selon laquelle ce type de travail,
sans doute à vocation dévotionnelle et de nature « alimentaire »
pour l’artiste, pouvait s’étaler sur une durée longue.
Le peintre en effet ne devait pas hésiter à s’interrompre
pour répondre à une commande plus prestigieuse.
Rappelé ensuite à l’ordre par son client initial,
il lui fallait mettre les bouchées doubles et augmenter la cadence
pour terminer la série mise en sommeil.
Ribera
Mancini entreprit de construire un mythe forgé sur celui de Caravage
et faisant de Ribera un artiste bohème, vivant dans le dénuement.
On sait pourtant qu’en 1612 le peintre se portait caution d’une dette pour le compte des filles d’un certain Juan de Ribera et qu’en 1614,  il s’acquitta d’une contribution substantielle pour la construction de la nouvelle église de l’académie de San Luca.
Le grand nombre de tableaux exécutés à Rome et leur présence dans les meilleures collections romaines constituent en outre les plus sûrs indices de sa prospérité.
Il n’est pas avéré qu’il rencontra le Caravage, il a rencontré son compatriote Velazquez qui se rendit à Rome.
Ribera toiles manquantes
Ribera fut considéré de son vivant comme le premier peintre de Naples, où il s’établit rapidement, et un des plus grands dans cet âge d’or de la peinture européenne que fut le XVIIe siècle, avec ses contemporains, Rembrandt, Rubens, Velázquez, Poussin et Vouet.
La redécouverte de l’oeuvre romaine (1606 ?-1616) du jeune Jusepe de Ribera est l’aspect sans doute le plus fascinant des études menées actuellement sur le caravagisme européen. Elle est récente et encore en cours. Le Saint Pierre et saint Paul de Strasbourg est un des piliers de cette reconstruction, qui s’effectue notamment par la réapparition d’oeuvres jusque-là inconnues.
Ribera, Jesus et la Samaritaine
Comme chez Caravage il vise à transcrire la stricte réalité sur la toile.
il fait poser ses modèles sous une lumière forte, venant de l’ouverture  qu’il fit percer dans le plafond de son atelier. Comme chez Caravage, la lumière joue un rôle primordial dans son art, dans son jeu plastique des lignes, des couleurs et des formes, elle est source de drame et de salut. Il ne cherche pas à embellir les traits et semble même prendre
plaisir à détailler les rides ou à rendre la matière, tout particulièrement les étoffes
et le papier. Il y a une brutalité dans la technique romaine, où Ribera semble
peindre de manière très rapide, mais toujours avec une grande vistuosité.
il faut souligner la gamme chromatique de l’artiste alliant de profonds
et sonores verts à des rouges, jaunes et bruns.
La lecture en détail, de la vie et de la mort des apôtres démontre
la cruauté des moeurs de l’époque qui n’a rien à envier à certains
comportements outranciers actuels.
Exposition-dossier, cette manifestation veut tout à la fois faire pénétrer le visiteur dans le laboratoire d’une histoire de l’art comme lui faire ressentir la force des premières peintures caravagesques.
jusqu’ au 31 mai 2015
France Culture  regarde une peinture de l’artiste espagnol Jose de Ribera.
Cette peinture réalisée vers 1611-1612 est une huile sur toile de 126×97 cm représentant Saint Barthelemy et conservée aujourd’hui à la Fondation Longhi à Florence (podcast)
exposé actuellement au musée Jacquemart André
Commissariat : Dominique Jacquot (conservateur en chef du musée des Beaux-Arts de
Strasbourg), Guillaume Kazerouni (responsable des collections d’art ancien du musée des Beaux-Arts de Rennes) et Guillaume Kientz (conservateur de la peinture espagnole au musée du Louvre).
Conférence le 20 mai par Guillaume Kienz,
conservateur au musée du Louvre où il est chargé
des peintures et sculptures espagnoles
au MAMCS, place Hans Arp
à 19 h, autour de l’exposition
entrée libre, tel 03 88 23 31 31
Informations pratiques
Musée des Beaux-Arts, Palais Rohan
2, place du Château, 67000 Strasbourg
Tél. 03 88 52 50 00
www.musees.strasbourg.eu
Horaires : de 10h à 18h. Fermé le mardi
Tarifs :
Exposition seule (Galerie Heitz): 4 € (réduit : 2 €).
Exposition et entrée au Musée des Beaux-Arts : 6,5 € (réduit : 3,5 €)
images courtoisie du musée des Beaux Arts de Strasbourg

Auteur/autrice : elisabeth

Pêle-mêle : l'art sous toutes ses formes, les voyages, mon occupation favorite : la bulle.

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