Antoine Watteau, la leçon de musique.

L’œuvre qui a donné son nom à l’exposition provient d’une gravure détenue à la Wallace Collection de Londres, qui ne peut être prêtée à cause de sa fragilité, elle n’est donc pas visible dans l’exposition, mais une eau forte au burin provevant de la BNF.

La leçon de musique (1719)
Jean-Antoine Watteau (France, 1684 – 1721)
Huile sur panneau
The Wallace Collection, London

Première exposition Antoine Watteau (1684-1721), grâce à la collaboration entre les palais des Beaux Arts de Lille et de Bruxelles (BOZAR),  direction Paul Dujardin, est un événement qui mêle exposition, concerts, rencontres et conférences.
Né au sein d’une famille modeste, le célèbre peintre du sensible, père des fêtes galantes, fut une étoile filante de la peinture française du XVIIIe siècle, puisqu’il mourut prématurément à l’âge de 37 ans. En dépit de sa courte vie et de sa production limitée, Watteau a marqué de sa grâce et de son génie l’art européen. Peu de choses nous sont parvenues sur ses années d’apprentissage dans sa ville natale de Valenciennes, mais nous connaissons avec certitude l’importance de son maître Claude Gillot (1673-1722). C’est à son contact que Watteau découvre la peinture italienne et la Commedia dell’Arte qui ont tant compté pour celui qui ne fera jamais le voyage d’Italie. L’artiste passe l’essentiel de sa carrière à Paris, à une époque marquée par la fin du règne du Roi-Soleil et la Régence, période durant laquelle la capitale française connaît un bouillonnement esthétique et un engouement commercial renouvelés pour l’art. C’est dans ce cadre que Watteau devient au cours des années 1720 le protégé de Pierre Crozat (1661-1740), l’un de ses grands mécènes. Ce dernier oeuvre à l’émergence d’un foyer musical où musiques italienne et française se partagent les éloges du temps. C’est aussi chez Crozat que Watteau se fait l’oeil : il y copie avec ferveur les dessins des maîtres flamands et vénitiens (Rubens, Van Dyck, Titien et Campagnola). Leur souci pour la couleur, le mouvement et la sensualité fascine Watteau qui, s’appuyant sur ces éléments, élabore un style nouveau, moins grandiloquent et moins formel, empreint d’une fausse légèreté et d’une grâce inouïe.
Antoine Watteau

Antoine Watteau était sans nul doute épris de musique, près d’un tiers de son œuvre montre des musiciens jouant ou s’apprêtant à le faire. Il a su saisir l’instant, le geste, le détail musical, il a su les faire exister et leur créer une histoire, depuis les premières toiles un peu maladroites, jusqu’aux dernières magistrales, la musique occupe une place de choix dans son univers. Pourtant rien n’est prouvé qu’il lisait la musique et qu’il jouait d’un instrument. Comment ce fils de couvreur, a t’il pu traduire avec autant de délicatesse, ses oeuvres virtuoses ?
L’exposition s’articule en 10 chapitres. En une succession des thématiques on rencontre une sélection de toiles, de dessins et gravures, d’instruments de musique d’époque, de partitions, dans une scénographie qui recrée l’ambiance des salons du mécène de Watteau, Pierre Crozat.
-François de Troy Portrait de Jean de Jullienne 1722

 
L’exposition s’ouvre sur un portrait peint par François de Troy, de Jean de Julienne, collectionneur et ami de Watteau, tenant un double porte-mine et un portrait de Watteau, décédé au moment de l’exécution de la toile (1722), c’est grâce à celui-ci que la peinture de Watteau sera connue par la gravure de son œuvre et la diffusion d’estampes. Puis un 2e portrait de Jean de Julienne, dessinant Watteau peint 30 ans plus tard, par Jean-Joseph Baléchou, puis une eau forte de François Boucher, d’après Antoine Watteau, un portrait de celui-ci. Trois portraits qui s’adressent à la postérité de Watteau. Portrait de Jean de Julienne.
 
 L’Amoureux Timide.
Watteau L’amoureux timide

 C’est le printemps , bruissement de la nature, le battement des cœurs, le jeune homme, amoureux transi, regarde ses mains et le bouquet qu’elles chiffonnent , joue une partition muette, la belle suit son émoi d’un regard attentif. Baudelaire, Verlaine, Nerval plus tard ont fait référence à Watteau et aux fêtes galantes. Le titre des œuvres est souvent attribué à titre posthume.
 L’Indiscret

Antoine Watteau L’indiscret

 
  Un jeune berger, aux traits comiques, tenant un flutte traversière, contemple les attraits d’une bergère peu farouche, à l’image d’une gravure de Rembrandt « l’Espiègle » où l’érotisme est encore plus apparent.
 La partie Carrée,

Antoine Watteau la Partie Carrée

Dans ce décor de comédie italienne, la scène et la réalité s’entremêle, 4 comédiens portent des costumes italiens francisés, dans un enclos, Pierre nous offre sa silhouette de dos, sa guitare, le murmure des conversations, la moquerie, la rivalité ? Cupidon à droite de la toile n’est pas étranger à la scène.
Les Deux cousines
Antoine Watteau les deux Cousines


Petit, format intimiste, sujet pictural, trois promeneur font halte, des silhouettes évanescentes, le personnage féminin principal nous offre sa nuque délicate, drapé dans une robe somptueuse, dissimule t’elle le trouble qui l’envahit ? . Observe t’elle le couple assis ? la jeune femme au décolleté généreux, va accepter la rose de vénus, que son admirateur tient dans sa cape rouge
L’Enchanteur et l’Aventurière
 se côtoient Ces pendants rassemblent 8 personnages divisés en 2 groupes de 4, issus de la commedia dell’arte ils se répondent d’une scène à l’autre. L’Enchanteur un homme debout, un guitariste, l’Aventurière,
une femme, une coquette, chacun tenant l’avant de la scène, chacun tentant de prendre à témoins un spectateur. Tapi dans l’ombre un personnage lunaire observe la scène. Un moment suspendu avant l’action ?
 Le joueur de basson
Watteau le joueur de basson

Un dessin montre un musicien jouant du basson, chapeau, fraise, manchettes, le modèle du basson, est contemporain de Watteau en raison de sa morphologie et du nombre de ses clefs, dessiné à la pierre noire grasse et d’une sanguine brune, ce sont les les hachures du fond et les rehauts de lavis de sanguine qui tapissent l’arrière-plan de la feuille, et projette le musicien à l’avant par contraste. Watteau y détaille la technique du jeu du basson, le travail des lèvres, doigté, la position du corps, l’aplomb des membres inférieurs, la position des pieds, le haut du veston, la précision des mains, l’effort fournit par le visage, les yeux écarquillés montrent l’effort à fournit pour le son du basson.

Un gravure de François Boucher montre un savoyard qui tient une marmotte dans une boite, tient un hautbois, désignant un colporteur, comme dans les toiles de Watteau, œuvre à laquelle il faut prêter un sens grivois, dans la littérature libertine du 18 e s. Une œuvre semblable de Watteau – la Marmotte – est conservée au musée de l’Ermitage (vers 1715)
 
 
Musicien Chinois d’après Watteau

 
Viosseu ou Musicien Chinois. D’après Antoine Watteau Œuvre de jeunesse , le musicien chinois assis à terre, vêtu d’une longue robe et d’un grand chapeau de paille, tourne la manivelle d’une vielle à roue de sa main droite, de sa main gauche il actionne les taquets du clavier, pour obtenir la mélodie, devant un jeune femme attentive.
Portrait d’Antoine de La Roque

Portrait d’Antoine de la Roque
Portrait allégorique, indiqué par le quatrain sous la gravure. Il désigne sa jambe fracturée. Une armure, une partition, , une lyre, une flutte traversière évoquent son passé de militaire, devenu protecteur des arts. Dans le fond un personnage masculin nu accompagne les 3 muses, désigne de la Roque. Il semble que les 4 personnages du fonds ne sont pas de la facture de Watteau, mais de Nicolas Lancret. Antoine de la Roque est le premier à parler dans le Mercure des œuvres de Watteau.
Le Salon Crozat

 
Des toiles de Nicolas de Lancret conçues comme des pendants des années 1720, montrent le salon ovale de l’hôtel parisien de Pierre de Crozat, où étaient donnés les concerts, réservés à un public d’amateurs choisis, avec des formations musicales restreintes. Il privilégiait la musique italienne, témoignages des pratiques sous la Régence.
William Christie (c) Denis Rouvre

 
Le chef d’orchestre, claveciniste, William Christie, fondateurs des Arts Florissants, pionnier de la redécouverte de la musique de la musique française du 18e s, chef en résidence au Palais des Beaux Arts de Bruxelles est le commissaire général de cette exposition. L’inventeur des Fêtes Galantes est en écho avec le célèbre chef, grâce au travail de Florence Raymond, commissaire scientifique de l’exposition. Des alcôves musicales ponctuent le parcours, avec des extraits du concert prestigieux donné le 28 janvier dernier consacré à la vision musicale du peintre, en compagnie des solistes des Arts Florissants, autour de compositeurs, tels que Couperin, Charpentier, quintessence de l’esprit français. Et pour coller au plus près de l’expérience esthétique, le spectateur est immergé dans la musique de l’époque grâce à des points d’écoute mises à la disposition du public tout au long du parcours de l’exposition. Au moyen d’un casque audio, le visiteur est invité à découvrir une sélection de morceaux de musique en connexion avec l’oeuvre de Watteau.
Une salle est réservée aux concerts gratuits interprétés par les étudiants de plusieurs conservatoires supérieurs de Belgique et de France, durant les nocturnes du jeudi soir.
L’artiste contemporain belge, Dirk Braeckman, interviendra dans l’expo avec de nouvelles créations photographiques, inspirées d’oeuvres de Watteau. Celles-ci seront présentées en regard d’autres toiles du maître dans l’espace de l’exposition. Cette intervention du grand photographe belge à la réputation internationale permet de mettre en lien l’oeuvre de Watteau et l’art contemporain.

 BOZAR produit avec harmonia mundi un livre-disque intitulé
« La musique de Watteau ». La compilation, qui paraîtra en France et au Benelux le 7 février, comprend deux CD et un livret original en trois langues (français-néerlandais-anglais). Le disque 1 est une galerie sonore. Chacun des titres sélectionnés est mis en relation avec un tableau ou un dessin de Watteau. Un texte circonstancié établit le lien dans le livret. Le disque 2 évoque la programmation musicale du salon de Pierre Crozat, chez qui Watteau eut la possibilité de dessiner instruments et musiciens.

BOZAR INFO & TICKETS www.bozar.be – 0032 2 507 83 89 – info@bozar.be

 Jusqu’au 23 mai 2013
images courtoisie du Palais des Beaux Arts de Bruxelles – BOZAR